PSG4LIFE

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Je n’ai pas honte d’avoir annoncé à Xavier, après notre naufrage mancunien,
que je n’écrirai plus sur le PSG. Je n’ai pas honte parce qu’à ce moment précis,
rien n’était plus vrai. Mon coeur saignait, mon fils pleurait, mes poings hurlaient leur envie de détruire ce souvenir douloureux d’une énième humiliation européenne.

Je savais que la mémoire jouerait son rôle de salope éternelle, que même dans dix ans, le temps d’un éclair, je repenserai à cette défaite terrible et qu’un serpent de glace lécherait ma colonne vertébrale. Que ce 1-3 impossible, ce pénalty offert par l’UEFA dans les ultimes minutes, ces textos de connards, dès le coup de sifflet final, se permettant de rire de ma déchéance, feraient office de nouveaux tatouages atroces. Textos que je n’oublierai pas, jamais, et qui appelleront, plus tard, quand j’estimerai le moment venu, des représailles. Il faut être une vraie chienne pour piétiner la passion alors même que les larmes coulent encore. Un sans coeur. Une bête contemporaine, qui respire à coups de tweeters assassins, de vannes cruelles, apathie des profondeurs.

La Ligue des Champions est morte, encore une fois. Elle n’en finit plus de crever cette pute. Année après année. Les trois jours qui ont suivi, je n’ai plus vécu. Téléphone éteint, télévision éteinte, âme en berne. Plus de fric, plus de taf et cette mascarade au Parc, en direct, avec mon fils qui a de l’espoir plein les yeux, avant la chute, ses tremblements, mes cris et mes pleurs, ma rage explosive, là, au beau milieu du salon, cette haine pour nos joueurs et leur suffisance, leur peur de puceaux, leur gastro des grands soirs réactivée.

Le samedi suivant, au réveil, je repense à cette discussion lors du dernier repas avec les fidèles de Virage, dans un petit restaurant du 19ème arrondissement. Quelques jours avant la catastrophe. La grande majorité des présents fanfaronnait, se demandait quel serait l’adversaire idéal en quart. Moi, toujours frileux, pas dupe, n’oubliant pas que le PSG est d’abord et avant tout un club maudit, je jouais la carte de la prudence : « Faîte gaffe les mecs, il y a quand même ce match retour au Parc à jouer avant de… ». Je rappelais l’importance de l’ADN en football. Qu’un club comme Manchester, même diminué, même sans Ferguson, ne tomberait pas sans lutter. Et qu’il allait falloir livrer un dernier combat, âpre, sanglant, malgré ce zéro% de chance de qualification pour les Reds, d’après les professionnels de la statistique.

Voilà. On y est, une nouvelle fois. Défaits, piteux, misérables, pathétiques. Avec ce goût de cendre dans la bouche, cette sensation vertigineuse que nous n’y parviendrons jamais. Je devrais avoir honte. Je veux quand même ici préciser une chose qui me semble primordiale : Je suis un homme de championnat. J’aime ces matchs souvent décevants, poussifs, ces rendez-vous hebdomadaires, ces week-ends franco-français. Peut-être une conséquence de mes nombreuses années passées en tribunes au Parc. Oui, Sedan, Toulouse, Montpellier et tous les autres sont et restent mes ennemis préférés. La LDC, c’est autre chose. Une kermesse entre riches. Avant, l’Europe, c’était une odyssée sans filet, quelque chose de sacré et de rare.

Aujourd’hui, c’est un concours de bite truqué, tronqué, avec la mafia catalane, munichoise et madrilène aux manettes. C’est l’Eurovision des footix, le désir médiatique de s’offrir en finale un affrontement Messi-Ronaldo. Du Marvel avec des crampons. Avec le VAR, cette invention résolument satanique, offrant aux favoris une garantie supplémentaire d’aller jusqu’au bout. Le bras de Kimpembé, le pénalty de Ronaldo, la simulation de Suarez… On ne prête qu’aux riches, évidemment. Aux vieux riches. Cette Europe moisie et sûre de ses privilèges. Qui préfèrera toujours l’argent occidental à l’oriental. Sale.
Il suffit de regarder ces dernières années les tirages au sort, qui reçoit au match retour, qui bénéficie des services zélés de l’assistance vidéo… C’est écœurant, prévisible, risible.

