José Pierre-Fanfan

par

Avec un nom pareil, Eric Choupo-Moting peut aller se rhabiller.
Mais José (Karl) Pierre-Fanfan a surtout été un capitaine valeureux et investi.
A une époque où il fallait assumer, il a toujours été présent et irréprochable.
Et aujourd’hui encore son histoire d’amour avec le PSG continue grâce à
Christopher Nkunku, qu’il conseille et manage. Rencontre intense avec le Roc.


Première question. José Karl Pierre Fanfan… Il est fou ce nom ?
José tout court ! Karl c’est mon deuxième prénom. Quand j’étais à Lens et lorsque j’ai été inscrit en ligue des champions ils ont mis mon deuxième prénom. C’était mes débuts, premiers articles de journalistes, c’est resté, mais mon prénom c’est José.

Tu as souvent déclarer que le PSG était un club important pour toi, mais d’où cela vient toi qui a grandi dans le Nord ?
J’avais une grosse envie de jouer au PSG. Déjà j’ai beaucoup de famille en région parisienne. Je me suis toujours identifié à cette ville, je me suis toujours senti parisien dans l’âme même si je suis né dans le Nord. Dans l’âme grâce à ce que dégage la ville, les gens, l’atmosphère. Et avant même de jouer au football, quand je regardais les matchs à la télé, je voyais ce maillot, ce stade, l’énergie qu’avait ce club, j’ai tout de suite été supporter du PSG. Et il y a toujours eu des joueurs de classe à Paris : Safet, les brésiliens… Je suis antillais d’origine et on est proche du Brésil. A chaque Coupe du Monde, qu’on soit martiniquais ou guadeloupéen on est supporter de la France mais aussi du Brésil car on a ça en nous. Donc on partage la même chose avec le PSG, cet amour du Brésil.

Tu n’es resté que 2 ans au PSG, et pourtant on a l’impression que ça a duré plus longtemps, tu as le même sentiment ?
Oui. Ces deux saisons, ça a été l’ascenseur émotionnel. Lors de la première saison on débute difficilement mais on finit deuxième du championnat. Il y a eu le retour d’un engouement mais aussi le retour de la qualité sur le terrain avec Pedro Pauleta, Juan Pablo Sorin, Fred Dehu, Gabriel Heinze. On avait aussi un vraie grinta. On était solide. Vahid a réussi à créer une identité de jeu pas forcément très brillante mais on avait une âme, une rigueur. Et surtout une équipe qui était fière de porter ce maillot, ce qui s’était un peu perdu les saisons précédentes. Et à titre personnel il y a eu le brassard de capitaine. La deuxième saison beaucoup de changements ont été opérés, des départs improbables comme celui de Sorin. On était un groupe meurtri. Le seul départ acté au début c’était celui de Gaby à Manchester United. Et puis après, ça a explosé jusqu’à la fin du mercato. Surtout avec le départ de Fabrice Fiorèse à Marseille. Et comme j’étais capitaine, j’ai été mis en première ligne à l’époque, vis à vis des media et des supporters. Ça a été une saison vraiment compliquée jusqu’au bout. On était un groupe qui n’était pas encore arrivé à maturité. On commençait à vivre une super aventure… Et au lieu de renforcer ce noyau dur, ils ont décidé de laisser partir des joueurs clés dès la deuxième saison.

Tu as vécu comment les départs de Fred et Fabrice à Marseille ?
Ça a été dur d’autant que j’étais proche de Fred et sportivement on formait une super charnière. On avait été élu à l’époque meilleure charnière de l’histoire du PSG, devant Roche-Ricardo ! Car on était solide et super complémentaire. On s’entendait super bien, on avait joué ensemble au RC Lens. Notre entourage s’entendait aussi super bien. Fred était encore jeune. Le club n’avait pas pris conscience de son importance sur le terrain et dans le vestiaire. Il était proche de Fabrice. Le départ de Fred à Marseille a beaucoup affecté Fabrice. Fio part le dernier jour du mercato à Marseille en plus ! Perso j’ai refusé par deux fois de jouer là bas, malgré les offres reçues lorsque j’étais à Lens et à Monaco.

Pierre-Fanfan Virage
Salut les gars…

Tu as compris pourquoi Fio est parti à Marseille ?
Oui, bien-sur, mais ce sera à lui de l’expliquer le jour où il se sentira de le faire.

