Big Sam

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Un touriste japonais de passage au Parc, à la carte bleue décomplexée, ou un abonné récent qui siffle Cavani ou Pastore sans vergogne, ne le connaissent pas. Son nom : Sammy Traoré. Un géant au sourire de bitume. Un défenseur à l’époque où le PSG flirtait avec le vide. Un mec de Créteil qui reçoit dans un PMU un samedi après-midi au soleil de glace et qui fume sa clope tranquille, en saluant tous les gens qui passent.


Sammy Traoré. Les anciens l’aiment encore aujourd’hui et l’ont aimé au coeur de la tempête. Ils ne l’oublieront jamais. Aujourd’hui, il entraîne l’équipe 3 de Créteil et bûche pour obtenir ses diplômes. Il n’évite aucune question, on devine un homme solide, fidèle, qui n’a pas besoin du regard des autres pour savoir qui il est. Il parle de football avec une fièvre très fédératrice. Le gamin qu’il était n’a pas été complètement écrasé. Il est là, encore, derrière une petite vanne explosive, un commentaire délicieux. Il parle de l’éviction récente de Tex, de cette époque qui, au nom de la liberté, rêve de prison pour tous, d’Evra, “il donne le bâton ce con ”, de lui et des autres et du PSG. Il avoue n’avoir pas gardé beaucoup de maillots échangés avec ses adversaires tout au long de sa carrière. “Le musée, il est dans ma tête ” précise-t-il, un petit sourire en coin parfait. Son pronostic pour la Saint-Valentin de 2018 ? “Ça va se jouer à peu. Faut juste pas se faire ouvrir là-bas. Moi, je vois 2-2 à Madrid et 2-1 au Parc…”. D’entrée, Sammy Traoré impose le tutoiement et on s’exécute.


Virage : C’est quoi ton plus beau souvenir au PSG ?
Sammy Traoré : Ce n’est pas forcément un souvenir footbalistique. Quand je suis arrivé au PSG, il y a des gens qui m’ont dit : “Tu as fait Nice, beau club, mais tu vas voir la dimension que ça va prendre ici. Les gens vont te reconnaître, la notoriété, tout ça…” Moi, je n’étais pas forcément préparé à ça. Et c’est vrai que quand tu arrives là-bas, tu le sens tout de suite : Que c’est un grand club, un club aimé par les gens, suivi par les gens. Ça, c’était vraiment impressionnant. Et si tu n’es pas costaud mentalement, tu exploses ! Regarde moi, je ne suis pas le meilleur défenseur au monde. Mais je n’ai pas explosé, j’étais là ! Tu peux crier, siffler, je m’en bats les couilles (rires). Mais si tu n’es pas fort mentalement… C’est ça, les grands clubs ! Regarde David Hellebuyck. Lui, il arrive au PSG, il est super fort. Il mettait des buts de partout. Il arrive ici, déjà, dans le vestiaire, ce n’était plus le même.

Sammy From The Block

Y’a une vraie pression à Paris. Je t’explique : Le premier jour, j’arrive dans le vestiaire du Camp des Loges. Je fais un peu le tour et je vois Pauleta, Dhorasoo, Rothen, Kalou, Mendy, M’Bami, les petits comme Chantôme qui montaient, hé, y’avait du monde ! Tu sens direct que c’est autre chose, un autre club… Et puis, de mettre le pied au Parc des Princes… Moi, j’y avais déjà joué contre le PSG. Mais quand tu joues pour… Et même si, à mon époque, c’était un peu plus difficile que maintenant, ça reste le meilleur stade de France, y’a rien à dire… Et quand t’as ce public-là derrière toi, voilà quoi… Aujourd’hui, l’ambiance, ça n’a plus rien à voir mais quand je jouais encore… Incomparable ! C’était incroyable ! Ces joueurs extraordinaires d’aujourd’hui, je suis désolé mais ils ne méritent pas un Parc comme ça. C’est désolant ! Les pauvres… Le Parc des Princes ne redeviendra jamais comme il était avant. C’est fini. Et ouais, c’est vraiment désolant…

