Jimmy Algerino

par

Avant lui José Cobos, après lui Bernard Mendy. De 1996 à 2001 il a été le latéral droit du PSG. Un homme discret mais déterminé, guidé par l’instinct. Le genre de mec qui ne vieillira jamais, costaud, vif, l’accent du sud-ouest bonhomme et chaleureux. Tranquille dans sa vie comme sur son aile dans ses Nike Tiempo 750.


Virage : Tu viens d’où Jimmy ?

Jimmy Algerino : Je suis toulousain, fier d’être toulousain avec des origines italiennes. Mes parents sont arrivés avec la deuxième vague d’immigrés italiens.

Virage : Compte tenu de tes origines, tu as été poussé étant jeune pour jouer au foot ?

J.A. : Pas poussé. Mon père n’a jamais joué au foot, ma mère encore moins, c’est la mama italienne. Après mon père avait une sensibilité pour le foot, il était supporter de la Juve et de Naples car on est originaire du sud. De toute façon, à notre époque, le foot c’était surtout un vecteur pour trouver du travail à la mairie.

Virage : Du coup qu’est-ce qui t’a poussé à jouer ?

J.A. : Ça s’est fait naturellement. Mon grand frère y jouait. J’habitais dans la cité d’Empalot et on jouait sur du goudron ou des parties en pelouse où il était interdit de jouer. On se barrait dès que le gardien arrivait. J’allais aussi taper le ballon contre le mur du voisin qui gueulait car ça raisonnait, mais je ne suivais pas trop les matchs à la télé.

Virage : Donc pas un réelle passion, plutôt un jeu ?

J.A. : En fait le foot c’était surtout un besoin plus qu’une passion et encore moins un projet de métier. C’était l’envie d’être avec des potes, de jouer quelque soit les conditions et l’endroit. Et aussi de copier le frangin.

Pour une fois dans l’axe

Virage : Comment ça a commencé pour toi sérieusement ?

J.A. : J’avais la chance d’avoir le terrain d’entraînement du Téfécé (Toulouse Football Club) juste à côté de chez moi. A peine plus de 600 mètres de la maison. On y allait à pied ou en courant. Très jeune, vers l’âge de 5-6 ans on m’a repéré. J’ai eu des récompenses sur des tournois. D’ailleurs à l’époque je voulais jouer gardien de but mais mon père a dit non. J’ai joué attaquant, j’ai marqué des buts, j’ai eu des sélections départementales et régionales.

Virage : Tu étais donc en club au Téfécé dès le début.

J.A. : Oui j’ai fait toutes les équipes premières du club. J’ai même été récompensé comme meilleur butteur par une star télé de l’époque, Karen Cheryl. On avait fait la Coupe « Vache qui rit » avec le Téfécé, on était monté à Paris et fini 3ème. On avait fait le match de la 3ème place au Parc des Princes où j’ai marqué. C’est à partir de 13-14 ans que j’ai eu quelques pépins et blessures. J’ai un peu végété et suis passé en deuxième équipe. Le club m’a suggéré à ce moment là de partir, c’était en cadet 1ère année. Mais j’avais la volonté d’y arriver. De faire carrière dans le foot malgré les arguments donnés pour justifier mon départ : les capacités, la taille… Ça faisait un peu mal, je l’ai vécu comme une injustice après toutes ces années au club.

Les gars, on ne peut pas faire ça à Jimmy

Et puis niveau scolaire j’étais décroché, je n’avais aucun attrait pour l’école. Il me fallait donc un club qui puisse me permettre de jouer en cadet nationaux, ce qui était le Graal pour les jeunes de 17 ans. Il y avait un autre club à Toulouse qui n’existe plus aujourd’hui, le Toulouse Fontaine Club. Ils jouaient en troisième division en sénior, et avaient une équipe en cadets nationaux. J’ai donc décidé d’y aller et comme je faisais partie des bons joueurs de la région ils ont accepté de m’accueillir. Mais pas pour jouer attaquant. Le coach m’a demandé de jouer latéral droit. J’ai rechigné un peu et je me suis dit que l’important était de jouer et de me montrer. Il y avait certes la volonté de mettre en avant un autre attaquant du club mais finalement ça s’est super bien passé. Très vite j’ai joué avec les seniors puis j’ai fini par jouer avec l’équipe 1 qui jouait en 3ème division.

Virage : Comment se passe alors ton arrivée à Niort ?

