Supporters du PSG, vous pouvez partir !

par

« Si vous n’êtes pas satisfaits de la façon dont le Paris Saint-Germain vous traite,
si la stratégie du club avec ses supporters ne vous plait pas, sachez que personne
ne vous retient, vous pouvez arrêter de soutenir le PSG
et de venir au Parc des Princes ou au Stade Pierre de Coubertin
 ».

Voici, en substance, ce que plusieurs salariés du PSG, travaillant pour des services différents, ont pu me dire ces derniers temps, lors de diverses conversations où nous échangions, plus ou moins courtoisement,  sur la manière dont les suiveurs parisiens étaient considérés par leur club. Ces propos sont totalement inentendables, et inacceptables. Ils reflètent à mon sens plusieurs tendances qui ne sont finalement qu’une émanation de l’état d’esprit du Paris Saint-Germain actuel envers ses supporters. Je parle là de la masse silencieuse des travées. Ne rentrent bien sûr pas en compte dans cette qualification les fervents du Collectif Ultras Paris, notre groupe ultra qui capte parfaitement l’attention du club. Ni les millions de fans tout autour de la planète, qui ont également les faveurs, surtout à visée commerciale, de nos dirigeants.

Ces tendances que je pointe sont d’abord le manque chronique de respect envers la majorité de ses supporters fidèles et réellement passionnés. Les marques de considération peuvent se compter à la saison sur les doigts d’une main. Ce sont d’une part ces gestes gratuits et récurrents, parfois même imperceptibles mais bien réels, qui font que vous percevez que le club se préoccupe réellement de vous, et pas uniquement lorsque vous sortez la carte bleue. Et d’autre part, la reconnaissance de votre fidélité infaillible par des gestes commerciaux qui, même symboliques, vous font sentir que le club vous gratifie et vous remercie de votre passion, et disons-le, de votre dévouement.

La seconde tendance, c’est une méconnaissance de la part des salariés de ce qu’est fondamentalement un supporter. Oui, les clubs sont des entreprises. Non, les supporters ne sont pas des clients comme les autres. Nous venons certes assister à un spectacle mais nous ne venons pas uniquement dépenser nos euros par simple envie, ou besoin, de nous divertir. Pour certains d’entre nous, être supporter, c’est d’abord de l’affect avant d’être une relation commerciale. C’est un dévouement de chaque instant et des sacrifices innombrables, financiers évidemment, et dans l’organisation de sa vie quotidienne, personnelle et professionnelle. Etre supporter n’est évidemment pas une activité rationnelle, c’est tout simplement un choix de vie. Une passion viscérale à laquelle on ne va pas renoncer parce que quelqu’un qui n’y comprend pas grand-chose nous explique que le club qu’on soutient depuis des décennies se désintéresse de nous car il est devenu nouveau riche et mainstream.

Vous ne donnez jamais rien au PSG

Lors d’un vif échange avec un salarié du club, où il était notamment question de certains avantages que peuvent bénéficier les membres du Collectif Ultras Paris, voici quelle fut la réplique qu’on me décocha : « Vous ne donnez jamais rien au PSG, il n’y a aucune raison que le PSG vous donne quelque chose ! » Lors d’une autre conversation plus calme, cette position fut ainsi justifiée : « Ne vous comparez pas à l’incomparable ». En d’autres mots plus précis : ne vous comparez pas avec les ultras. Loin de moi cette prétention. Avec mes vingt-six saisons d’abonnement au Parc des Princes sans interruption [dont huit pendant les années 2000 au Virage Auteuil et membre actif d’une association de supporters … ultras], mes huit saisons d’affilée abonné à Coubertin, et environ deux-cents déplacements pour suivre le Paris Saint-Germain à travers la France et l’Europe, quelle hérésie de ma part d’oser demander en échange un peu de considération, ou quelques remises à la caisse.

Naples-PSG, 06/11/2018, Stade San Paolo © Collection personnelle

Mon cas personnel n’étant qu’un épiphénomène, la problématique me semble bien plus large et plus systémique. Dans mon récent livre « Je suis supporter du Paris Saint-Germain, Tome 2 », paru avec le Tome 1 en mai 2023, je tenais déjà ces propos concernant la position du CUP au sein de la communauté PSG : « Ce collectif d’ultras parisiens a aujourd’hui une position prépondérante dans les tribunes du Parc des Princes, mais il a surtout la seule position. Il n’en est pas responsable, mais le fait que le club ne reconnaisse officiellement que cette entité lui permet de contrôler plus facilement le contre-pouvoir éventuel des tribunes. Ainsi, le CUP s’évertue à lutter contre les discriminations et à défendre ses acquis, ce qu’il parvient à faire notamment en maintenant un niveau de tarif abordable au sein de la Tribune Auteuil, mais il ne représente, et c’est tout à fait compréhensible, que les intérêts de ses membres. Les autres supporters du Paris Saint-Germain sont laissés pour compte, sans que personne ne porte leurs voix, et sans qu’ils ne reçoivent une quelconque reconnaissance de la part du club. En ce sens, le CUP est privilégié, il a droit au dialogue, et à exprimer ses revendications, même si celles-ci ne sont pas toujours entendues, ou favorablement reçues. Il semble ainsi avéré que les membres du CUP bénéficient de certains avantages, notamment tarifaires, qui ne sont pas accordés aux autres supporters parisiens. Se posent alors la légitimité de ces avantages, et la question de représentativité de tous les supporters Rouge et Bleu, quels qu’ils soient. Le discours sous-jacent non énoncé par le club est que les membres du CUP sont considérés comme des supporters, là où tous les autres ne sont que de simples clients. » Mon intention en écrivant ces lignes n’est nullement de stigmatiser le Collectif Ultras Paris, qui se débrouille comme il peut et comme il l’entend pour protéger ses intérêts, mais d’alerter le club sur le fait qu’il existe, au-delà du CUP, des dizaines de milliers de supporters parisiens semblables aux ultras, qui méritent tout autant d’attention et de considération, même s’ils chantent moins forts les soirs de match.