Virage : Pour toi, c’était le meilleur stade de France ?
Sammy Traoré : Le Parc, c’est une sorte de cuve. Dès que ça commence à crier, tous ensemble, tu t’entends plus sur le terrain. Marseille, ils avaient ce problème avant, un stade vachement évasif. Maintenant qu’ils ont fermé, tu ressens plus cette atmosphère de match de football. Moi, j’ai connu le Parc comme ça… Aujourd’hui, ils te cassent la tête avec des fumigènes, des ceci, des cela mais ça fait partie du football, un match avec des fumigènes, un match qui commence en retard sur Canal à cause des fumis, parce que tu vois rien, moi, j’ai connu ça, des banderoles de partout…

Virage : On rappelle qu’à l’époque, Canal, la Ligue, tout le monde faisait sa promo avec des images de kops sous fumigènes…
Sammy Traoré : Ouais, c’est le football que moi j’ai connu et c’est ça qui m’a marqué d’entrée au PSG. Ce stade, avec cet engouement. Après, il y a eu des résultats, pas de résultats, il y a eu des moments durs, des moments de tristesse, ça fait partie du football, c’est comme la vie.

Surtout ne pas le regarder dans les yeux. Et tout ira bien.

Virage : Et s’il n’y avait qu’un seul match à retenir ? Il y a celui où on t’a tous aimé pour l’éternité, quand tu as traversé balle au pied tout le terrain…
Sammy Traoré : C’était Lille. Lille à domicile. On m’avait même surnommé Sammyradona (rires)… Il y a des moments comme ça. Y’a zéro-zéro. Si ça ne tenait qu’à moi, si le coach m’avait laissé, j’aurais pu amener un surnombre à chaque fois devant ! C’est ce que je reproche à un joueur comme Thiago Silva… Il a une capacité, une qualité technique, une vision de jeu. À un moment donné, tu peux amener ce petit surplus en te faisant plaisir. Donc, y’a zéro-zéro et je me suis dit: “Je suis parti dans l’action, on va continuer”. Je me retrouve à trente mètres, c’était mon pote Malicki (dans les cages lilloises), je dis: “Si je te décroche une frappe, on fait comment ?”. Au final, je suis assez loin. Imagine, tu frappes, t’es contré, contre-attaque et but. Tout ça d’éliminé pour rien ? Non !!! Donne la à Sessegnon, il va se débrouiller après… Il la perdra ou Rothen la perdra, ce con (rires). Il y a eu tellement de bons moments au PSG…

Virage : Tu avais été plus jeune, gamin, au Parc ?
Sammy Traoré : Tu sais, à mon époque, moi, je suis de 1976, le Parc, c’était difficile. On y allé, emmené par le centre social. Ils nous installaient loin de Boulogne (rires). Mais on s’est fait courser… Tu sais ce qu’ils faisaient, les mecs de Boulogne ? Ils sortaient dix minutes avant la fin du match pour attendre des mecs comme nous dans les coursives du métro… Donc nous, on était obligé de partir bien avant. Tout ça, ça ne donnait plus envie d’aller au Parc. C’était malheureux…

Un TIENS! vaut mieux que deux tu l’auras.

Virage : Mais ton club de coeur, petit, c’était Paris ?
Sammy Traoré : Ouais, ouais, j’aimais bien Paris parce qu’ayant grandi à Créteil, quand même ! Créteil était représentatif pour moi mais après, il y avait quand même le gros club de la région qui était le Paris Saint Germain. Après, moi, étant jeune, jouer contre Paris, c’était la guerre ! On était un peu jaloux, ils étaient tous bien habillés, tous beaux, y’avait celui qu’avait la coupe de Ginola, qui voulait ressembler à Ginola, jouer comme Ginola (il grogne avec une nostalgie délicieuse dans les yeux).