En deux ans tu as vécu un condensé de ce que peut être le PSG, flamboyant et auto destructeur.
Ah ah ah, oui c’est vrai mais c’est ce qui fait aussi le charme de ce club. Il y a une telle puissance derrière Paris que si on ne la maitrise pas on peut se brûler.

Capitaine du PSG, c’était une pression supplémentaire dans un tel vestiaire ? Comment tu gérais des mecs comme Rothen ou Pauleta ?
Déjà être capitaine du PSG était une immense fierté. Je l’avais déjà été à Monaco et à Lens. J’avais l’habitude d’avoir des responsabilités, d’être un leader de vestiaire, un fédérateur. Alors oui il faut des caractères dans le vestiaire, mais en tant que capitaine quand vous amenez autant sur le terrain qu’en dehors, il n’y a aucun problème pour se faire respecter.

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José, chef de meute

Et les relations avec les supporters ?
On a toujours essayé d’échanger même si je trouvais qu’on aurait du échanger encore plus avec eux. Parce que c’est grâce à eux qu’on est ce qu’on est. Leur expliquer que nous les joueurs, on était certes sur le terrain mais on ne maitrisait pas tout. Il y a des décisions que nous subissions nous aussi. On ne choisissait pas qui arrivait ou partait du club. Mais bon j’ai toujours accordé de l’importance à ces échanges, car à l’époque le Camp des Loges n’était pas aussi cloisonné qu’aujourd’hui. On pouvait discuter.

Tu penses par exemple qu’il est important que les plus jeunes joueurs comprennent l’importance de ce que représente un club pour ses supporters ? Car ils sont de plus en plus dans une bulle protectrice.
Oui. Lens était un bon exemple pour ça. C’est un public plus conciliant qu’à Paris, mais il donne un tel amour. Chaque semaine on recevait des piles de carte-postales, de courriers avec des discours, des photos… C’était démesuré. Gervais Martel nous obligeait à rester après les entrainements pour discuter avec les supporters. Pendant les stages de préparation avant la reprise, il y avait près de 2000, 3000 supporters qui venaient nous voir. On signait tous les maillots. Ces supporters, ce sont des familles de mineurs, des gens avec peu de moyens mais qui se saignent pour venir au stade. Martel nous emmenait dans les mines pour nous aider à comprendre l’identité du club. Du coup quand tu en prends conscience, tu as un devoir sur la pelouse vis à vis de ces gens là. C’est pour ça que je pense que ce club ne restera pas en ligue 2.

Tu penses que cela peut s’appliquer au PSG aujourd’hui ?
Le football a changé depuis mais surtout financièrement. Les hommes restent les mêmes et c’est là que le PSG doit progresser. On parle souvent de l’institution. Quand un joueur signe au Real, il sait qu’il arrive dans une institution plus forte que lui-même. Même Cristiano a du partir. Il voulait une nouvelle prolongation, avait de nouvelles exigences. Mais non. Le Real va continuer à avancer, mais sans lui. C’est ça. Dès l’instant où le club a capté ça… Il y a eu de mauvaises déclarations de joueurs du PSG. On ne reviendra pas dessus. Mais si tu viens au PSG, il faut venir pour ce que représente le club et pas seulement pour l’argent. Si le club arrive à avoir ce discours lorsqu’il recrute un joueur, en lui expliquant qu’il y a un partage de valeur nécessaire, c’est tout gagné et les supporters vont le ressentir aussi.

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Si seulement Lorik les avait écouté…

Il y a un match qui t’a marqué plus qu’un autre au PSG ?
Oui l’élimination en Ligue des Champions face à Moscou. Cette qualification était possible, un nul suffisait… Mais rien ne s’est passé comme il fallait. On était pas bien, Modeste M’Bami se blesse rapidement dans le match, fracture du péroné, derrière on perd nos repères et on en prend trois face à une équipe où il n’y avait rien. Serguei Semak met trois buts mais c’était juste son soir. Nous ce n’était pas le notre. Je m’en étais même excusé à la télévision auprès des supporters. La défaite fait partie du sport mais dans l’attitude et le contenu ça n’allait pas. Même aujourd’hui je ne saurais pas l’expliquer.

