Igor Yanovski

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Rappelez-vous, Lecteurs, ces paroles « chantées » par une certaine Wallen : « Il y a ceux qui disent oui et ceux qui disent non. Moi, j’ai dit non, etc. » Quel courage !
Outre le fait de sortir de son oubli cette casserole engagée à textes pseudo-conscients, dont on ne peut décemment pas dire qu’elle chantait, ces paroles pointent étrangement vers le PSG 1999-2000.

Ah, une bien belle équipe !, emmenée par un entraineur charismatique, Philippe Bergeroo, et un président inoubliable, Laurent Perpère, devenu, après son passage chez nous, Senior Partner chez Brunswick. Oui, une bien belle équipe, et, dans un coin, taciturne, replié sur son côté gauche, un homme peu compréhensible avec deux pieds non-fonctionnels. Mais, qui est-ce ?

Lecteurs, avant de tuer le suspense, prenons de la hauteur. Considérons, s’il vous plaît, avec gravité, le destin tragique de l’individu post-occidental : disparaître dans une explosion nucléaire nord-coréenne, Big Mac en bouche, au moment de liker une vidéo de singe buvant du whisky. Finalement, pour une large majorité, il s’agirait d’une conclusion tolérable et même logique, à l’image de leurs existences de moutons bêlants. Mais pour une poignée, les maquisards, les punks, les refuzniks, c’est… niet !

Oui, il s’élance au ralenti, atteignant
tout de suite sa vitesse de pointe

Dans ce PSG 1999-2000, un homme, à sa manière et sans en avoir pleinement conscience, je vous l’accorde, s’est élevé contre la routine abrutissante du destin. Il faut dire que très vite plus personne n’a attendu de lui quoi que ce soit sur le plan footballistique. Et, cet homme courageux, pour manifester son refus, pour se rappeler au bon souvenir de tous, pour dire « je suis là », a lobé le gardien de Bastia, lors d’une soirée printanière.

Les coiffeurs étaient au chômage dans les 90's
Les coiffeurs étaient au chômage dans les 90’s

Ce footballeur, bien qu’il fût probablement un des pires latéraux gauche de l’histoire, au moins depuis l’époque de Gengis Khan, disputant cet honneur à Jean-Hugues Ateba et Siaka Tiene, a décidé un jour de marquer, de dire non. Ce faisant, il a hissé le PSG à la deuxième place du championnat. Cet homme venu du froid, dont on dira qu’il avait non pas les pieds carrés mais congelés, s’appelle Igor Yanovski.

Son but à l’extérieur lors de la 32e journée du Championnat le 30 avril 2000 contre Bastia (1-2) a sauvé le PSG. Son but nous mène vers la victoire face à une équipe qui cette année-là n’a perdu qu’un match à domicile, et qui n’en avait d’ailleurs perdu aucun depuis deux ans. Au finish, le PSG a eu deux points d’avance sur l’OL, qui, lui, avait perdu à Furiani.
Son acte de bravoure, alors ? Voici.

Sur une passe de Kaba Diawara (c’est dire comme elle commence bien cette action !), Yanovski s’élance, tonsure paille, fendant l’air corse au ralenti. Oui, il s’élance au ralenti, atteignant tout de suite sa vitesse de pointe. Un contrôle relatif d’abord qui augure le pire et ferait passer Mamadou Sakho pour un Brésilien. Puis, une foulée, deux foulées. On le penserait sur le point de s’écrouler, de laisser tomber, subitement conscient : il aurait pu être tellement autre chose que ça, seul, face à lui-même, en short, poursuivi par des Corses.

Igor "La Faucille"
Igor « La Faucille »

Lui revient son enfance en Ossétie du Nord lorsque, pour survivre, il confectionnait des pièges à hérisson et distillait sa propre vodka à base de vernis automobile. C’est fini, ça. Tout à sa tâche, à la russe, visage inexpressif, il navigue à vue dans le brouillard de son football, tâchant de se rappeler quoi faire lorsque l’on part au but. En effet, on ne peut pas dire que ça lui arrive souvent ni que ce soit sa spécialité.

Il court donc, alors qu’il est rattrapé par toute la défense bastiaise ; lapin handicapé galopant à toute patte, priant pour n’être pas pris dans les phares d’un camion conduit par un individu fortement alcoolisé, comme on en trouve sur les routes de Russie… Cours Igor, cours ! Alors, il déplace le plus vigoureusement possible les deux poteaux qui lui servent de jambes. Encore quelques foulées.

Il revoit Ivan Drago, l’idole de sa jeunesse, écrasant la tronche d’Apollo Creed

Le gardien bastiais s’avance, imprudemment dira-t-on, compte tenu de la suite des événements. Vite, une idée ! Quelque chose se passe en Igor : son esprit ouvre en même temps tous les tiroirs de sa mémoire. Il revoit Ivan Drago, l’idole de sa jeunesse, écrasant la tronche d’Apollo Creed à coup de poings et, en même temps, le petit cul sympa de sa camarade de classe en 4e, Natouchka Tartarovich, illustration parfaite de la grâce dansant le lac des Cygnes dans un tutu trop serré. Il comprend ! Brutalité et finesse… En un quart de milliseconde, il trouve la solution et là, Mesdames, Messieurs, c’est simple : Jogo Bonito… Football champagne… Igor pique le ballon !

Celui-là s’envole miraculeusement. Le temps se suspend. La main gantée du portier corse cherche l’opposition. Trop haute la balle. Seule une bombe agricole lancée depuis les tribunes pourrait dévier son destin. Mais non, le ballon franchit l’obstacle tel un orque à Aqualand passant dans un cerceau. Il est au bord de la rupture. Il amorce sa descente, étonné. Il voudrait applaudir. Il est là, il est le témoin…

Yanovski comprend alors qu’il a marqué. Sa course décrit un arc de cercle qui le dirige vers le banc de touche pour les salutations obligatoires. A ce moment-là, une chose incongrue et terrifiante se produit : un sourire apparait sur son visage. C’est un événement rare et finalement on ne s’en plaint pas, parce que ça fait flipper. On est entre Jack Nicholson en Joker, Freddy griffes de la nuit et Marine Le Pen… Une vraie salade russe. Des Corses s’évanouissent.

Pendant ce temps-là, on s’embrasse, on se tape dans la main, on est content d’avoir marqué, etc. Puis, le match reprend, la parenthèse s’achève : balle au centre. Igor Yanovski retourne sur le flanc gauche du terrain. Il a dit non, une seule et unique fois, puis terminera, quelques années plus tard, sa carrière en D2, à Châteauroux.

Une réflexion au sujet de « Igor Yanovski »

  1. Excellent hommage ! Presque sans clichés ;-). Mais pourquoi diable je regrette Igor ? Pourquoi j’aime davantage Pierrot Ducrocq que le bien plus talentueux Verrati ? Pourquoi Laurent Leroy m’a fait bien plus vibré que Lucas ? Pourquoi j’échangerais mille fois le PSG d’Igor contre l’actuel ?…Ah le cœur a ses raisons…

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