Pourquoi je suis supporter du PSG

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Aussi longtemps que je me souvienne, j’ai toujours supporté le Paris Saint-Germain.

Ca a commencé très tôt, à ma naissance en fait puisque j’ai poussé mon premier cri à exactement 2,6 km du Camp des Loges, en 1984. J’ai ensuite grandi sans jamais avoir pu me souvenir de mon tout premier match en tribune. Mon père en sifflait tellement à l’époque qu’il n’a jamais été en mesure de s’en souvenir non plus. 1992, une dizaine de matchs au Parc, à cheval sur deux saisons qui allaient changer la face du club. J’ai donc tapé mon tout premier PSG-OM cette année-là, celui de décembre 92, bien sale, bien rugueux. Une boucherie. But de Boksic. Bagarre générale sur le terrain. Du vrai football 90s.

Quelques mois plus tard, dans la cour d’école, j’annonce à mes potes que moi j’y vais. Ouais. Moi j’y serai. PSG-Real 93. Le plus beau des matchs, le plus mystique. On est en tribune A je crois, mon père n’a plus de voix, Valdo vient de marquer, on mène 3-0, on va passer, c’est fou. Les joueurs ne se sont pas encore replacés que mon père me lance :  »On y va ». Petite habitude prise quand il m’emmenait au Parc. Partir à la 90ème, histoire d’éviter la cohue dehors et de pas mettre 10 piges à retrouver la caisse.

Je l’ai revu au ralenti
dans les yeux de mon père

On rejoint l’une des bouches de sortie RTL, les têtes vissées vers le terrain. Coup franc pour le Real, mon père s’arrête :  »Attends ». But de Zamorano. Silence de mort. 3-1, comme au match aller. Mon père se prend la tête à deux mains. Moi je vois que dalle, on est debout, derrière d’autres personnes ayant eu la même idée que nous. Il m’explique :  »Dès qu’il siffle, on rejoint nos places pour les prolongues ». En attendant, je me fous sur la pointe des pieds, je colle ma tête entre deux bombers et j’attends. Le Parc pousse, hurle et je m’aperçois d’une chose : c’est sympa de regarder un match debout, au milieu de gens que je ne connais pas. La suite par contre on la connait. Coup franc de Valdo. Tête d’Antoine. Explosion du Parc. Coup de coude dans la gencive du mec à ma droite, mon père qui me porte, les yeux exorbités, on hurle de joie. Je n’ai pas vu le but en live mais je l’ai revu au ralenti dans les yeux de mon père. Une telle expression sur son visage, un tel épanouissement, une folie, une rage qui ne porte pas de nom. A 9 ans, fanatique du PSG, je deviens.

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AK Casque d’Or

J’intègre les poussins du PSG lors de la saison suivante, celle du futur titre de 94 et je reste au club jusqu’à mes 18 ans. J’ai connu l’époque où Gino, Lama and co passaient par les terrains en terre sur lesquels on s’entrainait pour rejoindre leur propre terrain. Valdo qui tape la balle avec nous, Weah qui fait des blagues et Guérin qui file sa chasuble. Ça joue en Copa Mondial ou en Tiempo, ça porte des coupes de merde, des maillots trop larges, des sponsors qui puent. Du vrai football 90s, encore une fois. Celui que j’aime, que je porte en moi et que j’aimerai pour toujours.

Sans Ginola, qu’ils aillent se faire enculer

Et puis un mercredi après-midi, tu croises le regard de ton idole derrière les grilles du terrain d’entrainement. ‘’Ca va jeune ?’’ Avec un sourire et un clin d’oeil. Toi tu restes sans voix. Le gars vient de t’adresser la parole. Le gars, c’est David Ginola. Lui, c’est le premier joueur qui m’a marqué.

J’ai eu la chance de le rencontrer plus tard lors d’une interview pour les bonus du film PARC. Le mec est cool, abordable, sympa. Quand j’ai commencé le foot, je voulais être ailier comme lui. Mes premières années foot au début des années 90 coïncident avec les siennes au PSG. Poster au dessus du lit, images paninis collées sur mes cahiers, VHS de ses plus beaux buts sur l’étagère. Vous savez la bleue en mode contrôle de poitrine avec ce putain de beaucoup trop gros logo SEAT. A chaque fin de saison, je priais pour qu’il ne parte pas. Quand il a signé à Newcastle, j’étais content. Pas un gros club. Dans ma naïveté enfantine, je me suis dit :  »Il va se faire chier, il va revenir ». En 96, j’ai à peine suivi l’Euro. Sans Ginola, qu’ils aillent se faire enculer.  Il avait la classe. Il jouait des deux pieds. Il aurait dû avoir une autre carrière. Point.

