Paris n’est pas si magique

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Virage m’a invité au match Paris-Bordeaux le 1er octobre. Je ne connais pas grand chose au football à part les déboires judiciaires d’une poignée de joueurs mais je soutiens désormais les Girondins. Paris, on t’encule !

Globalement, le football, je m’en cogne. Par contre, quand ça joue, que ça gagne, qu’il y a de la sueur, de belles actions qui déglinguent le gardien adverse, des supporters et un public heureux, je trouve ça splendide.

Je me souviendrai toute ma vie de mon grand père presque centenaire, hébété devant la victoire des Bleus, en 1998, me trainant dans le café du village : il y avait là une armée de 40 vieillards – ses amis d’enfance – qui descendaient des demis plus vite que moi en chantant à tue-tête. J’étais transporté; nous ne faisions qu’un, même si j’avais 70 ans de moins qu’eux. Des gamins de 15 ans leur tapaient dans le dos en rigolant, ils partageaient un bonheur indicible. Je constate que seul le football est capable de déclencher ce genre de liesse populaire, de bonheur absolu. Brusquement, j’ai trouvé ça génial.

C’est à ça que je pensais en descendant dans le métro pour rejoindre Virage, ce 1er octobre. 25 stations plus loin, porté par un flot hallucinant de supporters, c’est ce que j’ai retrouvé : des fous absolus dissertant avec un authentique enthousiasme des mérites comparés de Matuidi et Verratti, s’inquiétant du retour des ultras dans le virage ou s’enthousiasmant du même sujet. Et, ce jour-là, il y avait aussi une vraie histoire : le retour de Jérémy Ménez, le meilleur ennemi du PSG, sous le drapeau bordelais. Le soleil descendait doucement derrière les angles bétonnés du Parc des Princes lorsque je suis entré; c’était parfait.

Je dois préciser ici que je suis natif de Bergerac et que les Girondins me sont finalement plus chers que n’importe quelle équipe – à l’exception du RC Lens mais, encore une fois, c’est à cause de leurs supporters et de l’enthousiasme qu’ils déploient. De fait, me retrouver en tribune avec les authentiques supporters parisiens qui m’ont invité n’était pas la meilleure façon de me faire pénétrer dans un stade.

Ils se détestent mais parlent
pourtant de la même chose

Du haut du 32e rang de la tribune F, je regardais mes supporters girondins s’enthousiasmer dans leur pré carré à quelques mètres de moi et j’aurais aimé être avec eux. Je pensais à mes amis bordelais et je leur envoyais des SMS. Certains me traitaient de traitre, d’autres me répondaient : « On va les jongler ces petites putes, t’inquiète ». Brusquement, j’ai détesté le PSG et j’ai hurlé de bonheur devant toutes les tentatives bordelaises. Autour de moi personne ne hurlait dans ces moments-là et tous ont compris que j’étais le sale canard girondin égaré dans une tribune parisienne. J’ai dit à mon voisin : « Ici c’est Bordeaux ! », mais ça ne l’a pas fait rire du tout.

Mais il y avait autre chose que le match : il y avait les virages, Auteuil et Boulogne. Ces mondes étranges, ces deux opposés qui se détestent mais se répondent, chantent en chœur des paroles que je connais désormais par cœur. C’est ce qui m’a le plus marqué pendant ce match : ils se détestent mais parlent pourtant de la même chose. Il étaient au moins 800, peut être 1.500 et ils étaient beaux. J’ai pensé à mon grand-père qui saluait Chirac et Zidane en scalpant sa bière dans son bar de village en 1998. Il était fou, et je l’étais désormais aussi.

« On » – Bordeaux, Bergerac, les Bordelais et moi – a donc perdu. Mais j’emmerde le PSG. Si j’étais un expert, je serais tenté de dire que Jérémy Ménez n’a tout de même pas branlé grand chose pendant le match, mais je ne suis pas un expert – j’ai juste constaté qu’il n’a pas touché une balle. Mais, paradoxalement, je le salue et je suis ravi qu’il soit devenu l’ennemi du PSG.

En sortant du stade, un des mes bordelais qui suivait le match à la télé m’a envoyé un SMS : « On les a gentiment laissés gagner; on attend le match retour ». En remontant l’avenue qui mène au métro, j’ai relu ce message et j’ai haï le PSG; j’ai compris ce que c’était que de soutenir un club. J’étais dégouté. Paris n’est pas si magique…

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