Par contre la victoire à Nice avec l’expulsion volontaire d’Alonzo le 10 avril 2004 est restée symbolique de la mentalité de votre équipe ?
Ça c’est un bon souvenir. On commençait à jouer le titre. Déjà ça fait toujours plaisir de marquer (ndlr : José égalise sur corner à la 80ème min.). Puis on arrive presque dans les arrêts de jeu. Vahid nous demande de conserver le score, il m’interdit de monter sur un dernier coup-franc. On verrouille ! Et puis ‘Juanpi’ Sorin nous crie « Vamos, vamos » avec la Grinta ! On est monté et puis il a marqué (ndlr : à la 87ème minute sur une tête plongeante). On avait les crocs, le couteau entre les dents. On était animé par quelque-chose et ‘Juanpi’ faisait partie de ces mecs qui amenaient ce truc en plus entre nous.

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Une équipe de bonhommes

‘Juanpi’, parle nous du joueur et de l’homme.
Y a pas de hasard si il n’a jamais connu la défaite sous le maillot parisien. Il avait quelque-chose. C’était un battant malgré son petit gabarit, très fin techniquement. Il ne lâchait rien sur le terrain, très généreux. Cette énergie « s’infusait » sur tout le monde. Ensuite il est d’une humilité exceptionnelle. Il avait un CV incroyable mais s’est très vite intégré. quand on parlait tout à l’heure de gestion de vestiaire, ce genre de grands joueurs sont très faciles à gérer. Si il était resté on n’aurait pas fait la même saison, l’année d’après. Et il ne demandait qu’à rester. Il ne venait pas faire un tremplin au PSG. Il était bien à Paris, sa famille aussi.

Il y a une certaine nostalgie de ton époque auprès des supporters. D’où cela vient-il selon toi ?
Ce qui fait la beauté du sport c’est l’incertitude. Alors aujourd’hui c’est super que le Qatar ait mis autant de moyens dans le club, car même avec des gamins du centre de formation, ça gagne. C’est très bien, mais nous à l’époque c’était différent. Quand les joueurs venaient au PSG, c’était souvent l’amour du club qui les motivait. Cette identification par rapport à la ville et aux supporters. Même si pour certains ça n’a pas marché car le contexte ici est particulier. C’était plus facile pour les supporters de s’identifier aux joueurs.

Ton expérience aux Rangers a été courte mais as-tu senti des similitudes dans l’ambiance entre Bollaert, le Parc et Ibrox ?
Déjà ce que je peux te dire, c’est que 90% des joueurs de ligue 1 t’avoueront que le Parc c’est le meilleur stade de France en terme de caisse de résonance, d’atmosphère, malgré le fait que certains stades aient été refaits depuis. Ce que dégage ce stade c’est juste exceptionnel. Après rapport aux Rangers ou au RC Lens, il y a un public différent. On sent une certaine douceur du côté de Lens, alors que le public parisien est exigent. C’est plus électrique parce que l’environnement parisien est comme ça. A Ibrox c’est aussi un public exceptionnel mais il ressemble au public lensois.

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« José, toi écouter Vahid, toi gagner. »

Tu aimerais un jour revenir au club ?
Aujourd’hui je suis à l’UNFP et j’ai été longtemps responsable des clubs de la partie Nord en France. J’ai passé un diplôme de manager général niveau Bac+5 à l’université de Limoges, le même diplôme que Zidane a obtenu et dont tout le monde a parlé. Je ne sais pas de quoi sera fait demain mais j’ai un attachement particulier au PSG, j’aime ce club, cette ville où j’habite, donc c’est en pointillé.

Parle-nous de ton poste actuel à l’UNFP.
Je travaille pour une structure de l’UNFP qui s’appelle Europ Sports Management. J’ai du passer mon diplôme d’agent afin de l’intégrer. Nous sommes là pour conseiller les joueurs et leurs familles, ceux qui sont adhérents à l’UNFP. Pour info près de 95% des joueurs pros sont membres de l’UNFP. On a aussi des joueurs sous contrat comme Christopher Nkunku du PSG. Ça fait 5-6 ans que je suis son agent. Il y a aussi Yohan Demoncy du PSG que j’ai fait prêter à Orleans pour qu’il puisse s’aguerrir et gagner du temps de jeu. C’est un métier qui me plait. Déjà sur toute la partie réglementation. Je ne me voyais pas dans un poste d’entraîneur. Je suis plus à l’aise dans tout ce qui est « office, gestion, politique de club ». Et puis ça me permet de rester au contact des joueurs, c’est ça que j’aime. Être proche du terrain et partager l’expérience.

