ITW James Rophe Virage PSG

James Rophe

par

Si il y a un homme qui symbolise la lutte, la ténacité et l’enthousiasme,
c’est bien James. Supporter de la première heure, victime comme beaucoup
du Plan Leproux, il a ensuite combattu de toutes ses forces pour faire revenir
les ultras au Parc. Personnage central dans la création de LPA, de l’ADAJIS, de l’ANS
et enfin du CUP, son témoignage prouve que rien n’est jamais perdu d’avance.

Tu viens d’où James ?

Je viens de région parisienne. Je suis né à Enghien les Bains et j’ai grandi à Epinay sur Seine. Ensuite j’ai habité dans plein d’endroits dans le Val D’Oise. J’ai vécu avec mes grands parents qui venaient du Vietnam, et qui comme beaucoup, sont arrivés dans les cités HLM de la banlieue parisienne pour travailler.

La passion pour le foot, c’est arrivé comment ?

Très rapidement. Mon père était à fond sur tous les sports. Pour l’anecdote il suivait le PSG vraiment depuis le début car il devait travailler sur un projet avec Daniel Hechter qui n’a pu aboutir car il investissait dans la création…du PSG. Je ne le voyais pas beaucoup mais j’avais aussi des oncles qui suivaient le foot. Là où j’habitais, dans la cité, il n’y avait pas de terrain de foot mais il y avait un petit square qui était en bas de chez moi et c’est là que tout le monde se rejoignait pour jouer au foot. Surtout les grands mais tous les mercredis, on passait notre temps à jouer quand les grands nous laissaient faire. J’avais 5-6 ans. Je suis né en 1975, c’était donc le début des années 80. Vers 7 ans j’ai commencé à jouer en club.

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Pause fraicheur pour le jeune James (c) Collection personnelle

Tu as suivi le PSG tout de suite ou ta passion est passée par l’équipe de France comme beaucoup ?

Moi, c’est le PSG en premier. J’avais la chance d’avoir des grands-parents cools qui me laissaient regarder les matchs de foot à la télé. Et donc le premier souvenir c’est la finale de Coupe de France contre Saint Etienne (Ndlr : 15 mai 1982). Alors je n’ai pas de souvenirs précis de ce match. Mais je l’ai vu et c’est l’illumination. Et puis le truc qui m’a le plus accroché c’est le maillot du PSG. Ce maillot blanc à bandes rouge et bleu.

Tu avais des amis qui étaient aussi fans ?

Non. Mais j’ai découvert plus tard que j’avais des oncles qui suivaient le PSG. Il faut dire que c’était un club encore jeune. En tout cas à partir de là j’ai commencé à suivre téléfoot, mais de temps en temps. Je lisais aussi les articles dans le journal quand j’allais au café avec mon père, car c’était la culture de l’époque. L’année d’après Saint-Etienne, pour la finale de Coupe contre Nantes (Ndlr : 11 juin 1983), là je suis vraiment le match. Et le PSG de plus en plus. Au club de foot où je jouais on pouvait aussi avoir des places, et j’ai un très bon pote au club qui suit aussi le PSG. Alors que tous les autres étaient pour le Racing. A 11 ans, mon père me trouve des places pour aller au Parc. J’y suis allé avec lui et un oncle. C’était en 1986 pour un PSG-Nantes. Grosse affiche. On était invaincu. C’est le grand Nantes en face. Je me souviens de tout le rituel avant d’arriver. Toute la semaine tu ne penses qu’à ça. Tu en parles à tous tes copains. Les billets, on était allé les chercher dans un bar d’Epinay pas loin de chez nous, où mon père m’avait fait la surprise de me les donner. Dans un bar… Autre époque… Le jour J, tu prends la voiture en partance de banlieue, pour aller jusqu’au stade. Tu découvres le quartier du Parc pour la première fois, et surtout le Parc ! C’est vraiment un stade particulier. Quand tu montes les marches, tu entends le bruit, c’est un truc de fou. En plus c’était une vraie affiche. Il y avait beaucoup de nantais. J’avais l’impression que le stade était plein, mais en vrai il était pas mal vide, je l’ai su après… Pour l’anecdote on a croisé un autre oncle à moi, mon père ne savait même pas qu’il était au match ! On était en tribune présidentielle. Ce qui est marrant c’est que je j’étais fan de Philippe Jeannol car je jouais en défense. Et il a marqué ! C’était incroyable.

