Nambatingue Toko

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Il est et restera à jamais le 1er buteur du PSG en Coupe d’Europe (1982).
14 ans plus tard, il soulevait la Coupe des Vainqueurs de Coupes,
comme membre du staff. Nambatingue Toko, c’est 15 ans de fidélité
au Paris Saint-Germain. C’est « Tonton Toko » pour George Weah,
Bernard Lama, et beaucoup d’autres. C’est l’histoire du PSG.

Vous êtes arrivé au PSG en 1980, à 27 ans. Comment cela s’est-il passé ?
C’était en fin de saison, lors d’un match exhibition dans le Nord. Le président Borelli est venu me voir. Il m’a dit : « est-ce que ça t’intéresse de venir au PSG ? »

Vous sortiez d’une saison incroyable avec Valenciennes, les supporters ont tout fait pour vous dissuader de partir ?
Oui, c’est quelque chose que je n’oublie pas. Je n’ai fait qu’une saison à Valenciennes, je n’oublierai jamais les gens là-bas, le public. Mais j’ai été tenté par l’aventure parisienne. Quelque part, cela ne se refusait pas. Cela représentait un changement de statut, même si le PSG était encore un club jeune (10 ans). J’étais associé à Dominique Rocheteau. Comme moi, il venait d’arriver. Je me suis senti bien tout de suite.

Nous étions une équipe moyenne. Nous n’avions encore rien gagné. Mais en 1980, il y avait déjà une super star, un joueur hors norme, Mustapha Dahleb, puis Safet Sušić. Ce sont deux joueurs extraordinaires, avec qui j’ai été très heureux de jouer.

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(c) Paris Canal Historique

Ce sont les meilleurs joueurs que vous avez côtoyés ?
A mes touts débuts à Nice, j’ai joué aussi avec de très bons joueurs au milieu de terrain : Jean-Marc Guillou, Roger Jouve, Jean-Noël Huck. Il n’y avait pas beaucoup d’équipes qui avaient un tel milieu de terrain. J’ai eu la grande chance, le privilège de pouvoir jouer au côté de grands joueurs.

Vos coéquipiers pourraient en dire autant de vous ?
Moi, vous savez, j’étais juste grand par la taille (1m87). Dans ce sens là oui, on peut le dire. J’étais un bon joueur, sans plus.

Vous avez tout de même inscrit 43 buts* avec le PSG (1980-1985) ?
43 ? Je ne savais pas (sourires). Je ne les ai pas comptés. Marquer pour un attaquant, c’est ce qu’on attend de vous. C’est vrai aussi que ce sont de belles émotions.

Souvent, vous marquiez des buts décisifs, spectaculaires : lors des deux 1ères finales de Coupe de France (1982, 1983), en Coupe d’Europe…

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(c) Collection Thierry Morin

Pour essayer de bien faire mon travail, il fallait que je sois hyper concentré. Pour les grosses affiches, les matches à enjeux, je crois que je l’étais encore plus. Par exemple face à Saint-Etienne, je n’avais besoin de rien ni personne pour me motiver, j’étais à 100%. En face, nous avions des internationaux, la motivation venait d’elle-même. Tout cela me transcendait moi-même, tout seul. 40 000 spectateurs au Parc aussi ça motive ! Même si je l’étais déjà. Cette adrénaline, c’est comme si c’était une drogue pour moi. Je me disais : « Ce soir, tu te dois d’être décisif ».

Le 28 septembre 1982, vous inscrivez un but historique : le 1er du PSG en Coupe d’Europe. Est-ce une fierté pour vous ?
Ce sera au moins mon titre de gloire avec le PSG. On m’en reparle aujourd’hui, cela fait toujours chaud au cœur. Moi sur le moment, je ne pense pas du tout à ça (sourires). Je me dis qu’il faut marquer, car il faut qu’on se qualifie. On avait perdu à l’aller en Bulgarie (Lokomotiv Sofia 1-0 PSG). A chaque occasion, il fallait que je sois concentré à 100% pour marquer. A la 20ème minute, je parviens à le faire sur le centre de Dominique Bathenay.

Ce soir-là, vous inscrivez un doublé, dont votre 2ème but, un retourné spectaculaire ?
Sur le moment c’était un but décisif aussi (sourires), il y avait 2-1, et si le match s’arrêtait là (81’), on se qualifiait. Mais ensuite on a marqué 2 autres buts (5-1). C’était une belle soirée et l’aventure européenne continuait. C’est ce qu’il y avait de plus important.

Votre interview télévisée d’après-match est un peu rentrée dans l’histoire, aussi. Le journaliste George Dominique : « C’est le plus beau but de votre carrière ? » Vous lui répondez : « Benh non ! Vous me connaissez… J’ai marqué des plus beaux buts que ça, quand même ? »
A l’époque, c’était très rare que les matches passent à la télé. C’est vrai que c’est resté. Georges Dominique est depuis devenu un pote, il me dit : « J’ai fait ta carrière, et tu as fait la mienne aussi » (sourires).