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David El Magnifico

Je me souviens qu’à cette période, Marseille n’étant plus là, Paris avait un autre ennemi. Je haïssais Nantes et leur beau jeu de merde. J’ai un souvenir très personnel des matchs contre Nantes entre 93 et 96. Il y avait eu la Coupe de France avec pleins d’expulsés en 93, puis les claques reçues face aux prodiges Pedros, Loko, N’Doram et compagnie. Le but magnifique de Loko à La Beaujoire, la débâcle 0-3 au Parc. Bref, Nantes, c’était mon ennemi.

Parallèlement, en section Poussin puis Benjamin du PSG, pendant ces trois années, on jouait très souvent contre Nantes en quart, demi ou en finale de tournoi. Je me souviens avoir remporté un gros tournoi à Cahors en moins de 11 ans et d’avoir battu Nantes en finale 2-0. A la fin du match, on les a chambrés et ça a failli partir en bagarre générale. On devait être assez ridicule à cet âge-là de se prendre pour des pros mais on défendait les couleurs du club et ça faisait deux ans qu’on voyait pas le jour face à eux.

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Au second plan, Will, la mèche rebelle, entre les fils de Fred Dehu et d’Amara Simba

Arrive ce match de 96. A ce moment de la saison, on survole le championnat. On leur a piqué Loko, on a Raí au sommet de sa carrière, Dely Valdés qui est pas encore trop dégueulasse et surtout Djorkaeff. On fait le match parfait. Au Parc. On les pète 5-0 et le second but restera à jamais gravé dans ma mémoire. Un contre mené par Youri himself. Il décale Raí à droite qui remet en une touche vers Dely Valdés. Passe foireuse mais le défenseur nantais se troue. Dely Valdés récupère le ballon. Il se place en position de tir. En bon numéro 9 égoïste et FDP qu’il est, on se dit qu’il va la jouer solo mais non. Feinte de frappe de malade. Il bloque la balle. Semelle sur le ballon. Derrière Youri a suivi, il arrive à toute vitesse et bloque sa course. Petite balle piquée des familles qui lobe Casagrande. Pour le petit bonus, on a Patrice Loko en mode chien fou qui se jette comme un détraqué sur le poteau alors que la balle a déjà passé la ligne.

Tattoo de Batman dans la face des rats

Et puis la saison suivante, Marseille remonte en D1… On est quand même content de retrouver nos meilleurs ennemis. Sauf que lors de la saison 1998-99, Paris est dans le trou alors que Marseille rayonne. Et puis, il y a ce soir de Mai 99. Je ne suis pas au Parc pour ce match. J’étais pas le premier à l’école donc mon père avait dû m’interdire de match en tribune. Donc je suis là, avec ma mère, devant Canal. Mon père lui, est au Parc, avec ses potes. Normal. Comme pour chaque match contre l’OM, j’y crois moyen. Tellement l’habitude de perdre ou en tout cas de ne jamais gagner. Je fais partie de la génération n’ayant jamais connu une seule victoire contre l’OM. Avant 90-91 ça compte pas, trop petit. Et la demi-finale de Coupe de France en 95 contre l’OM D2 de Cascarino et Cantona-bis, pardon mais on s’en bat les couilles.

Comme tous les gros matchs, je l’enregistre consciencieusement. Bon, en vrai, mon père m’ordonne d’enregistrer le match pour se le mater à son retour du Parc donc j’oublie pas et je fais bien… Les années qui ont suivi, j’ai dû me mater 150 fois le dernier quart d’heure de ce match sur ma petite télé. On est mené au score rapidement. Classique. But d’un ancien de la maison. Classique. On se dit que c’est plié. Faut savoir qu’à cette époque, on sort de l’ère Denisot et on a des joueurs de compét’ : Madar, Rodriguez, Yanovsky, Adailton, Aliou Cissé, Carotti, Algérino. Putain de D1 foireuse. Bon, à côté y a du lourd, pas beaucoup mais suffisamment avec JayJay, Marco, Lama et Ducrocq, le seul, l’unique. En face c’est pas l’équipe de 95, loin de là… Duga, Blanc, Pirès, Ravanelli, Luccin, Gallas. On est d’accord, sur le papier, il nous la foute au cul, facile.

