Aymeric, l’école du Fan

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On a rencontré AYMERIC LE MEIGNEN, instituteur à l’ECOLE DU PARC DES PRINCES.
Qu’il enseigne dans cette école est tout sauf un hasard.
Ancien SUPRAS, fan inconditionnel du PSG depuis toujours, il essaye de transmettre la passion du Club tout autant que l’amour d’apprendre ses tables de multiplication.
Un personnage unique pour lequel on a eu un vrai coup de coeur.


D’où viens-tu Aymeric ?

Dans tout ce que j’ai fait dans ma vie, il y a toujours eu de la contradiction. J’ai de la famille corse par ma mère, qui est originaire de Leccia, à côté de Porto Vecchio. Mon père a un nom à consonnance bretonne, mais je suis né à Versailles. Puis j’ai habité à Paris, Versailles, Noisy le Roi dans le 78. Je me considère comme un vrai corse, même si je n’y suis pas né. Mais point de vue football, mon club c’est le PSG. J’ai été bercé, éduqué PSG, par un oncle, un frère de ma mère, qui m’a emmené tout petit au Parc. C’était en 1982. Le virus de la passion m’a touché ce jour-là. Mon meilleur ami Gautier lui aussi est corse, bastiais, d’Oletta précisément. Et il est lui aussi supporter du PSG depuis tout petit. Il est aussi instit’ dans le 19ème et c’est la même histoire que moi, il est mon jumeau. Supporter du PSG jusqu’à la mort.

Tu parles de ton oncle, ton père n’était pas fan de football ?

Mon père déteste le foot. Il était rhumatologue. Il a vu beaucoup de traumas de footballeurs. Du coup à chaque fois que je voulais faire du foot, c’était une galère totale. Pour moi, mais aussi mes frères. On est 3 garçons. En plus de ça, ma passion pour le PSG était très envahissante. J’apprenais le nom des joueurs par cœur, leur poids, leur taille… Je chantais les chants de supporters appris dans le Kop de Boulogne, dans mon bain tous les soirs, et donc mon père n’en pouvait plus. En tout cas mon oncle m’a emmené pour la première fois à Boulogne. J’avais 7 ans. J’étais avec ma petite crécelle en bois et une corne de brume qu’un CRS m’avait confisquée (l’autorité m’énervait déjà à l’époque), mon maillot Hechter sur le dos. J’ai enchainé les matchs comme ça, la tribune Auteuil accueillait les visiteurs et lors des PSG – Saint Etienne le Parc était vert, déjà petit, ça me rendait fou !

Puis on a dû déménager à côté d’Angers, à Saumur. De là j’ai dû attendre l’âge de 14-15 ans pour avoir mon premier compte chèque. Je pouvais appeler le service réservation du PSG depuis la cabine téléphonique en face du collège, pour qu’ils m’envoient des places après leur avoir envoyé un chèque. J’avais de l’argent de poche pour me payer le déplacement depuis Saumur. Puis je dormais chez un oncle au Chesnay ou chez mon cousin rue Dombasle dans le 15ème après avoir été au stade, et on revenait avec mon frère le lendemain. Tout ceci était rendu possible grâce à ma mère, qui souvent nous couvrait. Aux alentours de 16 piges en 1991, on s’est carté à Auteuil, avec l’arrivée de Canal, on a fait les déplacements dès qu’on a été majeurs. On était à la Fac à Angers et j’avais une petite 106. On la prenait pour monter au Parc, on faisait 300 bornes, puis après le match on rentrait direct. Comme on était à la Fac on pouvait sécher les cours pour faire les déplacements. On a fait l’Europe. On s’est fait plaisir : Milan, Barcelone, Madrid, la Juve à la grande époque. C’était facile contrairement à aujourd’hui. Il fallait aligner un peu d’argent mais on allait un peu partout. C’était l’aventure et on vivait PSG, on mangeait PSG, on transpirait PSG, on se battait pour le PSG…

Vous faisiez les déplacements avec un groupe en particulier ?