Virage : On sait que tu admirais Karl-Heinz Förster. Toi, tu as toujours joué défenseur ? Et quel joueur de Paris, quand tu allais au parc à la fin des années 80, t’impressionnait le plus ?
Sammy Traoré : J’ai toujours joué défenseur. Mais j’étais plus attiré par les attaquants parce que ce sont eux qui font le spectacle. À l’époque, t’avais Mozer à Marseille dont tu entendais parler parce qu’il était méchant, t’avais Boli, qui était un gorille. Après, à Paris, t’avais surtout des milieux de terrain qui étaient des chiens, comme Vincent Guérin, t’avais des attaquants qui étaient magnifiques à voir jouer. Des mecs comme Ginola, c’était la classe atomique ! Je parle même pas de Mister George ! Et de tous les Brésiliens qui sont venus. Même les défenseurs brésiliens du PSG, c’étaient des beaux joueurs. Ricardo, c’était la classe !

Virage : Quand tu quittes Nice pour le PSG, c’est un choix de ta part ? Tu veux vraiment aller à Paris ?
Sammy Traoré : Je t’explique comment ça se passe. Depuis le mercato hivernal, je sais que Paris a un oeil sur moi. C’est mon agent qui m’en a parlé. À Nice, je sors d’une grosse saison. On finit quatrième ou cinquième en championnat, on fait finaliste de la Coupe de la Ligue. Je mets six buts dans la saison. On fait partie des trois-quatre meilleures défenses du championnat. Et donc, Paris commence à se renseigner. Moi, je finis ma saison avec Nice. Tout se passe bien. Au départ, je donne ma priorité à Nice. Je suis encore sous contrat, il me reste un an. Je vais voir la direction : “Il me reste encore un an de contrat, moi, j’aimerais bien prolonger chez vous mais il y a un club qui s’intéresse à moi et qui a plus les moyens que nous, comment on fait ?”. Eux me disent : “Il te reste un an de contrat, on reste sur nos positions.” Moi : “C’est Paris qui est intéressé.” Eux : “Ouais mais si Paris est intéressé, ils auraient déjà dû prendre contact avec nous…”. Ils commencent à me prendre un peu de haut. Moi, je leur dis : “C’est simple, à partir du moment où Paris prend contact avec vous, c’est fini pour moi, je ne parle plus avec vous.”

L’aigle et l’aiglon

Paris les a appelés. Là, Nice a voulu commencer à négocier avec moi. Moi : “C’est fini ! Je vous avais prévenu. Vous étiez ma priorité, vous m’avez pris pour un con, je ne porterai plus jamais le maillot niçois. Je suis décidé, je pars à Paris !”. Nice a voulu gagner de l’argent sur mon dos alors que j’étais arrivé là-bas gratuit, je n’avais rien coûté, j’étais là depuis quatre ans, je n’avais jamais eu d’histoire, j’ai toujours honoré le maillot. Antonetti ne voulait pas me croire. Je ne suis pas venu à la reprise. Fred m’appelait, me disait que même si je partais, je devais m’entraîner et vu que Fred, c’était un bon entraîneur, je suis revenu à l’entraînement quelques jours plus tard. Et puis j’ai signé dans les derniers jours du mercato avec Paris.

Virage : Tu aurais donc pu signer n’importe où, à Lyon, à Marseille, pas forcément qu’à Paris ?
Sammy Traoré : Moi, ma priorité, c’était Nice. J’étais là-bas depuis quatre ans, j’étais capitaine, vice capitaine, j’étais bien là-bas moi ! Après, tu pèses un peu le pour et le contre. J’avais trente ans, je savais que ce n’était pas avec Nice que j’allais gagner des titres… Paris, c’était une vraie opportunité. Et puis, tu rentres chez toi. À trente ans, tu signes trois ans et tu rentres chez toi ! Après, c’est à toi d’être bon !

Virage : C’était important pour toi cette perspective de rentrer chez toi ?
Sammy Traoré : Quand t’es Parisien et que tu vas au PSG, ce n’est que du bonheur de toute façon. Tu sors de ton match à 23 heures, tu peux aller manger dans n’importe quelle brasserie. À Auxerre, impossible, le MacDo ferme à 23h30, c’est mort, c’est fini (rires) ! Si le mec s’en fout du foot, il peut aller au théâtre avec sa femme, au cinéma, il y a tellement de choses à faire à Paris ! C’est merveilleux !

