One Two Three Viva Cavani

par

Tu n’aimes pas l’avion, tu le détestes même.
Tu aimes ta femme et ton fils, tu les adores même.

Et donc, tu cèdes. Et tu te retrouves à Marrakech, au coeur de la Medina,
en plein mois d’octobre, un lendemain d’égalisation miraculeuse
du GRAND CAVANI chez les sudistes.

Il fait chaud, le soleil dévore tes derniers neurones, ceux qui ont survécu à la trouille du vol d’à peine trois heures entre Paris, la Capitale du monde, et le Maroc, le pays du ballon d’or contrarié nancéien Youssouf Hadji, aussi celui de Marquinhos, d’après Julien Cazarre… Tu titubes et tu baves devant les douaniers locaux, le cachet que tu as avalé juste avant le décollage n’ayant pas tout à fait terminé sa course dans ton corps meurtri.

Alors que tu déambules dans ces ruelles d’un autre temps, t’attendant à croiser Indiana Jones derrière chaque tapis, chaque vélomoteur (là-bas, ils pullulent et roulent sans jamais freiner), tu te dis que l’attente ne va finalement pas être si longue que ça jusqu’à vendredi, date du PSG-Nice. Tout ici permet l’évasion, efface cette temporalité détestable que nous nous imposons à longueur d’années pour simplement raquer le trésor public.

Paris a écrasé certaines frontières

Ce match-là, tu ne le verras ni au Parc ni devant ta télé. Tu avais déjà assisté à certaines prestations des tiens depuis New York, Londres, Lisbonne et Barcelone. Là, c’est donc à Marrakech que tu prieras pour que la bande à Emery gratte trois points face aux Aiglons. À chaque appel du muezzin, même et surtout celui de 5h du mat, tu te dis que le PSG va gagner, que ton équipe va être grande. Et que Nice va vaciller, encore.

D’entrée, tu comprends que Paris a écrasé certaines frontières. Avant, à l’étranger, tu voyais surtout des maillots espagnols et anglais. Là, toujours mais aussi le nôtre (enfin, celui des Qataris, sans berceau et aux couleurs mutantes). À gauche, à droite, devant, derrière, partout, du sportswear PSG, des logos PSG en plâtre, des serviettes de bain PSG, du PSG à toutes les sauces et pour toutes les bourses. Mon fils, récemment inscrit au Red Star Montreuil, louche devant la panoplie Neymar jaune, maillot + short. Je refuse, par principe. Je me suis juré que plus JAMAIS je n’achèterai du merchandising PSG depuis que notre logo a été violé. Je suis fidèle. Je suis borné. Je suis incorruptible.

J’aurais même préféré Jallet

Mon fils me supplie du regard. Il ne fait même pas vraiment un caprice. Il se voit déjà dans cette ignoble tenue fluo. Je tente de lui expliquer la valeur du symbole, le sens de notre Histoire, la fidélité et l’honneur… Je craque. Faux cul comme tous les chevaliers qui piétinent leur serment, je laisse ma femme payer l’addition et me console en me disant qu’après tout, ces dix euros (environ 110 dirhams) n’iront pas dans les poches de nos Qataris chéris mais uniquement dans celle du faussaire qui a fabriqué cette contre-façon avec, je l’admets, un certain talent. Mon fils parade désormais au milieu de la foule marocaine, un énorme 10 dans le dos. Il est fier.

En 48 heures, des vendeurs insistants m’appellent à trois reprises Barthez. Ils pointent du doigt mon crâne rasé et ricanent comme des enfants. Je ne montre pas que ça m’agace. J’aurais même préféré Jallet. Barthez putain !

Avant tout ça, il y a Cavani

Un vieil homme charmant nous conduit dans les montagnes de l’Atlas. Nous devons aller admirer une cascade réputée. En chemin, nous passons devant une gigantesque pancarte vantant les mérites de la PSG Academy. J’en profite pour lui avouer mon amour pour le Club. Lui m’apprend qu’il s’occupe de Laurent blanc et d’Antoine Kombouaré dès qu’ils viennent à Marrakech, essentiellement pour taquiner la balle de golf. Il me décrit un Laurent Blanc sympathique et près de ses sous, qui lui avait quand même offert quatre tickets pour, si je me souviens bien, le trophée des champions que Paris avait joué là-bas il y a quelques années de cela. Il me parle de Neymar, de Mbappé, je lui dis qu’avant tout ça, il y a Cavani, bien sûr. Et Pastore. Il me regarde sans répondre, il n’a pas envie de me contredire. Un vieil homme charmant, oui.

Vendredi. J’y suis. Ayant accepté de suivre ma femme dans toutes ses visites touristiques, je lui demande de sacrifier sa soirée pour assister au match en ma compagnie. Elle accepte, bien sûr.

Nous retrouvons Karim, ami cher et supporter du PSG (même si la distance et les nouveaux enjeux économiques l’ont un peu éloigné de la passion brute), dans un bar en sous-sol situé dans le quartier moderne de Guéliz, fréquenté par la jeunesse de Marrakech un peu plus aisée que celle de la Medina. Il y a des tables de billard, des jeux vidéo, de la nourriture américaine, des photos de jazzmen et des maillots pas dédicacés de Diego Costa ou James Rodriguez au mur. Karim est ici chez lui. Il déplace les canapés pour que l’écran géant qui va bientôt nous offrir le match soit à la meilleure des distances, il demande aux joueurs de billard d’aller exercer leur talent un peu plus loin, bref, ici c’est Paris ! Ça va commencer.

J’en chiale à l’intérieur

À l’écran, Didier Domi s’est mué en consultant pour Bein. Des chiffres apparaissent, des statistiques, maladie contemporaine internationale. Je revois les buts contre l’om. Je trépigne. Ça y est ! En quelques minutes, je comprends que la messe est dite. En arabe. Paris enfonce Nice et Cavani s’envole. Mon fils exulte sur chaque but et la voix de Paganelli à la mi-temps est sans attendre recouverte par celle du traducteur. Quel bonheur de ne pas avoir à encaisser les saloperies anti-parisiennes récurrentes de Stéphane Guy et de ses sbires. J’imagine, au coup de sifflet final, qu’il s’inquiète des ratés de Mbappé. Je me dis que le PSG, c’est encore mieux sans ses détracteurs médiatiques.

J’avale un cheeseburger et voit Dante finir le travail en grimaçant. Nous rentrons à pied au riad de Karim, sublime demeure comme tombée d’un paradis oublié. La nuit nous enlace. Sur le net, tard, je découvre cette anecdote formidable de Cavani après la remontada. Quand il a inscrit sur les murs du vestiaire parisien ce simple mot : humilité. J’en chiale à l’intérieur. Je m’incline. Demain, avion, retour en France. Demain, nouveau cachet pour étouffer la peur. Demain, Marrakech ne sera plus qu’un souvenir mirage, un songe rouge. Indélébile. Comme Cavani. Comme Paris.

Laisser un commentaire

Découvrez les articles de