On était cartés chez les Supras. On était jeunes, on était dans le mouvement, motivés. On n’était pas des meneurs mais on apprenait à connaître tout le monde. Au début on était placés au Parc derrière les Karsud, pas loin de Franck Chaouat c’était mes héros ces mecs ! On rigolait, on découvrait le monde ultra, on appartenait à la naissance d’un mouvement, on appartenait à une famille et de match en match, de mois en mois, d’année en année le Parc raisonnait toujours plus fort, le Parc tremblait, on frissonnait comme jamais. J’ai deux enfants et leur naissance est un moment inoubliable mais les sentiments et émotions ressentis au Parc sont les plus fortes que j’ai pu avoir. On voyait les chants qui se créaient, les nouvelles bâches. Si on pouvait donner un coup de main on le faisait. C’était un vrai plaisir.

Aymeric Le Meignen PSG Virage Supras Supporters Paris-SG Ultras Parc des Princes Ecole du Parc

Tu voulais déjà devenir instituteur à cette époque ?

Je voulais être prof de sport. J’ai donc fait des tests physiques. Ça durait deux jours. La deuxième journée ils m’ont fait poireauter je ne sais pas combien de temps, ça m’a saoulé je suis parti. Mes parents se sont demandés ce qui m’avait pris. Ce n’était pas grave, je suis parti sur autre chose, le métier d’instituteur. J’ai fait une fac de sciences jusqu’à la maitrise… J’ai une belle maitrise de sciences de l’environnement et de géologie. Je peux te dire qu’en tribune il n’y a pas grand monde qui la ramenait sur les schistes ardoisiers du crétacé ou du jurassique ah ah ah… En tout cas instit’ ça m’a plu et ça m’a permis de revenir à Paris. J’ai passé le concours sur Paris. A partir de ce moment-là j’ai habité dans le 16ème, juste à côté du bar les Princes, puis en face du Parc, encore aujourd’hui j’habite porte de Saint-Cloud.

Tu voulais habiter ce quartier en particulier ?

C’était obligé. A partir du moment où je revenais à Paris, il fallait que je me rapproche.  Le Parc, c’est ma maison de campagne. Tous les 15 jours je vais à la campagne. Alors comme tous les jeunes, j’ai travaillé ailleurs au début, mais j’ai fini par enseigner pendant 14 ans dans la plus grosse école de Paris entre La Muette et Passy, l’école Chernoviz. Ça se passait très bien mais quand j’ai pu me rapprocher de l’école du Parc des Princes, j’ai fait ma demande et j’ai eu ma nomination. De toute façon c’est un quartier qui est un peu excentré. Les enseignants n’ont pas trop envie d’y venir. Et puis le Parc c’est vécu par les riverains, comme les instits qui travaillent ici, comme un monde de contraintes. Tu ne peux pas te garer, il y a des barrages partout les soirs de match à risque… Mais moi je n’attends que ça, ça me fait marrer. Plus il y a de bazar, plus je suis dans mon élément.

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Tu enseignes dans des classes de quel âge aujourd’hui ?

Ça va du CP au CM2. Je me concentre sur les plus vieux, entre 9 et 11 ans. Parce que c’est mon truc, je peux manier aussi bien l’humour et le second degré. Et puis comme eux je suis du quartier, on parle du PSG, on peut chambrer, les grands comprennent et ont parfois une belle répartie. Il y a plus d’interactions qu’avec les petits.

L’école du Parc, malgré le fait qu’elle soit dans le 16ème, est loin d’être un école pour enfants aisés. C’est quoi le contexte ici ?

Ça n’a plus rien à voir avec ce que c’était il y a 25 ans quand je suis revenu à Paris. A l’époque les élèves avaient les doigts sur les coutures du pantalon, tous au garde à vous. Le quartier était différent, les commerces aussi. Aujourd’hui c’est un quartier très métissé. Si c’est bien ou pas bien je ne sais pas. En tout cas je constate que 3/4 des enfants que j’ai dans ma classe sont en difficultés scolaires. Ils ne viennent pas de milieux aisés, au contraire c’est plutôt défavorisé. Ils viennent des immeubles sociaux qui sont tout autour de la porte de Saint-Cloud. De plus en plus d’enfants sont parachutés dans notre quartier et notre école du fait de décisions politiques de la ville qui ne prennent jamais en compte les destinées des écoles. Le bien des élèves est devenu accessoire. Notre école se meurt un peu de ces politiques car si le métissage peut être un vrai bienfait, il peut vite modifier le niveau ou le climat d’une école lorsqu’il n’est pas fait pour de bonnes raisons. Quand tu as 17 élèves sur 25 qui sont en difficultés scolaires, c’est très compliqué à gérer. Ils ne savent pas s’exprimer, n’ont pas de vocabulaire adapté, ils ne savent pas lire correctement mais surtout ils ne savent plus donner de sens à leurs apprentissages. Ils ne savent plus pourquoi ils viennent à l’école. Ils viennent parce que « l’école c’est obligatoire », on les met là chaque matin sans trop leur expliquer pourquoi… Beaucoup de parents se déchargent complètement sur nous. On devient de seconds parents, des confidents, des psychologues pour réparer « leurs petits bobos de la vie ». On fait de l’éducation, on ne fait plus d’instruction.

