Laurent Fournier, 2ème partie

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Suite de l’entretien avec Laurent Fournier. Le milieu de terrain revient
sur ses années au Paris Saint-Germain, et aussi tout ce qui l’a construit,
dans le foot et dans la vie. 

Vous avez joué avec beaucoup de grands noms. Y en a-t-il un qui vous a plus marqué ?

Serge Chiesa – Présentation Saison 1969 /1970 © Icon Sport

Oui. Serge Chiesa. Pour moi, ce sont mes débuts. C’est la simplicité. C’est le mec qui ne se prend pas la tête, qui est gentil avec tout le monde, qui est dans l’entraide. C’est bien simple, quand j’ai fait mon jubilé (2000), je ne l’avais pas vu depuis un certain temps, il avait eu un problème au cœur. Il était à Clermont Ferrand où il tient un bar-tabac maintenant. Il était trop content de venir.

Après, les joueurs de talent, Ginola, Weah, Valdo, Raí, Waddle, Stojkovic, Cantona, Papin, Tigana… A Bordeaux, j’étais avec Dugarry, Zidane et Lizarazu quand même. On se qualifie pour l’Intertoto et l’année d’après ils jouent la finale de Coupe UEFA (1996). Ce qu’il faut savoir, c’est que quand je reviens à Paris (1995), je commence avec Bordeaux et je fais l’Intertoto avec eux. Si Bordeaux gagne contre Milan, est-ce que les statistiques m’auraient fait gagner 2 Coupes d’Europe la même année ? Avec 2 clubs différents ? Cela aurait été une belle stat (sourires). Mais oui, j’ai eu de la chance de jouer avec de grands joueurs. Et aussi des bons mecs. 

Vous parliez de Serge Chiesa, sa simplicité. Et vous, j’ai l’impression que vous êtes toujours resté quelqu’un de simple

Je pense que c’est l’éducation. Je pense que… L’éducation y est pour beaucoup.  Mon père, ils étaient 9 dans la famille, et ma mère, pareil, ils étaient 9 frères et sœurs.  

Combien avez-vous de frères et sœurs ?

J’ai un frère. Mais par contre, j’avais des millions de cousins (sourires). Et, toutes les vacances, on les passait ensemble. Et à l’époque, le truc qui m’a peut-être le plus marqué quand j’étais enfant, c’est surtout l’entraide. Parce que ma mère, elle travaillait dans une école, elle aidait la maîtresse avec les petits. Et mon père, il était orfèvre, il faisait beaucoup d’heures sup, il travaillait pour le roi du Maroc à l’époque. 

Il soudait les anses des plateaux en argent. Tous les soirs, il ramenait les anses à la maison. Parce qu’elles étaient fondues dans un moule, et nous, on les limait pour enlever toutes les petites imperfections. Pour chaque anse limée, on gagnait 10 centimes de francs, à l’époque. Tu imagines, pour gagner un peu plus, pour aller manger une saucisse, ou pour que ma mère, elle puisse passer son permis de conduire. On limait les anses tous les soirs avec mon père. 

Après (silence) j’y ai repensé par rapport à ça. Car je pense que c’est une question d’éducation. L’entraide est un mot qui est important pour moi. Se mettre à disposition des gens. Parce que… Quand tu as vécu dans ce milieu-là, quoique tu vives après, tu ne peux pas changer. Tu es obnubilé par ça :  être humble, parce que tu sais d’où tu viens. Moi, d’où je viens ? D’où je viens, par exemple : la douche, on ne l’avait qu’une fois par semaine. Elle était avenue Galline (à Villeurbanne). C’était mon père qui m’amenait le samedi, quand on était gamin. Les toilettes, elles étaient dehors. 

Vous pensez que cela vous a servi pour la suite ?

Oui servi. Et desservi. Parce que, à un moment, c’est un peu ce que je disais tout à l’heure, le fait de toujours se mettre à disposition d’un groupe, à Paris, à Lyon. Cela me permettait sûrement d’être toujours dans l’équipe. Pas de passer le cap qui fait de toi le joueur dont on parle. 

