Jay-Jay Okocha

par

Eté 1998. Recruté par le PSG pour une somme record de 100 millions de francs, Augustine Jay-Jay Okocha fut accueilli comme une star dans la capitale.
Dans les bons soirs, le Nigérian pouvait à lui tout seul illuminer le Parc.
Ses dribbles incroyables, ses gestes dont il a le secret, ont marqué l’histoire du football mondial, et celle du Paris Saint-Germain. Interview avec un artiste.


Jay-Jay, quand vous débarquez à Paris, quelle est votre toute 1ère impression ?
J’étais à Paris pour la Coupe du monde 1998 en France, j’ai joué au Parc (Nigéria 1-0 Bulgarie, 1998). Je suis tombé amoureux de cette ville. Ensuite, j’apprends que le PSG s’intéresse à moi. C’était une équipe magnifique, parmi les meilleures en Europe. Pouvoir jouer pour ce club représentait pour moi quelque-chose d’incroyable.

Après votre Coupe du monde étincelante, les plus grands clubs européens vous convoitent ? Pourquoi Paris ?
J’avais un feeling spécial avec Paris. C’est l’équipe dans laquelle je voulais jouer.

Le Super Eagle en chasse

Vous étiez adulé à Fernerbahçe, le club a d’ailleurs eu beaucoup de mal à vous laisser partir ?
Ce n’est pas facile de quitter un club dans lequel les supporters te soutiennent autant. J’avais passé 2 très belles années là-bas. Après, dans une carrière, il faut faire des choix. Je voulais partir dans un grand championnat. Il y avait l’Angleterre, l’Espagne, j’ai choisi la France. Le PSG m’a offert cette opportunité, je devais la saisir.

J’ai été soulagé de marquer aussi vite

Votre transfert (100 millions de francs) est alors le plus élevé dans l’histoire du championnat de France, ressentez-vous cette attente énorme, placée en vous ?
Je dois dire que oui. Fenerbahçe avait mis la barre très haut pour me laisser partir. Et comme les dirigeants parisiens ont mis beaucoup d’argent, l’attente était importante. C’est normal. Personne avant n’avait coûté ce prix, même si l’argent ne vous revient pas dans la poche, et que ce n’est pas vous qui fixez le prix, les gens vous parlent toujours de ça.

Pour votre 1er match, vous inscrivez un but exceptionnel. Vous en souvenez-vous ?
Oh oui bien sûr. Je m’en souviens… C’était à l’extérieur, à Bordeaux, j’étais sur le banc, je n’avais pas fini ma préparation à cause de la Coupe du monde. Il reste 1 quart d’heure je crois, le coach me fait entrer et je marque ce but Au final, ce n’était pas assez car nous avons perdu 3-1 (8 août 1998).

Ce soir-là reste très spécial… On attendait beaucoup de moi. « Que vaut ce joueur qui a coûté ce prix ? » C’était tellement d’argent. J’avais envie de bien faire, de bien me présenter. Tout le monde m’attendait, j’ai été soulagé de marquer aussi vite (120 secondes après être entré en jeu, ndlr).

Quand je marque, j’essaie de m’appliquer

Pouvez-vous nous expliquer ce but ? Que se passe-t-il dans votre tête ?
Je savais que j’avais une grosse frappe, puissante. J’ai marqué des buts de loin quand j’étais en Allemagne. Je rentre sur le terrain (75’), je reçois la balle, je me sens bien, je dribble, et quand je vois cette opportunité, je décide de tenter ma chance (77’, des 25 mètres, ndlr). Je suis le ballon des yeux, je vois que le gardien est battu. C’était un bon début.

La ballerine Augustine et ses pointes

Diriez-vous qu’il s’agit de votre plus beau but avec Paris ?
J’aime bien ce but, mais il y en a un autre que j’aime bien. C’était face à Bordeaux aussi (sourires) mais au Parc des Princes. Je marque depuis un angle difficile, sur un côté (le long de la ligne de touche, ndlr), je reprends la balle en demi-volée et elle finit dans le but. C’est un bon souvenir. Et cette fois, on avait gagné (2-1, 12.09.1999).

A 20 ans, en 1993, vous aviez déjà marqué le but « le plus sensationnel » qu’Oliver Kahn a encaissé dans sa carrière, dixit le gardien allemand.
Oui, un but incroyable (sourires). C’était au début de ma carrière professionnelle, je jouais à Francfort. Marquer un tel but, face à un tel gardien, cela reste une sensation inoubliable, qui vous donne aussi confiance. Je n’ai pas marqué énormément de buts dans ma carrière, mais quand je marque, j’essaie de m’appliquer (sourires).

L’entraîneur que j’ai préféré : Alain Giresse

Votre 1er entraineur au PSG a été Alain Giresse, il n’est resté que 11 matches.
J’ai eu 4 entraîneurs à Paris (Alain Giresse, Artur Jorge, Philippe Bergeroo, Luis Fernandez), dont 3 la 1ère saison ! Celui que j’ai préféré, c’est Alain Giresse. Nous avions une bonne relation, pour moi, c’est un super entraineur. Il aime le jeu, les joueurs. On ne lui a pas laissé le temps à Paris, il aurait pu faire de belles choses. Après cela, c’était difficile, il n’y avait pas de stabilité au club, beaucoup de changements de présidents, d’entraîneurs. C’était trop.

Avec Philippe Bergeroo, ça se passait bien. C’était, je crois, sa 1ère expérience comme manager d’un club. On a fini 2ème (1999-2000), on a joué la Ligue des Champions mais ensuite c’était devenu compliqué. Il avait beaucoup de pression, les dirigeants ont voulu le changer avec Luis Fernandez.