Résumé du match contre Nantes, cliquez ICI

Tu as été marqué par l’ambiance dans le stade ce soir-là ?

Pas vraiment l’ambiance, plus l’atmosphère : la lumière, le son, de voir les joueurs en vrai. Les gens qui se lèvent, qui s’engueulent… Et les chants à Boulogne.

Ton retour au Parc sans ton père c’est quand ?

C’est en 1991 ou 1992, j’ai 16 ans. J’ai un pote qui suit le PSG et qui a le permis. Il n’était pas dans le mouvement ultra, mais s’intéressait à tout ça. Il était de la génération de la fin des années 80. C’était plus un « Casual », qui y allait quand il fallait faire le coup de poing. Il m’emmène donc au Parc en présidentielle. Et là, c’est vraiment l’ambiance qui me marque. Avec Boulogne et un petit peu Auteuil. Mais Boulogne c’était fou. Je commençais à avoir pas mal de potes qui s’intéressaient au PSG. Après, pour aller au Parc c’était compliqué à l’époque. Tu mettais une heure et demi en transport et au retour c’était encore pire. Mais on commence à y aller entre potes. On cherchait les places les moins chères et donc forcément on se retrouve principalement à Auteuil. On connaissait quand même la réputation que Boulogne portait et comme on venait de banlieue, que certains de mes potes étaient de couleur, on n’a pas eu envie d’aller à Boulogne. Les skins qui trainaient en tribune, on les voyait de loin. En tout cas à Auteuil on a commencé à voir des groupes se monter comme les Supras. C’était des mecs motivés qui se réunissaient en petit groupe. Rien à voir avec ce que c’est devenu ensuite. Du coup on a commencé à apprendre des chants. Dès qu’on avait des places on essayait de se placer au dessus d’eux. C’est plus tard que j’ai rejoint le bloc des Lutece Falco. Quand ils ont commencé à s’installer. Leur délire était plus proche du mien. Et j’avais des potes qui aimaient y aller aussi. C’était plus leur délire. C’est en 1994 que je commence à être vraiment assidu.

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Finale de Coupe au SDF (c) Collection personnelle

Il y a déjà un joueur qui t’a marqué à cette époque ?

Le truc de fou c’est Ginola. Franchement c’était incroyable. Quand il m’arrivait d’être au bord du terrain, car parfois j’allais en latérale, je le regardais jouer… Je crois que les gens ne se rendaient pas compte à quel point il était fort. Et puis il faut se le dire, on n’avait pas toujours un super jeu. Heureusement qu’il y avait aussi Valdo. C’était fou Valdo. Il faisait tout. Aujourd’hui je suis un peu nostalgique de ces matchs où ça taclait. C’était physique. Quand tu avais des défenseurs comme Roche ou Ricardo, derrière c’était quand même aussi la classe. D’ailleurs je le dis souvent, dans l’amour qu’on peut avoir pour ce club, le côté classe a une grande importance. Les joueurs, le maillot… Raí, Leonardo, Ricardo, puis aujourd’hui Marquinhos ou Thiago Silva, il y a un truc. Une forme de noblesse.

A partir de quand tu passes le cap et t’engages vraiment comme supporter ? Ça se passe chez les Lutece ?

Oui chez les Lutece. J’étais placé un peu plus haut dans le Virage, on nous appelait les « sapins », les lambdas qui chantent de temps en temps. Mais on est à fond. On n’était pas dans le noyau mais on chantait tout le match avec mes potes. En plus je commençais à taffer, donc j’avais les moyens de prendre mes places et d’être plus autonome. Et puis mon pote d’enfance Romain, qui est comme mon frère, est revenu aussi à Paris après un passage en province. On commence donc à aller ensemble régulièrement au Parc. Par contre ça commençait à devenir galère d’avoir des places à Auteuil. Je pense notamment à un PSG-Parme (Ndlr : 21 mars 1996) pour lequel on ne trouve pas de place dans le Virage. On s’est retrouvé en 1/4 de Virage. Ce n’était plus possible alors l’année d’après on s’est abonné. Et là c’est parti. On a sympathisé avec le Capo des LF de l’époque, MacMega, et puis quelques autres têtes. Comme on était là depuis longtemps, on connaissait pas mal de monde.