J.A. : Lors de ma troisième année au Fontaine, on dispute notre dernier match de la saison à Niort. On n’avait pas fait une bonne saison cette année là. Donc ce dernier match n’avait pas trop d’intérêt. Sauf que j’avais un ami qui connaissait l’entraîneur du centre de formation de Niort. Ce dernier voulait me voir jouer lors de ce match car il était intéressé par mon profil. Mais les gars de l’équipe préféraient aller à la Rochelle passer la journée plutôt que de jouer ce match. C’était un club familial et amateur… Mais un des gars de l’équipe a dit aux autres « les gars, on ne peut pas faire ça à Jimmy, Niort veut le voir jouer ! ». Donc ils décident de jouer le match et on part en bus. On y va tranquille. Le match débute et au bout de 10 minutes il y a un coup franc.

Jimmy et Tony

Normalement, ce sont les tauliers de l’équipe qui le tiraient même si j’avais une bonne frappe. Mais ils me disent « vas-y, tire le ! ». Je pose alors le ballon, je frappe et je marque. On perd à la fin 2-1 ou 3-1 mais je fais mon match. En rentrant aux vestiaires, Victor Zvunka qui était l’entraîneur de l’équipe 1 de Niort, est descendu me voir avec l’entraîneur du centre de formation. Je ne savais pas que Zvunka était en tribune. Ils m’ont proposé de revenir pour faire 2 matchs amicaux avec eux. Les 2 matchs se sont bien passés et on m’a fait signer un contrat de stagiaire. J’avais 18 ans.

Virage : Une belle histoire.

J.A. : Oui mais pour passer pro il fallait jouer 30 matchs. Or le club a eu des gros soucis financiers. Il y a eu 4 présidents la même saison, on a même eu Bernard Tapie qui est venu en jet privé avec Ségolène Royal pour racheter le club. Bref le chaos. Le club ne m’a fait jouer que 29 matchs pour m’éviter d’avoir le contrat et il a même perdu son statut professionnel pendant une courte période de 15 jours. Pendant cette période j’ai été contacté par l’AS Monaco qui voulait me prendre au centre de formation. Mais j’avais déjà fait un essai infructueux chez eux où ils m’avaient dit que j’étais finalement trop vieux. Il y avait déjà Lilian Thuram, Emmanuel Petit chez eux… Et là, tout à coup, je n’étais plus finalement si vieux. Au même moment, l’AS Cannes de Guy Lacombe m’a aussi contacté. Il y avait Zidane, Micoud au centre de formation. J’ai donc dit à Monaco que j’étais OK si ils me faisaient jouer avec les pros sinon je partais à Cannes. Ils ont dit OK. Je suis donc parti à Monaco. 3 autres joueurs ont fait comme moi et sont partis de Niort durant cette période.

Plus ou moins obligé d’accepter Paris

Virage : Comment passes-tu de Monaco à Châteauroux ?

J.A. : Monaco ne m’a pas gardé et m’a prêté à Epinal où j’ai d’ailleurs rencontré Philippe Séguin qui était un type extraordinaire. J’ai gardé contact avec lui lorsque je jouais à Paris lorsqu’il était président de l’Assemblée Nationale. Donc à l’époque d’Epinal, j’étais suivi par 2 clubs : Dunkerque et Châteauroux. Je devais me rendre à Dunkerque en voiture. Je pars tout seul, sans GPS qui n’existait pas à l’époque, et je n’avais pas d’agent. J’avais ma copine à Epinal et on était en pleine Fête de la Musique, donc je pars le coeur lourd. Et je me paume complètement sur la route, je passe par la Belgique… Et là le flash. Je me dis « qu’est ce que je vais aller faire à Dunkerque ? ». Ma copine était à Epinal et Châteauroux était beaucoup moins loin en voiture. Châteauroux était en National mais c’est Zvunka qui entrainait cette équipe. Donc je fais demi-tour et je rentre à Epinal. Comme il n’y avait pas de portable, le lendemain matin j’appelle Dunkerque et je leur dis que je ne veux pas venir et que je ne me sers pas de cet argument pour négocier. Je signe donc à Châteauroux. Je retrouve là-bas une ambiance familiale, un peu comme au Fontaine. Il y avait déjà Michel Denisot qui était vice président du club. Il nous ramenait des tee-shirts toutes les 2 semaines des émissions de Canal +, La Grande Famille tout ça… On était contents. On fait une belle saison et on remonte en Ligue 2. L’année d’après, on finit 4ème de Deuxième Division, on manque la montée de peu et je commence à me montrer. J’ai des touches à Bordeaux, Rennes et Paris. J’étais plus intéressé pour signer à Bordeaux car c’était plus proche de ma famille et de mes potes à Toulouse. Mais il y a eu un arrangement entre Paris et Châteauroux, j’ai donc été plus ou moins obligé d’accepter Paris même si je n’avais rien contre. Même Michel Denisot n’était pas sur que je perce à Paris.

