Alain Roche. Un nom prédestiné pour un défenseur solide et rigoureux.
Puis l’homme passe de la pelouse du Parc à la cellule des recrutements.
C’est là que tout bascule pour lui au PSG.
Il traine alors cette réputation de faute de casting
depuis le transfert inutile d’Éverton et Souza à Paris. Comme un fardeau.
Voilà tout le paradoxe d’un homme adoré comme joueur et (injustement) détesté en tant qu’employé du club. Et pourtant il a tout vécu.
Le meilleur sur le terrain, le pire sur le parking du Camp des Loges face à des ultras mécontents… Mais il assume, à 100%, et s’explique pour nous.
Car comme souvent dans le football, le fantasme dépasse la réalité.
VIRAGE : Tu es né en Corrèze, comme Laurent Koscielny, autre défenseur central de renom. On aime donc les profils sérieux dans ce département ?
Ah ah… Non en fait l’hôpital où je suis né était surtout le plus proche du petit village où vivaient mes parents qui s’appelle Peyrillac-et-Millac. Ça se trouve entre Sarlat et Souillac en Dordogne. Mais après on s’est installé à Bordeaux. Puis dans le Massif Central et c’est là que j’ai commencé à jouer au football au Riom FC. Et je ne sais plus comment, mais mes parents ont rencontré André Ferri qui jouait aux Girondins. Et quand mon père a été muté à Bordeaux, il nous a permis, à mon frère et moi, de passer les tests aux Girondins. Mon frère a été gardé mais pas moi. Mais ma mère ne voulait pas que ses deux fils jouent dans un club différent, donc elle m’a dit « Toi tu vas jouer dans l’équipe C car je vous veux aux même endroit ! Je ne vais pas aller te chercher à l’autre bout de la ville à chaque fois ! »
VIRAGE : Tu viens d’une famille de sportifs ?
Complètement. Mon grand père et mon père adoraient le rugby mais mon père préférait encore plus le foot. Moi même j’aime regarder du rugby. J’ai même essayé, mais il faut éviter de ces trucs… J’ai fait aussi du tennis, de la gym, du judo, mon père m’a fait faire plusieurs sports.
VIRAGE : Comment commence ta carrière ?
Premiers matchs avec les Girondins, tu passes dans la catégorie supérieure et ainsi de suite. Je jouais attaquant à l’époque. Ailier gauche. J’étais costaud et j’allais plus vite que les autres. Et puis Christian Fétis, responsable de la ligue d’Aquitaine, m’a dit un jour qu’il valait mieux que je joue derrière. Ça faisait chier de descendre, mais à la sortie ça se passe plutôt bien. L’entraineur des cadets des Girondins m’a donc positionné à ce poste. Et puis à l’âge de 14 ans je faisais beaucoup de match avec la Ligue, et le foot commençait à empiéter beaucoup sur le reste. Je ratais pas mal de week-ends, il a donc fallu faire un choix. Comme j’avais un bon niveau on m’a proposé de rentrer au centre de formation des Girondins mais mes parents n’ont pas voulu car ils trouvaient la structure inadaptée. A l’époque il y avait peu de centres de formation. C’étaient les débuts. Donc je suis rentré en sport-étude à Mérignac. J’ai passé 2 ans au lycée Fernand Doguin puis j’ai commencé à toucher l’équipe réserve des Girondins. De plus j’étais aussi en équipe cadet de l’équipe de France. Donc tu commences à réfléchir même si je n’avais aucune pression familiale pour devenir pro. A 18 ans on m’a appelé pour aller m’entraîner avec les pros. Je venais de rencontrer ma future femme… Qui l’est toujours d’ailleurs, je fais partie de ces dinosaures encore mariés 30 ans après (rires). A 19 ans je signe pro. A l’époque il fallait faire 25 matchs en professionnel pour devenir pro.
VIRAGE : Te souviens-tu de ton premier match ?