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Tu parlais de la politique du maire de Paris. Tu peux détailler ?

Moi je ne suis pas un politique, je suis un humaniste, enfin j’essaie, c’est l’être humain qui m’intéresse, alors la guerre Hidalgo-Goasgen, les coups-bas et les décisions d’en-haut ont abouti à la lente dégradation du quartier, des logements. La population réputée paisible du fameux 16ème arrondissement, si connu en province, est devenue déséquilibrée. Les problèmes provoqués par nos politiques dans cette micro-société qu’est notre quartier ont forcément rejailli sur notre école et donc sur les élèves. Seul le Parc reste inchangé ! Enfin… Leproux est quand même passé par là ! Cette déchirure restera à vie !

Comment tu arrives à introduire le Parc et ta passion pour le PSG dans tes cours sans sortir du cadre de l’éducation nationale ?

Je ne peux pas faire n’importe quoi, on reste à l’école et il faut toujours respecter une logique et une cohérence dans son enseignement. Après, pour moi, il y a autant de méthodes et de pédagogie qu’il existe d’enseignants, ton enseignement correspond forcément à ton vécu et ta personnalité sans oublier tes passions… Ça commence d’ailleurs par la classe, ce lieu si particulier où, dans 30 mètres carrés tu vas vivre à 21, 25 ou des fois 34… C’est un lieu de vie dans lequel tu dois te sentir bien, heureux, chaque matin je veux que les élèves soient contents de retrouver leur classe, qu’ils se sentent rassurés dans cet endroit. Il y a une déco très panachée. Tout ce qu’on peut y voir a un rapport avec mes élèves d’aujourd’hui et d’avant. Y compris ce qui concerne le PSG. Comme l’école est en face du Parc, je leur raconte l’histoire du quartier. Le Parc compris. Je me sers aussi du levier du sport que je leur enseigne car c’est dans ma fonction. Il y a le football mais pas que.

Et puis on a un projet media avec lequel on essaye de les former à devenir des petits journalistes pour qu’ils découvrent le monde qui les entoure, que ce soit les media ou le sport. On essaye de décrypter tout ça avec eux. Pour revenir à ma passion, j’ai envie de leur montrer que le PSG a une histoire, ce n’est pas seulement des joueurs mais un club. C’est tout bête, on parle des résultats du week-end dans l’escalier le matin. Quand on va à la piscine, on lance des chants dans les vestiaires, c’est rigolo, surtout que le maitre-nageur est pour Marseille. Ça chambre aussi. L’année dernière j’avais un petit qui était pour l’Olympique lyonnais. On ne l’a pas lâché de la saison ! Lui non plus d’ailleurs surtout le soir où on a perdu chez eux… Et à proprement parlé dans l’enseignement, je peux lancer des problèmes de mathématique en parlant du football ou du PSG, quelques triangles PSG apparaissent parfois en géométrie, quelques exemples de phrases en grammaire, conjugaison ou orthographe dans les leçons, mais c’est sur le ton de l’humour à chaque fois. Cela dit, j’arrive quand même à glisser un peu de culture club !

Ce media dont tu parlais, comment ça s’organise ?

C’est un projet sur toute l’année. L’objectif c’est de les faire travailler mais AUTREMENT en faisant en sorte de leur faire interpréter ou critiquer les informations et les images qui les entourent en permanence. Afin qu’ils aient leur propre réflexion. On cherche vraiment à développer leur propre esprit critique, qu’ils deviennent vraiment acteur de leur vie même s’ils sont encore petits, mais arrêter de subir le monde des adultes sagement ! Mais ce projet s’intègre bien entendu dans les exigences des programmes. Ils vont avoir une partie théorique dans laquelle ils vont apprendre à décrypter l’info, les images, connaître les caractéristiques du métier de journaliste, enquêter, trouver des sources, choisir un angle, maîtriser l’écriture journalistique… Ensuite ils passent à la pratique. Ils font partie d’une petite rédaction qu’on a créée, avec un studio radio qui est dans la classe. On leur fait écrire des chroniques sur le quotidien, sur le sport. L’année dernière on a travaillé avec Daniel Riolo. On a enregistré de nombreux sujets lors de l’Euro 2016, on a parlé du foot féminin l’an dernier avec les venues de Thomas Meckich et Greg Margotton, sans oublier Lizarazu et Manu Petit.

