C’est simple, depuis que le PSG joue Porte de Saint-Cloud,
Jean-Pierre a fait quasiment tous les matches au Parc.
En tant que supporter. Et c’est d’autant plus beau que depuis 1976
il vit à plus de 500 kms de Paris.
Mon 1er contact avec le PSG, c’était la saison 1973-1974. Le club était à l’époque en D2 et il a fait ce qu’on appelle une épopée en Coupe de France. Il a sorti en 16ème et 8ème de finale 2 équipes de D1, Nancy et Metz pour tomber en ¼ face à Reims. A l’époque, j’habitais Paris, j’avais 25 ans. J’ai vu les 3 matches au Parc, puis le match de barrage retour face à Valenciennes, la remontée fantastique (4-2) et Just Fontaine qui fait son malaise.
Mon père n’avait pas pu venir et bien sûr après le match il m’avait téléphoné pour le résultat. J’avais tellement crié que j’étais à moitié aphone. Pour se remettre dans le contexte, c’était un match hyper important pour l’histoire du PSG et il devait y avoir autour de 15 000 spectateurs au Parc (19 511 exactement, ndlr). Aujourd’hui, ce genre de rencontre, ça se jouerait à guichets fermés.
Je m’appelle Jean-Pierre, j’ai 72 ans. Je suis tombé dans le foot comme Astérix tout petit car mon père aimait le foot. J’allais avec lui voir jouer le Racing et le Stade Français. Mon père m’a amené la 1ère fois au stade, j’avais 5 ans. Et le 1er match, il paraît que j’ai passé mon temps à jouer aux petites voitures dans les allées entre les sièges (sourires). A l’époque, le Racing jouait dans l’ancien Parc (avant les travaux).

Le Racing a disparu dans les années 1960 et ce qui m’a séduit dans le Paris Saint-Germain ? C’est que j’ai retrouvé dans le PSG à l’époque de Fontaine, ce côté un peu fantasque qu’avait le Racing. Tout pouvait arriver, le pire comme le meilleur.
Donc en 1974, ça a été le coup de foudre immédiat. Dès les premiers matches du PSG en D1, c’était parti. J’étais à tous les matches au Parc, plus pas mal de déplacements. Le nouveau Parc rénové était beau, très agréable. Même avec 15 000 spectateurs, le tiers de sa contenance, il y avait quand même une bonne ambiance. Ce stade a une acoustique remarquable. Je me rappelle aussi qu’aux débuts du PSG en D1, il y avait des problèmes de pelouse au Parc construit sur le béton du périphérique. Plusieurs matches avaient dû être délocalisés à Colombes et même à Saint-Ouen.
Depuis quel que soit l’endroit où j’habitais, la plupart du temps en province dans la région Rhône-Alpes, il y a une chose qui ne changeait pas : ma présence au Parc. C’est-à-dire qu’à partir du printemps 1976, je ne vivais plus à Paris mais je continuais de venir au Parc. A tous les matches. Et autant de déplacements que je pouvais faire.
Je ne les compte pas mais j’ai fait beaucoup de kilomètres en voiture pour Paris (sourires). 550 kms aller et 550 kms retour. Je partais en début d’après-midi et je revenais dans la nuit après le match, je travaillais le lendemain. Depuis que je suis retraité, je vis entre la Bretagne et le Lot. Je fais Quimper-Paris en avion ou Toulouse-Paris, l’avantage quand on est un « sénior » c’est que les billets d’avion sont moins chers que le train.

J’ai été très vite abonné. J’ai d’abord été abonné dans l’ex D Rouge puis j’ai eu une loge pendant quelque temps et quand j’ai arrêté mon activité professionnelle (concessionnaire automobile), je me suis abonné en ex C Rouge (ils ont donné des numéros maintenant, tribune 122).
J’ai aussi fait pas mal de déplacements à l’extérieur. Saint-Etienne, Lyon, Sochaux, Nice, Toulon, Valenciennes, Guingamp, Cannes, Bordeaux. Je crois quasiment avoir fait tous les stades de D1. Toujours à titre personnel, avec ma voiture. De là, où j’habitais, c’était parfois moins loin pour moi que d’aller au Parc. J’ai également fait beaucoup de déplacements en Coupe d’Europe : Milan, Naples, Turin, Munich, Glasgow… Et des pays parfois plus inattendus comme la Finlande, la Norvège, Chypre, le Lichtenstein.
Je n’ai jamais compté le nombre de matches mais à la louche si on s’arrête à début 2020 (avant le confinement), 46 saisons de matches au Parc (championnat + les différentes Coupes) plus les déplacements, on ne doit pas être loin des 1500.
Je me dis que ce n’est pas forcément exceptionnel. Mon mérite, si j’en ai un, c’est de faire tous les matches depuis 1976 alors que j’habite à plus de 500 kms de Paris.
(Silence) Moi, je dis qu’une passion, ça n’a pas de prix. Je plains énormément les gens qui ne se passionnent pour rien. Le foot c’est une belle passion et aussi d’un point de vue sociologique, il permet de réunir des personnes de profils totalement différents derrière les mêmes couleurs. C’est un bel exemple. Et c’est quand même une passion que l’on peut vivre toute l’année, au quotidien.

