Oh! mon Javier

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Le Parc des Princes n’est certes pas la Bombonera, enfin surtout depuis quelques années, mais il y règne souvent un doux parfum albiceleste. Il existe une véritable histoire d’amour entre le Paris Saint-Germain et les argentins. Cette relation a toujours été fusionnelle, et elle le restera. Alors que les tifos PQ reviennent fleurir un de nos Virages, sur le pré vert, un ange venu d’outre atlantique nous enchante. Parfois. Rarement. Trop rarement.


Un Ange peut en cacher un autre. Ils ne sont pas toujours ceux que l’on croit. Malgré ses longues absences, il illumine à chacune de ses apparitions notre Ville Lumière. Son intermittence n’en est que plus douloureuse. Elle contribue à alimenter notre passion, commune à tous les vrais amoureux du Paris SG, et réciproque, nous n’en doutons pas. Sa place est et restera unique dans notre cœur. Peu importe ce qu’il adviendra. Elle m’a donné envie de vous compter cette ode au Football ! Ode au Paris SG ! Ode à Javier Pastore !


Arrivé le 6 août 2011 avec grand fracas et grâce à la force de persuasion du carnet du Cheikh, le timide natif de Cordoba, du haut de ses 22 ans, n’avait pourtant rien demandé, mis à part le plus gros salaire de Ligue 1, une broutille qu’il a facilement obtenue. Il était tranquille sur son île italienne, loin des sirènes médiatiques mais proche des Vélines siciliennes. Du côté de Paris, notre petit Léo savait repérer et recruter les talents en leur vantant la magie parisienne. Les 42 millions d’euros de son transfert, record à l’époque dans le championnat de France, pesèrent fortement sur l’intégration du jeune argentin. Hasard ou coup de génie du champion du monde brésilien, l’ami Salvatore Sirigu fit le même voyage de la Sicile à nostra casa parigina…

Un mois plus tard. 11 septembre 2011. Le jour n’est pas à la fête. Au Parc des Princes, le Paris SG a du mal à s’imposer face à une modeste équipe de la pointe du Finistère. C’est contre ce club, le plus à l’ouest de France, situé à 5382 kilomètres de Ground Zéro, que Javier Pastore va célébrer son premier but officiel sous ses nouvelles couleurs. Après une belle percée de Jérémy Menez, Javier s’oriente le ballon de l’intérieur du pied gauche avant d’effectuer un petit tir piqué du droit qui laisse planter dans le gazon trois défenseurs bretons et atterrit non loin de la lucarne droite du portier brestois. Néné, Mathieu Bodmer, Kevin Gameiro, Blaise Matuidi, Diego Lugano, Mevlut Erding entre autres vinrent remercier l’artiste pour sa première offrande au peuple Rouge et Bleu. Paris – Brest, 1 – 0. Javier a régalé.

Une semaine plus tard. 18 septembre 2011. Les hommes d’Antoine Kombouaré se déplacent à Annecy pour affronter Evian, Thonon et Gaillard. Juste avant la mi-temps, Jérémy Ménez, une nouvelle fois, sert Javier Pastore, à quelques mètres de la surface de réparation et dos au but. Rien d’insurmontable pour le phénomène. Il contrôle tranquillement, se retourne sans perdre la balle des pieds, protège son ballon de la semelle, puis il accélère laissant sur place trois défenseurs, avant finalement d’ajuster le gardien d’une frappe croisée qui va finir dans le petit filet opposé. Les parisiens repartiront de Haute-Savoie avec un nul 2 – 2. La France découvre Javier Pastore et comprend vite qu’il pourrait menait le Paris SG en haute altitude…