Je refuse d’abdiquer. La LDC reviendra l’année prochaine. Nous lutterons. Tuchel luttera, s’il reste. Il faut qu’il reste. Nos joueurs feront peut-être de grands matchs. Il leur faudra soumettre des clubs historiques pour rêver plus haut. Marquer beaucoup de buts pour empêcher l’arbitrage de jouer son rôle de fossoyeur coupable. Nous verrons bien. J’espère simplement que cette déroute aura au moins permis aux couillons parisiens obnubilés par la seule victoire, de comprendre que la LDC est un mythe, un leurre, un caprice d’enfant gâté. Il y a vingt ans, j’aurais tué pour être champion de France. De dérouiller l’om au vélodrome suffisait à mon bonheur. De battre Sochaux pour rester en Ligue 1 également. Et là, il faudrait que la LDC soit ma seule quête, mon unique désir ? Non.

Je manque peut-être d’ambition. C’est ainsi. Je ne suis pas un libéral décomplexé. Je crois que l’appartenance reste la valeur suprême. Aux étoiles sur notre maillot, je préfère les tifos impertinents déployés en tribunes, les chants fédérateurs, les vannes impitoyables, les fumigènes de brume, les passes géniales et inutiles d’un Pastore. Les larmes acides, les solitudes hurlantes quand l’échec frappe à ma porte. Cette volonté ardente de gagner la LDC chez les supporters de Paname relève avant tout d’une offensive marketing lancée par le Qatar depuis son arrivée, si on s’avoue les choses. Depuis quand le fric suffit-il à soulever la coupe aux grandes oreilles ? Depuis quand le supporter parisien ose-t-il péter plus haut que son cul ? Bien sûr, cette sensation de gâchis total ce mercredi soir terrible était bien réelle, elle me dévore encore à l’heure où j’écris ces lignes.

Mais elle est une muse trompeuse, une fausse piste, un aveuglement ridicule dans l’absolu. Dans ma télé, que j’ai finalement rallumée, des crampes au bide, j’entends un ancien pote de Tapie raconter des histoires d’arbitres corrompus, de bouteilles empoisonnées, de petits arrangements entre amis… Je me dis, en ricanant intérieurement, que si ça se trouve, Milan et Tapie ont peut-être échangé des mallettes à l’époque. Une étoile cousue sur un maillot, ce n’est pas que du sang, de la ferveur et de la sueur. C’est encore autre chose, quelque chose que moi, petit supporter anonyme, ne pourra de toute façon jamais maîtriser.

C’est en lisant la longue interview de Viola sur le site de Virage que j’ai pu dépasser ma douleur. Et accepter que toute cette merde, quoi que j’en pense, m’accompagnerait jusqu’à la fin. Parce que j’ai choisi, il y a longtemps. Parce que le PSG, même horripilant, décevant, frustrant, dégoûtant, même emmené par des joueurs mercenaires, apatrides, cyniques et cyborg, reste le Club que j’ai choisi d’aimer pour toujours. C’est aussi grâce à mon ami Paco que j’ai vaincu cette tristesse cannibale. Le week-end d’après le déluge, je l’ai aidé à déménager l’appartement de ses parents, en banlieue. Ces quelques heures loin du tumulte, ces quelques vannes échangées entre deux cartons, m’ont aidé, oui, à écraser la honte et la frustration. J’ai imaginé mon fils, après ma mort, retrouver mes maillots, mes écharpes, mes cartes d’abonné. Je l’ai vu ému, tendrement ému, se souvenant de tous ces matchs que nous avions traversés ensemble. Et j’ai compris que c’était ça qui importait. Pas les scores ni les trophées mais, je le répèterai encore et encore, l’appartenance. Ce choix viscéral, indiscutable, définitif. Et je me suis senti mieux.

Hier soir, Angel Di Maria a illuminé nos coeurs brisés. Une passe décisive après deux contrôles sublimes, un but en solitaire et formidable, un coup franc spatial. Mbappé, égoïste comme tous les enfants, aurait dû le laisser tirer le pénalty, lui offrir son triplé mais bon… « Balotelli est une salope » chantaient en choeur, goguenards, les kops. Et moi aussi, depuis mon canapé et devant le regard à la fois amusé et atterré de ma femme. Balotelli qui, apparemment, avait prévu de revêtir un masque de Rashford en cas de but et qui a exhibé cette étoile qui n’est pas la sienne avant de quitter la pelouse. Marseille ne jouera pas la ligue des champions l’année prochaine. Un peu grâce à nous. Stéphane Guy a encore passé une soirée épouvantable, malgré ses commentaires partisans et son ironie de comptoir. Je m’en contenterai. PSG4LIFE.

NB : J’allais oublier: Evra, Evra, on t’encule.

Photo (c) Panoramic


Jérôme Reijasse

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