31 mai 2025. Munich. Le PSG va disputer sa 4 ème finale européenne.
De par mon grand âge j’ai la chance d’avoir vécu en direct, et en général au stade,
tous les titres du club depuis le tout premier en 1982 et cette légendaire
finale de coupe de France contre Saint-Etienne.
« Oh s’il te plait, raconte nous comment tu as vécu les 3 finales précédentes !! La folie au stade ! Et tout et tout…» me supplie la très jeune génération de Virage.
Et bien soit, jeune fratrie parisienne, assoiffée de légendes et d’aventures, je m’en vais vous conter comment j’ai vécu notre conquête du Graal absolu en 1996, notre amère défaite de 1997 face au Barça de Ronaldo et de Luis Enrique, puis Lisbonne en 2010.

Revenons donc en l’an de grâce 1996. Après avoir reporté autant que faire se peut mon incorporation dans l’armée française, me voilà obligé de répondre à mes obligations militaires. Oui mes enfants à cette époque, chaque français devait donner 10 mois de sa vie à sa patrie. Je pourrai vous narrer cette presque année, mais cela durerait des heures. Je vais donc essayer de me concentrer sur ce qui nous intéresse le PSG. Je passerai donc sous silence comment en jouant de malchance, je me retrouve gare de l’est un soir glacial d’avril, direction un régiment disciplinaire en Allemagne. Premier voyage en train militaire. Ça fume, ça boit, ça gueule, ça se vomit dessus les uns sur les autres, dans la joie et la bonne humeur. On se croirait presque dans un car de supporters en déplacement. Mais en pire et sans match. Et c’est parti pour 10 mois comme ça…
Strasbourg. Nous descendons de ce cirque sur rails et sommes immédiatement pris en charge par nos futurs camarades en kaki… Ça rigole déjà beaucoup moins. Marche au pas, deux par deux, et en silence. Direction les camions militaires qui vont nous emmener jusqu’à la prochaine gare, jusqu’au prochain train, jusqu’à la prochaine gare… Le voyage est interminable. Petit-déjeuner de nuit en Allemagne dans une caserne française. Puis retour aux camions, gare, train… Au petit matin, nous arrivons en gare de Trèves. Les camions militaires sont là pour nous emmener au 13ème régiment du génie sur les hauteurs, au milieu des bois. Je n’ai pas dormi de la nuit. Mais pas le temps de se reposer, perceptions diverses et variées, coiffeur, marche au pas, etc… Le soir on nous annonce que nous partirons le lendemain sur le terrain pour plusieurs jours, jouer à la guéguerre. Que le Parc des Princes me semble loin. Pourtant dans 3 jours l’équipe de Luis Fernandez va jouer une demi-finale de coupe d’Europe en Espagne face au « super Depor » de Bebeto. Je sais maintenant que je ne verrai pas le match. Ce soir-là pas de télévision, non. Ce sera une tente dans les bois par -20 degrés. Nous avons crapahuté toute la journée, paco sur le dos, je n’ai pas mangé je n’ai pas dormi, je suis épuisé mais pourtant il me sera impossible de dormir à cause du froid.

Avant de dormir mon binôme de tente, fier lensois, enleva ses rangers, j’ai cru mourir. Une odeur de cadavre de moufette en décomposition qui aurait mangé du maroilles périmé se propage dans notre mini tente. Je lui ordonne de mettre ses brodequins radioactifs dehors. Il s’exécute sans trop discuter, reconnaissant que « ah oui quand même ça sent un peu ». Le pauvre. Nous ne savions pas encore que des gradés passeront dans la nuit lui subtiliser. Nous ne savions pas non plus qu’à deux heures du matin il y aurait une alerte et que nous allions partir pour une marche de nuit de deux heures. Qu’il fera donc…en chaussettes. Bref, sur le terrain, nous sommes coupés du monde, personne ne connait bien-sûr le résultat du match. D’ailleurs personne ne sait qu’il y a un match. Au bout d’une semaine de joyeuse guerre dans les bois à se raser sans eau, sans se laver ni se changer et quasiment sans manger ni dormir, nous rentrons enfin à la caserne. Je demande à tout le monde le résultat du match. Personne ne sait de quoi je parle.
Soli… solitude… comme chantait Joël Bats.
Et je finis par tomber sur un sergent qui me dit : « ah oui le PSG, ils ont gagné je crois, enfin il me semble… » Joie ! Mais en même temps il a l’air tellement peu sûr de lui que je doute, et ce doute m’est insupportable, alors j’insiste lourdement. Il finit par aller demander à je ne sais qui. Et lorsqu’il revient m’annoncer que le PSG a gagné 0-1, but de Djorkaeff, j’ai beau être fourbu, le moral pas loin du niveau du noyau interne terrestre, cette nouvelle me fera tout oublier.
Briser ma malédiction
Le PSG n’est plus qu’à 90 minutes d’une finale européenne. Je n’aurai (évidement) pas de permission pour pouvoir être au Parc pour le match retour. Mais Paris est en finale c’est le plus important. Mon objectif est alors de pouvoir aller à Bruxelles. Trèves/Bruxelles un peu plus de 200 kilomètres. Faisable. Sauf que malheureusement, effectuant encore mes classes je n’ai pas le droit de sortir du régiment. Il faudrait donc que je fasse le mur après le dernier rassemblement du soir et que j’arrive à être de retour avant le réveil de la compagnie de 5h30 du matin. Compliqué au niveau logistique. Sans parler du risque de se faire prendre, ce qui ferait de moi un déserteur. En temps de guerre c’est le peloton d’exécution, en temps de paix ce n’est « que » la prison. Ce qui rallongerait de plus mon temps sous les drapeaux. Je me décide donc la mort dans l’âme de me résoudre à espérer avoir le droit de regarder le match dans la salle de télévision. Moi qui suis le club depuis plus de 10 ans, abonné au Parc, je ne pourrai pas être au stade. Je me dis que le PSG ne rejouera peut-être plus jamais une finale de coupe d’Europe. Et je n’y serai pas.
8 mai 1996. Nous sommes une dizaine à être devant la TV. Que des ch’tis. La plupart n’ont qu’un intérêt très limité pour le foot et sont juste là pour changer la routine. Un autre supporter parisien est là. Grande gueule et fouteur de merde. Ça y est le match commence, blessure de Raì, catastrophe, nous sommes maudits. Et puis ce coup franc de dingue de Ngotty, j’intériorise tout, trop d’émotions. Je me dis qu’ils vont finir par égaliser, il faut tenir ! Tenir ! Lama multiplie les exploits et fait des miracles. Fin du match. Remise de la coupe. La plupart des mecs se sont barrés se coucher depuis longtemps. Nous ne sommes plus très nombreux, un gradé vient éteindre la TV et nous demande d’aller au lit. Voilà le PSG est champion d’Europe, merci bonne nuit.