L’attitude est sobre et éclatante à la fois

Une semaine plus tard, encore. 24 septembre 2011. A Montpellier, Javier Pastore s’offre son premier doublé. Alors que le Paris SG mène déjà 1 – 0, juste avant la mi-temps, Siaka Tiéné d’un centre lointain de la gauche trouve Javier à droite de la surface de réparation. Celui-ci a le temps de voir le ballon arriver. Il se place idéalement, le corps en équilibre. Les mouvements de ses jambes sont parfaits. Le coup de pied est limpide, il coupe la trajectoire du ballon avec force et détermination, le ballon propulsé vers le sol, rebondissant. La reprise de volé est imparable, le ballon part dans le petit filet opposé. Le geste est idéal, l’instant est pur, l’attitude est sobre et éclatante à la fois. 55 minutes plus tard, alors que le match est bientôt terminé, Siaka Tiéné, encore lui, dégage le ballon en direction du but opposé pour s’extirper du pressing montpelliérain. Le très inspiré portier local, Geoffrey Jourdren, sort de sa surface et ne pouvant l’attraper avec les mains … il se fait lober par le ballon. Javier ayant anticipé l’incompétence du gardien, et malgré une tentative de celui-ci d’un plongeon arrière inespéré, Pastore arrive à récupérer le ballon juste avant qu’il ne sorte du terrain afin de le propulser d’un tir croisé et millimétré du pied droit dans le but vide, avec un rebond sur le poteau opposé. Montpellier – Paris SG, 0 – 3.

Javier éclabousse de son talent des héraultais, futurs Champions de France, qui prennent l’eau à la Mosson, pour ce qui sera leur seule défaite à domicile de la saison.
Le Football n’est pas seulement une religion. C’est aussi un art. Le berger Javier en est un de ses plus illustres esthètes contemporains. Les artistes ont une vie précaire. Ils restent longtemps méconnus, puis un jour ils se retrouvent tout en haut et parfois, du jour au lendemain, ils retombent dans l’anonymat. L’artiste Javier Pastore n’échappe pas à la règle.

« El Flaco », le maigre, a la santé fragile. Il serait donc humain ? Sa vision du jeu extralucide, ses éclairs instantanés, son aisance technique si fluide, si naturelle, ses inspirations soudaines, ses chevauchées fantastiques, sa classe intrinsèque… nous auraient presque fait croire qu’il était extraterrestre. L’Argentine a cette qualité là. Elle sait générer des footballeurs extraordinaires dont le talent surnaturel engendre les passions les plus folles et provoque des orgasmes footballistiques aussi répétés qu’inattendus. Joyeuse Saint-Valentin.

Il est un ballet à lui tout seul

Sur un terrain, lorsque vous regardez évoluer Javier Pastore, il ne s’agit pas uniquement de Football. Il est un ballet à lui tout seul. Du Parc des Princes à l’Opéra, il n’y a qu’un pas. Son jeu est une danse improvisée. Ses déplacements, ses mouvements, ses gestes forment une véritable chorégraphie. Des moments de grâce. La palette de l’artiste est complète. Ses talonnades, ses extérieurs du pied, ses contrôles, ses passes en profondeur, ses crochets intérieurs ou extérieurs du pied, ses changements de rythme, ses petit-ponts, ses changements de direction, ses grands-ponts, ses râteaux, ses reprises de volée, ses maintiens de la boule de cuir avec la semelle, ses tirs du coup de pied, en général petit filet opposé, vous l’aurez remarqué, ses passes dans le dos à la Ronaldinho, ses dribbles fous dans la surface, ses louches, ses lobs, un mélange des genres qui n’a de cesse d’enrichir l’œuvre du génie de passes décisives et de buts à chacune de ses apparitions.

Javier Pastore est un créateur. Son rôle principal dans son équipe est de mener le jeu. Il s’exécute à merveille. Une de ses plus grandes qualités sur le terrain est son altruisme. Incroyable passeur, il n’a quasiment pas d’égal pour placer ses coéquipiers dans les meilleures positions et conditions pour marquer des buts. Il a l’art et la manière de trouver les espaces, en diagonale, en profondeur, en remise immédiate. Il n’est pas uniquement cela. Joueur complet, il est aussi un incroyable buteur.