Il y a aussi l’histoire de la banderole des Lutece Falco. Les Lutece Falco en 1991-1992, ils me font une banderole avec mon nom. Et je vous jure, quand ils l’ont déployée, ça m’a fait plaisir, mais ça m’a gêné je leur ai dit de l’enlever. Je leur ai dit que par rapport aux autres, ça me mettait mal à l’aise, que je partais du principe que c’était un sport collectif. Le « On » avant le « Je », ça c’est mon éducation. 

Mais j’ai encore la carte, des Lutece Falco 00, j’aurais dû l’amener. « Membre des Lutece Falco N.00 ». Je suis hyper reconnaissant pour tous ces gestes. Le soutien des supporters, comme joueur, comme entraîneur. Ca, c’est beau. 

© Collection personnelle

Avez-vous, au PSG, ressenti que vous étiez aimé des supporters ? 

Oui. Ca se sent. Ca se ressent. 

Ce n’est pas le cas de tous les joueurs

Oui mais comme je disais tout à l’heure, quand tu fais le maximum et que tu restes disponible, avec beaucoup d’humilité, ça passe beaucoup plus facilement. Quand tu discutes avec les gens, que tu ne te prends pas la tête. Après je suis sûr qu’il y en a qui m’ont sifflé. Ils ont le droit. Ca, ce n’était pas grave. L’important, c’était de me dire : « Sur le terrain, j’ai fait ce qu’il y avait à faire. J’ai fait le maximum ». 

Avez-vous gardé des amis dans le foot, mais vraiment de vrais amis ?

Je vois souvent Vincent (Guérin). On a arrêté notre carrière ensemble. On a fait notre reconversion ensemble. En chambre, on était ensemble. Au milieu du terrain, on était Vincent, Paul, Valdo et moi dans les grosses années. Après cela a changé un peu avec Luis (Fernandez). Tout ce travail que l’on a fait ensemble, ça rapproche d’un côté. Après, on est très très contents de se revoir tous, il n’y a aucun problème avec personne. 

Un duo solide (27 juin 2005) © Icon Sport

Et même, vous voyez, hier mon frère – il était à Lyon – m’envoie un texto : « Tu les reconnais ? » Ils étaient dans un restau en train de manger. Il y avait Christophe Breton, avec qui j’ai joué, Joël Frechet, avec qui j’ai gagné le championnat d’Europe Juniors, Sonny Anderson. Bien sûr, je les reconnaissais. Il me dit : « Ah oui, tu as de la mémoire ». Mais des mecs comme ça, ça ne s’oublie pas. 

Quelle est votre relation avec votre frère ? Est-il dans le milieu du football ?

Il n’est pas dans le milieu du foot mais lui aussi a joué au foot, à Neuville-sur-Saône (C.S. Neuvillois), à l’époque au niveau régional et ils avaient atteint les 32è de finale de Coupe de France face à Toulouse (1-2 après prolongation, le 23 janvier 1994). Il a joué aussi aux Brosses de Villeurbanne, comme moi. Il a continué à jouer avec ses potes, il a fait des études de sports et maintenant il est commercial dans la région de Lyon. C’est mon petit frère, on a 7 ans d’écart. Et on s’entend bien. 

Comment avez-vous vécu votre 1ère sélection en équipe de France A ?

J’étais super content bien sûr, et en même temps j’ai eu une 1ère réaction, spontanée, qui a été de me dire : « Pourquoi je mérite plus qu’un autre qui a fait les mêmes efforts que moi ». Mais avant tout j’étais super content pour ma famille, mes parents, et les coaches que j’avais eus. 

C’était au Parc face au Brésil avec vos coéquipiers Ricardo et Valdo en face (1992)

Oui, je m’en rappelle. Ils l’ont annoncé à Téléfoot, le dimanche. On était en décrassage, je ne l’ai pas su tout de suite. J’ai reçu un coup de téléphone de ma mère. C’était les téléphones avec le cadran, et quand c’était occupé, tu étais obligé de tout recommencer (sourires). Mais oui, elle était contente. Mon père aussi.  

Ils devaient être fiers, et heureux ?

Oui ils étaient fiers. Mais moi aussi, j’étais content. J’étais content. Mais… Il y avait toujours ce truc de se dire. C’est grâce aussi aux autres. 

Avec les bleus contre la Bulgarie © Collection personnelle

Avec les Bleus, vous jouez face au Brésil, le match aller contre la Bulgarie. Et l’Autriche. Puis plus rien ?