Bien-sur, à Bordeaux contre Brest (ndlr : 19 novembre 1985). Je m’en souviens parfaitement. J’avais été appelé le lundi par l’entraîneur de la CFA qui m’a annoncé que j’étais convoqué par Aimé Jacquet pour m’entrainer avec les pros. C’était la première fois. A l’époque tu ne rentrais pas comme ça dans le vestiaire. Tu frappais à la porte, on te disait de rentrer, tu disais bonjour à tout le monde, on te disait où t’assoir et tu fermais ta gueule. Le capitaine de l’équipe était Alain Giresse. Il n’y avait que des internationaux. Jean Tigana, Bernard Lacombe, Patrick Battiston, Léonard Specht, Thierry Tusseau, Jean-Christophe Thouvenel, René Girard… c’était la grosse équipe. Premier entrainement et première bagarre entre Tigana et le gardien Dragan Pantelić… On m’a dit « t’inquiète pas, c’est pas grave… ». J’ai été retenu et je suis remplaçant pendant le match. A 3-0 pour Bordeaux, Aimé Jacquet m’appelle à 20 minutes de la fin pour remplacer Alain Giresse. Et je marque ! (ndlr : à la 89ème minute). Alors je peux m’en souvenir tu vois. Et première interview par Bernard Montiel pour France 3 Aquitaine…
VIRAGE : Forcément, ces débuts ce ne sont que des bons souvenirs ?
Je souhaite à tout le monde de commencer dans une équipe comme celle-là. C’était le rêve. On gagne la coupe de France, on finit deuxième du championnat. Lors de la finale de la coupe, Specht se blesse et c’est moi qui joue la finale. L’année d’après on fait le doublé avec l’arrivée de Jean-Marc Ferreri, Philippe Vercruysse, José Touré, Didier Sénac. C’était trop facile car c’était une super équipe. Mais à 22 ans je dois quitter Bordeaux à contre coeur pour Marseille.
Tapie m’appelle, j’ai à peine 22 ans
VIRAGE : Raconte nous pourquoi, car c’était deux clubs rivaux ?
C’était la guerre entre les deux présidents (Claude Bez et Bernard Tapie). Bez a beaucoup investi pour suivre le rythme de l’OM et aussi celui du Matra Racing qui venait d’arriver dans le championnat. Et le club commençait à avoir des soucis financiers. On était en stage et Bez me convoque dans son bureau. Alors quand le président te convoque tu y vas et tu écoutes. Il me dit « Alain j’ai un truc à te demander, il faut que tu rendes service au club en partant ». Je n’avais pas envie de partir, je lui ai dit que je ne leur coutais rien en plus, j’étais payé 12000 francs par mois ! Mais il m’a dit qu’en plus je devais partir à Marseille ! Et avec Jean Tigana, car on était les deux seules monnaies d’échange. Je lui ai dit non mais il m’a dit que Tapie voulait quand même me parler. Tapie m’appelle, j’ai à peine 22 ans. Il me convainc en me disant que Bordeaux risque la ligue 2 à cause de ses problèmes, il m’annonce l’arrivée de Francescoli, Waddle, Mozer, Amoros. Que je vais gagner beaucoup plus que ce que je gagne à Bordeaux.
Il me dit « parles-en avec ta femme »… On venait de se marier, on se dit que je vais jouer dans une équipe bâtie pour jouer le titre, et que c’est peut être le moment de basculer. Et en plus cela arrange le club de mes débuts.
Donc j’ai dit oui même si au final je ne suis resté qu’un an. Au cours de la saison je me suis fait opérer de la cheville et j’ai perdu ma place au profit de Franck Sauzée qui est descendu en défense centrale avec Carlos Mozer. J’ai eu du mal à retrouver ma place. C’était dur à accepter mais j’ai joué quand même 25 matchs, puis nous avons été champion.
A la fin de la saison, Tapie m’annonce que l’AJ Auxerre souhaite m’embaucher. J’en parle à ma femme avec qui on venait d’avoir notre premier enfant. C’était une décision commune. Mais on n’arrive pas à trouver d’accord avec Guy Roux et Auxerre. Tapie est rentré dans la négociation et a trouvé une solution. Je signais pour 2 ans à Auxerre et en échange il récupérait Basile Boli pour l’OM.
VIRAGE : Donc c’est grâce à toi si L’OM a été champion d’Europe !
Ah ah ! Non, quand même pas parce qu’ils auraient fini par trouver un accord pour Basile. Et puis je t’avoue qu’il fallait vraiment que je parte parce que je supportais de moins en moins la pression infligée par Tapie. Il te parlait avec véhémence, mais il avait le même discours pour des joueurs d’expérience que pour de jeunes joueurs alors que j’avais besoin d’un discours de confiance.
A posteriori c’est un vrai regret car je pense que j’avais le niveau. Et puis l’OM gagnait tout à cette époque. Mais à 22 ans il faut que tu joues tous les matchs. Et avec l’arrivée de Boli et Casoni ça devenait compliqué.