Le Paris Saint-Germain, c’est nous tous

La critique étant facile, il est de bon ton de soumettre des hypothèses de travail et d’envisager d’autres perspectives. Que pouvons-nous ainsi proposer au PSG comme solutions ? Non, les fidèles supporters ne doivent pas partir, et même si on leur suggère gentiment. Ils doivent au contraire être plus écoutés, et être pris en compte dans le développement du club. Ils n’ont bien évidemment pas à être décisionnaires, mais ils pourraient avoir, collectivement, un rôle consultatif. Construire un grand club, oui, mais cela ne passe pas uniquement par le terrain et les infrastructures. L’humain, et particulièrement la relation avec les supporters, doit être une des pierres angulaires, un des fondements de l’institution.

Toujours dans mon livre « Je suis supporter du Paris Saint-Germain, Tome 2 », je donne ma définition d’un grand club, à savoir celui qui respecte ses supporters, celui qui met l’humain, l’histoire, le patrimoine et l’identité au cœur de son projet, sans délaisser le développement économique, mais pour encore mieux le servir ; et surtout de façon pérenne. De mon point de vue, le PSG qatari ne rentre pas, du moins pour le moment, dans cette définition, son ambition première étant juste d’être la plus grande marque de sport, au service d’une mission encore plus importante, assurer une bonne image du Qatar dans le monde. Pour être un « grand club », ce qui est notre seule préoccupation à nous indéfectibles supporters, il est temps que le PSG nous dise concrètement et factuellement : « le Paris Saint-Germain, c’est avec vous. Le Paris Saint-Germain, c’est nous tous.« 

En prendre conscience serait déjà un grand pas. Mais après les bonnes intentions, viendrait alors la question du « comment ? ». Ma suggestion tient en trois initiales inversées, GSP, en créant un Groupement des Supporters du Paris Saint-Germain, tous types de supporters confondus. Toujours dans mon livre, j’envisage ce GSP comme un rassemblement qui aurait une reconnaissance officielle de la part du club. Les supporters adhérents bénéficieraient d’un avis consultatif et, dans certaines mesures à définir, constitueraient un contre-pouvoir décisionnel, ou plutôt un « organe d’assistance au pouvoir décisionnel ». Une charte serait signée, une sorte de manifeste, engageant les dirigeants du club sur des points précis, notamment pour encadrer la stratégie et la recentrer sur les supporters parisiens, et pas seulement sur la marque et l’aura internationale. L’un n’empêchant bien sûr pas l’autre, il n’est bien sûr pas question de refermer le club uniquement sur son territoire. Les contours et les limites de la stratégie seraient ainsi discutés, débattus et validés par les dirigeants du club conjointement avec leurs supporters. Ce groupement ne serait pas le seul, j’entrevois dans la même lignée une entité regroupant d’anciens joueurs du club, avec la même représentativité et les mêmes prérogatives. Une sorte de conseil des sages. Les représentants de ces deux collèges, désignés par leurs pairs selon des critères à définir, se joindraient donc aux salariés dans un conseil tripartite, qui se réunirait plusieurs fois par saison, avant de prendre des décisions sur l’avenir du club, notamment celles impactant son identité. Toute la famille PSG serait ainsi réunie pour décider conjointement d’un avenir commun, sans que les supporters ne fassent que subir les désidératas des propriétaires. Les prérogatives strictement sportives ne seraient en revanche pas à l’ordre du jour de ces consultations, le sportif devant rester la chasse gardée de professionnels.

PSG-OM (0-0), 22/11/1996, Parc des Princes © Icon Sport

Un doux rêve utopique ce GSP ? J’en suis bien conscient. Mais la stratégie de l’expansionnisme à outrance conduisant à un flou artistique identitaire qui caractérise le club (et le football moderne ?) depuis une dizaine d’années ne peut rester en l’état, sans autre invitation qu’un « Si vous n’êtes pas satisfaits de la façon dont le PSG vous traite et vous considère, vous pouvez partir ! ». Il est au contraire grand temps de construire un projet commun. Et si possible loin des travées du Stade de France ! Si je n’ai pas quitté le Paris Saint-Germain après les événements de 2010, ce n’est pas pour laisser la place plus de dix ans plus tard à ceux qui se le sont appropriés depuis. Le PSG n’est pas à moi, mais il n’est pas qu’à eux non plus. Il est à tous ceux qui l’aiment, qui souffrent pour lui, qui ne le trahiront jamais, peu importe les aléas et les circonstances.

Je suis supporter du Paris Saint-Germain. Ce n’est pas qu’une belle formule ou un slogan marketing. Non, je n’ai pas encore prévu de partir. Paris SG pour la vie.


Note : Plusieurs passages de cet article sont extraits ou inspirés des chapitres Liberté pour les ultras et Des maillots et des hommes de mon livre « Je suis supporter du Paris Saint-Germain, Tome 2 » disponible en cliquant ICI.


Benjamin Navet

Laisser un commentaire

Découvrez les articles de