C’est la Finlande je crois le match d’après (14 novembre 1992, ndlr). Ce n’est pas qu’il n’y a plus rien. (Silence) Avec Paris, on joue au Havre. Et on fait 1-1. On avait beaucoup d’échéances avec le Paris Saint-Germain. Je suis appelé en sélection. Et, Artur (Jorge) vient me voir. Il me dit : « Ce serait bien que tu n’y ailles pas ». Bon, c’est la 1ère fois que je raconte ça. (Vous en faites ce que vous voulez). Artur me dit : « Tu es un peu fatigué en ce moment, nous on a besoin de toi pour le club ». Et comme je vous disais, par rapport à ça, le « on » pour moi, il passe avant le « je ».

Il me dit : « Je vais te sortir à la 80è minute et tu diras que tu es blessé. Comme ça tu ne vas pas en équipe de France ». Ok. On va jouer au Havre. 80ème il ne me sort pas. 82è il ne me sort pas. Parce qu’il veut que je reste sur le terrain. Coup de sifflet final, 1-1. Et à la fin il me dit : « Désolé, je n’ai pas pu te sortir ». Moi je lui dis : « Ah non mais vous déconnez, comment je vais faire moi pour… » Et il me dit : « Tu dis que tu as mal à la cuisse ». 

Le lendemain je vais à Clairefontaine pour faire constater la blessure. Je dis que j’ai mal à la cuisse. C’est vrai que j’avais un peu mal aux adducteurs, ils étaient un peu enflés. Le médecin me dit que je peux partir. C’était avant France-Finlande (14 novembre 1992, au Parc des Princes, 2-1 pour la France, ndlr). 

Sauf que le match juste après, avec le PSG on reçoit Auxerre (19 novembre 1992, 2-0 pour le PSG, ndlr). Artur, il me fait jouer. Et après ça, je n’ai plus jamais été sélectionné. Je ne sais pas s’ils ont compris. Ou peut-être que ça n’a rien à voir. 

Gérard Houllier m’a rappelé avec les A’. On avait joué à Monaco et j’avais marqué (3-1) Donc je pense que si cela avait dû continuer pour moi en Bleu, je serais revenu. 

Artur, il m’avait dit « Fais-le, pour le club ». C’est là où je te dis que le « On » est au-dessus du « Je » chez moi. Car il n’a demandé à personne d’autre, il a demandé qu’à moi. Avec le recul je me dis que je n’aurais peut-être jamais dû le faire. 

Artur Jorge savait peut-être que vous, vous alliez dire oui ?

Ah oui, c’est sûr il pouvait me demander de jouer latéral droit, il pouvait me demander de jouer attaquant… Je me mettais à la disposition du groupe. 

On dit de PSG-OM, le 18 décembre 1992, qu’il s’agit du match le plus violent du championnat de France, la « boucherie » comme certains l’appellent. Il y avait votre duel avec Eric Di Meco

Oui, mais ça fait partie du jeu. Moi je n’en veux pas à Di Meco. Lui ne m’en veut pas. Parce que le 1er tacle, c’est moi qui lui met. Après, moi je lui ai mis par devant, lui il me l’a mis par derrière. Il y a aussi un penalty sur Ginola, il y a les tacles de Boli, de Deschamps. Mais ces matches-là, comme face à des équipes comme Bordeaux, Auxerre, ils nous permettaient de passer le cap en Coupe d’Europe. 

Tâcle à la Di Meco le 18 décembre 1992 © Icon Sport

Je pense à un match qui s’est arrêté en Grèce, à la mi-temps (PAOK Salonique – PSG, 0-2, match arrêté à la mi-temps). Je peux te dire que les mecs, ils étaient chauds, il fallait répondre. 

Tous ces matches âpres en championnat, ils nous permettaient de réagir en Coupe d’Europe. Après, on parle souvent de Di Meco mais quand tu te retrouves face à Carlos Mozer, même Ricardo, Roche. Eux, je peux vous dire qu’ils ne te rendaient pas le match facile. 

En janvier 1997, vous prenez un carton rouge, en Supercoupe face à la Juve. Et c’est ce carton qui fait que vous êtes suspendu pour Bucarest ? 