Mi-temps, on est mené 1-0, je suis pas serein mais j’y crois quand même. Un peu. Seconde période, Madar est chaud. Jérôme Leroy, Rodriguez et Okocha rentrent en jeu. Le nigérian célèbre son passage à Paris par sa feinte favorite. Monstrueux. On touche le poteau. Ca pousse. Je me dis qu’on peut faire quelque chose. Et là Marco s’envole. Tiempo aux pieds, cheveux au vent, bras en croix, tattoo de Batman dans la face des rats. Je bondis sur le canap, je renverse ma Danette, j’ai envie de rentrer dans le poste et de célébrer ce but en tribune. Puis Rodriguez plante le second. Ma mère me demande de bien vouloir arrêter d’hurler dans l’appartement car ‘’les voisins vont encore descendre !!!’’. Rodriguez. J’aime pas ce joueur. Je l’ai jamais aimé. Mais ce jour là, j’aurai pu me foutre à genoux, lui baisser son froc et… OK je vais trop loin. On gagne contre l’OM, on les prive de titre et ce match rentre dans l’histoire des supporters.

rodriguez
Bruno Le bison corse

C’est ce que je deviens vraiment, au fil du temps. Un supporter. Je cultive ma passion pour le club sur le terrain et en tribune une semaine sur deux, dans l’espace réservé aux joueurs de la section amateur. Pendant des années, on a pu insulter les équipes adverses placées juste en dessous de nous, en bons petits connards que nous étions. A ma gauche, je mate le bordel. Auteuil, les lumières, les couleurs, les chants, les mecs torses nus.

On se les pelle, on chante
et on pleure le reste de la semaine

Puis je rencontre un pote au foot, Jérôme, on a 13 piges et lui ne va pas dans la même tribune que nous. Il a son propre abonnement, à Auteuil avec son frère et son père. Le con, il paye pour aller au stade alors qu’il pourrait y aller gratis avec le club ! Mais quand il me raconte ses matchs la semaine qui suit à l’entrainement, je repense à ce jour de Mars 93 où j’avais la tronche coincée entre deux molosses, debout sur la pointe des pieds :  »Ca n’a rien à voir, toi t’es assis, nous on est debout, on chante pendant 90 minutes » Alors je teste, une fois, deux fois, je tape la carte de son reuf quand il n’y va pas et je commence à goûter à cette ambiance, de temps en temps.

Et puis plus tard, bien des années plus tard, je prends ma place en virage à mon tour et je vis chaque match comme si c’était le dernier. Jusqu’aux années noires, fin 2000, les plus chaudes en tribunes mais aussi les plus tristes sur le terrain. On est là, on se les pelle, on chante et on pleure le reste de la semaine. Et puis arrive la saison 2009-2010 et le drame qu’on connait tous. La fin d’une ère, le boycott, les actions et l’envie de participer à l’histoire du club en rendant hommage à toutes les associations de supporters.


PARC – Liberté pour les Ultras (Trailer) from When We Were Kids on Vimeo.

Avec mon pote Jérôme avec qui j’ai monté entre temps ma boîte de production WHEN WE WERE KIDS, on lance le projet PARC. J’ai consacré de longs mois à la réalisation de ce film. J’ai pris du plaisir à retracer les grandes heures du club mais tout au long de l’élaboration du film, je me suis aperçu que je m’en servais aussi comme d’une thérapie pour oublier ce qui n’existera malheureusement plus jamais. Depuis plus de six ans, je suis les matchs de mon canapé, frustré de ne pas être en tribune. Mais je reste fan. Je ne pourrai jamais supporter un autre club que PARIS. J’espère naïvement qu’un jour, je pourrai de nouveau exulter avec mes potes en virage et revoir cette expression sur le visage de mon père.

Celle qui n’a pas de nom et qu’on ne peut fabriquer.

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