Amour sans humeur

par

Je me remettais à comprendre le football quand on m’a prouvé,
dans le infarctus-time, que je l’aimais. À nouveau.

Cavani m’a offert le souvenir dément de Jerem’ Clément contre Sainté, un jour d’avril 2008. J’ai à nouveau le goût de mon club dans la bouche et je pourrais en pleurer.
J’en aurais pleuré à l’époque déjà, mais comme beaucoup de riches, les millions d’aujourd’hui m’ont rendu impassible. Car oui je suis un emmerdeur, un vrai. Un peine-à-jouir qui voudrait vivre éternellement avec l’amour de sa vie la flamme des premiers instants, même après neuf, dix ou vingt ans. Je traite Paris par dessus la jambe depuis des mois, et Paris m’a puni en me privant de jouissance.

Ce soir Paris a changé. Paris m’a raconté un maillot et l’uruguayen m’a raconté la grinta à l’argentine tellement rare depuis que Javier est à l’infirmerie, Di Maria à l’asile d’aliénés, le coeur brisé avec les doigts ; et sur le thème du chagrin je préfère ne même pas aborder Pocho.
Paris m’honore à nouveau. Bien sûr, on s’ennuiera encore – gosses de riches que nous sommes tous. Mais je porterai jusqu’au printemps le souvenir rassurant d’un clasico joué entre hommes comme un vrai match de football plutôt que comme une partie de golf entre millionnaires sur un green exemplaire. Mention très spéciale au petit bâtard qui agite ses majeurs plus vite que Mbappé ses jambes tout en montrant à Neymar ce que Marseille n’avait, pour une fois, certainement pas à envier à Barcelone : un public, un vrai, un public d’enculés, bien sûr, mais des enculés pleins de panache.

Curieusement, un feu d’artifice crépite près de la tour Effeil, ce soir. il est minuit passé d’une minute et je me demanderais presque si Paris fêterait Paris. Si seulement j’étais romantique.
Je constate que l’amour de ma vie sait encore me surprendre. Combien de fois ai-je balancé des bouteilles de rage mal contenue à travers chez-moi ? Combien de fois ai-je haï la sécheresse des maillots parisiens ? Pour rester dans la sueur, Cavani m’a fait plus vibrer en une fois ce soir qu’en les cent quarante et quelques autres fois précédentes.
J’ai même guéri de Neymar grâce à Cavani, ô divine ironie des coups de pied arrêtés. Junior a non seulement goûté à sa propre méthode – les marseillais n’ont rien à lui envier de ses talents de comédien – mais a aussi montré qu’il avait la rage, la bonne. Il a choisi son match, comme tous les brésiliens du PSG qui attendent Marseille pour nous montrer qu’ils nous aiment, comme Vainsyl Armand avant lui – souvenir de Fiorèse, les pieds dans les genoux plutôt que les cheveux sur la joue mais tout de même. Neymar a su briller par l’esprit plutôt que par les pieds, il a montré qu’il commençait à comprendre le vrai football, celui qui répond aux tribunes plutôt qu’aux journalistes. N’en jetté-je plus, je perds mon français et ma haine grâce à l’OM. L’ennui fait place nette.

J’aime Paris comme j’aime un frère. Il arrive qu’on s’oublie, il arrive qu’on se fâche, il arrive même qu’on se trahisse mais lorsqu’on a fait bouillir toute la rancoeur, il ne reste que les souvenirs éternels, le bonheur de communier comme si rien ne s’était jamais passé. Je vais y aller franchement et dire même, que j’aime l’hargneux OM. Oui, ce soir – ce soir seulement, enculés – l’OM m’a fait comprendre que rien ne compte plus que l’amour déraisonné. Paris a rythmé ma vie, à mon gré ou à mon insu. Il a fait battre mon coeur tant de fois que je me devais de lui demander pardon, car j’ai péché d’orgueil. Et je crois, maintenant, je crois en Paris car Paris peut y croire.
Oui, Paris peut croire à redevenir un vrai club, bientôt. Un club qui compte, et pas seulement un club qui gagne.
Je ne suis qu’un gosse de riche trop sûr de comprendre l’amour, mais l’amour ne récompense que ceux qui s’entêtent.
Paris, pardon. Paris, je t’aime. Ce seul match nul vaut toutes les victoires contre tous les Barça.

Noé à nouveau naïf

PS : Un malheureux concours de circonstance m’a privé de la moindre compagnie, même hostile, pour assister au miracle intime de ce soir. N’importe quel parisien, n’importe quel amoureux de football même, a déjà vécu ce moment de solitude terrible, rendue seulement parfaite par son Paris.
J’étais seul avec ma ferveur, seul avec mon PSG. Seul à bouillir de joie dans mon increvable bulle bleue-blanche-rouge-blanche-bleue.

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