Non. Alors ce n’est pas ça. C’est, tu prends un carton rouge en Supercoupe (63’). Quand tu prenais un carton rouge, le carton jaune d’après faisait que tu étais suspendu le 1er match suivant de la Coupe d’Europe. Parce que, à l’époque, UEFA, Coupe des Coupes et Coupe des Clubs Champions, c’était pareil, c’était dans le même panier. Donc, il fallait calculer ça. Et après, j’ai compris que, c’est le carton jaune que je prends à la 1ère minute contre Barcelone, sur Henrique. Ce carton jaune, il me suspend directement pour le tour de Bucarest. 

En plus entre temps, il y avait eu les vacances

Oui. Il y avait eu les vacances. Et après, tu ne penses pas que le carton rouge de la Supercoupe, qui est organisée en janvier, compte pour ce match-là. Aujourd’hui, ce n’est plus comme ça. 

PSG – Steaua Bucarest (5-0), c’est vrai que d’un point de vue émotions, pour avoir été au Parc, c’était fort. Je revois toujours l’image de Raí moi…

Oui. C’est aussi le départ de Leonardo. C’est la 1ère fois que Ricardo alignait 4 ou 5 attaquants. Alors qu’il était assez fébrile dans ses choix. Leonardo, Maurice, Gava, Simone, Raí… C’était énorme. Donc, voilà. Super soirée, mais si on avait perdu, ça aurait été de ma faute. 

Vous le pensez-vraiment ? Je n’ai jamais pensé ça. Pour moi, c’était plus administratif. Concrètement, vous l’apprenez comment ?

Comment je l’apprends ? (Sourires). Vous allez rire, comment je l’apprends (sourires). On est dans le vestiaire, on finit l’entraînement. Et puis il y a Claude Leroy, Jean-Michel Moutier, ils viennent, ils disent : « Il faut qu’on vous parle ». Ils disent : « On va convoquer les cadres ». Raí, Simone, Gava, Le Guen, Roche… Les autres joueurs, on se rassoit, et ils me disent : « Toi aussi, tu viens ». Je me dis : « Ah c’est bien, moi aussi je fais partie des cadres ». Déjà, je suis content d’être là, d’être considéré comme un cadre.

Et là, ils disent : « Voilà, on a fait une connerie, on a fait jouer un joueur suspendu ». Et ils se tournent vers moi : « Non toi tu n’es pas cadre, c’est toi le joueur suspendu ». Je dis : « Ah ouais… » Je ne comprends pas du tout. Je dis : « Mais attendez, vous n’avez pas compté ? » « Non, non, on a oublié ». Je dis : « Vous déconnez… ». Ils me disent : « Alors, tu sais ce que tu vas faire. Tu vas partir du camp des Loges. Parce qu’on va l’annoncer maintenant à la presse. Tu vas partir et tu rentres chez toi. Tu ne sors pas pendant 2 jours, Tu ne sors pas ». 

Et le lendemain, j’achète l’Equipe. Vous vous rappelez de la photo en Une ? Tous les joueurs sont comme ça (rassemblés, en groupe) avec le titre « Quel cirque ! ». Et moi je suis debout, en train d’encourager les mecs, et les mecs sont tous comme ça. La honte ! La honte. 

Sur le moment, je me suis dit : « Comment est-ce que je vais m’en sortir ». 

Premier but de Raí Contre le STEAUA © Icon Sport

Y a-t-il des joueurs qui vous en ont voulu ?

Non mais dans les vestiaires, personne n’y croyait. Tout le monde disait : « Ce n’est pas possible, c’est Surprise Surprise ». Il est où, Marcel Béliveau ? Après moi, j’ai fait ce qu’on m’a dit, je suis rentré chez moi. Et le match, on m’avait dit de ne pas venir. Mais je suis quand même venu. Je l’ai regardé tout en haut du Parc. Je m’étais mis dans les tribunes, tout en haut, dans les anciennes cabines de radio. Je voulais être là, sans être au centre de l’attention.  

Comment avez-vous vécu le match ?

J’espérais qu’on se qualifie et quelque part, j’étais assez confiant. Déjà les joueurs étaient très motivés. Bon après, je savais que… Bucarest, on avait joué là-bas, on perd 3-2 mais à la mi-temps, on mène 2-0. Donc logiquement au retour, tu peux en mettre 4 ou 5. Il y avait la place. On le savait. Et l’après-midi du match, les joueurs du Steaua Bucarest, à Paris, ils étaient en train de faire des courses. 