17 avril 2013. Javier Pastore adore le Parc des Sports d’Annecy et il le prouve. A la 8ème minute de ce quart de finale de Coupe de France, l’épicé David Beckham adresse depuis le rond central une magnifique ouverture sur l’aile droite à Christophe Jallet. Celui-ci contrôle et effectue un centre tendu à Javier Pastore sur la ligne des 16 mètres. C’est alors que le génie prend forme. L’impossible devient possible. Deux touches de balle qui deviennent une œuvre d’art. D’un contrôle orienté du droit Javier se lève le ballon. Alors que celui-ci monte dans les airs, Javier se positionne en épousant sa trajectoire, comme s’il ne faisait qu’un avec la sphère, laquelle retombe sur son pied gauche. Javier parfaitement en équilibre reprend le ballon d’une reprise de volée ultra puissante qui vient se loger en plein centre du but, passant juste au dessus des gants du gardien impuissant et heurtant la barre transversale avant de finir au fond du filet. Javier « Magique » Pastore.

Onze jours plus tard. 28 avril 2013. Les parisiens reviennent affronter les savoyards en championnat. Décalé cette fois par Jérémy Menez, nous retrouvons Christophe Jallet à la passe avec un décalage en une touche de balle à raz de terre dans la course d’un Javier qui depuis l’aile droite de la surface de réparation envoi le ballon d’un tir de l’intérieur du pied droit directement dans le petit filet opposé. Evian Thonon Gaillard – Paris SG, 0 – 1. Paris repart avec les 3 points. Javier Pastore se rapproche de son premier titre de Champion de France, offrant aux Qataris un bon retour sur investissement.

Paris n’a pas attendu les princes du désert pour avoir la fibre ciel et blanche ! Les couleurs rappellent le Vieux-Port, mais celles-ci sont sud-américaines ! Le pionnier et pas des moindres, une légende diront certains, assurément un des plus grands joueurs de l’histoire du club, sa première vraie star, un ange tombé du ciel, « El Goleador » Carlos Bianchi. Meilleur joueur du Championnat, il marqua pour sa première saison à Paris 37 buts en 38 matchs. Son total fut de 71 buts en 80 matchs. Il joua lors de la saison 1977/1978 avec un autre argentin, lui aussi originaire de Cordoba, comme Javier, le défenseur Ramon Heredia. Celui-ci, perturbé par plusieurs blessures, ne joua que quelques matchs avant que son contrat ne soit résilié, pour retard à son retour de congés à la trêve hivernale !

Carlos « El Goleador » Bianchi

Le joueur cielo et blanco suivant à venir au Paris SG est lui aussi originaire de Cordoba et a également joué pour le Club Atlético Huracan, comme Javier, il s’agit du Champion du monde 1978 Osvaldo Ardiles. Il ne resta à Paris que quelques mois…

Aujourd’hui bien connu des téléspectateurs français pour ses envolées lyriques et son chauvinisme toque, Omar Da Fonseca ne resta à Paris qu’une seule saison durant laquelle il ne brilla guère, bien qu’il remporta le premier titre de Champion de France du Paris St-Germain Football Club en 1986. En 1987 arriva le milieu de terrain Gabriel Calderon. Ce coéquipier de Diego Maradona en sélection et de Safet Sušić au Paris SG y jouera avec brio trois saisons jusqu’à l’été 1990. Il quitta Paris après 113 matchs joués et une finale de Coupe du Monde perdue contre l’Allemagne au Stadio Olimpico de Rome.

En janvier 2001, Luis Fernandez fit venir un défenseur central de Barcelone, là où il était adulé, à l’Espanyol. Mauricio Pochettino fut capitaine de l’équipe parisienne lors de sa dernière saison au club. Un de ses compatriotes le rejoindra à l’été 2001, autre recrue défensive de Luis. Les 132 matchs acharnés de Gaby à Paris en feront une idole du Parc des Princes. Ils lancèrent aussi sa carrière en Europe et en sélection. Après 3 saisons Porte de St-Cloud, son transfert à Manchester United le propulsa encore plus haut, jusqu’au Real Madrid, avant de revenir en France, dans un club aux couleurs ciel et blanche. Pas sud-américaine celles-là… Le Football est parfois douloureux. Son parcours à Paris aura notamment été marqué par une excellente saison 2003 – 2004 à la fin de laquelle les hommes de Coach Vahid finiront héroïquement seconds du classement.

