Le sale gosse aux pieds d’or

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Marco Verratti. Il suffit de dire son nom pour que les conversations s’enflamment. Génie absolu pour les uns, petit merdeux surcôté pour les autres, il ne laisse personne indifférent. Je me range sans aucune hésitation aux côtés des premiers. Comme ça, si vous ne pouvez pas le sentir, ça vous évitera de perdre votre temps à me lire. De rien.


Ces dernières semaines, Daniel Riolo ne s’est pas privé de dire ce qu’il pensait de Marco. Daniel a semble-t-il une dent contre le Petit Hibou. Voire même un dentier complet, car ce n’est pas la première fois qu’il lui réserve sa bile. Au centre des critiques, la sacro-sainte hygiène de vie, concept fourre-tout bien pratique et qui se retient bien (pour être repris en boucle par ses fidèles). D’après le journaliste star de RMC Sport, il est de notoriété publique que Marco se la colle tous les soirs dans les établissements huppés de la nuit parisienne. Alcool, cigarettes, petites nuits et yeux embués seraient le quotidien de l’Italien. De prime abord on peut se dire que cela ne regarde que lui, et que tant que cela n’est pas préjudiciable à son rendement sur le terrain, il n’y a aucun problème. On commencera à s’inquiéter quand on le retrouvera à 8h un dimanche matin dans un after. Mais c’est là que le bât blesse, selon le Grand Inquisiteur Riolo. Car au cas où ça vous aurait échappé, Monsieur Verratti est tout le temps blessé et donc absent dans les grands matchs, il ne progresse plus depuis des années et reste imperméable aux réprimandes de ses entraîneurs. Si ça ne tenait qu’à lui, Daniel aurait déjà fouetté Marco en place publique, pour l’exemple.

Si l’on s’attarde quelque peu sur les reproches qui sont faits à Marco, on constate que c’est quand même un peu léger et franchement à charge. Ses blessures sont récurrentes, c’est vrai. La dernière en date est une entorse à la cheville consécutive à un choc. Difficile de lui en tenir rigueur. La plupart du temps, c’est une pubalgie tenace qui l’a écarté des terrains. Très fréquente dans le sport de haut niveau, c’est une blessure longue à traiter et très douloureuse, qui touche soit les adducteurs soit les muscles abdominaux qui s’insèrent sur la hanche. Quand on regarde le jeu de Verratti, fait de dribbles courts et de changements de direction très rapides, on comprend qu’il puisse y être sujet. J’ose même dire que son jeu a plus d’impact sur ses blessures que ses sorties nocturnes. Mais ça n’engage que moi, je n’ai pas la connaissance médicale du Professeur Riolo, expert reconnu en médecine du sport.

Autre reproche très fréquent, Marco ne progresse plus depuis des années. Là il n’est pas question de médecine mais bien d’opinion personnelle. Nous en avons tous une. Par exemple, je peux dire que Monsieur Riolo ne progresse plus dans son activité depuis des années sans avancer le moindre argument. C’est mon opinion. Le Petit Hibou n’a jamais été un joueur de statistiques. Il ne marque pas et ne fait pas beaucoup de passes décisives ? C’est vrai. En revanche il travaille pour trois au milieu, résiste à la pression comme personne, sait se libérer du marquage et trouver des passes que seul lui peut voir. A l’exception des premiers mois de la saison 2017-2018 où il était en difficulté, je n’ai pas souvenir d’un mauvais Verratti. Et encore, le terme mauvais est à relativiser. Tout comme sa prétendue stagnation. J’aimerais beaucoup qu’on m’explique sur quels critères précis elle est constatée. Quand je vois avec quelle facilité Marco arrive à fluidifier le jeu, à quelle vitesse il s’est adapté aux exigences de Tuchel ou à l’influence de Neymar dans le jeu, je ne vois pas de stagnation. Je vois plutôt le génie à l’œuvre. Et puis soyons sérieux deux secondes… Marco a-t-il encore une énorme marge de progression ? Bien sûr que non ! Il fait déjà partie des meilleurs milieux du monde. Reproche-t-on à Thiago Silva de ne plus progresser ? Non, on est simplement heureux d’avoir un tel joueur dans notre équipe.