Ils pensaient que c’était gagné ?

Non. Je pense qu’ils savaient qu’ils allaient prendre une taule. Ce n’est pas méchant, mais je pense qu’au fond d’eux, les mecs ils savaient que ça allait être très difficile au Parc. Et ce carton que je prends en Supercoupe, ce qui est bizarre, c’est que je ne suis pas suspendu 3 matches. Je suis expulsé, il ne se passe rien derrière. Je ne suis même pas suspendu. Je suis suspendu, parce que je prends le carton jaune 4 mois plus tard en finale à Rotterdam (14 mai 1997).

Justement, cette finale, j’y étais avec mon fils, c’était notre 1er déplacement ensemble. Et l’écharpe que je porte, elle vient de là

C’est marrant, parce que mon fils aussi, c’était son 1er déplacement. 

Barcelone-PSG à Rotterdam, c’est votre 3è finale de Coupe d’Europe, la 2è d’affilée avec le PSG

On aurait pu la gagner car en plus, c’était la dernière finale de Coupe des Coupes. On a les occasions pour les mettre. On perd un ballon au milieu, Ronaldo il met le penalty (1-0, 37’) et après, ils n’ont aucune occasion eux. Loko, il y a le poteau. Leonardo qui loupe. Cauet il en rate une. Voilà. Tu n’es pas en dessous de ces mecs-là. 

Entre Sergi Barjuan et Pep Guardiola le 14 mai 1997 © Icon Sport

En 1996, vous la gagnez

Oui et pourtant là, c’était beaucoup moins serein (PSG 1-0 Rapid Vienne). 

Je revenais de Bordeaux, et je ne sais pas, je sentais que l’équipe, elle était tendue. Plus tendue que les autres années. On bat Parme, on bat Glasgow, La Corogne en ½. Mais tu es à la limite hein. Les équipes de Coupe, c’est toujours compliqué, car les mecs, ils ont l’habitude de jouer ça. Avant la finale, on est parti 10 jours avec Yannick Noah au Pays basque, pour resserrer un peu l’ambiance. 

La cohésion de groupe, ça me fait penser à quelque chose car j’ai joué au handball pendant 20 ans, et je me souviens, une fois on a gagné un tournoi en Allemagne, alors qu’on n’était vraiment pas les meilleures. Mais en fait, on avait une telle cohésion de groupe, que l’on n’avait l’impression que rien ne pouvait nous arriver

Oui, c’est le collectif. C’est ce qui à un moment va faire la différence.  C’est ce qui nous a permis en 1994, d’aller chercher le titre. En 1992 on fait 3è, 1993 2è, 1994 1er. Il y avait un collectif et tous ensemble, on a progressé.

Votre carrière de joueur s’arrête en plein milieu de saison à Bastia (1998). Parce qu’on vous demande d’être entraîneur. Mais vous, vous auriez voulu continuer à jouer ?

Oui. Mais en fait, on ne m’a pas laissé le choix. Les dirigeants sont venus chez moi pour me dire : « On a viré Kasperczak. C’est toi qui prends l’entraînement ». J’ai dit : « Oui mais moi je ne suis pas entraîneur ». Eux : « Et bien tu vas faire entraîneur » Je n’avais jamais entraîné moi. Si, j’avais entraîné les petits à Lyon. En plus je leur dis : « Mais j’ai joué avec eux, les joueurs, c’est mes potes. J’ai fait des bringues, on s’est fait des restaus, on a déconné ensemble, ça va être compliqué ». Ok, ils me disent si tu veux, tu fais entraîneur-joueur. Mais ça, ce n’était pas possible. 

Les 1ers matches, ça se passe bien on gagne face à Nancy, Monaco, le PSG. On fait nul à Strasbourg. Normalement, je ne devais faire qu’un intérim. Moi, je voulais rejouer. A la fin de la saison, les dirigeants me disent : « Non, non tu restes, mais tu peux faire joueur en même temps ». Bon je dis, ok, j’essaie. Comme entraîneur. Pas entraîneur-joueur. 

