Selim Benachour

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Petit, Selim Benachour venait au Parc avec son père, abonné.
Il y admirait Safet Sušić et puis un jour, à 11 ans, il a signé au Paris Saint-Germain.
Un autre jour, ce fut à son tour de fouler la pelouse du Parc, au côté, entre autres, de son ami Ronaldinho. Entre le PSG et Selim Benachour,
c’est 12 ans de vie commune. Mais en fait, beaucoup plus.


Je suis né à Paris dans le 12ème arrondissement. J’ai grandi à Paris, Place des Fêtes dans le 19ème. C’est là que j’ai commencé tout petit à taper dans le ballon. Mon père est un ancien footballeur, il a joué en Ligue 1 tunisienne. A force de me voir jouer tout le temps dehors, un jour il m’a proposé de m’inscrire en club.

On est allé au Paris FC. J’avais 6 ans et j’y ai joué jusqu’à 11 ans. De là, j’ai participé à une détection du PSG. J’ai été pris, et 2 ans plus tard, je suis parti à l’INF Clairefontaine (1995-1998). J’appartenais toujours au PSG. Quand je suis revenu, ils m’ont fait signer un contrat Espoirs, puis pro. Mon histoire avec Paris a duré 12 ans.

Paris, c’est le club de mon cœur. Je lis, j’entends beaucoup de joueurs qui le disent. Pour moi c’est vraiment la vérité (sourires). C’est vraiment le club de mon cœur. Je suis né à Paris, je vais au Parc depuis que j’ai 6 ans. Mon père était abonné en C rouge. Il m’emmenait avec lui, j’avais les yeux qui pétillaient.

Benachour Virage

Safet Sušić c’était mon idole. J’aimais le voir jouer, c’était comme un modèle. Je l’appréciais énormément. Après les matches au Parc, mon père dans la voiture me disait : « Selim, est ce que tu es capable de jouer ici ? » Il disait ça pour rigoler. Moi, je répondais « oui » (sourires) Mais c’était comme ça, je ne me rendais pas compte. C’était un rêve on va dire.

Un peu plus tard, je me rappelle un jour, je m’étais dit : « Non mais imagine, un jour tu joues au Parc, que tes parents sont là ». Je pensais à ce moment où je pourrai les rendre fiers.

La 1ère fois, j’avais 19 ans. C’était un match amical face au Japon, avec Philippe Bergeroo (PSG 1-1 Japon, 8.10.2000). Après, la vraie 1ère fois, avec un Parc plein, l’ambiance, c’était avec Luis (Fernandez), en compétition officielle. Au niveau du temps de jeu, c’était un peu compliqué, j’essayais de faire le maximum avec des bouts de matches.

Benachour Virage

Entendre la musique de la C1 au Parc a aussi été pour moi quelque chose d’énorme. A 5 ans, 10 ans, jouer au foot, c’est être avec les copains, s’amuser. Je ne pensais pas du tout que j’en ferai mon métier. Aujourd’hui, tout le monde rêve d’être footballeur, les parents se projettent vraiment tôt. Trop tôt. Les miens, pas du tout.

C’est vraiment à Clairefontaine, à 15 ans, que le foot est devenu sérieux. Quand j’étais au PSG, mes parents faisaient la navette pour venir me chercher après les entrainements. Je rentrais tous les soirs chez moi dans le 19ème. A Clairefontaine, ce n’était plus possible. Quitter mes parents, mes deux sœurs, n’a pas été le plus facile.

Parfois, on me demande ce que j’ai fait de mon 1er maillot. La réponse : je ne sais pas. J’ai tellement donné mes maillots (sourires). Mes 2 maillots, à chaque match, je les donnais.

Mes parents, ils ont 1 maillot du PSG, 1 maillot de la Tunisie, dans un cadre à la maison. Le reste, je n’ai rien gardé, j’ai tout donné aux copains. Je donnais tout (sourires) : les places, les maillots, les shorts, les tenues d’entraînements.

Benachour Virage

Joueur, je vivais le moment, j’ai toujours vécu les choses naturellement. J’étais concentré sur les consignes mais je ne me suis jamais mis de pression, tous ces trucs. Aujourd’hui que je suis entraineur, ça change un peu. Il n’y a pas que moi. Je gère un effectif, des objectifs.

J’ai eu 37 ans le 8 septembre et depuis cet été, j’entraîne en Roumanie, à 350 kms de Bucarest. Le club, c’est Foresta Suceava. Ils ont toujours évolué en D2, là ils viennent de descendre. L’objectif, c’est de remonter tout de suite. Depuis 2 ans, je passais mes diplômes d’entraîneur (BEF), tout en m’occupant des U17 puis des U19 à Martigues.