A un moment à Auxerre tu as fait le tour
VIRAGE : Tu arrives au PSG en 1992 et l’équipe est déjà forte. Comment se fait ton transfert de l’AJA ?
Oui, Canal+ était déjà là. Ils avaient signé Laurent Fournier, David Ginola, Vincent Guerin, Bernard Lama, Paul Le Guen et Patrick Colleter. C’est Jean-Michel Moutier et Michel Denisot qui m’ont appelé. Ça faisait deux ans que j’étais à Auxerre, je n’avais pas raté un match ! Mais Paris construisait une équipe capable de rivaliser avec Marseille et si je voulais retrouver l’équipe de France il fallait que je joue dans une grande équipe. D’ailleurs Platini m’avait appelé avant l’Euro 92 pour m’expliquer qu’il ne pouvait pas me prendre car son effectif avait gagné tous les matchs de qualifications…
Il n’y avait pas photo sportivement et financièrement. Et puis à un moment à Auxerre tu as fait le tour.
VIRAGE : Mais tu parlais de la pression que tu avais eu du mal à gérer à Marseille, alors pourquoi aller à Paris ?
Parce que j’avais 2 ans de plus d’expérience, et en fait ce qui m’effrayait le plus à Paris c’était la grandeur de la ville, pas le foot… Quand tu es provincial, Paris c’est impressionnant. Je pensais que j’allais être tout le temps dans les bouchons pour les entrainements sauf que je ne savais pas que tout se passait à Saint Germain et que le cadre de vie était même plus agréable.
VIRAGE : Première année plutôt pas mal du coup ?
Oui, on finit deuxième derrière Marseille qui se fera choper et destituer, mais on ne nous donnera pas le titre pour autant ! On ne l’a même pas réclamé. 25 ans après avec Daniel Bravo on s’est dit qu’on avait été un peu cons quand même. Mais bon on a gagné la coupe de France face à Nantes.
J’ai connu 9 présidents différents
VIRAGE : Parlons de l’ambiance en tribune et aux camps des Loges lors de ces premières années. Comment se passait votre relation avec les supporters ?
Nous on avait juste une main courante et un grillage qui nous séparaient des supporters. Il y a avait une vraie proximité, on discutait qu’avec les mecs de Boulogne car il n’y avait qu’eux à l’époque. A Auteuil il n’y avait quasiment personne. On avait des discussions franches, on était conscient qu’une certaine frange d’entre eux avait des orientations politiques difficiles. On pouvait néanmoins s’engueuler mais ça restait la plupart du temps amical. C’est plus tard, dans les années 2000 que ça s’est compliqué, quand je suis revenu comme dirigeant, les relations ont commencés à se tendre, une nouvelle génération de supporters est arrivée où c’était limite d’en venir aux mains avec quelques joueurs lors de nos rencontres … Il y eu un changement de mentalité dans les tribunes et une grande rivalité s’est exercée entre les 2 tribunes.
Les mauvais résultats du club ont amené moins de respect, plus de violence, une radicalisation de la pensée, avec le sentiment que les joueurs sont tous de passage, ce qui peut se comprendre avec la mise en place de l’arrêt Bosman et surtout avec l’instabilité au PSG mais le club n’appartient pas aux supporters uniquement. Mais je comprends aussi que les supporters en aient eu marre par moment et montrent leur mécontentement. A titre personnel j’ai connu 9 présidents différents ! Chacun avec son idée de stratégie et de recrutement. Difficile de construire quelque-chose de solide. Pendant que eux, les supporters, sont toujours là ! Mais ce n’est pas une raison pour faire n’importe quoi, de rentrer dans de la violence verbale voire physique. Il faut comprendre que tout le monde doit aller dans le même sens, et pas contre le club, que ce soit en interne ou dans les tribunes
VIRAGE : Revenons à des choses plus légères et à ton look de l’époque. Peux-tu nous en dire plus sur cette fameuse décoloration en blond ? Et de la chanson qui venait des tribunes « Oh Alain Roche j’aime tes cheveux »… Est-ce que tu l’entendais pendant les matchs ?
Oui bien-sur (rires) ! Au départ ce n’est pas du tout blond mais gris ! C’est ma femme qui m’a poussé à faire ça et pourtant elle n’était pas coiffeuse ! Donc c’était des teintures grises. Mais il faut savoir que lorsque tu teins des cheveux en gris, au bout d’un moment ils basculent sur le jaune… Donc je n’allais pas faire des couleurs tous les 15 jours ! Tu attends alors que ça passe un peu et tu refais une couleur. Mais voilà, j’ai été un précurseur dans les coupes de cheveux les gars ! Et oui ! Et Santi Cañizares à Valence m’a imité lorsque je jouais là bas, sauf que lui a gardé cette couleur très longtemps !