Ca ne se passe pas trop mal. Jusqu’en février et une défaite face à Rennes… (29 janvier 1999, Bastia 0-1 Rennes). Vraiment, je crois que Blayau (alors président du Stade Rennais, ndlr), il m’aura tout fait. On perd 1-0 à la 89è minute. Sur Canal après le match, je dis : « De toute façon les Rennais, ils ont dû offrir des ustensiles de cuisine à l’arbitre » quelque chose comme ça. Blayau était le PDG de Moulinex à l’époque, et du Stade Rennais. Et je dis ça, c’était Veissière l’arbitre je m’en rappelle. 

Après, pour différentes raisons, cela se finit mal avec Bastia. Je quitte le club. Mais pour moi, toute l’histoire avec Blayau (Laurent Fournier l’a ensuite retrouvé comme président au PSG, ndlr), elle part de là. 

Vous auriez aimé finir votre carrière de joueur à Paris ?

Oui. Ah oui, je voulais rester. Biétry, il nous a viré Vincent (Guérin), Alain (Roche), moi. Entre autres. C’est pour ça que je suis parti à Bastia. Mais en 1998, ce que je ne savais pas (je l’ai su il y a 7 8 ans, par Denis Troch) c’est que, quand Artur Jorge a remplacé Alain Giresse, moi j’étais à Bastia, et il a demandé à Bastia de me retransférer comme joueur à la trêve hivernale. Et Bastia n’a pas voulu. Et moi, ça je ne le savais pas. Si je l’avais su, je serais revenu tout de suite. Je voulais encore jouer. J’étais parti 6 mois plus tôt du PSG uniquement parce que Biétry, il ne voulait pas de moi. Il voulait tout changer. 

Votre dernier match avec Paris ?

Un match amical, à Aix-les-Bains, avec Alain Giresse, parce que je fais la préparation avec eux, et il me met capitaine. 

A-t-il été facile de mettre un terme à votre carrière de joueur ?

C’est particulier car quelque part, je ne l’ai pas choisi. Après Bastia, j’avais envie de rejouer. Il y a le Racing Club de Paris qui m’avait appelé. Mais cela ne s’est pas fait. Rejouer en Ligue 2 ? J’y ai pensé mais après un an sans jouer, je me suis dit que j’allais arrêter.

Et j’ai directement suivi une formation avec l’UNFP, à l’IPJ (Institut Professionnel du Journalisme), avec Canal Plus. Un jour par semaine à l’école et le reste à Canal. J’ai appris plein de choses. Avec Vincent (Guérin), on a fait ça un an, et en contrepartie l’UNFP me payait les diplômes d’entraîneur. Donc j’ai tout fait, à commencer par initiateur 2, animateur sénior, BE1, BE2. Pendant 7 ans, j’ai passé tous les diplômes, jusqu’au DEPF. 

Laurent et ses hommes (1er septembre 2005) © Icon Sport

Après, j’ai passé le diplôme UEFA (la licence pro). Et en 2003, on m’a proposé Pacy-sur-Eure, en National, en cours de saison. Ils n’étaient pas très bien et il leur restait 10 matches. J’ai dit OK, en plus ce n’était pas très loin de chez moi. On s’est sauvés. Ca se passait super bien. 

Mais vous revenez au PSG

Le jour du dernier match, je vais boire un café à Pacy et il y a un mec qui me dit : « Tu vas signer au PSG ? » « Je vais signer au PSG ? » Il me dit : « Oui c’est marqué dans le Parisien ». Et là, au même moment, mon téléphone sonne, c’est Antoine Kombouaré. Il me dit : « Je suis désolé, je ne t’ai pas prévenu, j’ai rencontré Laurent Perpère (et Antoine, qui avait la CFA, devait prendre les pros du PSG) et j’ai donné ton nom pour la formation ». Il me dit : « Voilà, ils vont t’appeler ». J’étais bien à Pacy. Mais j’ai décidé de revenir au PSG. 

Et en fait au dernier moment, Antoine, il ne signe pas. C’est Vahid qui prend l’équipe 1ère. Vahid m’appelle : « Ca t’intéresse toujours ? » Car il voulait que ça soit moi. Donc je signe quand même au PSG. Je fais un an, un an et demi à la formation (CFA). J’ai aimé cette expérience, tu mets en place des trucs avec les jeunes. Et les pros qui redescendent. 