Mélange de joie et de frustration terrible. Mon PSG est le premier club français à gagner une coupe d’Europe sans tricher, et autour de moi tout le monde s’en fout. Je savoure quand même une dernière clope, et au lit. Le lendemain, le capitaine de la compagnie nous apprend que la salle TV a été vandalisée. Les murs tagués. La TV cassée (nous en aurons une nouvelle six mois plus tard). Pas besoin d’être Colombo pour comprendre que ceci est l’œuvre de « l’autre parisien », même si ils ne trouveront jamais le coupable.
La saison suivante, enfin redevenu civil et toujours abonné, j’assiste au formidable parcours qui emmène le PSG vers sa deuxième finale, à Rotterdam. Cette fois j’y vais ! Le voyage se fera en car.

Le week-end d’avant, je m’inscris à un tournoi de foot avec des potes. Très tôt le dimanche matin direction « je ne me souviens plus quelle banlieue » pour disputer une compétition que nous abordons plus avec un esprit Coubertin qu’un esprit de vainqueur. Lors de l’inscription nous regardons un peu les noms des autres équipes. Il y a là « les warriors », « les sheitan d’Argenteuil», « les bouchers de Sarcelles », « les killers », etc… Nous décidons de baptiser notre équipe « les petits gros »… Rien que pour le plaisir d’entendre les organisateurs nous appeler pour chaque match : Prochain match sur le terrain numéro 2, « les tueurs des Mureaux contre les petits gros »… Plaisir également de voir nos adversaires en totale hallucination lorsque derrière les buts nous sortons notre table pliable, chaises longues, bières, chips, saucisson…
Mais revenons au foot, enfin au foot… Premier match, je donne le coup d’envoi, passe en retrait je cours me mettre en pointe de l’attaque, mon coéquipier m’envoie un long ballon en cloche, je saute avec un défenseur pour prendre le ballon de la tête, je retombe… dans un trou. Ma jambe se plie dans le mauvais sens. Ligaments pas contents, genoux en vrac. Je n’irai pas à Rotterdam. Je me console en me disant que le PSG rejouera bien une finale prochainement.

23 ans plus tard, le PSG se qualifie enfin pour une nouvelle finale. Covid oblige, elle se jouera à huis-clos. Voilà mes enfants mes 3 finales européennes du PSG. « Hou hou !! Mais c’est nul tu n’as été à aucune finale !! ». Ah là là ! Jeunesse ingrate…
Après être sorti vainqueur contre Manchester City, Stuttgart, Brest, Liverpool, Aston Villa, Arsenal et la billetterie, cette fois je l’espère rien ne pourra m’empêcher d’aller à Munich. En tous cas, tant que je ne serai pas au stade, j’aurai toujours peur d’un imprévu…
31 mai 2025. Munich. Il sera temps ce jour là de briser ma malédiction, mais surtout celle du Paris-Saint-Germain en Ligue des champions.
Je dédie ce texte à tous les supporters qui ne pourront pas aller à Munich quelle qu’en soit la raison, spécialement à mon ami viragiste Aymeric abonné à Auteuil depuis des décennies, à Xavier notre rédac-chef bien aimé (« hou hou fayot ! »), à Angélique qui par amour maternel offre sa place à son fils, et à tous les autres.