Je préfère que ce soit toi
VIRAGE : Reparlons ballon rond. Tu as été capitaine du PSG lors de la saison 94-95. Avant ça, c’était David Ginola qui portait le brassard. Pourquoi ce changement ? Un choix de Luis Fernandez qui venait de prendre les commandes ?
Oui c’était un choix fort de Luis. J’étais Vice-Capitaine. Luis était en conflit ouvert avec David. Luis m’a appelé pour me prévenir qu’il allait me donner le brassard. Je lui ai dit que je ne le prenais pas. J’ai été en chambrée avec David pendant 4 ans, donc on était très proche. Impossible de lui faire ça. J’ai prévenu David de la situation et je lui ai dit « Il n’y a que toi qui prendra la décision, si je le prends ou pas ». David m’a dit « Je préfère que ce soit toi plutôt qu’un autre ». Et voilà comment j’ai pris le brassard.
VIRAGE : Puisqu’on parle de grand joueur, y-en-t ‘il un qui t’a impressionné plus que les autres durant tes 6 saisons au club ?
Difficile. Raí a marqué les esprits car il est resté longtemps, mais celui qui sortait du lot c’était George Weah. Il était déjà le précurseur de l’attaquant moderne. Il allait vite, il sautait haut, il était bon techniquement, il avait toutes les qualités. Il était impressionnant par son jeu mais aussi par son charisme et sa sagesse. Pour avoir joué contre lui c’était compliqué, et avec lui c’était un bonheur. C’était un mec d’exploit. Il a été le seul africain à avoir un ballon d’OR et ce qu’il a fait au Milan AC… Voilà.
VIRAGE : Tu es surpris de son élection en tant que Président du Liberia ?
Oui. Après il a toujours eu l’idée d’aider son pays. Il donnait de l’aide aux mal-nourris, aux mal-logés, aux pauvres, il récupérait des vêtements et les envoyait dans son pays. Il a toujours eu un rôle social mais de là à devenir Président… C’est un parcours hors-norme.
VIRAGE : Et y a-t-il un match qui t’a marqué plus qu’un autre en tant que joueur du PSG ?
C’est sur que lorsque tu gagnes une Coupe des Coupes en tant que titulaire c’est à part. Et puis le match retour contre le Milan AC (ndlr : 19 avril 1995). J’ai rarement eu un tel sentiment d’impuissance sur un terrain. Tu es en face d’une équipe et tu ne sais pas comment faire. Fabio Capello avait mis en place une tactique, un bloc où il était impossible de passer. Autant à l’aller on s’en était plutôt bien sorti même si on s’était fait entuber, mais au retour je n’ai jamais ressenti ça sur un terrain. Après il y avait une très grosse équipe. Maldini, Costacurta, Desailly, Savićević, Boban… Quand Savićević a marqué le sol tremblait, ça faisait un bruit impressionnant ! San Siro, c’était une cocote minute ! Tout ça fait que ça m’a marqué.
C’était un truc de dingue
VIRAGE : Et au Parc ? Tu as aussi eu des émotions rapport à l’ambiance ?
L’ambiance a rarement était mauvaise au Parc hormis quand on se faisait siffler (rires) mais par 2 fois elle a était folle, surréaliste.
La 1ère c’était lorsque j’étais sur le terrain contre le Steaua de Bucarest quand on s’est imposé 5 à 0 (ndlr : 27 avril 1997). C’était un truc de dingue.
Et puis bien-sûr face à Madrid au Parc. J’étais en tribune suite à mon expulsion au match aller, Je n’ai jamais vu le stade comme ça. Il y avait une joie indescriptible, le stade était en feu, tout le monde était joyeux, fier, le bruit était indescriptible, on a toujours pas revécu un moment aussi merveilleux.
Niveau ambiance j’ai connu aussi le pire au Parc en 1993 pour le fameux France-Bulgarie (ndlr : 17 novembre 1993). Le silence de mort. 50000 personnes dans le stade mais plus personne ne parle. Même pas un sifflet…
VIRAGE : Ce match avec les bleus c’est ta plus grosse déception footballistique ?
Oui, tu rates une coupe du Monde, c’est le Graal pour tout joueur.
VIRAGE : Et l’Euro 96. Mauvais ou bon souvenir du coup ?