Au mois de juin, le vice-président de Suceava me contacte par l’intermédiaire du préparateur physique du club, qui est un ami. Au début, j’ai eu un peu peur de partir en Roumanie. Je suis venu 4-5 jours pour voir les dirigeants, échanger avec eux. J’ai vu le sérieux du projet, sa crédibilité. J’ai sauté sur l’occasion surtout qu’on me donne pas mal de pouvoirs, de responsabilités. C’est à peu près comme en CFA, il y a 5 groupes de 15 équipes et c’est le 1er de chaque groupe qui monte.

La plupart de mes joueurs sont roumains. Il y a aussi 4 français. Je ne parle pas encore roumain même si je suis en train d’apprendre. C’est une langue latine. Je parle en anglais et on se comprend bien.

A Paris, j’ai connu plusieurs coaches. J’ai bien aimé Antoine Kombouaré, quelqu’un de très rigoureux. Il pouvait pousser une gueulante, et de l’autre côté, vouloir faire plaisir à son groupe. Vahid aussi, malgré tout ce qu’on a pu dire, son étiquette de « dictateur », c’est une personne avec un grand cœur. Ça, je pense que peu de personnes le savent mais après chaque match gagné, il amenait 2 bouteilles de champagne rosé Don Pérignon (1500 euros la bouteille) et des pizzas, le lendemain pour après l’entraînement. Il payait de sa poche.

Benachour Virage

Il aimait aussi chambrer. Il était sérieux mais c’était aussi le 1er à chambrer ses joueurs. Par exemple il chambrait beaucoup Kaba Diawara, Kaba le chambrait aussi. Il aimait bien aussi chambrer Modeste M’Bami.

J’aime beaucoup l’alternance entre ces deux leviers. C’est ce que j’essaie de mettre en place aujourd’hui. Prendre et donner, il y a un temps pour tout.

J’ai côtoyé de grands joueurs à Paris, comme Nicolas Anelka, Jay-Jay Okocha. Grands joueurs et supers mecs. Nico, c’est la famille, il a énormément compté pour moi. On se connaissait déjà avant le PSG. On est toujours en contact aujourd’hui et on le restera toujours. Quand il est devenu entraîneur-joueur en Inde, il cherchait un milieu de terrain, il m’a appelé et je suis venu (2015).

Benachour Anelka Virage

Nico, c’est quelqu’un qui est très correct, malgré ce qu’on a pu dire ou écrire. Quelqu’un de droit, d’honnête et quand on le connaît, le vrai Nico, c’est une très belle personne.

Il y a aussi Ronaldinho. Ce qu’il faisait avec le ballon était incroyable. Ronnie, pour moi, c’est un « gâchis » dans le sens où il pouvait gagner 5-6 Ballons d’Or de suite, comme Messi ou Cristiano Ronaldo. Il avait des qualités exceptionnelles pour cela.

J’ai joué avec et contre lui. J’ai joué contre Cristiano Ronaldo, Messi, Zinedine Zidane. En termes de talent pur, Ronaldinho, je crois, était le meilleur. Ronaldo, on connaît l’immense travail qu’il y a derrière. Ronnie et Messi, je pense que c’est un don qu’ils ont reçu.

Benachour Ronnie Virage

A l’entraînement, j’avais les yeux émerveillés, ce qu’il faisait, sa façon d’éliminer les joueurs. Il était le seul à pouvoir le faire. On s’est tout de suite bien entendu, y compris sur le terrain. Il disait à Luis « Fais jouer le petit, fais jouer le petit » en parlant de moi (sourires).

Ronaldinho, c’est quelqu’un qui aime la vie. Luis, il savait qu’il sortait et comme il voulait avoir le dernier mot sur le terrain… Mais vraiment, même s’il sortait, il pouvait être exceptionnel en match. Peut-être encore plus les lendemains de soirée. C’est ce qu’il me disait : « Selim, moi j’ai besoin de ça, la fête, les tambours, j’ai besoin d’être heureux dans la vie« .

Je l’ai accompagné une fois en boîte après un match, au Barrio Latino. C’était peu fréquent que je sorte, j’étais jeune, je débutais ma carrière. J’allais chez lui pour jouer à la Playstation. On se faisait des séances de coups francs sur console. Il était très bon, imbattable. J’aurais aimé qu’on puisse le garder un peu plus à Paris.