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Une petite forêt de jeunes sapins chez les Lutece (c) Collection personnelle

Tu es resté combien de temps aux Lutece ?

Carté 2 ou 3 ans. Puis j’y suis resté jusqu’en 2010. En gros de 1995 à 2010. Je n’ai pas raté beaucoup de matchs, même quand j’étais à l’armée. Mais par contre j’ai raté des matchs de fou. PSG-Bucarest, PSG-Real… Le PSG-Rapid de Vienne par exemple je l’ai raté car je travaillais dans un restau en banlieue. La patronne n’a pas voulu me libérer, du coup je me suis retrouvé en salle à bosser mais il n’y avait personne. Et au fond de la cour du restau, j’avais un pote qui habitait au rez-de-chaussée. Il a mis la télé sur le rebord de la fenêtre et on a maté le match avec le cuisteau ! 

Il y a un match qui t’a marqué en particulier au Parc ?

Oui, le premier PSG-Galatasaray. (Ndlr : 31 octobre 1996). Déjà côté rue c’était l’anarchie totale. Il y avait énormément de turcs. Ils chassaient les supporters parisiens. Et on n’était pas nombreux. On est arrivés tôt, on a réussi à se réfugier Porte de Saint Cloud, sur une petite place qui est derrière avec un garage qui n’existe plus aujourd’hui. Il y avait des milliers de supporters turcs  ! J’étais avec Romain. Et là je n’ai jamais été aussi content d’entendre raisonner « Hooligans PSG ». Ces mecs qui arrivaient nous ont sauvés. C’était fou. Et après dans le stade… Il n’était pas plein, mais l’ambiance dans le Virage, en comparaison du nombre de turcs qu’il y avait en face… C’était un truc de malade. On a eu une ambiance de feu. Quand je parle de ce match, je reprends une expression de Viola (Ndlr : ex Capo des Lutce Falco) : on était des moines soldats. Tous les mecs du Virage étaient en mission, des mecs lambdas aux mecs des noyaux. On voulait les mettre à l’amende et c’est ce qu’on a fait. C’était vraiment un truc de tribune. Ça correspond aussi à un période, 96-97, où le Virage devient vraiment impressionnant.

Tu as aussi fait des déplacements ?

Alors comme je bossais souvent le week-end c’était compliqué mais j’en ai fait quelques-uns. De toute façon le déplacement c’est un truc fondateur pour un supporter. Et à l’époque c’était moins cadré. Tu pouvais visiter la ville. Il y avait cette espèce de tension sur place. Il y a aussi le rapprochement qui se fait entre supporters parisiens. Quand tu te croises dans les rues, tu te reconnais, même si tu ne connais pas les mecs. T’es porté par cette appartenance.

Un déplacement particulier à nous raconter ?

Oui celui à Rotterdam pour la finale de Coupe (Ndlr : Coupe d’Europe des vainqueurs de Coupe – 14 mai 1997). Déjà car c’est à Rotterdam avec toute la fumette qui va avec. Et puis c’était le bordel, c’était sulfureux. On a tout eu, le cliché Lutece Falco par excellence. On a eu un problème avec le car, puis on se fait bloquer par les keufs. En ville c’était le boxon total avec des supporters parisiens partout, tout le monde est déchiré, il y a des mecs de Feyenoord qui trainent, mais il y a trop de parisiens, il ne se passera rien… Et puis on perd le match, retour à l’arrache, défoncé, la gueule dans le cul… La police belge qui bloque les cars à la frontière, les chauffeurs qui commencent à péter les plombs, tout le monde était chargé de beuh, de shit, des supporters partout, les flics en panique qui finissent par nous laisser partir… Et arrivé à Paris au petit matin, je suis allé bosser.