Ça devait être un bon souvenir mais juste avant de partir en stage de préparation avec l’équipe de France, je fais une connerie et je me blesse au dos. A ce moment là j’étais en charnière centrale avec Laurent Blanc. Marcel Desailly était encore au milieu avec Didier Deschamps. 10 jours bloqués sous infiltration donc. On fait un match de préparation en Allemagne. Marcel jouait déjà en centrale au Milan. Aimé Jacquet le fait descendre avec Laurent et ils font un match exceptionnel là bas. On gagne 1-0, pour la première fois en Allemagne. Du coup je suis resté sur le banc et après c’était dur de leur reprendre la place. Mais j’ai joué la demi finale perdue à Old Trafford (ndlr : 26 juin 1996) car Didier était suspendu donc Marcel est revenu au milieu. C‘était magnifique de jouer ce match dans le temple des rêves même si on l’a perdu aux pénos.
VIRAGE : On parlait tout à l’heure de défenseur avec Antoine Kombouaré… Avec qui te sentais-tu le plus à l’aise en charnière centrale au PSG ?
Ricardo. J’ai beaucoup appris avec lui. Au niveau placement et anticipation. Parfois on ne se parlait même pas sur le terrain, on était parfaitement coordonnés.
VIRAGE : Tu quittes Paris en 1998 pour Valence. Pourquoi ?
Déjà il y a un nouveau Président qui arrive et tu sens qu’il ne veut pas de toi. (ndlr : Charles Bietry)
On était 4 joueurs : Guerin, Le Guen, Fournier et moi. On a été convoqué par Alain Giresse, le nouvel entraineur, à 1/4 d’heure d’intervalle chacun. Alain je le connaissais de Bordeaux. Il m’a dit qu’il ne pouvait pas me garantir d’être titulaire mais il voulait me garder dans l’effectif pour l’expérience. J’avais 30 ans. Je sors du RDV, j’appelle mon agent et je lui dis que ça c’était bien passé avec Alain. Il me dit qu’il est surpris car Bietry venait de l’appeler pour lui dire qu’il ne voulait pas me garder. Bref il fallait que je parte. On a trouvé Valence qui n’avait rien gagné depuis 25 ans. Et on a trouvé un accord financier.
J’ai passé 2 années merveilleuses là bas
VIRAGE : L’Espagne, un bon choix ?
Le Milan AC et le Real Madrid m’avaient appelé à une certaine époque mais les blessures m’ont empêché de m’expatrier. Et puis Valence s’est manifesté, puis quand tu as connu Paris, qu’est ce que tu veux trouver après en France ?
L’étranger c’était quelque chose qui m’intéressait. Mais j’avais 3 enfants et il fallait que je trouve une ville avec une école française et ça tombait bien il y en avait une à Valence. J’ai passé 2 années merveilleuses là bas. Ça a été un véritable crève-coeur de partir de ce pays. 300 jours de beau-temps par an mais surtout la passion autour du foot. Pas d’agressivité dans la rue, les gens sont respectueux, il sont des vrais connaisseurs, tu as 60000 personnes au stade ! Et puis il y a le jeu, fait de passes, de technique, l’envie d’aller vers l’avant.
J’avais Claudio Ranieri comme entraîneur. C’était la première fois que j’avais un entraîneur italien. Et là j’ai appris ce que c’était la tactique à l’italienne. On faisait des entrainements sans ballon, que des plots sur le terrain avec des chasubles à la main « allez les verts on va presser tous ensemble » et ça pendant une heure et demi. Après ça tu es une machine tactiquement. Et puis on faisait des exercices physiques individuels en fonction de ton poste. En France on ne faisait pas ça à l’époque,. C’était dur mais c’était génial. Je me suis fondu dans le groupe, en 4 mois je parlais espagnol, je ne traînais qu’avec les espagnols, même pas avec Jocelyn Angloma, on ne se voyait qu’à l’entrainement, pas en dehors. Du coup j’ai fait toutes les fêtes de village, les ferias avec les joueurs. Un vrai bonheur. Le meilleur ami que j’avais là bas c’était Amedeo Carboni, un italien. (ndlr : Joueur de Valence de 1997 à 2006). Nos femmes et enfants s’entendaient bien.
La première année on gagne la Coupe du Roi (ndlr : 1999), on a été reçus comme des champions du monde, on a été accueillis comme jamais à l’aéroport, 60000 personnes dans le stade, c’était comme si nous avions gagné la coupe du monde. Nous avons marqué les gens et ils ne nous ont pas oublié. Et il y a une vraie reconnaissance des anciens en Espagne, pas comme en France où il n’y a quasiment rien même si cela change un peu dans certains clubs.