Gaby Heinze, avant…

Un des hommes forts de ce périple n’était autre que l’imbattable Juan Pablo Sorin. Arrivé tout droit de Barcelone, version Camp Nou, son style capillaire fit chavirer les parisiennes mais aussi les défenseurs adverses puisqu’il resta invaincu avec le maillot Rouge et Bleu sur 26 matchs disputés. Un autre coéquipier de Mauricio et Gabriel ne fit qu’un bref passage au PSG. Arrivé pourtant meilleur buteur du Championnat argentin en 2001 avec River Plate, Martin Cardetti ne resta qu’un an, avec 8 buts en 26 matchs. Autre petit génie du ballon rond, les 1 mètre 64 de Marcelo Gallardo ne brillèrent pas beaucoup au Parc des Princes sur la saison 2007 – 2008 et quelques 28 matchs joués.

Le roi et son prince ont fait le show

Javier Pastore est le joueur argentin qui a joué le plus de match sous nos couleurs capitales. Le deuxième n’est autre qu’El Pocho, son ex-coéquipier Ezequiel Lavezzi. Ses 161 matchs, ses 35 buts et ses innombrables pitreries auront contribué aux succès sportifs de l’ère qatarie. Porté en triomphe par ses coéquipiers, il s’envola en janvier 2016 pour le bien nommé Hebei China Fortune Football Club. Les pétrodollars princiers ont inversé les flux migratoires et les parcours de carrière. L’aller Paris – Manchester – Madrid effectué par Heinze, Angel Di Maria a réalisé le voyage retour avec un billet d’entrée à plus de 60 millions d’Euros. Après plus de deux saisons à déborder sur l’aile parisienne, le vainqueur de la Ligue des Champions avec la Maison Blanche en 2014 et finaliste de la Coupe du Monde la même année avec la maison ciel et blanche au côté d’Ezequiel Lavezzi, El Angelito, amateur de joli cœur, n’a pas encore totalement réussi à faire craquer le public parisien et à marquer l’histoire de notre club, malgré plus de 70 matchs et plus de 20 buts déjà inscrits.

La relève vient à peine d’arriver, personne ne sait jusqu’à quel sommet elle nous mènera, ni si à l’inverse elle sera un flop comme certains de ses prédécesseurs. La pépite Giovanni Lo Celso semble belle à polir. Son style est plein de promesses… il nous rappelle celui d’un jeune arrivé au Paris SG à 22 ans avec 117 matchs professionnels au compteur, dont 85 à Palerme entre 2009 et 2011. Depuis, celui-ci a joué plus de 200 matchs, a marqué 38 buts et a remporté 10 titres dont 4 de Champions de France. Giovanni a donc encore du travail pour arriver à la hauteur de ce Javier Matias Pastore.

7 mars 2015. Le Paris SG reçoit le RC Lens. Javier Pastore souhaita la bienvenue aux Ch’tis à sa manière. A la 82ème minute, alors qu’ils mènent déjà 3 buts à 1, les joueurs parisiens comme a leur habitude font tourner tranquillement le ballon au milieu de terrain. Adrien Rabiot, David Luiz, Blaise Matuidi, David Luiz, Blaise Matuidi, Zlatan Ibrahimović, Javier Pastore, avancée de Javier Pastore, accélération de Javier Pastore, une – deux avec Zlatan Ibrahimović, qui voyant son appel en profondeur dans la surface le ressert d’une louche millimétrée lobant deux défenseurs lensois, le ballon retombant comme par magie sur le pied droit de Javier, qui d’une reprise de volée parfaite dont il a le secret, logea le ballon d’une frappe puissante dans le petit filet opposé ne laissant aucune chance au gardien. Paris SG – RC Lens, 4 – 1, le roi et son prince ont fait le show, les Sangs et Or ont fait grise mine.