Avant le printemps 1976 quand on vivait encore à Paris avec ma femme, elle me disait qu’elle pouvait deviner le résultat du match, non pas à ma tête parce qu’elle était couchée, mais à ma façon d’ouvrir et de fermer la porte de la maison quand je rentrais.
Une fois installés en province, après les matches dans la voiture j’écoutais France Info en boucle pour rester éveillé, sur la route. Les soirs de défaite, dans les flashes infos chaque fois que j’entendais « le PSG a perdu », c’était terrible. Par contre, si on gagnait, j’oubliais tout, la pluie, les camions… Et les kilomètres passaient vite.
Quand des supporters font la fine bouche aujourd’hui avec le PSG, j’ai envie de leur dire : « si vous aviez connu certaines époques… où à part les Coupes, on ne dépassait pas le milieu du classement ». Ils ne se rendent pas compte de la chance qu’ils ont.
Je fais souvent le parallèle avec les gens de ma génération. Avant, pour aller dans le sud, on prenait la route nationale à Fontainebleau et on traversait la France de ville en ville, de villages en villages. Aujourd’hui, vous rentrez sur l’autoroute, c’est toujours tout droit et vous arrivez sur la Côte. En 1974, le PSG c’était une route nationale, aujourd’hui c’est l’autoroute (sourires).
Le PSG a joué sa 1ère finale de Coupe (de France) en 1982 (PSG – Saint-Etienne), j’y étais et de 1982 à 2019, j’étais là pour toutes les finales de Coupe de France, Coupe de la Ligue, Coupe d’Europe. Toutes, sauf en 2017. Le 27 mai 2017, c’est le jour de mariage de mon fils, et de PSG-Angers. J’avais suggéré que peut-être il y avait une possibilité que j’aille au Stade de France mais mes amis m’ont dit : « Tu n’es pas sérieux ? ».
Ma femme est de la Drôme, qui est plutôt une terre de rugby, mais désormais elle s’y connaît pas mal en foot. Pour les déplacements européens, elle vient souvent avec moi. Mon fils supporte le PSG, il a été ramasseur de balle sur quelques matches quand il était petit.
Des comme moi, il n’y en n’a pas beaucoup, heureusement pour l’entourage ! Ma femme connaît et accepte cette passion que j’ai et quand on s’est connus, elle le savait, il n’était pas envisageable de négocier quoique ce soit. Les passions, je crois qu’il ne faut surtout pas essayer de les contrecarrer. Dans la vie, il faut avoir une passion. En ce qui me concerne, elle a toujours été nécessaire à mon équilibre. Elle était comme un exutoire à mon boulot qui était pas mal prenant. Je ne fume pas je ne bois pas. Je supporte le PSG.

Au début du confinement, le Parc m’a manqué, c’est comme les gens qui arrêtent de fumer, il y a une sensation de manque. Mais là honnêtement, ça ne me tenterait pas d’aller au Parc si c’est pour être 5 000 et espacés de 2 sièges vides avec son voisin. J’ai repris mon abonnement cette année bien sûr. Mais je retournerai au Parc quand les conditions seront redevenues habituelles.
Mon 1er déplacement en Coupe d’Europe, c’était Kuusysi Lahti – PSG (13 septembre 1989) en Finlande. Cela s’est soldé par un magnifique 0-0 (sourires). J’étais aussi allé au Lichtenstein en voiture, en 1996, pour voir jouer le PSG face au FC Vaduz. J’en garde un super souvenir, 4-0 dans un stade champêtre. La tribune, c’était 3 rangées de sièges, où nous étions le public assis sur le béton et juste derrière nous des fauteuils de jardin pour la presse internationale. Moi j’étais juste devant Eugène Saccomano qui était sur RTL il me semble et je me rappelle qu’il était venu en moto.
Ayant connu aussi des déplacements comme Chypre, la saison 1992-1993, avec une poignée de supporters (c’était face à l’APOEL Nicosie, but de Jean-Luc Sassus 1-0), aujourd’hui j’apprécie d’autant plus de voir le PSG disputer un Final 8 de Ligue des Champions. « Rêvons plus grand » : c’est bien dit je trouve car la progression est extraordinaire.

J’ai des matches qui m’ont marqué peut-être plus que les autres. Le match de barrage en 1974, si important pour l’histoire du club, le match retour face au Real avec la tête de Kombouaré. Au Parc j’ai également ressenti une émotion très forte en 1997 lors de PSG-Bucarest (5-0). Il y avait une telle communion entre l’équipe et le public. Cela reste un très très grand souvenir car à l’époque nous n’étions pas habitués au caviar comme maintenant.
La 1ère finale de Coupe de France en 1982, dans les prolongations Saint-Etienne menait 2-1, d’où j’étais je voyais la Coupe en tribune officielle et les officiels qui étaient en train d’attacher le ruban sur les anses, des rubans blancs et verts. Et là, Rocheteau qui égalise, Borelli qui embrasse la pelouse.
Et puis un match qui m’a marqué, physiquement. C’est Sochaux-PSG en 2008. J’étais au stade Bonal. Je ne pouvais pas ne pas y être. Ce match, il y a tellement eu de tension nerveuse avant et pendant que je me rappelle pour repartir du parking, je n’arrivais pas à appuyer sur les pédales de l’embrayage. C’était la 1ère fois que cela m’arrivait. J’étais avec un copain et on a dû s’arrêter à la 1ère station-service. Je me suis acheté une tablette de chocolat, je l’ai mangée en entier, ce qui ne m’arrive jamais. Mon corps avait besoin de sucre, ce match m’a beaucoup marqué.