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On forme des petits journalistes au contact des professionnels. Je continue de leur enseigner les matières tels que la lecture, la grammaire, la conjugaison, l’orthographe et le vocabulaire. Mais si je leur demande de le reproduire à l’écrit, il ne se passe rien car ils ont de grandes difficultés. Et puis ça les barbe. En les faisant découvrir un monde inconnu qui les passionne, ils vont produire sans s’en apercevoir. Ils vont en plus s’enregistrer. Donc ils vont progresser sur l’élocution, sur l’écoute et l’expression. Ils apprennent à s’écouter les uns les autres. Et ils ont rencontré des professionnels comme Anne-Claire Coudray notre marraine depuis 3 ans, Stéphane Bern, Jérôme Rothen, Daniel Riolo, Bruno Salomon, Thomas Isle, Léa Salamé, Maya Lauqué, Camille Combal, Julien Roux… Ils sont tous venus ici. Ils ont pris des petites équipes qu’ils ont coachées. Ils font une conférence de redac’, donnent de vrais conseils de professionnels, échangent avec les élèves de façons constructives et naturelles, puis ils enregistrent une émission avec l’invité qui fait l’animateur. Tout ceci va sur notre site qui est protégé et les parents peuvent télécharger le contenu pour écouter le travail de leur enfant. Et nous, ça nous permet de continuer à convaincre des personnalités de venir.

Tu as été surpris de la réaction des enfants, de leur progrès ?

Oui, et c’est pour ça qu’on continue, qu’on se donne du mal. Le studio, je l’ai obtenu après des mois de négociation auprès de la Mairie du 16ème. Afin d’obtenir un budget et acheter un matériel fiable et fixe. Quand je vois qu’à la fin de l’année un enfant qui est en difficulté arrive à s’exprimer au micro, ça veut dire qu’il s’est passé quelque-chose. Quand tu le retrouves l’année d’après, tu vois qu’il a changé, les parents te le disent. Et surtout il a pris confiance. Si tu viens à l’école avec l’envie, quel que soit ton niveau, il en ressortira quelque chose de positif. Tout le monde se focalise sur les notes, mais ce n’est pas ça la vérité, ce n’est pas ça l’école. Pour avoir eu des centaines d’enfants en classe, je sais que si l’enfant comprend pourquoi il vient, il donne alors du sens à ses apprentissages, il va avoir envie de progresser, quel que soit son niveau. Ce projet media permet aux enfants de voir que des personnes connues s’intéressent à eux. Ça les valorise. Donc ils se donnent du mal et acceptent de se dépasser comme sur le terrain, on y revient toujours !

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Comment les parents réagissent ?

A partir du moment où ils voient que leur enfant progresse, qu’il y a du travail derrière, forcément ils s’intéressent et ils deviennent curieux. Pour moi, les parents sont un maillon essentiel de la scolarité de leur enfant, ils appartiennent à la communauté éducative, à l’équipe quoi ! Ils ont un rôle à jouer, leur investissement est indispensable. Souvent les familles ne comprennent pas toujours notre pédagogie, nos objectifs, nos méthodes, c’est aussi à cause de nous car nous ne communiquons pas toujours suffisamment. C’est un peu le reflet de la société d’aujourd’hui, les gens vivent les uns à côté des autres, se méfient de tout, critiquent sans savoir… A l’école c’est pareil… Il faut gagner la confiance des parents et la réalisation de tel projet aide à y arriver. Et pour moi ça commence lorsqu’ils viennent à la réunion de début d’année, j’adore observer leurs réactions lorsqu’ils découvrent la classe, mon univers … Il y a tous les ans des parents incroyables qui sont toujours derrière nous et nous encouragent et à tous ceux-là je veux leur dire MERCI et ne nous lâchez pas !

Forcément tu as des parents qui ne sont pas supporters de Paris ?

