Voici excatement ce qu’il s’est passé…

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Nous sommes le 20 octobre 2004. 3è journée de Ligue des Champions.
Le Paris Saint-Germain reçoit le FC Porto, champion d’Europe en titre.
Paris n’a pas encore gagné ni inscrit de but en C1.
30è minute de jeu, Charles-Edouard Coridon ouvre le score d’un but exceptionnel :
un “coup du scorpion“ face à l’un des meilleurs gardiens du monde.
Improbable et magique. Mais que s’est-il passé ? Il raconte…


« Je vais essayer de vous dire ce qu’il se passe exactement dans ma tête : quand je vois Stéphane Pichot centrer, j’ai l’impression que Pauleta et Reinaldo sont devant aux 1er et 2ème poteaux, comme si on formait un triangle.

Je vois la balle arriver, je n’ai pas le temps de reculer, je cherche à la ramener devant moi. Ce n’est pas quelque chose qui m’angoisse, j’aimais énormément jongler avec l’extérieur du pied à l’entraînement. Pied gauche, pied droit, tête, j’aimais travailler les gammes, faire des enchaînements, tenter des ailes de pigeon.

Entre le talon et la malléole

La balle arrive vite, mais pas non plus très vite. Le fait de la renvoyer comme ça, en perpendiculaire, c’est quelque chose que je n’avais jamais fait. C’est totalement instinctif. Aujourd’hui je me dis que, inconsciemment si j’ai tenté ce geste, c’est que techniquement, je me sentais à l’aise avec mon extérieur du pied.

Le 27, un numéro de magicien…

Je regarde où va la balle, et là…

Si on regarde bien, Vitor Baia (gardien du FC Porto) fait deux petits pas à droite comme pour anticiper. Moi, j’envoie la balle à l’opposé. Je la frappe avec la partie vraiment extérieure de mon pied, entre le talon et la malléole. Ce qui est étrange, c’est que la trajectoire prend le gardien à contrepied. Je ne le fais pas exprès. Avec le geste que je fais, impossible d’analyser tous les paramètres en amont…

Quand je retombe, je regarde où va la balle, si elle ne va pas trop loin. Là, je la vois qui entre dans le but. Je suis surpris même si sur les images, je n’ai pas l’air trop surpris. En fait sur le moment, je n’ai pas la sensation d’avoir marqué un but ‘extra-ordinaire’, ni même un but en Ligue des Champions. Je crois que si j’avais mis ce but à l’entraînement, j’aurais été aussi content. Sur le moment, je suis simplement content de marquer…

Ce n’est qu’après que je me dis : ‘ah oui quand même, en face c’est Vitor Baia, l’un des meilleurs gardiens au monde ’. Après coup, j’étais super content, fier. C’est un but formidable.

La fierté des nôtres

Avec Stéphane Pichot, on s’est un peu chambrés après la rencontre. Je lui dis : ‘J’ai dû rattraper ton centre… Je le voulais plus vers l’avant…’ Lui, me dit : ‘La balle, je l’ai mise exactement comme je voulais la mettre, je savais que tu en étais capable’. C’est cool, même si ce fut une saison difficile.

Une étincelle dans une saison moribonde

Je dirais que ce but, c’est comme une étincelle pour moi dans une saison galère, on peut même dire : moribonde. En Ligue des Champions, on finit 4ème, on n’est même pas repêchés en Coupe UEFA. Collectivement, la saison a été éprouvante et à titre individuel, je n’ai jamais été à mon aise. Je jouais souvent blessé et après le départ de Vahid (février 2005), j’ai été mis à l’écart. Une fin de saison très dure.

Autant être honnête, je ne suis pas fier de mes prestations avec le Paris Saint-Germain. Il n’y a rien à retenir à part peut-être mon but, mon unique avec Paris. Le reste, je n’en suis pas trop fier…

On retiendra quand même quelques tâcles…

J’aurais pu me sentir plus en confiance après ce ‘coup du scorpion’. Mais non. J’étais touché par des blessures, genou, adducteurs… Je jouais quand même et aussi mentalement j’aurais dû être plus costaud.