Le seul reproche qui me semble fondé concerne son caractère. Ancelotti, Blanc et Emery lui ont tous soufflé dans les bronches et l’ont sommé d’arrêter de discuter à chaque coup de sifflet. Mais rien à faire, Marco râle toujours. Tout comme il continue à prendre des cartons pour excès d’engagement. Un jaune contre Bastia pour un tirage de short insolite, ça fait sourire. Un rouge contre le Real Madrid en Ligue des Champions en mars 2017, ça ne fait rire personne. Mais même là il faut apporter un peu de nuance. Sur ce match à oublier où le PSG n’a jamais été à la hauteur de l’enjeu, seul Marcolino a montré de l’envie. Il était peut-être le seul à y croire encore. Malheureusement il a aussi mis fin lui-même à cet espoir. Aussi incroyable que cela puisse paraître, Verratti n’est pas parfait.

Après tout, la critique n’est pas interdite dans notre pays. Daniel Riolo est libre de ne pas aimer le Gufetto. Mais est-ce vraiment le professionnalisme du joueur qui est en ligne de mire ? Qu’est-ce qui se cache derrière ta colère, mon bon Daniel ? Je t’invite à te rapprocher du psychologue d’entreprise de RMC Sport, Vincent Moscato. Mais comme je suis lancé, j’en profite pour donner mon avis sur la question. Pourquoi tant de haine envers Marco ? Peut-être parce qu’il incarne à la perfection ce qu’on aime détester. Provocateur, roublard, sourire en coin, toujours à l’affût d’une connerie à faire ou à dire, il est surtout incroyablement talentueux et ne semble jamais avoir à forcer. Trop facile Marco ! De quel droit se permet-il de profiter de la vie et de régaler sur le terrain ? Dans un pays où l’on associe trop facilement talent et « melon » et où l’on tient les besogneux en très haute estime, Verratti agace. Il divise jusque dans les rangs des supporters parisiens, là où Cavani fait pratiquement l’unanimité. L’Uruguayen est une machine, un acharné de travail dont les seuls vices connus sont l’ornithologie, la chasse et la pêche. Marco sort en boîte, fume, picole. Pas le même style. De plus, Edi n’a jamais cherché à quitter le PSG, même lorsqu’il était en difficulté. Verratti a lui été tenté par les sirènes catalanes. Beaucoup de supporters lui en ont longtemps tenu rigueur.

Marcolino appartient à une espèce en voie de disparition, celle des artistes subversifs. Maradona, Best, Cantona… Verratti a repris le flambeau de ses illustres prédécesseurs sans la moindre pression. En toute décontraction, comme lorsqu’il fait une roulette au milieu de trois joueurs devant sa surface. On tremble, on arrête de respirer, on râle… mais ça passe. A l’aise. Il sait que c’est risqué, limite inconscient. Mais il l’a déjà expliqué, son jeu est ainsi et il ne le changera pas. La notion de plaisir est prépondérante. Marco aime frissonner autant que nous faire frissonner. A une époque où le football est souvent vu comme une performance athlétique et des statistiques, il représente un vestige du passé, un petit bout de XXème siècle, quand le talent primait sur tout le reste. Marco est un petit con génial, un sale gosse aux pieds d’or. On envie tous son talent insolent, sa facilité déconcertante. De la même façon, on perd patience devant son caractère bien trempé, sa mauvaise foi, son irrépressible besoin de contester. Marco n’est pas consensuel. Il ne le sera jamais. Ses défauts le rendent terriblement humain. Et c’est tant mieux. Sans cela, son talent aurait suffi à le faire accéder au statut de Dieu vivant.


Café Crème et Sombrero

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