Il n’y a pas d’école qui t’apprend ce métier
VIRAGE : Parlons maintenant de ton arrivée à la cellule de recrutement du PSG en 2003. Est-ce un choix de carrière prémédité ?
Non pas du tout. C’était une opportunité. Je venais d’arrêter aux Girondins de Bordeaux. Michel Denisot me permettait de commenter des matchs sur Canal+ et un jour Laurent Perpère m’appelle pour me dire qu’il souhaite installer Antoine Kombouaré à la place de Luis Fernandez au poste d’entraîneur du PSG. Et comme il savait qu’on était bons amis, il m’a proposé le poste de directeur sportif. J’avais 35 ans, c’était une vraie opportunité, mais 10 jours après il se fait virer et j’apprends dans la presse que Francis Graille arrive avec Vahid Halilhodžić avec qui il avait travaillé à Lille.
Francis m’appelle fin juin pour me proposer de travailler à la cellule de recrutement. Je n’avais jamais fait ça mais le challenge était fantastique. De toute façon il n’y a pas d’école qui t’apprend ce métier, tu apprends sur le tas. Il me dit que Jean-Michel Moutier et Eric Pécout, qui font ça depuis une dizaine d’années, seront toujours là et qu’ils vont m’apprendre le métier. Je ne prenais aucun risque. Ils voulaient recruter un ancien du club, qui connaissait l’histoire, la culture.
VIRAGE : Tu as aimé ce métier ?
C’est un métier de fou. Et c’est toute l’année. Tu pars le vendredi voir les matchs, tu essayes d’en voir 2 le même jour le WE, tu reviens le lundi, tu fais tes rapports car tu ne pouvais pas les faire en direct du stade à l’époque. L’après midi tu vas regarder des vidéos que tu as reçues et c’est comme ça toute la semaine. Et on était que 3 alors que tous les grands clubs européens étaient pourvu d’équipes d’au moins 15 personnes. En France tu as encore des clubs où ils ne sont que un ou deux ! C’est simple, je n’ai pas vu grandir mes gosses, je rentrais tard, j’étais tout le temps pris. Je ne me plains pas mais c’était dur.
J’avais 35 ans, j’avais envie d’apprendre, de voir des matchs, de discuter avec les agents, d’apprendre des entraineurs. Mes débuts étaient très instructifs avec un entraîneur qui était à l’écoute. Vahid était exceptionnel avec moi. Tous les lundis à 8H00 dans son bureau il fallait faire un débriefing du match joué par l’équipe le week end ou des recherches en cours. En plus l’année de son arrivée, on finit 2ème, qualifiés direct pour la ligue des Champions. On avait fait venir Pauleta que je connaissais de Bordeaux, Yepes que j’avais rencontré à Miami pendant ses vacances pour son contrat, c’était bandant. Mais quand tu as un entraineur qui ne t’écoute pas, qui considère que tu es incompétent…cela devient complexe.
VIRAGE : Paul Le Guen par exemple ?
Oui Paul. Tout le monde sait que j’ai eu des problèmes avec lui.
On avait 8 millions pour recruter 5 joueurs
VIRAGE : Y a-t-il un recrutement dont tu es particulièrement fier ?
Il y en a plusieurs. Mais par exemple il y a Christophe Jallet. Ce n’est peut être pas le plus prestigieux mais quand tu vois où il en est arrivé. Au début tout le monde se demandait qui il était mais à la sortie… Il marque des buts, fait des passes décisives, finit en Equipe de France. Quand tu vois la progression, tu es fier de ce parcours. Pareil pour Guillaume Hoarau, j’avais insisté auprès du Président car on perdait Pauleta qui avait marqué 109 buts. Je croyais en son potentiel. Même chose pour Marcos Ceará. Niveau rapport qualité prix, vu le budget qu’on avait, il n’y avait pas photo.
On avait 8 millions pour recruter 5 joueurs, compliqué… Donc tu fais des conneries. Comme Mateja Kežman. Paul Le Guen voulait un deuxième attaquant de métier car on allait jouer l’Europa League. On avait recruté Hoarau mais on ne savait pas si il avait le niveau. Du coup on obtient l’aval pour Kežman. Sauf que 10 jours après Guillaume met deux buts face à Bordeaux au Parc. Paul ne veut alors plus de Kežman sauf que la machine était enclenchée. On a dit à Paul qu’il ne serait pas de trop dans l’effectif. On a imposé un joueur à l’entraineur et il ne faut jamais faire ça. Ça a été la guerre toute l’année avec Paul. Et Kežman a été un peu con aussi.