Et l’année d’après, en 2005, Vahid est viré. J’étais bien pote avec Cyril Moine (actuel préparateur physique de l’équipe de France, alors préparateur physique PSG, ndlr) qui un soir m’appelle : « Vahid a été licencié, tu prends demain l’entraînement ». Je rencontre Jean-Michel Moutier (alors directeur sportif du PSG, ndlr), Gérard Houllier, qui est dans le coup avec Alain Cayzac, pour me briefer un peu. 

Mais Gérard Houllier, je tiens à le dire, il avait été exceptionnel. Il avait été trop top avec moi. Il m’a super bien aidé à gérer. Lui, il ne voulait pas prendre le PSG mais il m’avait super bien aidé avec Alain Cayzac. Ils m’avaient beaucoup parlé, beaucoup aidé. Et c’est lui qui me dit : « Vas-y prends, si tu as un problème, tu m’appelles ». Donc j’ai pris l’équipe. Et j’ai fait monter Christian Mas, qui était avec moi à la formation. Dominique Leclercq, Boubacar (Sarr). 

Gérard Houllier © Icon Sport

J’ai tout de suite voulu responsabiliser les joueurs. J’ai senti que j’avais l’adhésion du groupe. Après, j’avais des bons joueurs. Tu as Pauleta, tu as Yepes…  On finit la saison. Et là moi, ce qui me déçoit, c’est que Graille, il s’en va. Et je ne me sens pas bien du tout parce que Blayau arrive. Quand j’apprends ça, je me dis : « C’est bon, jamais je ne vais re signer ». Jamais. Parce que normalement, je finissais la saison et je revenais à la CFA. Canal fait le pressing pour que ce soit moi, Blayau, il ne veut pas. Je pense que Denisot a fait le forcing pour que ce soit moi. Donc finalement on reprend la saison, ça se passe plutôt bien. Et l’autre (Blayau), un jour il m’appelle, j’avais fait une interview où je parlais de la 2è place.  

Il m’appelle il me dit : « Ton interview, ça ne va pas du tout. Tu n’as pas d’ambitions. En plus tu t’habilles mal, tu parles mal, etc » Il était vraiment énervé : « Tu as oublié Lyon ». Je lui dis que l’an dernier, on est allé gagner à Lyon (2-0), mais on ne va pas forcément rivaliser tout de suite avec eux. En finissant 2è, on était en Ligue des Champions. Il me dit : « Non mais tu ne comprends rien à l’ambition. Si ça se passe mal les derniers matches, je te vire. Je dis : ‘Ok, pas de problème’ ». 

Dernier match avant la trêve, on va à Ajaccio. On fait 1-1. A la fin du match, Canal Plus me met le micro, pour l’interview d’après-match. Je dis : « C’est bien, on est à un point de la Champions League, etc ». Juste après, Blayau me prend à part : « Je peux te parler ? » Et là, j’ai été très con. J’ai enlevé le micro, et je l’ai rendu à Canal. On était un peu à l’écart. Il me dit : « Ne t’inquiètes pas, je te garde, tu ne pars pas. Désolé pour ce que je t’ai dit ». Et là, je me dis : « Put…, c’est sûr il va me la faire à l’envers ». 

J’avais décidé de partir quelques jours en Russie à Saint-Pétersbourg. Parce que l’histoire, c’est que en 1981, avec l’équipe de France Juniors, on avait fait un tournoi à Léningrad, et j’avais été élu meilleur joueur du tournoi. Et j’avais dit à mes parents, malheureusement décédés depuis, j’avais toujours dit à mes parents que je les amènerai en Russie. 

Avec mon frère, mes beaux-parents, ma femme, mes enfants on part à Saint-Pétersbourg. C’était en décembre. Avant de repartir, je me dis : « Put… je n’ai reçu d’appels de personne, c’est bizarre ». Et je repense au micro de Canal, j’aurais dû le garder pour enregistrer. On repart de Saint-Pétersbourg, on monte dans l’avion et là je croise quelqu’un juste avant de monter dans l’avion. Il me dit : « Bon courage ». Bon courage ? Je lui dis : « Pourquoi ? » Il me dit : « Bon courage, bon courage… ». Je me dis si ça se trouve l’avion il va bouger, il y a des turbulences. 