Les gens me parlent de ce but, et aussi de ce que j’avais dit… Mais moi je sais que j’ai marqué un plus beau but avant, je ne sais pas si on peut retrouver les images car ce n’était pas télévisé. C’était avec Valenciennes, à Monaco. On gagne 1-0. C’est celui-ci mon plus joli but.

Vous êtes le 1er Tchadien à avoir évolué en D1. Comment êtes-vous arrivé en France ?
Il y avait un coopérant français qui supportait mon club (Yal-Tchad), il était Procureur Général au Tchad. Il aimait bien le foot et il était supporter du club où je jouais. Il a fait les démarches pour que je vienne en France, et je suis arrivé à Grenoble, à l’époque en 4ème division. J’avais 21-22 ans. Ensuite j’ai joué en 3ème division à Albi. Un étage supérieur, c’était déjà bien et on était dans le groupe Sud, on jouait face aux réserves pros de Monaco, Nice… C’est comme ça que j’ai été repéré par l’OGC Nice (1975). A Nice, ça s’est bien passé. Je jouais avec la réserve, j’attendais qu’on me donne ma chance et ensuite je me suis mis à jouer avec les pros. J’ai signé mon 1er contrat professionnel.
Donc ce Monsieur, c’est lui qui m’a permis de venir en France. Il est reparti travailler au Tchad. Il m’a laissé à Grenoble, il fallait que je me débrouille.

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(c) Paris Canal Historique

Etait-ce difficile au début, l’adaptation ?
Il faut savoir pourquoi on est là. Essayer d’avancer, toujours, et saisir sa chance. 
Sur le terrain, il a fallu s’adapter au foot européen. Je ne pensais pas que ce serait aussi dur. Surtout physiquement, c’était beaucoup plus exigeant. Depuis le Tchad, on ne s’imaginait pas que c’était aussi dur. Aujourd’hui, il y a la télévision, tout le monde suit les championnats européens. A l’époque, il n’y avait pas de télé, pas d’image. On suivait les matches sur France Inter. On n’avait aucune idée de la dureté physique dans les duels. Mais on travaille et on s’y fait.

En France, le foot a pu devenir mon métier. Au Tchad, je ne gagnais pas du tout d’argent. C’était juste pour le plaisir. A Grenoble, puis Albi, des clubs amateurs, j’avais un petit fixe, des primes de victoires. J’arrivais à commencer à vivre du football.

C’est vraiment à Nice que je suis devenu professionnel. Je me suis acheté une mobylette, j’allais à l’entraînement avec (sourires). Je n’étais pas le seul il y avait aussi Dominique Baratelli. Sur la Côte d’Azur, c’est agréable.

Votre nom, en entier, c’est Nambatingue Tokomon Dieudonné, on vous a toujours appelé Toko ?
Mon prénom c’est Tokomon, et mon nom Nambatingue. Quand j’ai commencé à jouer professionnel, à Nice, Jean-Noël Huck m’a dit : « On va t’appeler ‘Toko’, c’était plus facile à dire que Tokomon ». Toko, c’est devenu mon nom de guerre (sourires). Tout le monde s’est mis à m’appeler comme ça. Mais mon tout 1er prénom, c’est Dieudonné.

En 1989, vous revenez au PSG, cette fois pour 10 ans.
Oui c’est Francis Borelli qui m’a demandé. Il m’appelait souvent et un jour il me dit : « Tu ne veux pas me faire une mission, superviser des matches à gauche, à droite ? » J’ai commencé avec lui, on allait voir des matches ensemble, en Belgique par exemple. Un jour, il dit : « Tu ne veux pas le faire pour moi ? ». Au début, j’ai commencé comme ça, je travaillais pour l’équipe réserve, puis j’ai intégré le staff, l’équipe 1ère. La première fois avec Ivic, ensuite Henri Michel, Artur Jorge, Luis Fernandez. Artur Jorge m’a particulièrement marqué.

De quelle façon ?

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(c) Paris Canal Historique

Il a amené beaucoup de rigueur et de professionnalisme. Il a fait progresser les joueurs, et le PSG petit à petit. Avec Borelli, on était bien, on se marrait bien. Quand Canal est arrivé (1991), c’était plus professionnel, à tous les nivaux. Les exigences, la compétition, tout commençait à changer.