Virage : Et comment penses-tu avoir été perçu pendant tes années parisiennes ? Sous-estimé, sur-estimé ? Comment ?
Sammy Traoré : J’estime que je n’ai pas été traité à ma juste valeur dans la mesure où je suis tombé dans la période un peu délicate du PSG… Tu me ramènes Sammy Traoré maintenant avec Di Maria là-bas, Verratti ici, Thiago Silva. Mais je prends le ballon, je le donne là, je le donne là, ouais, c’est facile. Quand tu joues au PSG aujourd’hui, ton premier adversaire, il est à la médiane ! Moi, il n’y a aucun entraîneur qui m’a appris quelque chose au PSG. Aucun ! Tout ce que je savais, je l’avais appris avant de venir.

Un Papus-Sammy, au shaker, pas à la cuiller

Heureusement que je suis arrivé à trente ans avec une longue expérience en Ligue 1, Ligue 2 et National, heureusement que j’étais un chien parce que sinon… C’est pas avec Antoine (Kombouaré) qui siffle et qui gueule “au combat, au combat” que… Ça va cinq minutes ! Papus (Zoumana Camara), il me dit qu’aujourd’hui, ça n’a plus rien à voir au PSG, il y a du vrai coaching… Nous, on s’est entraîné toute notre vie comme des cons, à courir. Quand tu vois aujourd’hui ! Les GPS, tout ça, c’est comme avec l’ADN à la brigade criminelle (rires) !

Virage : Quand tu jouais à Paris, c’était effectivement une période délicate. Pour un supporter, c’était infernal. Chaque match nous plongeait dans un océan de doute et de rage…
Sammy Traoré : Ce que vous ne comprenez pas, vous, en tant que supporters, c’est que ce que vous, vous ressentez… Comment, toi, en tant que supporter, tu peux être plus dégoûté qu’un mec qui a été acteur ? C’est impossible ! Non, c’est impossible ! C’est sûr, les supporters amènent de l’engouement, ils payent pour voir un spectacle… Moi, j’ai joué à huis clos, au moins trois matchs dans ma carrière. C’est horrible ! Je préfère jouer un match avec des potes. Au moins, il y a des gens qui passent et qui crient “allez les gars !”, tu te sens aimé. À huis clos, il n’y a rien ! Donc oui, le football n’existerait pas sans cette masse populaire, sans les supporters. On en a besoin. Évidemment, quand ça se passe mal, tu ne peux pas avoir tout un stade acquis à ta cause. Mais ce que vous ne comprenez pas, vous, les supporters, c’est que tu ne peux pas être plus énervé, plus dégoûté que le joueur qui a joué et perdu, même s’il vient d’un championnat à l’étranger et qu’il n’est pas imprégné de cette culture parisienne. Nous, en tant que joueurs, on a ressenti cette frustration des supporters, bien sûr…

« C’est l’histoire d’un gars qui est passé trop près le jour où Sammy a tenté une aile de pigeon » se remémore Sylvain Armand

Virage : Tous les joueurs ?
Sammy Traoré : Je ne peux pas me mettre dans la tête de tous les joueurs… Dans un groupe d’individus, tu vas toujours en avoir huit qui vont être plus touchés que les autres, c’est tout à fait normal ! Après, tu as toujours des mecs qui vont relativiser le football. Intérioriser. Ils vont être touchés mais ils vont moins le montrer. Moi, je pense qu’à un moment, le PSG a fait une erreur en donnant trop de pouvoir aux supporters. Et donc, quand ça se passait moins bien, ils avaient la possibilité de venir contrarier l’institution du PSG. Ce n’est pas la meilleure des solutions. S’il y a des tensions entre vous, les supporters et nous, les joueurs, ça ne peut que créer d’autres tensions ! Des tensions entre joueurs, avec le coach, entre supporters… Je me suis pris un jour la tête avec un groupe de supporters d’Auteuil. Après un om-Paris où on s’était fait taper, ils viennent au Camp des Loges. Ceux qui ont joué font leur décrassage et ceux qui n’ont pas joué, on travaille. On travaille les volées, boum, bam, boum. Je marque deux fois sur volée. “Ouais, fallait faire ça hier soir !”. Moi : “Va te faire enculer, arrête de me casser les couilles et laisse moi travailler !”. Derrière, Antoine qui commence à s’en mêler. Tu vois ? Et après, tout le monde pleure…