Je rentre dans l’avion, il y a l’Equipe. Et en Une, c’était « Viré » avec moi dessus. Là je dis « Nooooooooon ». Et là, mes enfants ils me disent « Nooooooooon ». Je n’étais pas au courant, Et là vous savez quoi, dans l’avion je dis : « Donnez-moi un peu de vodka ». On boit un peu de vodka dans l’avion et tout. Et j’arrive à Paris, et Blayau m’appelle : « Il faut que je te vois. Passe demain ». Je lui dis : « Ce n’est même pas la peine, je viens de lire l’Equipe ». Il me dit « Je suis désolé que ça se soit passé comme ça ». Je lui dis : « Dans le vestiaire vous me dites que vous voulez me garder, et puis là… Vous me virez comme un malpropre ». Avec cette personne, nous n’avons aucune valeur en commun. Vraiment aucune. C’est un homme qui peut se montrer très méchant. Méprisant. 

Vous êtes-vous senti soutenu par le vestiaire ?

Sincèrement, oui. Après, heureusement, les joueurs ils étaient avec moi. Je sais que Letizi, Mendy dans les journaux m’ont soutenu, les supporters sont même venus au camp des Loges. Ah, c’était chaud. Mais après, moi je me suis tu dans les journaux. Parce que je me suis dit que parler, ça ne servirait à rien. 

J’ai eu ce besoin de complètement couper. Je ne regardais plus les matches. On va dire que j’ai mis un an à peu près pour passer à autre chose. 

Pourquoi n’avez-vous jamais joué ou entraîné à l’étranger ?

A l’époque, on ne partait pas nous. A part les stars, Kopa, Platini, Papin… Ca a commencé un peu avant la Coupe du monde mais je pense que j’étais un peu trop vieux. Si j’avais eu une opportunité, l’Angleterre, j’aurais bien aimé. 

Entraîner à l’étranger, ça m’intéresserait. Pas n’importe où mais ça doit être une expérience super intéressante.  

Comment votre famille, votre femme et vos enfants, ont-ils vécu le fait de vivre avec un joueur puis un entraîneur professionnel, avec tout ce que ça comporte ?

Bien je pense. On a beaucoup bougé, déjà on est parti tôt de Lyon avec ma femme, à 23 ans. Ensuite, on a eu notre 1er enfant en 1989. Changer d’environnement, ça permet aussi d’apprendre, de s’adapter. Le seul souci, c’était pour les vacances. L’été, j’étais en vacances en juin, les enfants juillet-août. On a quand même pu s’arranger avec l’école quelques fois, quand ils étaient petits je précise (sourires). Ils sont tous les 3 restés dans le sport, ma fille dans l’équitation, mes fils dans le foot. 

Aujourd’hui, c’est toujours le « On » qui prime dans vos activités, avec par exemple l’Académie Laurent Fournier ? 

Avec l’Académie, on se déplace dans toute la France. On organise des stages clé en mains partout en France. On met en place des programmes sur une semaine. On l’a fait en Dordogne récemment, sur l’Ile de Ré. On en fait dans la région parisienne.

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Je m’occupe des stages en période de vacances avec l’Académie. Et j’ai monté une ligne de vêtements LF SPORTS, qui vient de signer avec l’équipe de France de Subbuteo, qui va participer aux Championnat du monde de Rome, en 2022. On vend aussi pas mal d’équipements aux clubs amateurs. 

Et puis toujours par rapport au « On » (sourires), je suis en train de monter une association, qui va s’appeler l’Entraide. On fera notamment des matches, à des fins solidaires. Le premier, il aura lieu au mois d’avril, au camp des Loges. 

Zinédine Zidane lors du Jubilé de Laurent Fournier © Benjamin Navet

Un dernier mot sur votre jubilé au Parc, en 2000. Il y avait du beau monde : Cantona, Weah, Djorkaeff, Zidane…

Ce sont les joueurs avec qui j’ai joués. J’ai voulu faire une génération 1989-1990 entre Lyon et Saint-Etienne, une équipe « All Stars », et PSG 1996. Il y avait Canto. Papin. Il y avait Christophe Dominici… Et c’était Thierry Gilardi qui présentait. Des supers mecs.


Dominique : Un grand merci pour le temps que vous avez passé avec nous. Cela m’a fait plaisir de vous rencontrer, et cela confirme que vous êtes quelqu’un de bien, qui a su rester simple et généreux.


Emilie Pilet

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