Benachour Virage

Moi, j’ai quitté le club à 23 ans. J’étais quand même frustré car c’est mon club, j’ai tout donné pour ce club. En 2005, ils n’ont pas renouvelé mon contrat. Je n’ai pas pu percer comme je l’aurais souhaité. A 23-24 ans, il fallait que je joue. Je suis parti à Guimaraes au Portugal et là, je crois que j’ai fait la meilleure saison de ma carrière. C’était un football léché, qui me correspondait.

Là-bas, j’ai commencé à être suivi par plusieurs clubs, Jorge Mendes m’a proposé de travailler avec lui. Il n’avait pas tous les joueurs qu’il a aujourd’hui mais déjà Cristiano Ronaldo, Mourinho. J’ai signé avec Jorge Mendes, j’avais Stuttgart, le Sporting et Séville qui étaient intéressés. J’ai signé au Rubin Kazan. Ce fut la pire expérience de ma carrière. Le climat, le football, rien ne me correspondait. On me demande ce que je suis allé faire là-bas alors que j’avais d’autres clubs ? En jeu, il y avait une grosse commission pour les agents et cela arrangeait tout le monde que j’aille là-bas, sauf moi au final. J’ai eu tout le temps de m’en rendre compte.

Après, je suis parti jouer au Koweit. C’est un peu improbable mais je voulais tellement partir de Russie. Je n’avais pas de proposition alléchante. Alors j’ai saisi cette opportunité. J’ai signé 1,5 ans, l’environnement me correspondait bien. J’ai vraiment été bien accueilli, je me suis senti bien. Le seul problème on va dire, c’était le foot, le niveau, les terrains.

A la fin de mon contrat, j’ai eu cette chance, presque inespérée, de partir à Malaga ! Du Koweit à la Liga espagnole. Incroyable. C’est un ami, agent portugais, qui m’a proposé au club. Du Koweit, je me retrouvais dans l’un des meilleurs championnats du monde (sourires). Le deal, c’était de faire un essai de 2-3 mois. Le Koweit me proposait une prolongation de contrat. Mais je suis quand même parti, cela a payé. Malaga m’a gardé et fait signer un contrat de 2 ans.

Benachour Virage

L’Espagne, c’était magnifique. Le championnat espagnol, l’art du toque, le jeu en 1 touche, 2 touches… ça s’est super bien passé la 1ère saison. Ensuite les Qataris sont arrivés, avec un nouvel entraineur. Je me suis retrouvé suis sur la liste des transferts. Je suis resté 6 mois sans club, je me suis entraîné avec la CFA du PSG. En janvier (2011), j’ai signé au Maritimo Funchal, dans un championnat portugais que je connaissais. Et puis ensuite l’Apoel Nicosie, et l’Inde avec Nico Anelka. Ce fut une super expérience.

Aujourd’hui je parle 5 langues. J’ai découvert des cultures, des styles de jeu très différents. J’ai eu cette chance de jouer dans 7 pays différents. Je veux garder tout ce que j’ai aimé et en faire mon propre cocktail. J’en suis à ma 3ème année comme entraineur, j’aime le terrain.

Benachour Riquelme Virage

Ma carrière m’a permis de vivre et découvrir des choses que jamais je n’aurais imaginées. Ne serait-ce que quitter la France (sourires). La 1ère fois que j’ai voyagé hors de France, c’était en 2002 pour jouer la Coupe du monde avec la Tunisie. J’ai joué la Coupe du monde, j’ai remporté la CAN, j’ai même joué contre Zidane. J’ai vécu dans 8 pays différents, j’ai apprécié cela, c’est une expérience de vie. Je suis content de tout ça.

Bonjour à tous les supporters et bien sûr allez Paris !

Benachour Mbappe Virage


Selim Benachour
Né le 8 septembre 1981 à Paris
Milieu de terrain, 1m70, 

International tunisien, 44 sélections (2 buts)

Joueur : Paris FC (1988-1993), Paris SG (1993-2005, dont INF Clairefontaine 1995-1998, Martigues 2001-2002 (prêt), Troyes 2003 (prêt), Vitoria Guimaraes (2005-2006, Por.), Rubin Kazan (2006-2007, Rus.), Qadsia (2008-2009, Kow.), Malaga (2009-2010, Esp.), Maritimo Funchal (2011-2012, Por.), Apoel Nicosie (2012-2014, Chy.), Mumbai City (2015, Inde)

Palmarès Joueur : Vainqueur de la Coupe d’Afrique des Nations (2004), Vainqueur de la Coupe de France (2004), Champion du Koweit (2009), Champion de Chypre (2013)

Entraîneur : FC Martigues (2016-2018, U17 & U19 Nationaux), Foresta Suceava (depuis 2018, Rou.)

Crédits photos (c) Panoramic & collection personnelle Selim Benachour


Emilie Pilet

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