Tanguy Kouassi Virage PSG

Un coup non, un Kouassi

par

Confinement oblige, plus de match, donc plus d’interview d’avant-match
« l’important c’est les trois points », plus de réaction d’après match
« je remercie mes coéquipiers car le PSG c’est avant tout un collectif », plus de paroles de joueurs. Mais sur Virage, c’est la liberté de mouvement. Alors autant inventer. Autant le faire parler le petit jeune qui explose. De toutes façons il ne s’exprimait jamais dans la presse, alors autant l’imaginer nous-même, la véritable fausse vie de Tanguy Kouassi. Et qui sait : peut-être qu’on tombera juste ?


Tanguy repose ses haltères et les range dans leur étui. Il fait beau aujourd’hui, c’était agréable de travailler dans le jardin. Comme la transpiration lui dégouline dans les yeux, il passe la main sur son visage, le front, le nez, la bouche, comme il l’a vu faire, et consulte de nouveau son planning d’entraînement. Le club lui a prêté du matériel, pour s’entraîner chez lui. Ça c’est bien. Le préparateur physique lui a fourni un dossier avec toutes les séances de la semaine. Comme ça Tanguy sait exactement quels exercices il doit réaliser, et c’est clair. Le coach ou un de ses adjoints l’appelle tous les jours, en fin d’après-midi. Ils font un bilan. Souvent, on le félicite, parce que Tanguy a fait ce qu’il fallait faire. Il savait alors il l’a fait. Voilà. Comme ça tout le monde est content.

C’est que Tanguy veut travailler correctement. Alors il écoute les conseils et il suit les consignes. Tanguy est un garçon sérieux et travailleur. Sa maman elle dit que même quand il était tout petit, il était déjà sérieux et travailleur. Alors c’est bien. Tanguy repose le dossier en essayant de ne pas l’abimer avec ses doigts trempés de sueur. Il se redresse, il est chaud, le soleil lui fait du bien. Il aimerait réaliser quelques minutes supplémentaires de gainage. Il regarde son planning. Le tapis de sol est dans l’herbe. Dans le jardin de la nouvelle maison de ses parents. Un peu de gainage juste histoire de se sculpter encore, oui, ce serait chouette. Mais le coach dit pas de surentraînement, alors non. Tant pis. Tanguy va à la douche, et il dit à sa mère que ça y est il a fini de travailler. Elle est contente, alors lui aussi.

La salle de bains est très lumineuse, il y a une petite fenêtre avec une vitre toute floue, on ne peut pas voir dehors mais c’est très lumineux. Tanguy s’est déshabillé, a mis ses affaires dans le sac parce que quand c’est mouillé sa mère préfère. Il passe devant le miroir et il sourit et il se dit que même sans gainage ça va quand-même. Par contre c’est un peu pénible d’être tout seul. Les massages après la douche au Camp des Loges, c’était sympa. Il y a les autres joueurs, ils discutent, ils sont drôles. Surtout Presko. Tanguy ne parlait pas trop, il préfère écouter. Presko lui il raconte des tas de choses, il rigole avec les Brésiliens et tout. Ca faisait bizarre de voir ça. Alors pendant les massages, quand il était au Camp, Tanguy le regardait et il écoutait. Il se disait que Kimpembe était du centre de formation aussi, qu’il a commencé comme lui. Alors Tanguy faisait attention, il notait des choses dans sa tête. Comme ça il saura faire. Plus tard.

Tanguy Kouassi Virage PSG

L’eau coule et fait du bien aux muscles. Bien chaude, mais pas trop, il paraît que c’est mauvais pour le cœur. Le médecin lui a dit ça. Donc attention. Tanguy aime les douches bien chaudes. Il laisse l’eau ruisseler sur son crâne, longtemps. Il réfléchit. Il veut savoir quoi faire. Plus tard. C’est ce contrat. Quand tu es apprenti, tu veux signer pro. C’est normal. Il est apprenti au PSG, il joue au PSG maintenant. Il a même été titulaire, et en Ligue des Champions, avec le PSG. Alors il veut signer pro au PSG. Ça c’est normal quand-même. Mais son agent lui dit qu’il faut attendre. Qu’on peut faire mieux. L’eau coule sur ses épaules, Tanguy ne l’arrête pas.

