James de l’ADAJIS

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Le 22 septembre, les associations de supporters du PSG (l’ADAJIS et le C.U.P.) rencontraient la direction du club. Entretien avec James, porte parole de l’ADAJIS, pour évoquer ces discussions qui pourraient marquer le retour de la ferveur au Parc.

L'interview a été menée le 27 septembre, soit 2 jours avant la rencontre entre le président du PSG, Nasser Al-Khelaïfi, et le préfet de police de Paris, Michel Cadot, afin d’évoquer la possibilité d'un retour des ultras au Parc des Princes.

Virage : Peux-tu nous expliquer comment est né l’ADAJIS (Association de défense et d’assistance juridique des intérêts des supporters)  ?

James : Au départ ce sont des supporters du PSG qui ont l’idée de monter un forum « Liberté pour les abonnés » pour rassembler les gens qui n’étaient pas inscrits dans les associations de supporters. Ce qu’on appelait à l’époque les lambdas. Les mêmes qui peuplaient les virages et les quarts de virage et qui ont été exclus en 2010 suite au plan Leproux.

Virage : C’était un forum sur le web ?

James : Oui et personne ne se connaissait au départ. A l’image des virages, tu avais de tout dans ce forum. Quand le forum a été lancé, les fondateurs ont fait un mini casting avec ceux qui avaient fait les remarques les plus pertinentes sur le site dans le but de monter une association. On s’est donc retrouvé un soir d’aout 2010 aux abords du parc pour mieux se connaitre. Le but de cette future association était de faire des propositions au club car on savait que le plan Leproux était transitoire. Ca avait du sens. Très vite, l’association s’est montée en octobre 2010 et les adhésions ont commencé. On est arrivé à plus de 500 membres en peu de temps et on a monté un dossier avec nos propositions.

Virage : Le club a été réceptif à votre démarche ?

James : Oui et quand les qataris ont racheté le club, on a eu une entrevue avec Jean-Claude Blanc en 2011 mais les discussions se sont arrêtées brutalement. Aujourd’hui on sait que le blocage venait surtout d’Antoine Boutonnet, le directeur de la DNLH (Division Nationale de Lutte contre le Hooliganisme créée en 2009) et du directeur de la sécurité du PSG, Jean-Philippe d’Hallivillée. Mais aussi d’Hermann Ebongué, vice-président de SOS Racisme, qui avait positionné sa société Sportitude auprès du PSG et qui n’avait aucun intérêt à ce que les discussions avancent entre le club et nous. Bref, Jean Claude Blanc avait d’autres choses à gérer et on s’est retrouvé dans une impasse.

Virage : Comment ça se passe alors pour votre association ?

James : Mal car très vite on est devenu une cible avec des procédures, des interdictions administratives de stade, notamment pour notre président. Du coup il y a eu découragement et l’association a été dissoute. Mais on a gardé un petit noyau de gens motivés en créant un rassemblement informel, comme le faisaient alors les autres ultras en France, sans structure officielle pour éviter d’en prendre plein la gueule.

(c) ADAJIS
(c) ADAJIS

Virage : Mais sans structure officielle difficile d’avancer sérieusement ?

James : On a vite atteint certaines limites effectivement. Déjà, il était difficile de participer tous ensemble à des discussions et réflexions sans cadre précis. Par ailleurs, quand on montait des opérations de collectes ou qu’on percevait des dons pour financer nos actions, nous n’avions pas la possibilité d’avoir un compte bancaire… On a donc remonté une association mais surtout pour défendre nos droits. On a été rejoint par des avocats qui nous ont permis de nous professionnaliser, on a commencé à travailler très sérieusement sur notre communication avec les media pour changer notre image et faire passer clairement nos messages. Ca a changé la donne, on ne s’est plus laissé faire et L’ADAJIS est née fin 2013.

Virage : Mais vous défendez uniquement les supporters du PSG ?