L’artiste Javier n’est pas superficiel

Les légendes ne sont pas celles qui s’auto-proclament. Elles le deviennent au regard du public, qui doit en être le seul juge. Les yeux sont humides. Le souffle est coupé. La foule se lève par amour. L’émotion la soulève. Elle ne se contente pas d’applaudir par obligation. Les frissons envahissent les travées. Les voix sont chevrotantes. La partition n’est certes pas toujours parfaite, n’en déplaise aux aigris versatiles qui ne savent pas apprécier le phénomène à sa juste valeur, mais le ressenti est unique. L’élégance artistique ne peut être systématique. Elle se doit d’être improvisée. Son éloquence balle au pied doit suffire à son expression, sans rajouter une omniprésence médiatique qui n’a d’intérêt que d’assurer une présence marketing futile. L’artiste Javier n’est pas superficiel. Il est beau. Cela est suffisant.

10 avril 2013. Javier Pastore aurait pu faire son entrée définitive dans la cour des Grands. Les 96000 spectateurs du Camp Nou furent témoins de la scène suivante, qui aurait pu être son avènement. Une – deux dans le rond central avec le roi de Suède, qui lui remit en profondeur entre deux défenseurs Blaugrana. Il s’avance dans la surface, peut servir le fantasque Lavezzi sur la droite, mais il fixe Victor Valdés et l’ajuste d’un tir du gauche à bout portant. Le gardien catalan plongeant trop tôt sur sa droite ne peut que dévier légèrement la frappe qui finit dans son petit filet opposé. 1 – 0 pour Paris à la 50ème minute de jeu. La voie royale vers les demi-finales de la Ligue des Champions s’entrouvre. Le N°27 parisien est alors aux portes du Paradis. Son paradis. Notre paradis. Ses coéquipiers viennent le congratuler, sur la voie du 7ème ciel… alors que les joueurs du Barça attendent la tête basse, dans le rond central, que les ogres parisiens reprennent position. Mais la messe n’est pas encore dite. Le N°10 barcelonais, blessé, part alors s’échauffer. Seule une intervention divine peut sauver ceux qui se prennent pour Mas que Un Club, emblème de la Catalogne toute entière et symbole indépendantiste. Ne pouvant lutter contre les cieux, Paris succombe 20 minutes plus tard lorsque le libérateur catalo-argentin, sur un de ses seuls ballons, amène la balle d’égalisation à Pedro sur une accélération fulgurante. On ne reverra plus la Pulga du match.

L’histoire en est ainsi. Elle est parfois très cruelle. Sans pitié. Javier Pastore aurait dû sortir grandi de ce quart de finale retour de Ligue des Champions. Rêvons plus grand, avec une victoire finale dans la compétition et quelques éclats par-ci par là, il aurait même pu prétendre à un éventuel Ballon d’Or… mais c’est bien le quintuple détenteur de ce trophée doré, sur une demi jambe, qui fut encore, comme toujours, décisif.

Par la grâce de Javier comme des plots

Un an après. 3 avril 2014. Quart de finale aller de la Ligue des Champions. 92ème minute. Paris mène 2 – 1 et s’apprête à se déplacer à Stamford Bridge avec un matelas très mince. Une touche sur le côté droit de l’attaque parisienne, à proximité du poteau de corner. Christophe Jallet sert Javier Pastore qui lui fait l’appel à travers la masse des joueurs londoniens. Contrôle du droit impeccable. Protection du ballon, son corps mis en opposition, quasiment à l’arrêt, empêchant les défenseurs de s’en saisir. Conduite de balle, crochet intérieur du droit, puis extérieur, un vrai slalom à travers trois défenseurs, rendus par la grâce de Javier comme des plots, bien vivants mais impuissants… Tout le monde le pense perdu lorsqu’un défenseur se jette pour le tacler, le ballon arrivant alors au niveau de la ligne de but, entre la surface de réparation et la ligne de touche. C’est alors que Javier posa la semelle sur la boule de cuir tout en s’orientant vers le but. A un défenseur qui osa l’approcher il lui fit un double contact éclair, droite-gauche, le pulvérisant sur place. Il rentra alors dans la surface de réparation, en s’excentrant un peu. La ligne s’éloigna, mais le défenseur revint à la charge en l’agrippant par derrière… El Flaco ne se laissa pas faire, il garda son avance et ce maintint en équilibre. Alors que deux nouveaux défenseurs se présentèrent devant lui et que ses coéquipiers eurent du mal à se démarquer, arrivant proche du coin de la ligne des 5 mètres 50, il décocha un tir à ras de terre légèrement rebondissant en direction du premier poteau. Le gardien Petr Čech tenta un plongeon par réflexe, mais lorsqu’il toucha le sol, le ballon était déjà au fond des filets, Javier Pastore célébrant le 3ème but parisien. Le Parc explosa. Un but d’un extraterrestre qui fit le tour du monde. La qualification pouvait être entrevue. Au retour, le scénario fut contraire. Deux buts improbables vinrent refroidir les ambitions parisiennes. Triste réalité.