A notre époque, chacun emmenait son maillot dans son sac. Là, ce n’était plus la « pagaille » (sourires). Au niveau des entrainements, le rythme, le contenu… On sentait qu’on avait basculé dans une autre ère. Les actionnaires voulaient des résultats. Il a fallu un an, deux ans, puis on a gagné le Championnat. En face il y avait Marseille, un adversaire redoutable. Paris devenait une grande équipe d’Europe, jusqu’à gagner la Coupe d’Europe en 1996.

Artur Jorge, et les joueurs Valdo, Ricardo, dégageaient une exigence et une sérénité impressionnantes. Ils avaient l’habitude de gagner. Par exemple Valdo, il vivait mal quand Paris ne gagnait pas au début (1991), il disait : « c’est quoi ces matches nuls ! ». Lui et ses coéquipiers dégageaient une certaine force de caractère.

Un peu plus tard, vous avez vu arriver, puis briller, un autre Brésilien : Raí ?
La 1ère année n’a pas été facile pour lui. Il sortait de 2 saisons à plus de 60 matches, où il n’arrêtait pas de jouer. Il est arrivé du Brésil un peu lessivé. Malgré tout pour son 1er match, au Parc, je m’en souviendrai toute ma vie : il fait une magnifique transversale, une ouverture de 40 mètres sur un coup du foulard. Souvent quand on arrive dans un club, on n’ose pas trop faire ce genre de geste.

En dehors des matches, il fallait voir ce qu’il faisait à l’entraînement. Lui et les autres ! Weah ou bien Leonardo…. Leonardo avec un pied gauche incroyable, je le trouvais tout maigre (sourires) mais ce qu’il était capable de faire, c’était extraordinaire. Des petits trucs que l’on ne voit pas en match. C’était une joie tous les jours de les voir s’entraîner.

George Weah, il dégageait beaucoup de charisme, de sérénité. Il n’avait pas peur de quoi que ce soit. Rien ne l’impressionnait avant un match. C’est aussi quelqu’un de très généreux.

Comment votre histoire avec Paris s’est-elle finie ?
A l’arrivée de Laurent Perpère (1998), Philippe Bergeroo était entraineur, avec le nouveau directeur sportif (Jean-Luc Lamarche) ils ne voulaient pas d’anciens joueurs au club. Ils ont tout fait pour que l’on parte. C’était difficile, oui.

Paris, c’était comme une famille. Tous les joueurs blacks au club, ils m’appelaient Tonton Toko. Ils pouvaient m’appeler quand ils voulaient, s’ils avaient des problèmes ou simplement pour parler. Parfois, quand un joueur était moins bien, Artur Jorge me disait : « Vas lui parler » ou « Dis lui quelque chose » (sourires). Tous les jeunes, j’étais proche, aussi les anciens Bernard Lama, George Weah, Oumar Dieng, Pascal Nouma…. C’était mon quotidien, ma vie. Quand cela s’arrête, ça fiche un coup.

Que s’est-il passé pour vous ensuite ?
Je suis parti avec une copine en Tunisie, puis en Italie, et là je suis revenu dans le sud depuis 8 ans. Je vis dans un petit studio. Ce n’est pas toujours facile mais c’est comme ça. J’ai une petite retraite. Il faut faire attention.

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(c) Histoire du PSG

Depuis les 4 dernières années, j’ai aussi été un peu malade. Ici dans le sud, j’ai mes enfants et petits enfants qui ne sont pas loin. Le moral reste bon, à 100%.

Avez-vous toujours des contacts avec le PSG ?
Avec le PSG, non. Je n’ai plus beaucoup de liens. Il n’y a pas très longtemps, j’ai revu Jean-Marc Pilorget, qui habite dans le sud. J’ai Bernard Lama aussi de temps en temps. Thierry Morin m’a appelé pour prendre des nouvelles, ça m’a fait plaisir. C’est vrai qu’à notre époque, on se marrait vraiment au PSG. Il fallait être costaud, car quand on se chambrait, ce n’était pas à moitié (sourires).

*17ème au classement historique des buteurs du PSG

Dieudonné Tokomon Nambatingue

Né le 21 août 1952 à N’Djaména (Tchad)
Attaquant, 1m87
International tchadien

Joueur : Grenoble (1973-1974), Albi (19874-1975), Nice (1875-1978), Bordeaux (1978), Strasbourg (1978-1979), Valenciennes (1979-1980), PSG (1980-1985), RC Paris (1985-1986)

Palmarès Joueur : Champion de France (1979), Vainqueur de la Coupe de France (1982, 1983), Finaliste de la Coupe de France (1978, 1985), Champion de France d D2 (1986)

Entraîneur adjoint : Paris Saint-Germain (1989-1998)

Palmarès entraineur adjoint : Champion de France (1994), Vainqueur de la Coupe de France (1993, 1995), Vainqueur de la Coupe de la Ligue (1995), Vainqueur de la Coupe des Vainqueurs de Coupe (1996)


Emilie Pilet

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