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Romain à Rotterdam pour la finale (c) Collection personnelle
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James from the Bloc (c) Collection personnelle

Comment vis-tu les premiers problèmes qui apparaissent entre Auteuil et Boulogne ?

En 2006, je commence à être marqué par ce qui se passe. L’époque des embrouilles entre les Tigris Mystics et Boulogne. Je n’avais pas d’a priori sur Boulogne car je sais qu’il ne faut jamais tomber dans les clichés, et qu’il y avait aussi des cons côté Auteuil. J’ai relativisé vachement le truc, et malheureusement à la fin on s’était presque habitué à cette merde. Les supporters du PSG c’était devenu ça. Et il faut dire qu’il y avait des embrouilles également entre mecs d’Auteuil. C’était plus ambigu que ça en avait l’air. Pour te dire la vérité, je ne cherchais pas à en savoir plus. C’était comme ça.

Arrive 2010 et le fameux PSG-OM avec la mort de Yann Lorence. Tu y étais ?

Oui, et tu sentais avant le match que c’était tendu. Il y avait un groupe qui squattait dans le Park’s Boulevard, un bar pas loin du Parc. C’est un endroit que j’avais fréquenté par le passé. Et là tu sens qu’il y a des mecs de Boulogne qui font des réflexions. Je suis passé devant mais je n’y ai pas accordé plus d’intérêt que ça. Mais ça faisait longtemps que je n’avais pas vu ce genre de trucs. Et puis les flics qui n’interviennent pas, tu sentais qu’il y avait un truc malsain qui montait. De toute façon ça faisait des mois que l’atmosphère devenait de plus en plus pourrie. On est arrivé avec mon pote Romain juste avant que ça ne parte en sucette. Il y avait des barrages de flics qui nous empêchaient de passer pour rejoindre Auteuil. On était étonnés. Et point important à souligner, ce n’était pas des CRS mais des gendarmes. Et pour ceux qui connaissent un peu les manifs, il y a une vraie différence entre les deux. Les gendarmes sont plus républicains et respectueux. Et là tu as un major qui en train de craquer et qui dit « c’est pas possible, on ne peut pas rester là, il faut qu’on intervienne ! »… On avait entendu de loin que les mecs de Boulogne arrivaient, ce qui normalement était impossible. Avec l’expérience tu savais que ça allait finir mal.

En découle le plan Leproux. Ces événements t’ont motivé à t’engager personnellement dans la lutte pour le supporterisme parisien ?

Non, car en fait je n’avais pas encore pris conscience réellement de la situation. Il m’a fallu un temps d’adaptation. Et c’est lorsqu’on a été viré du stade que c’est devenu concret. En plus au début, les Lutece ne sont pas concernés mais les autres groupes sont dissouts, les Boys l’avaient été dès 2008 et c’était absurde. De base, ces mesures étaient injustes. Ça m’a donc motivé, j’avais 35 ans, une culture politique, de l’expérience. En temps normal tu attendais qu’il y ait une réponse des groupes à tout ça, mais là il n’y avait plus de groupe. Il ne se passait plus grand chose. Il faut savoir qu’il y avait encore des gens qui discutaient tout de même avec la direction et que l’objectif du Plan Leproux in finé, n’était pas de virer les ultras du Parc définitivement. Le problème de ce plan c’est qu’il n’a jamais été à son terme. Bref, mon pote Romain à ce moment me dit qu’il a trouvé un forum où ça discute entre supporters. Ça s’appelait « Lutte abonnés ». Il y avait une espèce de bouillonnement d’idées. Avec plein de gens différents, des mecs de toutes les tribunes, de tout âge. On avait de vrais échanges. À partir de là, les gars à la base de ce forum montent un casting des gens qu’ils avaient trouvés actifs dans les discussions. On se retrouve avec Romain à être invités pour tous se rencontrer. On fait cette réunion à la rentrée. Il y avait Jeremy Laroche, qui fut ensuite président de LPA (Ndlr : Liberté pour les abonnés), Albin, Florian…