VIRAGE : Et Éverton et Souza alors, parlons-en.
Je l’ai déjà raconté mais voici l’histoire. On devait prendre un joueur qui s’appelait Miloš Krasić, un joueur serbe qui jouait au CSKA Moscou. On doit faire l’affaire mais au dernier moment le club russe nous demande des sommes astronomiques. On s’était dit que si on ne faisait pas ce joueur là, on ne faisait personne. Mais dans la panique générale, car c’est l’année où on a failli descendre, la direction nous demande de recruter. Valdo nous parle de Souza. L’entraineur, l’adjoint et la cellule de recrutement regardent quelques vidéos et on le trouve intéressant il jouait à Sao Paulo. On négocie pour lui mais une personne dans le staff voulait un deuxième joueur donc on a pris Everton, nous les avons recrutés cher comme souvent dans cette période de mercato hivernal.
Ils sont arrivés en hiver, ils étaient en vacances depuis fin novembre, pas en état physiquement, entre le froid, le style de jeu français, la langue, les habitudes alimentaires on aurait du attendre pour les mettre sur le terrain mais on les a fait jouer tout de suite, tout a été mal fait.
Comme je l’ai toujours dit, il faut laisser le temps nécessaire pour s’adapter aux joueurs Brésiliens qui viennent pour la première fois en Europe.
La pire chose qui pouvait m’arriver à la venue de ces 2 joueurs c’est la conférence de presse où la présidence justifie leur arrivée en disant que la cellule de recrutement les a vu jouer 40 fois…
On avait simplement vu jouer Everton 2 fois au Brésil et Souza en vidéo.
Les responsables de cette décision n’ont pas été solidaires de ces transferts et beaucoup ont parlé en off, sauf moi… Je me sens responsable, comme d’autres auraient du l’être pour assumer ces choix mais on m’a jeté en pâture. J’étais le coupable désigné et cela arrangeait bien des gens.
Combien de fois la cellule de recrutement aurait pu s’épancher dans la presse quand c’était des recrutements réalisés par l’entraineur ou par la présidence. Mais on s’est toujours tu.
Sans compter les fois où tu proposais des joueurs sans jamais être écouté. Mais tu te traines cette histoire tout le temps. Les gens dans la rue ne te parlent que de ça. Tout cela m’agaçait sérieusement. Maintenant j’en ai fait mon deuil mais ça m’a fait mal. Sans compter les violentes déclarations de Paul (Le Guen) à l’époque à mon égard.
Désormais, c’est de l’histoire ancienne, heureusement que j’ai pu travailler par la suite sur le recrutement avec des gens ouverts à la discussion.
Je rappellerais qu’il y a eu pas loin de 30, 50 joueurs qu’on a fait venir au PSG avec plus ou moins de réussite certes. Mais on ne me parle jamais de Pauleta, Yepes, Armand, de Jallet, de Sessegnon, de Hoarau, de Rothen, de Nenê…et j’en oublie. On ne te parle que de ces deux mecs qui n’ont quasi jamais joué de la demi-saison.
La presse a relayé tout ça en disant que c’était de ma faute sans faire aucune investigation, ce que je leur reproche beaucoup. J’avais comme principe de ne jamais parler à la presse pour éviter de faire du tort au club alors que d’autres ne cessaient de le faire pour se protéger.
Si les gens s’arrêtent à ces 2 recrutements alors qu’est ce que tu veux que je te dise et que je fasse, ce sont des cons.
Il y a des soucis d’état d’esprit
VIRAGE : Comment juges-tu les recrutements de l’ère Qatari ?
Ils ont pris des joueurs exceptionnels, comme cela arrive parfois, il y a peut être eu une connerie ou deux. Comme Lugano mais ça n’a pas eu d’impact. Ce qu’ils ont fait est extrêmement cohérent. On reparle de Paris dans le monde entier on existe de nouveau sur la planète football.
Il y a des soucis d’état d’esprit mais ce n’est pas que les joueurs. Un état d’esprit ça se forge de l’entraîneur jusqu’à la direction.