Oui c’est marrant parce que la fois dernière j’ai eu un rendez-vous avec un papa adorable et investi, un balèse en plus, qui est conducteur à la RATP. En discutant il m’a expliqué qu’il ne savait pas comment faire lire son fils. J’ai dit à son père « Je crois qu’il accroche bien sur le PSG, il suit les matchs, les scores et s’intéresse au club. Vous savez que je suis un passionné, donc si vous voulez je lui donne des livres sur le PSG. » J’ai vu que le papa tiquait. Alors je l’ai testé, on a commencé à parler foot. Et à un moment il me dit « Moi, c’est pas trop le PSG, mais je peux pas trop vous dire. Je vous dirai en fin d’année ». Je lui ai dit qu’il ne fallait pas trop s’inquiéter. Que je n’allais pas saquer son fils si son papa n’aimait pas le PSG !!! Je lui ai dit « Allez dites le moi, vous êtes un supporter marseillais ! ». Et là il a tout lâché. Son père habitait à Marseille… Aujourd’hui il entraine au foot, donc lui aussi est un passionné. Et ça ne pose aucun problème. Quand on est dans l’enceinte du stade, on se chambre et c’est le jeu. C’est normal. Mais là non. Et il est reparti avec un livre sur le PSG ! Ma victoire : un supporter de l’OM qui lit l’histoire du PSG ! Aujourd’hui son fils a retenu les histoires qu’il a lues, il connait l’histoire, les premiers buteurs, la création du club, la fusion du stade Saint-Germanois avec le PFC… Et ça me fait super plaisir car dans notre pays, on peut se le dire, il n’y a pas de culture sport et encore moins une culture foot. Les media entretiennent ça. Tout est dans le paraitre. Tu vois Mbappé, c’est un grand joueur et j’espère qu’il va performer chez nous. Mais pour moi on l’utilise encore comme un animal de foire, c’est du spectacle, les gens n’attendent que ça, l’accélération ou le grigri et ça l’encourage à jouer comme ça !!! Mais nous, les aficionados du PSG, on a parfois envie de descendre sur la pelouse et lui mettre amoureusement une petite claque en lui disant « Hey Kylian, arrête de faire des roulettes, ces passements de jambe qui ne servent à rien, soit efficace gars. Arrête de te regarder joue au foot tu nous fais tellement rêver quand tu joues au foot ».

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Tu te sers de ce genre d’exemple pour sensibiliser ?

Toujours. Déjà j’ai cette culture sport en moi. Il y a le PSG et j’ai dû me bagarrer pour jouer au foot. J’étais inscrit au tennis mais je truandais pour aller au foot, avec la complicité de l’entraineur. J’ai une anecdote là-dessus. Mon prof de sport au collège et entraîneur au Racing Club de Saumur avait pris rendez-vous avec mon père, médecin, en simulant une blessure au genou. Au moment où il a été sur la table de soin, il a avoué à mon père qu’il était venu uniquement pour mon frère et moi. Il a essayé de le convaincre de nous inscrire au club de foot et en sport étude foot. Il a fait notre pub mais mon père n’a rien lâché. Le prof est revenu la tête basse… Il s’appelait monsieur Bernier. Il a failli se prendre une infiltration dans le genou juste pour nous. En tout cas les valeurs d’abnégation, de combat, de travail que véhicule le sport, j’essaie de les transmettre aux enfants. L’esprit d’équipe. Ma classe c’est une équipe. Et les parents le savent. Ici on s’intéresse au groupe. S’il y en a un qui ne va pas bien on s’arrête tous. J’essaie de partir tous les ans en voyage avec eux. On me propose alors des chambres d’enseignant mais moi je veux être avec eux. Pas grave si j’ai une paillasse dans le couloir, je dormirai dessus, au milieu des élèves. Je veux partager ça avec eux, leur prouver qu’on est ensemble dans la même galère : l’apprentissage de la vie…

Tu croises d’anciens élèves au Parc ?