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Réunion LPA (James en bas à gauche) (c) Collection personnelle

Et donc on a discuté, pourtant personne ne se connaissait. C’était marrant comme rencontre. Il y avait aussi Mika avec son écharpe des Supras. Il y avait des mecs qui avaient été dans des groupes, d’autres non. En tout cas on a décidé très vite de monter l’association LPA. Avec comme objectif de répondre à la direction en disant « Allez chiche, allons au bout de ce plan Leproux et trouvons des solutions ». Avec des personnes qui n’étaient pas concernées par les confrontations et qui voulaient aller de l’avant. Avec le recul j’ai l’impression qu’on a été complètement fous, car on n’avait aucune expérience, mais on était bien motivés. Ça a pris très vite, on s’est retrouvés à presque 500, on a du bloquer les adhésions car on n’arrivait plus à gérer. On a créé le bureau et on était environ 10 à être dedans. On décide de faire du buzz, des coups… on organise des tractages, des campagnes de stickage, des rassemblements… Après plein de gens importants sont aussi intervenus, des anciens Lutece, des Karsud… Ça a été très important pour qu’on puisse faire les choses. Par exemple pour les manifs, à tous les niveaux même si on se souviendra surtout de Viola au mega… mythique !

Manifestation LPA au Panthéon, cliquez ICI

Vous commencez à discuter avec le Club ?

Au début non, car il y avait déjà des représentants des supporters qui discutaient avec le club. Mais Jeremy et d’autres ont fait les choses bien en allant rencontrer ces représentants pour leur expliquer notre démarche. Car ils étaient légitimes. On commence à être dans la boucle. Le problème c’est qu’en étant visibles on devenait une cible et on nous avait prévenus…

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Viola chauffe la foule (c) Collection personnelle
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Jeremy Laroche au méga et James devant le Panthéon (c) Canal Supporters

Une cible pour qui ?

Pour tous ceux qui étaient malveillants au PSG et côté autorités. Mais aussi la clique médiatique qui était là pour accabler les supporters, ou trop lâche pour les défendre. Toutes ces personnes qui se plaçaient mais qui ne proposaient aucune solution pour le futur. Notre première lutte ça a été d’ouvrir ces portes-là, celles de la communication : media, sociologue, politique… On a eu des ouvertures sur RMC, sur France Bleu. En off, ils étaient nombreux à nous soutenir. Mais bon, est arrivée la répression. On a été interdit de stade en déplacement, il y a eu des gardes-à-vue… On voulait défendre les tribunes populaires, car avec le placement aléatoire qui était proposé, on savait comment ça allait finir. Après c’était aussi difficile de gérer une association avec autant de membres, tous très différents. Et on n’avait plus le stade pour se réunir, alors que c’était essentiel. C’était devenu compliqué, on a donc décidé de dissoudre l’association en 2012. LPA disparait est devient un groupe de supporters, non plus une asso. Le bureau existe toujours pour trouver des solutions, pour continuer à mener des actions, et aussi pour se défendre. Un des gars du bureau était juriste, et commence à nous orienter sur ces questions.

On a commencé à nourrir notre réflexion pour l’avenir, car on avait accumulé diverses expériences dans cette lutte. Au travers de rencontres avec des journalistes, des sociologues, et on avait aussi pas mal de contacts au club. On se rend compte très vite qu’on a besoin d’une nouvelle structure associative pour développer tout ça. On décide de créer l’Adajis (NDLR : association de défense et d’assistance juridique des intérêts des supporters). On a décroché des actions de terrain, « entre guillemet », clandestines de LPA, et on s’est concentré sur des réflexions plus transversales avec un nombre restreint de membres intéressés par les sujets. De plus, à ce moment-là, les discussions sont coupées avec le club. Et Robin Leproux se retrouve un peu tout seul, avec des gens qui lui mettent des bâtons dans les roues. Il faut reconnaitre qu’il a eu le dos large. Au final il faisait partie des rares personnes qui restaient cohérentes et qui essayaient de faire des choses dans l’intérêt du club. Arrivent alors les Qataris et Jean-Claude Blanc. Il discute au début avec les supporters mais rapidement ça s’arrête sous la pression de la préfecture et surtout parce qu’il a autre chose à faire dans l’immédiat. Bref c’est la coupure de dialogue totale.