Du sang, de la chique et du mollard.

Virage : On a quand même l’impression que Sammy Traoré, même à l’époque où c’était très difficile pour Paris, a plutôt été épargné par les critiques des supporters, non ?
Sammy Traoré : Pas spécialement épargné… Tu ne peux pas dire que Sammy Traoré quand il a joué au PSG a fait une erreur monumentale, a voulu dribbler et s’est fait prendre le ballon… Épargné peut-être parce que les supporters ont compris, ont vu que malgré les difficultés, j’ai quand même toujours mouillé le maillot. L’engagement, ouais. Je n’ai jamais triché.

Virage : Il y a aussi cette image de toi qui court avec une doudoune trop grande sur un but de Luyindula. Et aussi quand tu t’es embrouillé avec le banc lyonnais pendant un match de coupe.
Sammy Traoré : C’est marrant, j’allais te parler de ça. C’est un très bon moment ça aussi… Quant aux Lyonnais, c’est propre à leur mentalité ! Les joueurs lyonnais comme l’institution lyonnaise, c’est une frange bourgeoise de la France qui ne se prend pas pour de la merde. Je suis désolé mais c’est la vérité… Et Aulas est à l’image de son club… Quand tu vois Tolisso, très bon joueur, magnifique, joueur en devenir, mais il a toujours ce truc un peu hautain, tu vois ? Et qu’ont d’autres Lyonnais. Quand tout va bien pour eux, c’est normal et quand tout va mal, c’est le reste du monde qui est toujours contre eux. Non, à Paris, ce n’est pas pareil. Nous, on est détesté, on déteste aussi les gens, on se le raconte parce qu’on est le PSG, on est beau à voir, on est la capitale, c’est comme ça !

Virage : C’était une motivation de savoir que peu importe où vous alliez jouer, ce serait de la haine anti parisienne, systématiquement ?
Sammy Traoré : Mais qui remplit les stades de France ? Saint-Étienne, Marseille et Paris ! C’est tout !

Virage : Sammy Traoré a-t-il des regrets au PSG ?
Sammy Traoré : Il y a toujours un peu de regrets. Tu aimerais bien continuer mais tu arrives à 35 ans, fin de contrat… Sachant que l’année où tu pars, t’as pas joué un match. Antoine t’a fait la misère toute l’année. Je lui ai dit : “Hé, je suis pas un GO, tu m’emmènes à droite, à gauche, dans tous les stades de France, pour juste prendre des douches. Vas-y, laisse moi chez moi si c’est pour me faire ça.”

Les deux tours Mercuriales

Virage : À 35 ans, tu préférais quand même encore jouer que de prendre ton pognon, tranquille ?
Sammy Traoré : Mais quel pognon ? Je ne suis pas là pour prendre du pognon. Si je veux faire du pognon, je me casse dans un autre championnat ! Moi, je suis content de l’argent que j’ai pris. J’ai pu en faire profiter ma famille, mes amis. Mais ce n’est pas une question d’argent, je n’ai pas joué au football pour l‘argent ! J’étais en fin de contrat, j’avais 35 ans, Coupet, Makélélé, Giuly quittaient le PSG, je ne voulais pas jouer avec la réserve, j’ai un plan à l’étranger, au Qatar, qui a foiré, Créteil me cassait les couilles pour que je signe chez eux, je me suis grave embrouillé avec le président et j’ai décidé d’arrêter. Et de rester ici. Mes enfants étaient là, je pouvais les amener tous les jours à l’école, voilà ! Et puis, à Créteil, je suis chez moi. Je sors, je connais tout le monde, on se dit bonjour. J’allais pas repartir dans une autre aventure à 35 piges, je suis bien là.