« You’re Talking To Me ? »

Virage : Et jusqu’ici tu signes toujours seul, sans agent, sans conseil ?

J.A. : Oui. Je n’avais pas peur de décider seul. Mais au moment de signer à Paris des agents m’ont contacté. J’ai une anecdote là dessus. J’ai fait un RDV avec un agent dans un restaurant tenu par un ami. J’écoutais ses arguments sans être vraiment intéressé. A la fin du repas, mon ami nous invite chez lui pour aller boire du ,hisky. A un moment de la soirée mon pote pète un peu les plombs, va dans sa chambre et revient avec un fusil – il était chasseur – et dit à l’agent « tu vois ce petit là, c’est comme si c’était mon fils, alors si il travaille avec toi, si il y a le moindre souci… » et il lui montre le fusil. J’étais plié de rire. Je n’ai jamais signé avec lui ni avec personne d’ailleurs.

J’escalade les grilles du Parc

Virage : Tu signes donc à Paris. Ca se passe comment ?

J.A. : J’ai une autre anecdote alors. La signature devait avoir lieu le jour de la finale du Championnat de France de rugby entre le Stade Toulousain et Bourgoin-Jallieu au Parc des Princes. J’ai dit au PSG que le seul truc que je voulais c’était des places pour moi et mon pote pour la finale. J’ai donc RDV le matin dans les bureaux du club au Parc des Princes. J’arrive avec mon pote mais les grilles sont fermées. Je n’avais pas de numéro, pas de portable bien sûr… Mon pote me dit « Qu’est-ce qu’on fait ? » et je lui dis « Mais il y a le match ce soir, il nous faut les billets ! ». Je ne pensais même plus à mon contrat… Qu’est-ce que je fais alors ? J’escalade les grilles du Parc et je tombe sur Jean-Michel Moutier qui me voit et qui me dit : « Qu’est ce que tu fais là ? ». Je lui dis que les grilles sont fermées. Il m’accompagne alors pour me faire signer le contrat. A l’époque ce contrat c’était énorme pour moi mais je lui dis avant de signer « OK c’est bien, mais les places c’est OK pour ce soir ? ». Il me les donne, je signe et le soir on était au match avec mon pote. On a même pu descendre dans le vestiaire toulousain. On a vu Guy Novès, Thomas Castaignède… Le Stade a gagné ce soir là en plus. Et puis on est reparti à Châteauroux. Je venais de signer 4 ans au PSG.

Derrière les grilles

Virage : L’intégration au PSG n’a pas été trop difficile ?

J.A. : J’étais un peu impressionné. Mais je ne me posais pas trop de questions. Que ce soit à l’entraînement ou en match, j’étais de toute façon toujours à fond. Mais la notoriété des autres, les facilités pour te trouver un appartement, tout cela me gênait un peu. J’avais visité un appartement de 220m2 à St Germain en Laye et Denisot m’avait dit, « vas-y ,tu peux le prendre »… Bon voilà. Mais sur le terrain pas de soucis. Ricardo et Bats m’ont reçu comme un jeune joueur qui arrivait. Très vite j’ai montré des trucs et comme José Cobos ne devait pas rester au club, derrière j’ai pris le poste d’entrée sans rien calculer. Et puis en étant jeune quand tu montres de belles choses, des mecs comme Guerin ou Le Guen te mettent tout de suite dans le truc.

Virage : Avec le recul tu gardes des bons souvenirs ?

J.A. : Oui bien sur. Déjà Michel (Denisot) était là, c’était une forme de sécurité. Et puis surtout je les ai bluffés. Ils ne s’attendaient pas à ce que je m’adapte aussi rapidement. Lors de mon premier match j’ai pris beaucoup le couloir droit et à un moment j’ai centré pour Raí qui a tenté une bicyclette. Si elle était allée dedans c’était le but de l’année. Là j’ai senti que les joueurs du PSG se sont dits « il est pas mal celui-là ». Je crois que c’était contre Monaco. D’ailleurs en sortant du parking du Parc en voiture, je suis tombé sur Henri Biancheri qui était le directeur Sportif de l’ASM. J’ai fait mine de lui foncer dessus pour lui faire peur, une sorte de revanche suite à mes mes-aventures avec Monaco… C’était complètement con.