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Défilé LPA (c) Benjamin Navet
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Le fameux bus impérial LPA stoppé par la Police (c) Collection personnelle

Parle-nous ensuite de la création de l’ANS (NDLR : Association Nationale des Supporters)

Le vrai point de départ selon moi c’est la manif à Montpellier pour Casti. Les « Pailladins » (Ndlr : La Paillade est un quartier populaire de Montpellier dont est issu le groupe ultra Butte Paillade 91)  ont réussi à réunir des groupes de partout en France qu’on n’aurait jamais pensé voir défiler ensemble ! Pour nous c’est la continuité de l’Adajis. Nous les parisiens, on était reconnus pour notre pugnacité et notre implication dans la lutte pour les droits des supporters. Avec l’Adajis, on a tenté de s’organiser avec les autres groupes français et leurs avocats. Il y a même eu une grande rencontre à Clermont Ferrand qui a été organisée. mais ça n’a abouti à rien. Pourtant on commençait à être au point sur les sujets juridiques, notamment avec l’arrivée de Cyril Dubois et de Pierre Barthelemy. Cyril était avocat et Pierre étudiant en droit mais il apportait ses conseils. Ils étaient tous les deux très impliqués et totalement désintéressés. On a commencé à travailler aussi sur notre communication. J’ai été porte-parole de l’Adajis et l’idée était de faire passer notre message clairement, auprès de tous, supporters et media. L’autre avantage de passer par nous pour les groupes, c’est qu’on leur faisait gagner du temps. Les leaders avaient déjà assez de travail avec la gestion de leur groupe pour consacrer en plus du temps à la communication externe. On a commencé à avoir de plus en plus de dossiers à gérer, et j’ai du également endosser un rôle de porte-parole auprès des institutionnels. On progressait.

Tu as été donc très impliqué chronologiquement dans LPA, l’Adajis puis l’ANS ?

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James, le peuple parisien reconnaissant (c) Collection personnelle

Oui mais aussi, car j’étais très présent « médiatiquement », dans les prémices des discussions d’un retour des ultras au Parc. Nasser ne comprenait pas pourquoi il n’y avait plus d’ambiance, ça dérangeait aussi les joueurs. Il y a aussi des journalistes qui commençaient à nous défendre. C’est tout con mais quand Bruno Salomon crée émission « Tribune 100% Supporters » sur France Bleu, on a été invité dedans. Ce n’était pas nous donner raison mais on n’était pas disqualifié. On nous demandait notre avis, notre version des faits. Je me souviens d’un mec de Canal qui nous avait suivi sur un match en contre parcage extérieur, il a failli se faire tabasser comme nous tous et a hurlé qu’il avait une carte de presse. Heureusement qu’un officier est intervenu. De plus en plus de gens ont été témoins de notre situation.

Comment débutent les discussions d’un retour des ultras au Parc ?

Le personnage central c’est Mika, qui était président de l’Adajis et leader du groupe LPA. Pas de Mika, pas de tribune mais c’est via Cyril que le contact est pris… Pour en revenir à Mika, si il n’y a pas sa volonté, j’aurais arrêté depuis longtemps. S’il n’y avait pas eu ce fou-là, complètement desintéressé, généreux, pour qui tu vas à la guerre, jamais les supporters ne reviennent. Et puis il y a surtout la volonté du Président al-Khelaïfi, de comprendre les supporters. Il est vrai qu’on avait des a priori sur les Qataris. Mais on était pour la discussion, que ça aboutisse ou pas. Au moins il y avait une réflexion qui s’engageait.

Vous aviez quand même l’envie d’aller au bout ?