Un an d’écart. Deux quarts de finale. Deux buts de Javier Pastore qui auraient pu le consacrer au Panthéon du Football. Le sort en a voulu autrement. Deux éliminations. Deux buts entrés direct en première page des annales mais qui ne firent qu’amuser la galerie, celle d’un public reconnaissant, mais pas celle qui compte au bout du compte, sans trophée, que des paillettes éphémères, des étoiles dans les yeux, mais filantes, vers le néant d’un plaisir instantané et périssable, et non vers un podium au mois de juin, celui qui remet la coupe aux grandes oreilles, celle qui permet de laisser son nom à la postérité dans les livres d’Histoire, avec un grand H. Mais Javier Pastore ne sera qu’un joueur de belles histoires, avec un petit h…

C’est pour ça qu’on l’aime, notre Javier. Pastore est humain, avec donc un petit h. Pastore est fragile. Pastore est une exception dans un monde banal. Il ne sera jamais Diego Maradona, ou Messi. Javier Pastore est le Paris St-Germain. Cela nous suffit. Javier ne peut pas laisser indifférent. Certains adorateurs ont même créé un courant pour le vénérer, « Le Pastorisme ». San Javier a désormais ses apôtres. Et ses détracteurs, évidemment. Tout le monde n’est pas adepte d’un football romantique.

Une destinée à la parisienne

Javier Pastore est l’incarnation du football argentin et le riche successeur de tous ces immenses joueurs albicelestes passés par le Camp des Loge. Il en est peut être aussi le meilleur footballeur. Ce joueur au romantisme mélancolique incarne à lui tout seul l’Histoire du Paris SG. Il est celui que les puristes et les vrais amoureux du club ne peuvent qu’aduler, et celui que les Qatarix sifflent pour une passe ratée. Javier Pastore fait fi de ces ignares. Il transpire le Football, celui qui doit avoir un N°10 dans le dos mais que certains se sont entêtés à faire jouer sur l’aile, celui qui pourrait faire gagner la Ligue des Champions au Paris Saint-Germain, un Ballon d’Or en puissance, mais qui ne les gagnera certainement jamais, du moins pas avec Paris, car il ne jouera probablement jamais de Finale de C1 avec ce maillot qu’il a déjà porté plus de 200 fois alors que certains ont l’impression qu’il n’a jamais joué. Ainsi est l’histoire de Javier. D’une banalité romantique. Une destinée à la parisienne.

Il faut dire que les détracteurs ont des arguments. L’envers du Javier est propice aux moqueries. On le dit avoir un moral fragile. Il est toujours blessé, et ça c’est suspect. El Flaco, c’est celui qui se brise, celui qui est instable psychologiquement. Ses longues absences répétées en font un joueur aujourd’hui critiqué. Les observateurs, journalistes et supporters se demandent s’il pourra un jour réellement rejouer au football, de façon pérenne. Son physique le lâche sans arrêt. Son psychique n’est pas celui d’un champion. Etre une telle pépite et ne pas pouvoir exploiter tout son potentiel, c’est un gâchis pour le Paris St-Germain, un gâchis pour nous, supporters, et un gâchis pour lui-même… Un gâchis pour le Football.