J’ai souvent joué, par défaut

Je crois que mon 1er problème à Paris, ça a été le mental. Peut-être le problème numéro 1 dans ma carrière. Physiquement, c’était compliqué au PSG. Mentalement je n’ai pas fait le maximum, je me suis un peu laissé aller.

Le problème numéro 2 ce sont les coupes de cheveux…

Quand je suis arrivé, la saison avait déjà commencé. En 2004, j’ai quitté Lens alors que j’adorais ce club. J’avais l’impression d’être incompris. Je suis parti faire des essais au Celtic, puis en Angleterre. A Portsmouth, Harry Redknapp voulait que je reste, mais il me demandait d’attendre encore 1 ou 2 jours. Nous étions le dimanche, le 30 août 2004 et le lendemain, Paris me proposait de signer. Le dernier jour du mercato, c’était comme une sécurité pour moi.

Je signe un an. Je venais en tant que 2ème voire de 3ème couteau, c’est ainsi que l’on m’a présenté les choses. Au final j’ai souvent joué, par défaut je pense.

Il m’a peut-être manqué le reste

Je n’étais pas un suiveur, mais je n’étais pas un meneur non plus. Si je n’étais pas d’accord avec le groupe, je me mettais en marge, sans pour autant chercher à imposer ma vision. On me l’a parfois reproché. Ce qui m’a le plus manqué dans ma carrière : m’imposer mentalement pour être bien dans ma tête, gagner en leadership. Avec le temps, je me dis que j’aurais dû plus travailler là-dessus.

C’est Aimé Jacquet qui était aux commentaires (Canal+) le soir du but face à Porto. Quand j’étais en équipe de France Espoirs, en 1996, il était avec les A et de ma génération, 80% ont été avec lui après : Pirès, Makelele, Djetou, Dacourt… Ma trajectoire a été inverse. Je me suis cassé la jambe (1997) mais je me dis que je n’ai peut-être pas eu le caractère pour revenir. J’avais du football quand même, mais il m’a peut-être manqué le reste.

Daddy Cool

Aimé Jacquet a peut-être été surpris quand il m’a vu mettre ce but (sourires), de même qu’il a peut-être été déçu à l’époque que je ne confirme pas après les Espoirs.

Par mon caractère ‘douçoureux’, cool, qui vit dans le meilleur des mondes… je n’ai pas su me rendre compte que j’aurais dû être plus curieux, plus dur. J’aurais dû plus m’imposer.

En gras sur mon CV : a joué au PSG !

La saison 2004-2005, on n’avait pas forcément un effectif à la hauteur pour la C1. Aujourd’hui, Paris a l’équipe pour aller chercher cette Ligue des Champions. Je le crois sincèrement. Quand ils seront champions d’Europe, il faudra que je pense à mettre en gras sur mon CV : a joué au PSG ! (sourires)

Mon regret : ne pas y avoir fait une meilleure saison. A Paris, tu te dois d’être au top… Quand tu n’as pas de résultats, tu associes naturellement cela à de mauvais souvenirs, alors que tu peux aussi vivre des choses fortes dans la difficulté.

Porter le maillot de ceux qui dérangent est un honneur

Je suis heureux d’avoir pu porter ce maillot Rouge et Bleu, même si j’aurais aimé apporter davantage.

Les jeunes que j’entraîne à Carhaix (29) tentent parfois le coup du scorpion. Ils disent un geste « à la Coridon » car ils savent que je l’ai fait au PSG. Moi je leur dis : ‘soyez plus récents, dites « à la Zlatan, c’est mieux’ (sourires). »


Que devient Charles-Edouard Coridon ?
Dirigeant à titre bénévole du club de Carhaix (29) : « Je transmets aux jeunes ce que j’ai appris et j’y prends beaucoup de plaisir. Parfois aussi je rechausse les crampons avec notre équipe de vétérans »
Titulaire du DES (Diplôme d’Etat Supérieur)
Stages de foot pour les jeunes en Martinique : détecter les jeunes talents, les accompagner vers le haut niveau
Gérant de la société BFE : vente de tenues de sports pour les clubs, et de sécurité pour les entreprises, contact : bfe@wanadoo.fr

Emilie Pilet

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