Oui au fond de nous, mais on était, comment dire, un peu blasés par toutes ces années de lutte. On avait la foi mais on était un peu désabusés. En tout cas la discussion commence. Il fallait déjà que de notre côté on arrive à avoir une voix unique, car les profils étaient différents. Et il y avait encore des mecs comme Jean-Philippe d’Hallivilé (Ndlr : directeur de la sécurité du PSG) qui étaient encore là et qui mettaient des bâtons dans les roues. Jean-Claude Blanc, lui, discutait avec les autorités. Mais on ne savait pas si le club serait capable de gérer la discussion avec un interlocuteur unique, tellement c’était compliqué en interne au PSG. En tout cas il fallait déjà qu’on règle les discussions entre nous, supporters. D’autant que l’Adajis n’existe quasi plus de façon active.

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La manifestation à Montpellier (James au 1er plan à gauche) (c) Collection personnelle

Qui était présent du côté supporters pour avancer sur ces discussions ?

Il y a donc ce qui reste de l’Adajis, LPA, les Microbes, la K-Soce Team, les Karsud, la Lista Nera, les Parias, les Nautecia, les LCC… Ça commençait à s’organiser, autour de Mika, mais aussi Romain Mabille qui nous rejoint pour préparer le terrain. Et le CUP se crée.

Tu as donc participé à la création du CUP ?

Oui, j’étais là à la première AG. Après les choses ont fait que j’ai préféré me mettre de côté. Pour être honnête, car il y a certaines choses sur lesquelles je n’étais pas d’accord. Déjà j’estimais qu’on avait beaucoup de chance de pouvoir relancer la machine. Certains voulaient aller beaucoup top vite. D’autant que beaucoup de monde voulait s’inscrire au CUP. Et gérer beaucoup de monde c’est compliqué quand on n’est pas structuré, surtout pour bien gérer les relations entre groupes. De plus à l’ANS, je commence à être au fait de dossiers importants comme les référents supporters. Et côté club c’était le bordel là-dessus. Ils n’avaient aucune expérience et ne se donnaient pas les moyens d’atteindre ces objectifs. Après il faut reconnaitre que les Qataris ont fait un truc de malade en très peu de temps. Il faut voir les anciens dirigeants qu’on a eu, c’était des pros dans leur domaine mais ils étaient un peu à l’ancienne. Avec QSI c’est allé très vite. Avec une ambition énorme. Sur le dossier supporters, c’est fort d’avoir été aussi vite. Mais moi avec mon esprit carré, qui voulait construire des fondations solides avec des chartes claires et un service de référents supporters, je suis en total décalage avec tout le monde.

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Rassemblement LPA en Gambardella (c) Collection personnelle
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Symbolique (c) Benjamin Navet

Et pour le CUP c’est pareil. Ça a grossi très vite. Je ne sais pas comment Mika et Romain réussissaient à s’en sortir, tellement il y avait de monde différent. Et puis ça faisait 6 ans qu’il n’y avait plus de tribune au Parc. Même si tu avais un peu d’expérience par le passé, tu vois arriver plein de nouvelles têtes que tu ne connais pas. Et pas mal de jeunes. Et me concernant, avec mes problèmes de santé, il fallait que je choisisse où je devais mettre mon énergie.

Selon toi, quels progrès doit faire le CUP dans un avenir proche ?

Déjà consolider la base et les relations inter-groupes. Quitte à faire l’impasse sur certains trucs. Quand tu n’es pas en capacité de le faire, tu ne le fais pas. La communication c’est une des grosses lacunes à combler. Entre groupes c’est déjà compliqué. Ils arrivent quand même à faire le truc mais il faut renforcer la communication entre les leaders et les bureaux. Mais aussi à l’intérieur des groupes, entre leaders et membres. C’est la base. Le CUP c’est un collectif de plein de groupes, il ne faut pas l’oublier. Déjà dans un groupe c’est compliqué, il y a plein de tendances, des gens qui arrivent ou partent, il faut savoir gérer ça avant de grossir. Il faut renforcer les postes stratégiques sur lesquels le CUP peut se construire et se consolider. Tu vois par exemple, je n’ai jamais trouvé quelqu’un pour me remplacer sur la communication. Heureusement que tu as Romain qui s’occupe au moins de répondre aux médias, et en plus qui est très bon. Mais si tu es Président, tu ne peux pas t’occuper aussi de la com. C’est un travail à plein temps. Tu dois savoir tout ce qui se passe, avoir un oeil sur l’actualité, sur les communiqués.