Le Pastoriste que je suis est persuadé d’une chose : Javier ne fait pas encore parti du passé. Il fut le premier gros transfert des qataris et il est toujours là. Il est devenu une Star malgré lui à son arrivée. Il a encaissé toutes les attaques, le plus souvent infondées. Certes difficilement, mais il a survécu aux flashs. Certains diront que ses absences sont la preuve du contraire. Mais il est toujours là. Dès son transfert à Paris tout le monde a voulu le modeler dans le star-system à crampons, mais il est une des recrues qataries qui correspond le moins à ce moule. Pourtant, il est toujours là. Ces derniers temps rarement sur le terrain, d’accord, mais toujours là.

Opposé, le petit filet, évidemment

A chaque période de mercato, les mêmes rumeurs reviennent avec insistance, envoyant notre Javier ici ou là, surtout à la Juve. Très inquiétante, cette triste perspective sera peut être un jour réalité, la famille Pastore étant originaire de la banlieue turinoise. La Vieille-Dame noire et blanche drague l’étalon rouge et bleu. Prions pour que cet incroyable talent choisisse de rester en couleurs. Je ne suis pas croyant, mon seul dieu est un objet sphérique en cuir de 70 cm de diamètre. Je suis néanmoins prêt à aller brûler un cierge à la grotte de Lourdes si on me garantit le succès, un miraculeux retour de Javier dans le 11 titulaires du PSG pour les six prochaines saisons.

13 mars 2016. Le Paris St-Germain mène déjà 1 à 0 à Troyes. 17ème minute. Pressing parisien dans le rond central, le ballon arrive jusqu’à Zlatan Ibrahimović, dos au but. Il voit Javier lui faire un appel, il le lui transmet dans sa course d’une belle talonnade. D’un contrôle orienté du droit qui se transforme en petit-pont Javier humilie le dernier défenseur, puis il évite le tacle de la dernière chance d’un second troyen, ce qui le déséquilibre à peine. Il garde son sang froid en s’approchant du but par de brèves touches de balle. Le gardien ne peut que s’allonger sous la pression, se retrouvant au sol les deux jambes en l’aire alors que Javier l’ajuste d’un tir piqué qui atterrit dans le petit filet. Opposé, le petit filet, évidemment. Troyes – PSG, 0 – 9. Nous ne sommes qu’à la mi-mars. Il reste encore 8 journées. Le Paris Saint-Germain et Javier Pastore sont déjà champions de France, pour la 4ème fois d’affilé. Champion mon Javier !

Certains amateurs d’Alfred de Musset vous diront « Aimer est le grand point, qu’importe la maîtresse ? Qu’importe El Flaco, pourvu qu’on ait l’ivresse. » Ceux-là n’auront vraiment rien compris. Ne pas apprécier Javier Pastore revient à ne pas reconnaitre le génie, et par raccourci, ne pas aimer le Football, ni le Paris Saint-Germain.

Une amoureuse du Paris Saint-Germain à qui je demandais dernièrement son avis sur Javier Pastore me répondit avec simplicité et efficacité : « J’aime le football, donc j’aime Pastore, c’est logique. » Effectivement, cela ne souffre d’aucune contestation. Comme une évidence, elle ajouta : « Tout paraît simple avec lui. On dirait que tous les espaces se libèrent quand il a la balle au pied. » Tel Moïse ouvrant la Mer Rouge d’un simple geste du bras pour laisser son peuple s’échapper d’Egypte, Javier Pastore guide et libère son équipe d’un simple geste du pied. J’ose cette analogie. Elle est audacieuse, mais elle me plait. Sacré Javier !

Ici c’est Paris. Ici c’est l’Argentine. Ici c’est Javier Pastore.
Je conclurai avec ce célèbre chant des supporters argentins, pour lequel je vais donc adapter quelque peu les paroles…

“Ole, Ole, Ole,
Ole, Ole, Ole, Ola,
Ole, Ole, Ole,
Cada dia te quiero más.
Soy un fan de Pastore.
Es un sentimiento.
No puedo parar.
Ole, Ole, Ole,… »

*L’illustration principale du sujet est une oeuvre originale signée Tom Pougin a.k.a Piano Mugshot
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