Tanguy Kouassi & Presko Virage PSG
Tanguy & Presko (c) Panoramic

Son agent, monsieur J, c’est quelqu’un de bien. Il lui a toujours donné des bons conseils. Quand Tanguy jouait à Fontainebleau, il lui a trouvé une place au centre de formation du PSG. Voilà. Quand il a été sélectionné en équipe de France des moins de 17, il lui a beaucoup téléphoné pour l’aider. Tanguy n’est pas toujours à l’aise quand il est avec des gens qu’il ne connaît pas, alors sa maman lui a conseillé d’appeler monsieur J, et monsieur J il lui expliquait et Tanguy après il a même été capitaine. C’est vrai. Alors quand monsieur J lui dit de pas s’inquiéter, d’attendre, sa mère elle lui dit la même chose. Elle aime bien monsieur J parce qu’avant il était comme eux. Et l’eau continue de couler. Monsieur J lui dit ce qu’il doit faire… Tanguy lui il repense aux massages, un peu. Au contrat aussi.

Il repense à Presnel Kimpembe. Presnel il rigole, il met la musique et il danse et tout le monde rit avec lui et Tanguy aussi. Presnel il était apprenti, il voulait signer pro, c’est normal, il jouait au PSG, et lui il a signé au PSG. Quand même.

Le bruit de l’eau n’est pas très agréable maintenant. L’autre jour, Presko, il lui a demandé, en rigolant : « Alors, ce contrat avec nous, tu le signes quand ? ». Et Tanguy n’a pas répondu. « Sauf si t’as déjà signé ailleurs, bien sûr ! ». Clin d’œil. Monsieur J il lui dit « quand on te demande, tu dis que toi c’est le football, et que le reste on verra ». Mais ça, c’était pour les journalistes, et pour dehors, les supporters. Là c’était Presnel… Tanguy sent la buée qui monte et l’étouffe un peu. Il a bien fait de ne pas faire de gainage. Il n’a rien répondu à Kimpembe. Lui c’est le football, hein.

Tanguy Kouassi Virage PSG

Ses mains, posées à plat contre les carreaux, glissent. L’eau coule. Sa tête oscille légèrement. En vrai, Tanguy n’a pas su quoi répondre. Il faut attendre, et si on lui demande, le reste on verra. Mais ce contrat… Il y a le PSG et il y a Leipzig. C’est en Allemagne Leipzig en vrai.

Ces contrats, c’est un peu compliqué. Pour les publicités et pour les équipements et pour la nouvelle maison, on lui a tout dit, mais c’est quand même compliqué. Monsieur J il explique à sa mère et après ils doivent signer. Mais c’est beaucoup de papiers. Quand on lui explique et qu’il sait, pour Tanguy, ça va. Sauf que là, avec le prochain contrat on lui dit il faut attendre, et Tanguy ne sait pas quoi. C’est qu’il y a déjà beaucoup de signatures dans ses souvenirs, les papiers se balancent, et les signatures aussi elles oscillent. Il y en a trop en fait. Tanguy est allé en Allemagne, ça c’est sûr, et on l’a balloté dans un avion et il y avait une Mercedes et le roulis sur le chemin quand il a visité les installations, pourtant le chemin était plat, mais les images flottent un peu parce qu’il hésitait et monsieur J et sa maman lui expliquaient et quand on est poli on ne demande pas alors voilà, c’est qu’il faut respecter les aînés, et il n’a pas répondu à Presnel.

Tanguy coupe la douche. Il se dit qu’il est comme étourdi. Il se dit qu’il faut attendre. Il se dit que lui c’est le football. Il se dit que le reste, on verra. Si Tanguy a hésité ce jour-là, sur la table de massage, c’est qu’il ne savait pas quoi répondre. Il aurait peut-être dû lui dire à Presko, qu’il ne savait pas quoi répondre. Maintenant la tête lui tourne, dans la salle de bains. C’est trop tard. Il ne peut plus lui avouer qu’il ne comprend pas. Ni ce qu’il va faire, ni ce qu’il a fait. Qu’en fait, il n’ose pas demander. Qu’il ne sait pas, pour ce contrat. La serviette tombe. Il ne la ramasse pas.

Tanguy ne sait plus ce qu’il a signé là-bas. Il a signé. Mais il ne sait plus quoi. Aujourd’hui il voudrait rester au PSG. Mais il n’est pas certain que ce soit possible encore. Il voudrait jouer au Parc, encore. Parce que lui, c’est le football.
Et aujourd’hui, du football, il n’y en a plus. Ça, c’est sûr.


Arno P-E

Laisser un commentaire

Découvrez les articles de