Alain Giresse

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Il est l’une des légendes du football français. Il a entrainé le Paris Saint-Germain durant 11 matches (1998). Son histoire avec Paris fut intense, mais aussi très brutale. Toujours avec une grande simplicité, Alain Giresse se souvient et raconte.

Tout a commencé par un appel de Charles Biétry au printemps 1998, Charles Biétry qui allait succéder à Michel Denisot comme président délégué me dit : « Alain, je souhaiterais que tu viennes travailler à Paris avec moi sur la partie sportive ».

Alain à Paris

J’entraînais Toulouse depuis 2 ans. Aimé Jacquet avait annoncé, quelques mois avant la Coupe du monde 1998 qu’il arrêterait après le Mondial. Il y avait cette possibilité pour moi d’entraîner les Bleus. J’ai estimé que c’était encore un peu tôt, qu’il fallait que je gagne en expérience, dans un grand club. C’était l’ordre des choses.

J’ai accepté le challenge que me proposait Paris. L’officialisation de mon contrat (3 ans) a eu lieu le 1er juillet. Le recrutement était bien avancé, des joueurs avaient déjà donné leur accord. Pour Jay-Jay Okocha, Charles Biétry me consulte, il me dit qu’il pense à lui « il peut venir ? », je lui dis « oui, évidemment ! » C’était très intéressant qu’il vienne.

Il y a eu énormément de départs (Raí, Fournier, Roche, Guérin, Denisot….), beaucoup d’arrivées (Wörns, Goma, Ouédec, L.Leroy, Laspalles, Lachuer…), des situations contractuelles qui n’étaient pas réglées. Notre préparation n’a pas été un long fleuve tranquille ! (sourires)

Marco Simone vs Charles Biétry

Par exemple le cas de Marco Simone. Au camp des Loges, nous avons fait des entraînements avec les supporters autour de nous, manifestant leur mécontentement, au sujet du « bras de fer » entre Marco Simone et les dirigeants*. Sur le terrain, je n’ai jamais eu de problème avec Marco, c’était mon capitaine. C’est là que j’ai pris la mesure du contexte au PSG.

Deux futurs entraineurs

Avant de venir, Charles Biétry me dit : « On va faire un club familial, convivial… ». J’ai vite compris que le PSG ne peut pas fonctionner ainsi. C’est impossible du fait de sa surexposition permanente.

Ce n’est qu’après qu’on sait

La sagesse en crampons adidas

Je suis arrivé avec beaucoup d’espoirs, d’envie. La réussite n’a pas été là. Avec le recul, je me dis que certaines choses auraient pu m’alerter. Par exemple, quand je suis arrivé, j’ai rencontré Pierre Lescure (Président Directeur Général du PSG 1994-2002, ndlr), et c’est tout. Personne d’autre.

J’aurais aimé échanger avec les « historiques » Bernard Brochand, Alain Cayzac, Charles Talar… J’aurais été heureux d’en apprendre plus sur le fonctionnement, qu’on se salue par courtoisie. C’est vrai de mon côté, j’aurais aussi pu demander à les rencontrer, venir me présenter. On ne peut pas revenir en arrière. Mais cela m’a servi pour la suite.

La passation de pouvoir entre Michel Denisot et Charles Biétry ne s’est pas passée, je dirais, de façon apaisée. Ce n’était pas un climat tranquille. La saison approche, on gagne le trophée des Champions (PSG 1-0 Lens), et pus débute le championnat.

1er match à Bordeaux**. Cette fois, j’étais assis sur le banc d’en face. C’était une situation particulière mais ce n’était pas le sujet. Je devais garder ça pour moi. On s’incline 3-1. On n’était pas au point au contraire de Bordeaux, qui allait faire une saison remarquable, et devenir champion.

Okocha m’a sauté sur les épaules

Le but d’Okocha, je m’en souviens. C’est un très beau but. Il venait de rentrer, avec un super état d’esprit. C’est un joueur que j’apprécie beaucoup. Je l’ai revu il y a peu à Rabat. C’était lors d’un séminaire de la CAF. Je marchais, il m’a vu et il m’a sauté sur les épaules (sourires). Cela fait très plaisir. Je recroise aussi d’autres joueurs dont Marco Simone, toujours avec beaucoup de plaisir.

(Silence) Vous savez au fond, de me dire que, quelque part, si j’ai été un entraîneur apprécié par mes joueurs, c’est peut-être le plus important pour moi.

Evidemment, mon passage n’est pas le meilleur qu’ait connu le PSG… J’en prends ma part de responsabilité. Mais en ce qui concerne l’entraîneur que je suis, avoir bien travaillé avec les joueurs, avec ma part de conscience professionnelle, sentir ce respect, c’est une bonne chose.

« Coach, je n’ai pas fait exprès »

Je suis arrivé à Paris en juillet. J’ai été viré en octobre. Après une semaine catastrophique. L’élimination en Coupe d’Europe au Maccabi Haïfa (1-1, 3-2), puis la défaite au Parc face à Lens. En Coupe des Coupes, on devait assurer notre qualification à l’aller. On a cruellement manqué de réalisme. Au retour, il y a ce but à la 90è minute qui nous élimine.

Face à Lens, il y a Marco Simone qui glisse au moment de tirer le penalty. Vous savez, ce n’est pas être mystique que de dire ça, mais parfois dans un groupe quand les choses s’embrayent mal, vous n’avez rien pour vous. A l’inverse, il y a des équipes, à des moments, où tout se transforme en positif. Un peu comme les Bleus en Russie. Mais pour que les choses basculent du bon côté, il y a des conditions à remplir. A Paris, nous n’avions assez d’harmonie. Nous n’avions pas le courant porteur pour cela. Rien ne nous souriait.