Ils ne m’en voudront pas de leur dire que parfois leur communication, ce n’est pas possible ! On ne doit pas rédiger ces annonces dans l’émotion, surtout quand tu as 2000 mecs à gérer ! Et tu dois aussi faire la police, même si je n’aime pas ce mot-là. Tu dois te responsabiliser. Il faut instaurer des règles de fonctionnement et s’y tenir. Il n’y a rien de pire dans un collectif que lorsque certains pensent que d’autres ont des passe-droits. Alors il y a des exclusions certes, mais il faut que ce soit un peu plus cadré. Et que tous les membres des groupes restent ouverts, dans le sens où ils ne doivent pas se considérer comme les seuls garants du supporterisme parisien. Dans la tribune, il y a 6000 personnes, et toutes ne sont pas des ultras. Par exemple, tu es ultra, tu agites un drapeau énorme, et bien pense aussi au lambda motivé derrière toi, qui chante et qui, à cause de toi, se fait niquer son match sur les buts ou les corners. C’est futile mais c’est important. Et le dernier truc, et c’est peut être le truc le plus essentiel, c’est qu’ils ne doivent pas penser qu’ils sont déjà arrivés. Si demain ça part en couille, le PSG sera obligé de dégager tout le monde. L’équilibre est compliqué mais on peut dire que c’est énorme ce qui a déjà été accompli !

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James mène les troupes (c) Collection personnelle
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Unis pour la cause (c) Collection personnelle

Tu penses quoi de ces groupes qui se sont installés à Boulogne ?

Ces groupes doivent faire en sorte d’être structurés et présenter un interlocuteur unique pour discuter avec le club. Il ne faut pas perdre de vue qu’à la base le PSG ne veut qu’un seul groupe à tendance ultra et c’est le CUP.  Raison pour laquelle ces supporters doivent comprendre que le CUP c’est le fruit d’années de galère et de combat, que les choses se méritent. Après je trouve ça super. C’est l’essence même du supporterisme. Des mecs motivés qui veulent créer ou recréer une ambiance. Je salue cette volonté. Qu’ils ne s’auto-censurent pas vis à vis du club. Qu’ils fassent leur truc. Car le club lui aussi doit avancer. Car c’est compliqué. Le PSG a du mal à gérer les supporters déjà connus (CUP, PSG Clubs, Handicap PSG, handball, etc…). C’est lourd et c’est de la logistique. Le club n’est toujours pas structuré là-dessus

Pour le moment il n’y a que deux référents supporters ! A Lyon ils sont déjà 4 ou 5. Il n’y a pas besoin d’être dans le foot pour comprendre que ce n’est pas assez. Quand une entreprise grandit vite, et qu’elle a des points stratégiques à gérer comme celui-ci, elle sait qu’elle ne doit pas embaucher des personnes en plus une fois que c’est lancé. Elle le fait avant. Quand le PSG a voulu construire une grosse équipe, ils ont tout de suite recruté des jeunes de talents et des joueurs confirmés. Pour être rapidement compétitif. Là c’est pareil, si tu veux un socle de supporters solide il faut renforcer l’équipe qui s’en occupe. Après, encore une fois, QSI a tout fait à une vitesse extraordinaire. Je tire un grand coup de chapeau aux dirigeants du club. Ils ont réussi à faire des choses énormes. Mais pour les supporters il y a cette logique de sécurité en plus et qui n’est pas évidente à gérer. On a une telle richesse à Paris, une richesse de diversité chez les supporters. Il faut en profiter et la valoriser.

Et pour finir je tiens vraiment à préciser que tout ceci n’aurait jamais été possible sans Nasser. C’est une réalité. Il a pris ses responsabilités, et je ne suis pas sur que tout le monde s’en rende vraiment compte. Au delà du business, il a une vraie fibre foot. Une vraie humanité. Ça reste un homme d’affaire mais c’est vrai.

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L’hommage du Virage (c) Parias Cohortis / CUP

Xavier Chevalier

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