Ronaldinho, on fonctionnait un peu pareil

Comment cela s’est-il passé ?
Luis Fernandez, il connaissait beaucoup de choses du football, c’est un bon coach, mais je crois qu’il est un peu fou (sourires). Je n’ai pas toujours compris ses réactions. Il n’y a pas que moi, il y a Ronaldinho aussi, et d’autres. Ronaldinho et moi, on fonctionnait pareil. On avait besoin de sourire, rigoler, pour être bien. Dans le vestiaire, cela ne plaisait pas à Luis Fernandez. Parfois il arrivait, il disait « Arrêtez de rire », des choses comme ça.

Le bal des étoiles

Votre association avec Ronaldinho promettait beaucoup…
En fin de compte, nous avons peu joué ensemble. Nous avions une relation fantastique, sur le terrain, à l’entraînement, dans la vie. C’est un joueur extraordinaire. Le football, c’est d’abord s’amuser, donner du plaisir. Il jouait avec beaucoup de passion. Ce qu’il aime par dessus tout, c’est partager cette joie avec les supporters, ses coéquipiers. Dans la vie, il a aussi de grandes qualités. On aimait cette joie de vivre. On est toujours amis, on se revoit de temps en temps.

Un jour dans l’Equipe, Bernard Mendy a dit qu’en technique pure, vous étiez meilleur que Ronaldinho !
Je ne sais pas quoi dire (gêné). C’est un très, très beau compliment (sourires).

Un regret : je n’ai rien gagné avec Paris

Votre départ du PSG en 2002 s’est-il fait dans la douleur ?
J’étais triste, vraiment triste de partir. La chose dont je suis le plus triste, c’est de n’avoir rien gagné avec Paris. C’est mon très grand regret. Il y a eu des hauts, des bas… mais j’ai adoré jouer pour ce club.

Au final, pourquoi êtes-vous parti ?
Simplement Luis Fernandez ne souhaitait pas que je reste. Il avait ses idées et je ne rentrais pas dedans. Il avait fait venir de nouveaux joueurs. C’était difficile de rester. Je suis parti en Angleterre.

Le vol de l’aigle

D’un coup d’éclat, vous pouviez faire se lever tout le Parc, que ressent-on à ce moment précis ?
C’est le meilleur dans le football. C’est pour cela que le foot est si important dans ma vie. J’aime trop jouer et j’aime essayer de rendre les gens heureux. Vous savez, au Parc, ce sont des souvenirs pour la vie. Je suis très attaché à ce stade, à cette ville. Mon fils est né à Paris. C’est un endroit très spécial pour moi.

Vous avez inventé des dribbles, des gestes techniques incroyables, quel est votre secret ?
Dès que j’ai su marcher, j’ai commencé à jouer au foot, dans les rues de ma ville, à Enugu (Nigéria). Je n’ai jamais pensé à autre chose que passer ma vie à jouer au foot. Mes dribbles, je les fais depuis que je suis petit, vraiment petit… Tu n’as aucune pression, tu veux juste t’amuser, tu tentes des gestes, tu essaies. J’ai essayé beaucoup, beaucoup… j’aimais faire ça. Nous jouions avec n’importe quoi qui pouvait faire office de ballon. Quand je suis devenu un joueur professionnel, je trouvais ça facile de le refaire. C’était instinctif, naturel. Et nous étions dans les meilleures conditions pour jouer.

Ils méritent de gagner la Coupe du monde

Vous avez fait rêver énormément de gens. Vous, quelle est votre source d’inspiration ?
Mon grand frère Emmanuel, qui a joué aussi pour le Nigéria. Il a toujours été mon exemple.

Votre neveu Alex Iwobi (22 ans) joue également pour le Nigéria, et Arsenal.
Oui c’est ça, dans la famille, le football est quelque chose de central, mon père aussi jouait au football, pour le Nigéria.

Vous avez suivi la Coupe du monde 2018 en tant que consultant, qu’avez-vous pensé de l’équipe de France ?
J’ai vu tous leurs matches. Ce que je peux dire, c’est qu’ils méritent de gagner la Coupe du monde. L’équipe est jeune, très talentueuse…

J’ai gardé mes maillots et crampons du PSG

Même le ballon est feinté

Et Kyllian Mbappé ?
Il a 19 ans et il a déjà gagné la Coupe du monde. Avant le Mondial, bien-sûr, on connaissait son nom, on connaissait ses qualités, mais en Russie, il a su prouver au monde ce dont il était capable. Il a répondu présent. C’est un joueur très spécial.

Que vous inspire l’équipe du PSG actuellement ?
C’est une équipe incroyable. Je suis un peu jaloux qu’ils gagnent autant de titres (sourires). J’aurais aimé jouer avec ces joueurs fantastiques. Je regarde leurs matches souvent. Vous savez ici au Nigéria, j’ai gardé les maillots et les crampons que j’avais au PSG.

Avez-vous un message pour les supporters du PSG ?
Je veux simplement leur dire merci de m’avoir si bien accueilli, de m’avoir toujours supporté. Qu’ils continuent de supporter leur équipe. Le Parc, son atmosphère si spéciale, sont toujours dans mon cœur. Je les aime énormément.

Copyright photos (c) Panoramic


Emilie Pilet

Une réflexion au sujet de « Jay-Jay Okocha »

Laisser un commentaire

Découvrez les articles de