Capitaine Marco

Après Lens, je savais que mes jours étaient comptés. Marco est venu me voir dans le vestiaire, pour s’excuser : « Coach, je suis désolé… Je n’ai pas fait exprès ». Je lui ai dit : « Il n’y a pas de problème Marco, je sais trop ce qu’est le foot… » Mais je savais que j’avais signé mon arrêt de mort. Le football est impitoyable pour ces choses-là.

Une fin crue, brutale

La semaine suivante, c’était une fin d’après midi d’octobre. L’entraînement venait de se terminer, il était 5-6 H, il faisait déjà nuit. Là, le président, Charles Biétry, vient me voir et me dit : « C’est fini, c’est terminé, tu arrêtes ». Quelque chose comme ça. Il pleuvait, il faisait nuit, tout cela fait que je garde une certaine amertume de cette annonce. La décision est ce qu’elle est, je me dois de la respecter, mais, y mettre un minimum de formes, cela ne coûte rien.

Dans le vestiaire, les joueurs sont venus un par un me voir, me dire qu’ils étaient désolés. Pas tous, mais la plupart sont venus. Le lendemain matin, je vidais mes affaires et j’étais parti. C’est cru, brutal.

Le repos du guerrier

J’ai dû l’annoncer à mon staff : « On arrête ». Certains ont pleuré. Se faire virer, c’est le jeu. J’aurais aimé qu’on me présente la chose avec un peu plus d’élégance.

Si l’on prend les points pris par match : j’en ai plus que mon successeur (Artur Jorge) et le même nombre que Bergeroo. Cette année-là, le club a eu 3 entraîneurs, 2 présidents. Une année compliquée sportivement et tout un tas de choses qui n’allaient pas. Tout n’était pas net dans le fonctionnement du club. Philippe Bergeroo a eu du mérite de bien la finir la saison.

Après le PSG

J’avais signé 3 ans, je pars au bout de 3 mois. Je suis rentré à Toulouse, où j’avais mes enfants d’installés. Je n’ai jamais vraiment coupé du foot. En mars 1999, j’ai replongé au Toulouse FC. J’ai ensuite eu cette opportunité de partir à Rabat (Maroc), puis en Georgie comme sélectionneur, puis au Gabon, au Mali, au Sénégal… J’ai plongé là-dedans. C’est une expérience très riche et qui me plaît. J’étais heureux du parcours du Sénégal au dernier Mondial, avec une équipe que je connais bien.

Mali Gigi

Vis-à-vis de Charles Biétry, le temps a fait son œuvre. Nous nous sommes revus pour la Coupe du monde 2006. Son départ du PSG, deux mois après moi a, j’imagine, été violent pour lui aussi.

Le Parc, si spécial

J’ai joué plus de matches au Parc comme joueur que comme entraineur (sourires). Pour moi, ce sera toujours un lieu à part, celui de la finale de l’Euro 1984 (France 2-0 Espagne). C’était notre stade avec l’équipe de France. Chaque fois, on avait ce sentiment qu’au Parc, on était quasiment sûrs de gagner. C’était notre jardin. On se disait qu’on n’aurait pas de problème.

Ce 3ème but, avec du Didier Six en folie

Les gens me parlent plus de l’équipe de France que de mon passage au PSG (sourires). Ce dont on me parle le plus, c’est la ½ finale à Séville (1982). On sent que c’est un match qui a marqué les gens. Même en Afrique, chaque pays où j’ai exercé, on me parle toujours de Séville (sourires). Il y a eu tellement d’émotions fortes, de sentiments différents. Ce jour-là, je l’ai au fond de mes tripes jusqu’à la fin de mes jours.

*Ce fut l’un des feuilletons de l’été 1998 au PSG, autour de la prolongation de contrat de l’attaquant italien
**Alain Giresse a joué 16 saisons aux Girondins de Bordeaux (1970-1986). Il est le meilleur buteur dans l’histoire du club (159 buts)

Alain Giresse
Né le 2 août 1952 à Langorian (33)
Milieu de terrain, 1m62
International français (47 sélections, 6 buts)
Joueur : Bordeaux (1970-1986), Marseille (1986-1988)

Palmarès Joueur
Club : Vainqueur de la Coupe des Alpes (1980), Champion de France (1984, 1986), Champion d’Europe des Nations (1984), Vainqueur de la Coupe Intercontinentale des Nations (1985), Vainqueur de la Coupe de France (1986), 2ème au classement du Ballon d’Or (1982), Elu Meilleur Joueur Français de l’année 1982, 1983, 1987 (France Football), Meilleur buteur de l’histoire des Girondins de Bordeaux (159 buts), 587 matches en Ligue 1

Meilleur buteur de la Coupe UEFA (1983, 7 buts), 2ème au Ballon d’Or et Onze d’Argent (1982), Champion des Champions Français 1982 (L’Equipe)

Equipe de France : Champion d’Europe des Nations (1984), Vainqueur de la Coupe Intercontinentale des Nations (1985), Troisième de la Coupe du monde (1986)

Directeur Sportif : Bordeaux, Toulouse (nov. 1995-juin 1996)

Entraîneur : Toulouse FC (1996-1998), PSG (juil. – oct. 1998), Toulouse FC (1999-2000), FAR Rabat (2001-2003, Maroc), RD Congo (2003), Georgie (2004 – 2005), Gabon (2006-2010), Mali (2010-2012), Sénégal (2013-2015), Mali (2015-2017)
Vainqueur du Trophée des Champions (1998), Vainqueur de la Coupe du Maroc (2003), 3ème de la Coupe d’Afrique des Nations (Mali, 2012)

Source photos (c) Panoramic


Emilie Pilet

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