James : Oui mais on n’accepte pas les dossiers qui concernent les violences, les discriminations, la consommation de drogue etc… Par ailleurs, lorsque l’ADAJIS s’est montée on a continué à avoir des réflexions sur des propositions au cas où un jour on aurait un interlocuteur pour en discuter.

Les transitions c’est ce qu’il y a de plus difficile à réaliser. Et à Paris peut être que cette transition ne s’est pas bien faite

Virage : Existe-t-il d’autres associations de ce genre en France ?

James : Oui. Pour commencer nous faisons partie de l’Association Nationale des Supporters. Au sein de cette association on retrouve Lutte Pour Un Football Populaire à Saint-Etienne, l’ADDSUNA à Nantes. Bref ça commence à exister ailleurs. Mais nous sommes précurseurs en la matière.

Virage : A quoi ressemblent les membres de l’association aujourd’hui ?

James : Les profils sont différents mais il y a beaucoup de lambdas. Plutôt trentenaires et quarantenaires en majorité mais on a aussi des jeunes qui ont commencé à supporter le club après le plan Leproux et qui n’ont jamais connu l’ambiance des virages d’avant 2010.

Virage : Tu as l’impression que le phénomène ultra veut encore dire quelque-chose aujourd’hui à Paris ?

James : Oui, ça existe toujours, mais ça n’a plus rien à voir avec les années 80/90 car ce n’est plus le même contexte. La culture ultra prend en compte les évolutions de la ville, de la société. Mais la passion dans son mode extrême existe encore, vraiment. Il y a même une forme de renouveau je trouve, avec une vraie nouvelle génération. Comme dans tout, les transitions c’est ce qu’il y a de plus difficile à réaliser. A Paris peut être que cette transition ne s’est pas bien faite.

Virage : D’où l’intérêt de repenser le rôle ultra mais en gardant la philosophie de base ?

James : Oui, car un groupe de supporters organisés en association est important surtout pour les plus jeunes qui n’ont parfois jamais été confrontés à une logique de groupe, avec ses règles, ses responsabilités, une répartition des tâches. Bref amener un cadre à ceux qui en ont le plus besoin. Et pour moi c’est ce qu’on a oublié dans le passé.

Virage : Qu’est ce qui motive les gens qui rejoignent l’ADAJIS de ton point de vue ?

James : La passion du PSG bien-sur mais le premier moteur c’est la volonté de retrouver une vraie ferveur au Parc.

(c) ADAJIS
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Virage : A titre personnel qu’est-ce qui t’a amené à mener ce combat ?

JamesAu début c’est la passion et puis c’est ma vie, ça rythmait ma vie. Par exemple, je ne prenais pas de vacances en août parce que c’était la reprise du championnat. J’ai des enfants mais même vis à vis d’eux je m’organisais pour assister aux matchs. Pareil pour le boulot, si le match était à 17h, mes boss savaient que j’y allais… C’était le rituel. Et puis surtout le plan Leproux nous a touchés directement car lorsque tu as des enfants, tu n’as plus le temps de chercher des places en aléatoire. Le stade pour nous c’était une deuxième famille. On se retrouvait avant le match, on discutait, on était ensemble. Ca a tout cassé et j’ai pris ça comme une injustice même si avec le recul je trouve ça moins injuste aujourd’hui. Mais pour moi il fallait faire quelque chose.

VirageEst-ce que finalement tout ce qui s’est passé depuis le plan Leproux n’était pas un mal nécessaire pour repartir sur de bonnes bases ?

JamesOui, c’est ce qu’on s’est dit mais pour avoir un début de discussion il faut être deux et le PSG n’était pas encore prêt à discuter. Il y a une volonté aujourd’hui de relancer le débat de la part du club, même si ils ne sont pas encore vraiment prêts de mon point de vue. Pour nous aussi ça a été utile car ça nous a permis de nous réunir.

Le club a clairement expliqué aux autorités que sa volonté était d’avancer
sérieusement sur ce dossier

Virage : Parlons maintenant du RDV que vous avez eu avec la direction du club et le C.U.P (Collectif Ultra Paris) le 22 septembre dernier dans les locaux du parc des Princes. Qui était présent ?

