Une fille au Parc

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Cet article aurait pu s’intituler « Les femmes et le football au XXIème siècle ; analyses et perspectives d’une question sociologique aux stéréotypes ancrés ».

Mais Virage aurait très clairement perdu trop de lecteurs.

Ayant refusé de poser en bikini bleu et rouge sur la photo de profil, et comme nous sommes en 2016, l’option lister les mots-clés afin d’achalander le lecteur s’imposait.

PSG / FILLES / BIÈRES / FILLES / PSG / PSG / FILLES / BIÈRES…

Le cadre est là. T’as dans l’idée de parler de ta relation – en tant que personne de sexe féminin – au foot. Au PSG.

Un vrai sujet bordel !

Qu’avant ça t’aurait bien faire rire d’imaginer écrire cet article.

Et puis qu’un jour tu réalises que t’as des drapeaux du PSG dans tes WC…

Mais pourquoi ?

Parce que plus d’une fois, tu as préféré t’affaler dans un canapé un dimanche après-midi chez ton meilleur ami à regarder un match de foot. Autour d’une bière bien sûr et en répondant « Ouais non… chui crevée… » à celui qui te proposait d’aller à une brocante rue des Martyrs au soleil.

Parce que ledit meilleur ami, abonné au Parc depuis quelques années maintenant, menace régulièrement de te coller un sticker PSG sur ton scooter.

Parce que depuis toujours à Noël, aux anniversaires et autres fêtes familiales, ça parlait foot. Un père dont la page d’accueil d’ordinateur est Eurosport, qui t’envoie des mails avec des liens vers les Cahiers du Football, qui suit tous les championnats européens et qui en période de Coupe du Monde (…et d’Euro. Et oui maman… c’est tous les deux ans. Ça ne sert à rien de dire « Encore ? ». Ça revient toujours) vit devant la télévision, même lors d’un Pologne-Tanzanie. Et tu passes sur sa jeunesse à aller après les cours au Camp des Loges assister aux entraînements.

Et deux frères. Un frère traumatisé par Makélélé (sic) et un autre qui ne jure que par les Verts (3 ans d’études d’ingénieur à Saint-é option bières par -10° l’hiver ça vous transforme un étudiant). Rien que par sa présence à table, ta mère est la femme de 55 ans la plus calée en L1 de toutes ses copines réunies. Voire du quartier.

Parce que ton mec est le genre de mec qui t’envoie un sms disant « Tu peux m’envoyer les résultats du tirage ? Je capte mal, putain de SNCF ». Alors que tu lui as envoyé juste avant « Ça va ? Bon courage pour le train ». Et qu’en plus, tu ne vois pas de quel « tirage » il s’agit.

Mais quand un jour à 5h du matin, dans une forme optimale bien sûr et en semaine sinon ce n’est pas drôle, il te dit « attend il faut absolument que je te montre un truc ». Et que le « truc » c’est regarder et commenter pendant 30mn des extraits de match sur Youtube, tu comprends bien pourquoi il a mis l’emphase sur absolument. Et l’expression On refait le match prend tout son sens.

Orgasme collectif

Parce qu’une de tes copines, fille d’entraineur de foot (passé par le PSG of course) et spécialiste du championnat africain (sic), embarque L’Equipe à chaque fois que l’on va à la salle de sport et commente les résultats (et les performances de Pastore) dans les vestiaires sous l’œil étonné des vieilles anorexiques qui vont au yoga (celles à qui on ne parle pas donc).

J’étais cernée. Aucun moyen d’en réchapper.

Et puis un PSG-Montpellier. Folie mondiale au Parc. Champions (Ouais. Encore. Merci de vous y habituer, ce n’est pas près de changer). Drapeaux, feux d’artifice, chansons d’insultes. Emportée par la foule quoi. Orgasme collectif.

Le revirement. Le changement. L’épiphanie.

Tu suis les matchs, tu suis le championnat, tu suis le classement. 

Putain vous êtes les filles idéales !

Progressivement, mais tout de même.

Et arrive le jour où t’y vas avec la copine, celle du dessus, comme ça… Toutes les deux. Entre filles. Parce que la fin de championnat est dingue, et qu’il faut absolument repasser devant ces connards de lyonnais. Parce que Thiago Motta est encore blessé et qu’on espère (enfin elle surtout. Allez savoir…) que Matuidi va être titulaire. Putain ça va être chaud.

Et là tu réalises quelque chose. Qu’au bar d’avant-match (celui où tu bois les bières que tu ne peux plus boire à l’intérieur maintenant), il n’y a que des mecs en terrasse. Pas une fille (la vieille ivre seule à sa table ne compte pas, faut pas déconner). Que les mecs te regardent étrangement en se demandant ce que tu fais là, alors même que tous arborent écharpes ou maillots. Et que toi, en veste et talons, on dirait clairement que tu t’es perdue. Ils sont intrigués. N’osent même pas t’aborder (alors qu’on est bonnasses, faut pas déconner (bis)).

Et puis ce moment magique où ils réalisent que « Nan mais sans déc les filles vous allez au Parc ? ». Le regard du loup dans un Tex Avery. Ouais mec. On y va.

Deux réactions possibles.

Le mec qui se dit qu’il a rencontré les filles idéales et qui te le dit « Putain vous êtes les filles idéales ! » (Tout en ayant les yeux écarquillés et avançant sa chaise vers toi). Qui te teste un peu sur les joueurs, mais qui arrête très vite quand il voit que tu lui donnes une composition logique avec arguments à la clé et prenant en considération la blessure de David Luiz. Donc là le mec veut t’épouser. Tout de suite. Maintenant.

Et le mec qui avec un air triste et las te dit « putain ma copine, elle, elle n’aime pas le foot. Je l’ai emmenée une fois. Plus jamais. Maintenant elle change de sujet ou me fait la gueule quand j’en parle ». Le mec dégouté. Mais qui continue tout de même à te parler, alors même que ça lui fait mal.

Et puis, au Parc, tu réalises qu’en te retournant bien de tous les côtés (et en ayant mis tes lunettes), ben tu ne vois pas trop de filles autour de toi. T’essaye de compter. Pas facile. A la louche tu dis « ho allez… 15% ? ». Mais bon. Tu bosses pas pour l’INSEE et t’as une myopie oculaire non des moindres…

Au-delà de l’avantage de pouvoir facilement accéder aux WC à la mi-temps, tu en viens à t’assimiler à une sorte de minorité visible intrigante. Et c’est assez plaisant.

 Le PSG est girl-friendly.

Seul bémol ; la rose qu’on te remet à l’entrée des tribunes le jour de la journée de la femme. Bon bah non. Fallait pas.

 Voilà, aujourd’hui, je chope l’Equipe dans les bars (j’ai téléchargé l’application, ne le dites surtout pas à mon meilleur ami), je fais des Lotos foot avec des potes dans des cafés, je me surprends à dire des phrases comme « Nan mais je te jure… Sans Verratti et Rabiot on est rien » ou « putain c’est bon pour le goalaverage quand même ». Je suis dégoutée quand Zlatan prend 4 matchs de suspension. Je refuse d’aller à Lyon et Marseille en déplacement professionnel. Je dis « on ».

 Venez les filles. Vous allez voir, c’est bien.

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