Oui ça m’arrive. Ils ont grandi et se sont émancipés. Alors quand je les croise ils me chambrent un peu car j’ai 44 ans, je suis un ancien pour eux, j’ai passé la frontière de l’âge… Mais ça me fait plaisir car parmi eux il y a de vrais passionnés. Et puis tu sais ce qui est bien avec les petits, c’est que si ils sont passionnés à leur âge, ils le seront toute la vie. Ce n’est pas du fake. Les adultes peuvent tricher de temps en temps. Ils ont lu l’équipe ou regardé les rigolos de l’équipe TV qui passent leur temps à donner des leçons et à démonter le PSG pour ensuite aller pleurer pour une conf de presse et ils racontent ce qu’ils ont lu. Ce sont des perroquets. Les enfants sont vraiment sur le jeu, sur la tactique et les joueurs, ils sont naturels, dans l’émotion, et pas dans le simple jugement de valeur du footix de base et du « trop cher payés !!! ». Bien sur certains enfants sont manipulés par les medias, ils ne jurent que par les joueurs et le maillot fluo du Barça ou du Réal sans même connaître les joueurs, le nom du stade, la ville et encore moins l’histoire du club dont ils portent le blason et oublient le club. Et c’est là que j’ai un petit rôle à jouer. Si je peux essayer de donner deux trois clés. Surtout à ces enfants qui sont des riverains. Leur expliquer ce qu’est le Parc, le contexte ultra qui fait peur à tout le monde. J’adorerais emmener des gamins dans le bloc, en trouvant les bons accompagnants, ou leur montrer la préparation d’un tifo géant pour la Ligue des Champions et que les enfants fassent un petit reportage pour montrer l’envers du décors, alors ce serait génial. Si des mecs du collectif me lisent et veulent bien m’aider, moi un vieil ultra des Supras Auteuil 91, à montrer aux enfants ce que c’est qu’une PASSION, les gars contactez moi !

Le club est au courant de toutes tes démarches ?

Depuis que je suis ici j’ai essayé de contacter le club par tous les moyens : la fondation PSG, le service commercial etc… J’ai même rédigé un projet pédagogique que je leur ai proposé. Mais je n’ai eu aucune réponse. Aucune. Ce serait un grande avancée d’avoir un retour si ils nous lisent. Ces enfants-là, on leur doit un peu ça. J’ai souffert d’être un supporter du PSG quand j’étais gosse. A cause de l’image du club. Les gens détestaient le PSG pour de mauvaises raisons : club de la capitale, jalousie et compagnie. Qu’un marseillais déteste Paris car il est supporter de son club ça me va. Mais tous les autres, dans toute la France… Chaque fois qu’on s’est déplacé on a toujours été détesté, par les pouvoirs publics et les habitants des villes où on allait. C’est une détestation qui est un peu fatigante. Les petits bouts qui sont dans ma classe vont se faire détester car ils porteront leur maillot sur la plage cet été. Et j’ai envie qu’ils soient capables de se défendre. Nous le PSG, car je me considère comme faisant partie du club, nous leur devons de les faire rentrer dans le stade. De leur expliquer ce que c’est que ce club, de leur donner des clés pour défendre cette institution.

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Tu as prévu d’aller faire le PSG Expérience avec eux ?

Oui. Quelqu’un du club m’a répondu et a trouvé le moyen d’offrir les places à ma classe et à celle de ma collègue d’à côté. Et là, quand j’ai dit aux petits que ça allait se faire après les vacances de Noël… Ils vont juste enfin rentrer dans un endroit qui est face à eux tous les matins et tous les soirs. Pour moi c’est la moindre des choses. Le PSG fait tellement de choses remarquables pour des enfants malades, à travers le monde. Mais nous, on porte le nom du stade. J’ai envie de dire au PSG : « aidez-nous à ce que les enfants soient fiers de vous et qu’ils connaissent l’histoire du club. » 

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Tu aimerais que des joueurs se déplacent aussi dans ta classe ?

Hervin Ongenda est déjà venu car je connaissais sa tante. Il se trouve que j’ai son petit neveu dans ma classe cette année. Mais sinon je n’arrive pas à avoir de joueurs. Je ne demande même pas les stars. Ne serait-ce que les jeunes du centre de formation, ce serait super. J’ai essayé d’avoir Cavani par l’ambassade d’Uruguay, j’ai demandé à Greg Margotton d’avoir Mbappé, je sais qu’ils sont sollicités, mais nous, on ne leur demande pas de venir pour une séance de dédicaces ou faire des selfies, mais pour du travail. Soit une séance de sport, soit une conférence de presse par nos apprentis journalistes, soit un reportage sur une séance d’entraînement, soit découvrir leur pays d’origine et discuter avec eux des particularités de la société et découvrir le système éducatif de leur pays et pourquoi pas correspondre avec une école dans leur pays (Uruguay, Brésil,…). On peut faire mille trucs avec eux. Pendant une séance de foot, ils peuvent venir faire trois plats du pied, un jeu de tête, un jonglage. Ça leur prend une heure avec les gamins. Ils seraient fous. Le club pourrait aussi nous offrir des chasubles estampillés Paris quand on va faire du sport dans d’autres écoles. On sera fier de représenter les couleurs du Parc des Princes. A mon avis c’est faisable et ça ne coutera pas très cher. Ça donnera une bonne image du PSG. Les parents auront l’impression que le PSG s’occupe de leurs enfants, et pour la vie du quartier je pense que ça peut être très positif.