JamesCôté PSG, il y avait Jean-Claude Blanc et Frédéric Longuépée, le directeur général adjoint du club. De l’autre, il y avait Cyril Dubois, un de nos avocats, Romain Mabile, le président du C.U.P, Michael Tommasi, président de l’ADAJIS et vice président du C.U.P. et moi-même en tant que porte parole de l’ADAJIS.

Virage : Avez vous senti une réelle volonté du club d’avancer sur un retour des Ultra lors de cette réunion ?

James : C’était une prise de contact, mais c’était surtout pour bien affirmer la volonté du club de façon officielle. Jean-Claude Blanc nous expliqué que des démarches avaient été engagées par le club auprès de la préfecture et du ministère, qu’un dossier avait été laissé au ministère et que les choses suivaient leur cours. Il nous a expliqué que le contexte était difficile et qu’il se voyait mal avancer sans le concours des autorités, ce qui est une évidence pour nous. Mais en tous cas, le club a clairement expliqué aux autorités que sa volonté était d’avancer sérieusement sur ce dossier.

Virage : Il y avait un ordre du jour pour cette réunion ?

James : Il n’y en avait pas. La chose principale à retenir c’est qu’à présent on a un interlocuteur principal. C’est Jean-Claude Blanc et sur deux volets : sur la façon d’organiser le retour des supporters et sur le choix du référent.

Virage : Qu’est ce que ce référent ?

James : Il y a une loi qui est passée (NDLR) qui oblige les clubs à avoir un référent en interne chargé d’assurer des échanges avec les associations locales de supporters. C’est vraiment un sujet en soit, d’ailleurs la Ligue va à priori organiser des réunions avec les clubs en octobre à ce sujet. Chaque club aura sa façon de fonctionner pour définir qui sera son référent. Ça peut être une seule personne, ou une équipe complète. Ca dépend aussi de la taille du club. Mais la philosophie c’est que cette personne ne dépende pas du chef de la sécurité comme ça avait été le cas dans le passé à Paris. Ce sont deux personnes différentes au sein du club qui répondent toutes les deux à la direction sur les mêmes prérogatives. Mais j’ai du mal à croire que vu le passif et les moyens dont dispose le PSG, on ne soit pas précurseur dans ce domaine.

NDLR : Le Parlement a définitivement adopté en avril 2016, par un dernier vote des députés à l'unanimité, une proposition de loi (La Loi Larrivé) sur la lutte contre le hooliganisme dans le football et pour la création d'un « supportérisme à la française ». Le texte instaure dans chaque club professionnel un référent chargé d'assurer des échanges avec les associations locales de supporters, une exigence de longue date de l'UEFA. Au niveau national, le texte crée une instance du supportérisme.

Virage : D’autres sujets ont été abordés ?

James : On a parlé des problèmes actuels lors des déplacements, des annulations à la dernière minute… On leur a aussi expliqué qu’on organisait des déplacements en contre -parcage avec les autorités (à Caen et à Monaco cette année). Le meilleur exemple c’est Rennes l’année dernière où on a même signé un contrat écrit avec la préfecture. D’habitude on s’arrange « en off » mais, cette fois-ci, il y avait vraiment un contrat. On a insisté sur le fait qu’il était important pour le club de s’intéresser à ces déplacements et de les organiser avec les représentants des supporters. Par exemple, lors d’un déplacement tu peux avoir des tensions entre les supporters qui sont dans le parcage officiel et ceux qui sont en contre-parcage. Ca peut même se produire au Parc entre différentes franges de supporters. C’est là que notre rôle est important pour régler ces problèmes.

Virage : Mais tu n’es jamais à l’abris du fait que certains ne suivent pas les directives dans les virages.

James : Oui c’est sur, mais au moins tu as un cadre et un dialogue qui est renoué de façon claire.

Il faut arrêter les punition collectives. Si un supporter a fait une connerie, c’est sa responsabilité et pas
celle de ceux qui l’entourent

Virage : Quelle est alors la démarche à suivre pour vous aujourd’hui ?