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Band of Brothers Reloaded

Comment s’est passée la rencontre avec Christopher, comment l’as-tu détecté ?
Ça fait partie de mon job d’aller voir des matchs et de superviser des joueurs. Je l’avais repéré lorsqu’il jouait en U16 au PSG. J’ai aimé sa façon de jouer même si il était petit et chétif. Mais il puait le football. Je savais que ça allait passer. Ça n’a pas toujours été facile pour lui car on ne lui a pas fait de cadeau, d’ailleurs on ne lui en fait toujours pas même si il est dans ce groupe de galactiques. Tout ça il ne le doit qu’à lui même car il a été la chercher cette place. C’est un joueur qui progresse au quotidien. Il est à l’aise techniquement et humainement c’est un super mec. Il est parti sur de bonnes bases, il est bien éduqué et bien entouré.

Quels conseils lui apportes-tu, toi l’ancien défenseur ?
J’ai été confronté à beaucoup d’attaquants dans ma carrière. Donc je peux lui donner des conseils mais c’est surtout sur ce qu’on attend de lui à son poste. Et sur ce que le club attend de lui en tant que joueur. Le relai il est là. Il a encore le temps de progresser mais je lui donne les détails sur lesquels il doit progresser car le football de haut niveau ce sont les détails. Parfois il est un peu énervé sur certaines situations mais avec mon expérience je le rassure. Je le calme. C’est la même chose lorsqu’il est euphorique. Le football c’est une perpétuelle remise en question. Si tu mets 2 buts dans un match, les supporters t’applaudissent, mais si tu en loupes deux au prochain ils seront les premiers à te siffler.

Christopher est donc attentif à ces conseils, est-ce que c’est aussi un passionné de football ?
Ah il aime ! Tous les joueurs sont à l’écoute en vrai, mais ils ne sont pas tous capables d’appliquer ces conseils. Christopher, il écoute, il comprend et il applique.
Et puis il est bon à tous les postes où on le positionne. Même si ce n’est pas toujours son poste de prédilection, milieu relayeur. Il aime être dans le jeu, toucher le ballon, l’orienter et finir les actions. Il est très juste dans les zones de vérité. Il a une vraie faculté d’analyse et du sang-froid. Ça, c’est le très haut niveau.

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Branko, je sens que tu as envie de faire des blagues ce soir au Vélodrome…

C’est difficile pour lui de vivre dans l’ombre de Neymar ou Mbappe ?
Oui c’est difficile. C’est comme dans toute vie professionnelle, il y a des étapes. Tu arrives dans le vestiaire, tu as des étoiles dans les yeux quand tu vois les meilleurs. Mais cette étape, je suis le premier à dire qu’elle ne doit pas durer trop longtemps. Même pas 6 mois. Au bout d’une semaine, même si ces mecs sont des stars, il faut avoir envie de leur piquer leur place. C’est compliqué car ces joueurs ont un statut, sont parfois champions du Monde. Mais Christopher a été bon à chaque fois qu’il a joué, il a été formé au club, il représente l’avenir. Si il ne jouait pas au PSG, si il était à Marseille ou Monaco, je pense qu’il jouerait. Regarde Aouar avec qui il est en espoir, il est titulaire à Lyon. Mais bon à Paris il y a des joueurs qui ont couté très chers, qui sont très bons, en les mettant sur le banc vous risquez de les dévaluer, ça fait partie de la gestion d’un club, d’un effectif, ça fait partie du jeu. C’est dur à vivre mais si vous comprenez la situation c’est plus simple et Christopher la comprend. Pour le moment tout va bien, même si à un moment il y aura des décisions à prendre. Il mérite plus de temps de jeu, je le dis haut et fort. Mais il faut être patient. Le discours de Tuchel est positif avec lui, mais… peut mieux faire, ah ah ah…

Source photos (c) Panoramic


Xavier Chevalier

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