Apologie de l’hygiène de vie de Neymar 2

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Ce texte fait suite à une première Apologie publiée par Virage début 2021, et risque fort de se retrouver, peu ou prou, dans un ouvrage à venir consacré à Neymar.

D‘abord être conséquent : faire l’apologie de l’hygiène de vie de Neymar à tout moment. Y compris aujourd’hui. Je le prends comme il est et l’aime en l’état. C’est un type qui a besoin d’inconditionnalité. Je me dévoue et ne vous en veux même pas de lui en vouloir un peu. 

À 30 ans, Ney a marqué autant de buts que CR7 au même âge. Peut-être en marquera-t-il moins que Ronaldo entre 30 et 35, mais en combinant ses buts, ses passes décisives, ses dribbles et ses gestes techniques, il est statistiquement déjà tellement loin devant… Je vous parle même pas de la dimension esthétique. 

Finalement, c’était pas à Mbappé qu’il fallait une équipe, un coach, un directeur sportif un peu raide… mais à Neymar ! Avec Nuno, Hakimi et Vitinha, voyez comme il biche notre super héros à face de manga. Même plus besoin de dribbler ! Juste à résoudre des équations esthétiques, ajuster des passes aux vitesses de ses coéquipiers, définir des trajectoires. Sa vocation. Sa mission. Sa fonction. Son art. 

Car il est comme Susic, Neymar : il ne dribble que pour pouvoir passer. 

Aveu qui ne m’honore pas : grisé je suis de voir les footixiens tomber sur Mbappé après l’idiot penaltygate. 

Et plus encore de lire Riolo prêchant dans le désert intellectuel qu’est twitter au sujet de l’impossible réconciliation entre les deux hommes. Ma bonne dame, voyez-vous ça !, les deux peuvent plus se blairer. On comprend bien qu’il est de droite, là, le Daniel. Il ne lui vient pas à l’esprit que Mbappé et Neymar sont des employés qui obéissent à leur patron. Il sait pourtant d’expérience que l’histoire du foot (et celle de toute entreprise) regorge d’inimitiés plus ou moins notoires et peu opérantes sur le terrain. 

Ce qu’il se passe depuis quatre matchs est évidemment trop beau pour être vrai. Exactement pour ça qu’il faut y croire. 

L’année où la découverte de textes inédits de Céline annonce une prochaine relecture – fatale, espérons-le aux spécialistes et exégètes – de son autobiographique œuvre, Neymar se réinvente, se métamorphose, se grime en joueur épurant, dribble ses fans en multipliant les passes et remises et ses ennemis en jouant court, simple et élégant. 

Et tous de découvrir ce que nous sommes quelques-uns à pisser dans des violons depuis des mois et des mois : des trois de devant, Neymar était le seul à défendre. Je veux bien croire qu’il arrive « épuisé » à l’entraînement, mais en match, à part pour gruger l’arbitre, il ne triche jamais et joue tous les ballons…lui ! 

Personne n’a jamais vu Neymar s’arrêter pour chouiner et grommeler sous prétexte qu’on ne l’a pas lancé en profondeur comme il l’attendait. 

Durant un Atlético – Barça de jadis, en LDC, Neymar s’est fait cisailler au cœur de la défense adverse et l’arbitre n’a pas moufté. À sa manière de se relever et de se lancer les dents serrées à la poursuite du tacleur, j’ai annoncé à mon Neymarien beau-fils le jaune que son idole allait prendre !… Cette bêtise dénuée d’hypocrisie, l’exacerbé sentiment d’injustice et d’incompréhension, l’absence spectaculaire de discrétion, attestant de la pureté intentionnelle (certes mauvaise) qui avaient gouverné son « vilain » geste me touchèrent et me séduisirent d’autant plus que les commentateurs, naturellement, l’accablèrent. Les conformistes, de quelque point cardinal qu’ils vinssent, me répètent à l’envi depuis que je suis tout petit qu’un homme : ça se retient, ça s’empêche, ça se raisonne. Ce serait même à ça qu’on le reconnaît, écrit Camus – à moins que ce ne soit Soprano. Tant pis. Je continue de préférer ceux qui exagèrent. Les autres sont nécessaires, eux sont indispensables. Pour être bon et con à ce point, Neymar ne pouvait être qu’un génie. Je date flatteusement ma conversion à ce jour-là. 

Neymar PSG
Who’s the boss ? © Icon Sport

Ainsi donc Neymar serait « finito », selon l’horrible mot transnational jusqu’au javanais appartenant au sabir que parlent footeux et internautes. Trentenaire définitivement débarrassé de la légèreté gracile qui gouvernait son jeu et en particulier son dribble, préalable chez lui à tout, qu’allait donc devenir Neymar ? Existerait-il encore, dépouillé de cet art en soi qui assure la légende à quelques glorieux sans palmarès ? 

Figurez-vous que lorsque Neymar ne dribble pas, ou moins, il marque et passe décisivement autant, voire plus. Ce qui signifie, dans le cadre de la croisade esthétique, vengeresse et vaine qui m’occupe, que lorsqu’il dribblait, personne ne se rendait compte que déjà il marquait et passait décisivement – vraiment – beaucoup. 

Peut-être aussi que s’il dribble moins, c’est parce que s’appuyant enfin sur un milieu de terrain haut de gamme il n’a plus à porter l’équipe ; qu’avec Messi replacé, nos ailes ressemblent à des pistes d’envol et qu’Hakimi devient à ses yeux beau comme Nuno ; qu’il a désormais devant lui plus de solutions que de problèmes. 

Traditionnellement, le dribbleur est court, puissant, centre de gravité près du sol. Si le mètre soixante-quinze dont les tales of the tapes créditent Neymar fait de lui un joueur plus petit que la moyenne en 2022, il mesure néanmoins 10 cm de plus que Maradona, 6 de plus que Garrincha, Messi ou Ariel Ortega. Et même au sortir de festives vacances empâtantes, jamais il n’a eu les grosses cuisses de Ronaldinho – qui, avec son mètre quatre-vingt-deux et ses quatre-vingt kilos, est bien plus moderne que lui de gabarit. 

Physiquement, Neymar ressemblerait plutôt à George Best. Même taille, même poids – comme on dit même père même mère dans une famille polygame. Même sens-goût-passion du dribble. Même redoutable efficacité devant le but. Même goût de l’alcool, ricaneront certains. À tort. Best souffrait d’alcoolisme. Neymar est juste un fêtard. 

Jean Cécé : « Ney est l’enfant légitime de Best et de Garrincha ». 

Et je suis le beau-père de l’auteur de cette sentence : « En toute modestie, je peux affirmer que j’ai été le premier Français à imiter en classe les célébrations de Neymar à Santos ! ». J’assume mon destin.


Gregory Protche

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