Oh! mon Tambour…

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Les tambours furent un temps les guides de nos Virages. Aux baguettes, des ultras ou juste des passionnés, des filles et des garçons, mélomanes ou néophytes, amoureux de leurs couleurs, piliers incontestables de leur tribune.

Torses nus à l’occasion, points de repère pour tous, suiveurs de leur capo ou lanceurs de chants, ils étaient au premier rang ou bien tapis dans l’ombre. Maîtres du rythme, régulateurs de vitesse, les tambours savaient s’effacer pour laisser s’élever à cappella les voix du fidèle peuple Rouge et Bleu, après les avoir accompagnés vers cette note unique qui ferait trembler les travées de leur Parc.

Dans ce folklore du samedi soir, là où les écharpes se tendaient, les drapeaux s’agitaient, les pots fumaient et les fumigènes étincelaient, les tambours participaient à leur manière à colorer leur Virage et lui donner le ton de ce spectacle extraordinaire.

Des plans aux partitions incertaines
ont été dressés pour les éradiquer

A l’heure où les tifos se déployaient, alors que les cœurs s’agitaient, les joueurs devenaient les simples spectateurs du match des tribunes. Quatre-vingt-dix-minutes avaient passé, le score n’était qu’anecdotique, les mains étaient écorchées, les baguettes cassées, la peau du tambour déchirée, la peau de son batteur déchiquetée, des ampoules plein les doigts, ces sacrifices humains et matériels n’étaient pas vains tellement la cause était grande, celle du Paris SG, l’extase dépassant les souffrances, laissant place à l’envie et l’impatience, celles qui comblaient l’attente, vite panser les plaies avant le prochain match.

La musique est éternelle. Ses vibrations ne cesseront jamais de se propager. Pourtant, deux soirs tragiques ont eu raison de ces tambours magiques. Les ondes ont eu un choc. Certains fanatiques ont perdu ces soirs-là, leur sens de la raison. Des plans aux partitions incertaines ont été dressés pour les éradiquer.

Les tambours authentiques n’ont pas survécu, noyés dans la masse des inconsidérés. Ils ont aujourd’hui cessé de résonner. L’écho n’est plus. La ferveur a disparu. Hier, les tambours étaient d’or. Aujourd’hui le silence est d’argent. Il est surtout subi. D’aucuns penseraient que le son des tambours dépasseraient les bruits de la rue et les rumeurs assassines. Un tambour n’a jamais été complice de la folie des hommes. Au pire, il en a été le témoin, certes averti mais néanmoins médusé. Un tambour n’est pas fait pour rester muet, ses baguettes rangées aux vestiaires. Il devrait au contraire combler ce vide laissé par l’infamie. Son rôle est de redonner du sens à ce qui n’en a pas, et non pas de nous étourdir de son silence sournois.

La passion est certes une marchandise pour les impresarios, mais un tambour
reste une mentalité

Hier roi du Parc, le tambour ne l’est plus aujourd’hui dans le stade du Prince. Certes, des considérations marketing ont tenté de lui donner une seconde peau. Quelques pétrodollars ont suffi pour dresser ici et là des tambours de foire. Ne manque qu’une trompette pour que le numéro de clown soit parfaitement exécuté. Les intermittents à qui on a donné les baguettes ne réussissent pas à tenir la mesure. La passion est certes une marchandise pour les impresarios, mais un tambour reste une mentalité, et cela ne s’achète pas.

L’âme d’un tambour est dans le cœur de son batteur, lequel tire son fluide des chœurs qui l’accompagnent. Et vice et versa. Se pose alors la question de l’œuf et de la poule. Qui est le suiveur ? Le tambour, ou le supporter qui s’époumone pour soutenir son équipe, pour vivre sa passion, pour prouver à la face du monde qu’ici c’est Paris, que la légende continue, qu’elle n’a jamais été suédoise, qu’elle s’écrit au rythme des tambours, même si depuis trop longtemps ils se sont endormis. Peu importe la réponse. Par respect pour ses tambours passés par pertes et profits, leur public lui aussi s’est tu, n’appréciant guère leurs pâles copies. L’antre est devenue théâtre. Silence, le spectacle va débuter. Eteignez vos tambours. Sinon vous serez interdits.

Oh Mon Tambour, qu’aurais-je fais sans toi?
Oh Mon Tambour, je te dois mes mains cloqués et mes oreilles bourdonnantes à la fin de chaque soir de match.
Oh Mon Tambour, tu m’auras rendu fier.
Oh Mon Tambour, compagnon d’infortune.
Oh Mon Tambour, témoin de tant de passion, partenaire de tant d’émotions.
Oh Mon Tambour, ils t’ont achevé, me laissant seul, comme un orphelin.
Oh Mon Tambour, parti trop tôt, emportant avec toi une certaine idée du Paris SG et du Parc des Princes, une époque où les paillettes n’étaient pas seulement dans la corbeille, un temps où les papelitos étaient toujours faits main, une apogée où « Oh Ville Lumière » était un hymne populaire et non pas un karaoké…

Sache toutefois que pour nous tu es éternel. Personne, surtout pas ces profanes, ne pourra jamais bannir un tambour parisien.

Drum Bigger !

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