Tu aimerais enseigner un jour au centre de formation du PSG, dans le futur centre de Poissy ?

Carrément, j’y vais en rampant, si le PSG a besoin de moi j’y vais. Si je pouvais joindre ma passion historique avec mon travail. En fait le PSG m’a toujours accompagné. Quand j’avais de gros problèmes de santé, et ça m’est arrivé, je me raccrochais à ça. Je me soignais au Parc, j’allais voir du foot avec les potes. Et quand le PSG n’allait pas, surtout lors de la saison où on a failli descendre, on était en dépression. Le lundi, c’était compliqué d’aller travailler. Ça parait irréel. Les gens ne trouvent pas ça très sérieux. Mais quand on le vit de l’intérieur, bien sûr que c’est très sérieux.

Ça t’est arrivé de consoler des enfants de ta classe après les matchs catastrophes du PSG en parcours européen ?

Je vais te raconter une histoire. Lors de la remontada, j’étais en classe de neige à Barcelonette. Déjà j’étais triste car je n’avais pas pu aller en déplacement. Bref, j’ai fait le malin toute la semaine sur les pistes avec mon maillot et mon écharpe PSG, surtout que là-bas c’est rempli de marseillais. Ils voulaient tous que Paris perde. Mais c’était impensable. Le soir du match, j’avais promis à tous mes petits parisiens qu’ils pourraient voir le match à la télé. Au bout de 2 min. on se prend le premier but et là je ne connais que trop mon club, je ne le sens pas. A la mi-temps j’ai dit aux petits d’aller se coucher. Bien sûr je suis resté devant le match. Fin du match, j’ai démonté un lit superposé. J’ai dû d’ailleurs m’expliquer avec un responsable du site. Je n’ai pas dormi de la nuit. Au petit matin j’étais assis sur mon lit, comme un enfant, la tête baissée, je ne pouvais pas aller au petit-déjeuner avec les enfants. J’ai envoyé les animateurs à ma place. Et là, il y a un petit black qui est venu dans ma chambre. Un petit qui jouait attaquant à l’ACBB à Boulogne. Il était dans ma classe. J’ai senti une main sur mon épaule. Et il m’a dit « Maitre il faut venir maintenant ». Je lui ai dit que j’avais mal à la tête. Alors il s’est mis devant moi, il m’a relevé le menton et il m’a dit « Des défaites comme ça on en aura encore, alors maintenant tu viens petit-déjeuner ». Je me suis retrouvé à une table de 4 enfants, il m’a servi un bol de Miel Pops et il m’a dit « Mange maintenant ». Je n’ai pas sourcillé. Je me suis fait consoler par un gamin de 10 ans, un truc de fou. Bref je suis incapable de consoler les gens quand il s’agit du PSG. Je n’arrive pas à accepter ça. Même après un match nul à Sedan ou une défaite en coupe contre Gueugnon je suis au fond du trou ! Et personne ne peut alors me raisonner ! Et je ne demande à personne de me comprendre. C’est ça la PASSION…

Aymeric Le Meignen PSG Virage Supras Supporters Paris-SG Ultras Parc des Princes Ecole du Parc

Merci à Aymeric et à l’école du Parc des Princes pour leur accueil ainsi qu’au Service communication du Rectorat de l’académie de Paris pour avoir rendu possible cette interview.


Xavier Chevalier

2 réflexions au sujet de « Aymeric, l’école du Fan »

  1. Aymeric à été mon prof pendant le CM1 et CM2 et il a été le meilleur prof dont un élève aurait pu rêver. Merci de lui avoir rendu homage avec cet article. J’ai appris qu‘il n’était plus a chernoviz et qu’il s’était un peu plus rapproché du pdp dont il nous a toujours venté les merveilles. Un grand merci à toi aymeric ! (PS : je vais bien, signé mich-mich)

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