Gazon Magique

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Un vrai supporter de club ne peut que détester ces longues trêves internationales, où les Bleus dévorent tout. La Nation’s League, petite compétition en carton qu’on nous vend comme quelque chose de palpitant, matchs amicaux et donc inutiles, la dépression guette. Qu’elles sont interminables ces deux semaines de coupure.
Elles démontrent que la Ligue 1 reste la grande quête, la seule vérité.
Malgré la médiocrité affichée.

Dimanche soir, à la place de la grande affiche virile Canal (Amiens-om dans une semaine…), les équipes de Bolloré nous proposent donc d’assister, et c’est une première, au match PSG-ol, en D1 féminine… Après un tsunami de bandes-annonce toutes plus racoleuses les unes que les autres, après une panenka de Memphis sur Lloris, après une embrouille Neymar-Cavani le long de la ligne de touche, après une semaine hivernale dictée par le vide, me voilà dans mon canapé à attendre le coup de sifflet de Madame l’arbitre. J’annonce par texto à quelques amis que je vais m’imposer cet ersatz de football. Ils se moquent de moi ou affichent leur incompréhension. Je réponds: “Ma vie est officiellement derrière moi, je peux tout me permettre désormais”.

Une chose m’enchante d’entrée : Ces milliers d’ultras parisiens qui ont noirci les tribunes de ce stade dédié au rugby. Ces chants narquois et insistants, ces tifos drôlement agressifs (“Pas le temps pour les regrets, piétinez les !”), je replonge dans mon passé chéri écrasé par le libéralisme décomplexé et je me dis que cette soirée va peut-être ressembler à autre chose qu’à une succession de contrôles approximatifs, de balles en cloche et de commentaires paternalistes déguisés en encouragements égalitaires. Car oui, le football féminin, c’est avant tout une technique fébrile, une volonté de balancer loin devant et une propagande médiatique risible et suspecte.

Bien sûr, on nous vend les femmes comme des joueurs comme les autres depuis quelques années. Mais moi, j’ai regardé les deux dernières coupes du monde féminines quasi intégralement et je sais que c’est un mythe. Je n’aime chez les femmes de football que l’engagement musclé, la naïveté de combat et l’arrogance libérée. Mais sinon… Quelle pauvreté, quelle répétition, quel ennui… Mais parce que onze de ces vingt-deux demoiselles portent mes couleurs, je deviens très vite ce connard qui éructe, gueule, souffle, insulte et encourage devant sa télé.

Rapidement, je comprends qu’il existe au moins une vraie égalité : le PSG, qu’il soit burné ou à nichons, reste ce club haï par Stéphane Guy, qui commente ce moment d’Histoire, et l’arbitrage. Une japonaise lyonnaise manque d’exploser le tibia d’une défenseur (oui, on ne dit pas défenseuse mais bien défenseur parisienne, c’est la consultante canal qui le dit en direct et donc, je m’exécute) en tout début de match, un geste qui méritait un rouge mais l’arbitre préfère laisser jouer, comme si de rien n’était.

Guy en fait des tonnes, comme s’il avait quelque chose à se reprocher, il croit être à l’avant-garde du féminisme, il ne parvient qu’à incarner l’archétype du vieux phallo pensant qu’il suffit de payer le resto pour être lavé de tous ses péchés… Il nous vend la D1 comme si nous n’étions pas déjà abonnés. Il accumule les clichés lourdingues, multiplie les expressions sucrées, convoque même l’esprit de Marlène Schiappa, la grande adepte du sécateur rouillé, il est enfin à sa place, là, ce soir, à commenter un match qui n’en est pas vraiment un. Ce qui ne l’empêche pourtant pas de balancer cette phrase formidable : “C’est un vrai match ce soir, pas comme dimanche dernier”. Irrécupérable.

Paris ouvre le score sur une grossière erreur de la gardienne d’Aulas. On me la vend depuis des lustres comme une gardienne internationalement indiscutable et dès que je la vois jouer, elle se déchire. Allez comprendre… Lyon égalise pas longtemps après sur un coup franc idiot, d’une tête imparable, un coup franc provoqué par Ève Périsset que je trouve très jolie et qui sortira sur blessure en seconde période. Sur le banc parisien, Bernard Mendy. Adjoint d’Echouafni. Il est là, Bernard, avec un bonnet et une grosse doudoune. Cela me suffit à prolonger cette expérience télévisuelle plutôt fade. Pour ne pas dire plus.

Guy en fait des tonnes sur la technique incroyable des lyonnaises, on dirait un mec sur un marché de province, qui doit absolument écouler son stock d’huile d’olive avant la fermeture. Froid dans le dos. Xavier m’apprend qu’une pétition circule demandant son éviction de l’antenne. Je m’empresse de la signer. Guy qui aime dénoncer les dérives du football circus, un circus qui lui permet de vivre grassement, loin des tracas du quotidien. Le clown triste… À un moment, lassé par tant de faiblesses footbalistiques, je zappe sur l’équipe tv et je découvre que Hazard et sa bande sont en train de se faire torcher par les Suisses. La meilleure équipe du Mondial qui ne participera pas au final four de la Nation’s League. La boucle est bouclée.

De retour sur canal, j’entends les ultras, après un bel hommage pyrotechnique aux victimes des attentats, entonner un vibrant “Et les lyonnaises sont des salopes” qui déclenche un fou rire que je ne tente pas de contrôler. Cela ravive ces soirées d’antan au Parc, où les vannes descendues des tribunes suffisaient à mon bonheur, quand, sur la pelouse, le néant et le ridicule régnaient sans partage. Lyon pousse dans les dernières minutes. Se fait même voler un pénalty après un tirage de maillot dans la surface. L’arbitre était peut-être finalement moins partisane qu’incompétente… C’est fini. Match nul. Doux euphémisme.

Les tribunes se vident sans attendre. Canal diffuse, dans la foulée, tous les buts féminins hexagonaux du week-end. Des stades parfois sans tribunes, des pelouses infâmes, des clubs que je ne parviendrais pas à situer sur une carte. Et on nous dit que canal va diffuser la D1, que c’est une très bonne chose, presque une chance… À quel moment peut-on évoquer l’idée de racket ? Abonné historique, je paye plus de quarante euros chaque mois pour la pelote basque, pour le hockey et donc maintenant, pour le football féminin.

On en est là. J’en suis là. Nulle part. Loin, très loin de l’excellence, du frisson, de l’aventure. Sur J+1 (prononcer J+Une ce soir, féminisme de circonstance oblige !), une joueuse de Montpellier est invitée sur le plateau du bordelais narquois. Talons aiguilles, maquillage parfait, elle s’appelle Sakina Karchaoui et réveille ma libido sans prévenir. Misogyne ? Non, simplement hétérosexuel. Vais-je bientôt devoir m’en excuser ? Un petit tour sur Youporn et je pars me coucher. Plus que cinq jours avant la reprise de la Ligue 1 Conforama. Ol-saint-étienne vendredi soir. Vie de merde. Gazon magique.


Jérôme Reijasse

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