James : Déjà ne pas aller trop vite. Faire un bilan précis de la situation actuelle au Parc et en déplacement. Comment se passent la billetterie et les placements en tribune. Comment s’organise la gestion de la sécurité dans les tribunes entre les supporters et les responsables de la sécurité… Il est important d’avoir une analyse sur l’ensemble des ces points avant de rentrer dans le vif de la discussion. Par exemple, sur les aléatoires au Parc, je ne suis pas sûr que le club ait vraiment analysé comment gérer les placements en tribune entre les gens déjà abonnés, les places mises à disposition des offres partenaires, des opérations de promotion ponctuelles… Car le retour des groupes de supporters nécessite qu’ils soient tous ensemble en tribune. Il faut aussi arrêter les punitions collectives. Si un supporter a fait une connerie, c’est sa responsabilité et pas celle de ceux qui l’entourent. Ça déresponsabilise totalement celui qui commet la faute puisque c’est l’ensemble de la tribune qui est punie. Là-dessus on a été bien d’accord. Bref on est en train de préparer un dossier complet destiné au futur référent.

(c) ADAJIS
(c) ADAJIS

Virage : Vous vous êtes fixés un timing ?

James : On a déjà envoyé un document au club en expliquant la philosophie d’une référent vue par les associations de supporters après avoir consulté le ministère, la Ligue et la FFF. On a d’ailleurs fait une demande d’agrément pour l’ADAJIS pour obliger le club à nous consulter sur le choix du référent. Mais ce n’est pas pour mettre des bâtons dans les roues du club, c’est surtout car on connait le sujet par coeur et qu’on veut être partie prenante du débat.

Virage : Tu sais si le club a déjà une idée de qui pourrait être ce référent ?

James : A ce jour non.

Virage : Parlons à présent plus de ton parcours personnel de supporter. Tes premiers souvenirs remontent à quand ?

James : Mon tout premier souvenir c’est PSG-ASSE en finale de coupe de France en 1982. Premier vrai truc vécu à la télé, c’est la finale contre Nantes en 1983 et premier match au Parc c’est contre Nantes en 1986. J’étais en présidentielle mais à l’époque il n’y avait pas vraiment de tribune, on se mettait où on voulait. C’était clairsemé mais Boulogne faisait déjà du bruit et je suis resté bloqué là dessus.

Virage : Ton plus beau match au Parc ?

James : Mon vrai grand souvenir c’est PSG-Galatasaray en 1996. En proportion tu devais avoir 10000 supporters turcs et 15000 parisiens. Mais ça a été une ambiance de dingue. On perd 4-2 à l’aller. Et les gens ne se souviennent plus aujourd’hui mais les coupes d’Europe, et la Coupe des Coupes c’était super difficile. Quand tu te tapais Parme ou La Corogne, tu te tapais du lourd. Même le Celtic ! Aujourd’hui tu tires le Celtic c’est un match de CFA ! Et on a gagné 4-0 au Parc ! C’était un truc de fou. En plus à l’extérieur du Parc c’était un peu la guerre totale avec les turcs. Quand tu arrivais au Parc, tu avais l’impression d’être encerclé mais à l’engagement ça chantait tellement que les turcs se sont tus ! Enorme.

Virage : Et le joueur qui t’a marqué le plus ?

James : C’est pas pour faire l’ancien combattant mais Sušić c’était un truc de fou. J’étais tellement fan de lui que j’ai été content qu’il marque lors de France-Yougoslavie (19 juin 1984 lors de l’Euro). Il faisait des trucs à l’époque sur des petits périmètres, il se retournait, faisait des crochets, des passes, marquait des coup francs, des buts alors qu’il était milieu… Si tu associes toutes ces spécificités, alors tu peux le comparer aux meilleurs d’aujourd’hui et ils ne sont pas beaucoup. Et ce mec était au PSG. Et la longévité, 9 ans au club !

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