Coupes de champion

Virage : Est-ce qu’il y a un joueur à Paris qui t’a vraiment impressionné ?

J.A. : Je le dis encore aujourd’hui, c’est Raí. L’image complète du joueur est belle. Tout est grand, tout est fort. C’est d’ailleurs dommage qu’il n’ait pas aujourd’hui un poste d’ambassadeur au PSG.

Virage : Pour toi le summum de ta carrière pro, c’est à Paris ?

J.A : Oui. Même si la deuxième année je me suis blessé et que j’ai été aux portes de l’équipe de France. Aimé Jacquet cherchait un latéral droit avant que Thuram ne soit positionné à ce poste. Mais ça ne s’est pas fait pour des problèmes de mauvais timing et de blessure. Mais, bien sûr, Paris reste le summum.

Je me suis élevé en tant qu’homme

Virage : Marquer au Parc c’était particulier à cette époque avec l’ambiance qui y régnait.

J.A. : Oui. Le Parc c’est un stade magnifique en terme d’ambiance. Que ce soit au niveau national ou européen. Bien sûr il y a des monuments comme Bernabeu et le Camp Nou mais tu te fonds dans l’histoire du club quand tu joues sur la pelouse du Parc.

Virage : Tu te sens plus parisien que toulousain aujourd’hui d’un point de vue footballistique ?

J.A. : Oui tout à fait. Ma vie est à Paris et puis j’ai eu la chance d’être capitaine de cette équipe, c’est une fierté. Et puis je reviens souvent à Paris. J’aime me balader dans les quartiers, dans le métro.

Capitaine Jimmy avec Bernard le relève

Virage : Tu arrêtes le football en 2005, tu avais un peu planifié ta fin de carrière ?

J.A. : Comme pour tout le reste de ma carrière ça s’est un peu fait à l’instinct. J’ai profité de la vie, j’ai beaucoup voyagé, j’ai passé une licence en Staps à Toulouse pour avoir une revanche sur la scolarité, j’ai passé des permis et puis j’ai continué le sport, le ski, la natation… Et puis je me suis élevé en tant qu’homme. Mais après tout ça tu subis vraiment un coup car tu te poses la question de ce que tu as vraiment envie de faire. Après une période de recherches j’ai monté ma société de conseil. Et puis j’ai aussi monté la PSG Academy au Liban avec un ami libanais, Elias Salameh. Elle ouvre en septembre, c’est tout nouveau. Ca va permettre aux enfants d’appliquer une méthodologie française du football et de développer la marque PSG au Liban qui est un pays proche de la France historiquement. C’est top.

Virage : Tu es donc resté proche du monde du football.

J.A. : Oui car j’étais quelque part un peu obligé. Le football m’a apporté beaucoup, je lui ai donné beaucoup. C’est un fil rouge.

Le raffut toulousain

Virage : Quelle vision as-tu du PSG d’aujourd’hui ?

J.A. : J’ai une vision bienveillante dans le sens où le club est revenu à la place où il devait être. Maintenant je crois que le projet sportif initial a atteint certaines limites. Il y a des carences trop importantes pour espérer gagner la Ligue des Champions dans les prochaines années. Cette année en est la preuve. Il faut respecter le foot si tu veux que le foot te respecte. Et sur les fondamentaux il a manqué une vraie stratégie, une vraie ligne conduite qu’ont les autres grands clubs. Mais on est un club jeune. Ça fait partie de la vie d’un club d’avoir des étapes et cette nouvelle étape à passer est peut être la plus difficile. C’est en se servant de l’histoire, de ce qui a été bon, voir très bon qu’on peut grandir. Il ne faut pas occulter le passé. Quand tu vois le Real, à tous les niveaux du club, que ce soit dans la formation ou ailleurs, il y a des joueurs qui ont marqué le club. Et cela depuis des années. Et je ne te parle de ça pour moi, il n’y a aucun discours intéressé de ma part. Je pense plus à des Ginola, Weah, Lama, Raí, ou aujourd’hui des Motta, Maxwell. Tu ne peux pas ne pas en tenir compte et ne pas te servir de ces expériences là pour faire grandir sportivement ton club. Les Guerin et consorts, ils les ont tapé Barcelone. Avoir un discours de ces gars là aux joueurs avant le match retour au Camp Nou, ça aurait été important.

Enregistrer

Enregistrer

Laisser un commentaire

Découvrez les articles de