Virage : On a l’impression que le Sammy Traoré qui est né et qui a grandi à Créteil n’a jamais été quelqu’un d’autre que lui-même et que c’est ça qui lui a permis de tenir ?
Sammy Traoré : Pour moi, le football, c’est toujours relatif. Déjà, je me lève le matin, je vais taper dans un ballon, essayer de progresser tactiquement, techniquement, hé, je ne vais pas me plaindre ! Mon père, il a fait quarante ans à la ville de Créteil, à se lever tous les jours à sept heures du matin pour aller balayer les rues. L’autre, son père, il bosse à l’usine, l’autre, son père, il est au chômage ! J’ai grandi avec des mecs comme ça toute ma vie ! Et j’ai joué au football comme ça toute ma vie ! En essayant d’aller au plus haut niveau possible. Mon but, quand j’étais petit, c’était de jouer sur un terrain en herbe et avec du public ! Parce que nous, on ne jouait que sur des stabilisés, y’avait pas encore de synthétiques, que des stabilisés. Je rentrais chez moi tout écorché.

Virage : Quel est le meilleur joueur avec qui tu as joué à Paris ?
Sammy Traoré : Il y en a tellement… Un gardien ? Landreau ? Ouais, lui, il a fait beaucoup d’erreurs. Pas normal. Tout le monde critique Apoula Edel. Alors qu’il a fait moins d’erreurs que Micka ! Apoula, il t’en a fait deux grosses. Mais Landreau ! Beaucoup plus ! Et en Coupe de la Ligue, et en coupe d’Europe ! On en rigolait encore avec Jérôme (Rothen) l’autre jour chez SFR… Micka, on l’a allumé pendant un mois après ! On ne l’a pas lâché avec ça ! On lui envoyait des ballons en disant : “Tiens, Micka !”. On rigolait ! Ouais, on l’appelait Gros Cul. C’était moi qui trouvait tous les surnoms. Tu sais comment je l’appelais ? Grand Nain ! Parce qu’il a une tête de nain avec un grand corps (rires). Mais je vais quand même répondre Micka comme gardien. Il a été bon quand même…

« Allo Sammy ? c’est Rooccoo ! » : le SAM (Service Après Match)

Après, en défenseur, moi, j’étais pas mal quand même (rires). Après, il y avait Mario (Yépès) mais ils l’ont trop gonflé, il mettait un tacle les cheveux dans le vent et c’était le meilleur défenseur du monde (rires). Tu lui envoyais un ballon, il attendait le 44ème rebond avant de réagir, c’était un malin Mario… Non, en défenseur, je vais dire Papus. Il a fait ses matchs, dans la longévité. Après, au milieu, je vais dire mon vieux, Maké. C’est la classe. Devant, je vais envoyer Nenê. Déjà, à l’entraînement, c’était beau à voir jouer, Nenê. Pauleta, c’était un malin, un vicelard, un vrai buteur mais je prends Nenê. Nenê, il ferme sa gueule six mois et il rejoue au PSG, c’est con. Comme entraîneur ? À Paris, aucun. Comme président ? Cayzac. Amoureux du club, il a fait ce qu’il a pu, avec les moyens du bord…

Virage : Maintenant, une question cruciale et pas du tout orientée. Que pense Sammy Traoré du meilleur joueur du monde, Javier Pastore (rires) ?
Sammy Traoré : Tu sais qu’à chaque fois que je vais au Camp des Loges, c’est toujours lui qui vient à moi pour me dire bonjour. C’est une classe atomique le mec ! Après, en tant que footballeur, qu’est ce que tu veux que je te dise ? C’est le genre de joueur qui voit quelque chose que même nous, on ne pensait pas imaginable…


Jérôme Reijasse

Remerciement à Grégory Protche pour sa participation à l’interview.

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