Je regrette qu’ils aient fait partir Matuidi mais je comprends qu’il puisse s’en aller car il voulait du temps de jeu ainsi que faire de la place à d’autres, l’essentiel est qu’il joue à la Juve. Après je trouve qu’ils n’ont pas recruté l’entraineur qui puisse gérer les joueurs actuels et imposer sa vision du football. Je ne dis pas qu’Emery est un mauvais entraineur au vue de son palmarès avec Séville, on le sent honnête et bosseur. Mais à ce niveau le management est plus important que l’entrainement. J’aurais souhaité qu’il s’impose et impose davantage ses choix tactiques mais sans le soutien de ses dirigeants cela était plus complexe.
VIRAGE : tu ferais venir qui du coup pour la saison prochaine ? (ndlr : l’interview a été faite avant la rumeur insistante sur Tuchel)
Sur le marché il n’y en a pas énormément. Allegri, Ancelotti, Henrique. Conté ce serait du court terme, avec lui tu auras un conflit avec les joueurs ou les dirigeants à un moment ou à un autre.
Pochettino, je l’adore, je le connais, c’est exceptionnel ce qu’il fait mais il gère de jeunes joueurs et il doit continuer à faire grandir le projet des Spurs.
Il faut un entraineur de caractère car ce qui se passe depuis 3 ans est par moment inacceptable dans la liberté qui est accordée à certains joueurs. Maintenant tu as même les femmes des joueurs qui font des tweets ! Je parle aujourd’hui comme un supporter car ça fait des années que je vais au stade en tant qu’abonné. Mais ça fait quand même chier de voir que l’institution et certains entraineurs ne soient pas plus défendus que ça.
J’aimerais des dirigeants forts, capables de dire deux mots à des joueurs qui ne savent pas que le club a déjà gagné une coupe d’Europe.
Ibra, malgré tout le respect que j’ai pour lui et ce qu’il a fait pour le club, ses déclarations sur la France et le club étaient par moment forts déplacées, ce n’était pas possible.
Et puis quand Draxler parle sur l’entraineur, le match d’après il est titulaire. Ce n’est pas possible ça et pourtant j’apprécie le joueur. C’est comme Verratti, magnifique joueur, qui pose avec le maillot du Barca, en début de saison puis se fait expulser contre le Real. Néanmoins on l’applaudit comme si rien ne s’était passé. Par moment j’ai du mal à comprendre, on me parle de fidélité, de respect de l’institution, c’est ce que veulent les supporters.
je me rappelle qu’à mon époque on nous pardonnait moins de chose on se serait fait siffler. Donc pour franchir le palier, il faut un entraîneur de poigne et une direction de poigne. Regarde Lewandowski qui fait des déclarations comme quoi il veut aller au Real. Il s’est fait reprendre sérieusement par l’entraineur et la direction du Bayern.
Je souhaiterais un entraineur qui puisse transmettre des émotions à ses joueurs, qui leur donne cette force de pourvoir renverser des montagnes. Comme certaines équipes en ont eu dans cette ligue des champions avec plusieurs systèmes tactiques qui peuvent faire la différence dans les matchs de très niveau.
J’ai adoré travailler sur la préformation
VIRAGE : Parlons de ton présent, tu es Président de la société Sponsorlive. Comme ça s’est passé ?
Encore une opportunité. On m’a présenté ce projet via des connaissances. A l’époque je commentais les matchs, j’avais du temps. J’ai toujours été salarié donc je me suis dit pourquoi pas. Je commençais à faire des missions commerciales pour eux et puis quelqu’un a quitté la présidence de la société, on m’a proposé d’en prendre la tête, j’ai dit oui. Aujourd’hui c’est 80% de mon temps.
VIRAGE : Mais alors qu’est ce que SPONSORLIVE ?
C’est une application de gaming communautaire dédiée aux fans de foot pour le moment mais on a pour objectif de dupliquer le concept sur d’autres sports. Sur FANLIVE tu as plusieurs fonctionnalités, des quizz, des pronostics, divers jeux qui te permettent de cumuler des points, Ces points te donnent droit à des lots en fin de mois en fonction de ton classement. Tu as aussi des news car on a un partenariat avec Sport 365. On a toutes les informations en temps réel que tu peux filtrer en choisissant les news de ton club favori.
Nous sommes en phase de fournir à certains clubs professionnels, qui ne sont pas munis d’application mobile, la possibilité d’utiliser notre application en marque blanche aux couleurs de leur club.
La prochaine nouveauté dans les mois à venir sera du Fantasy Football intégré à l’application actuelle. Nous sommes très ambitieux pour la suite de notre projet car le potentiel est très important.
Néanmoins, le nerf de la guerre est l’argent afin de nous permettre de nous développer plus rapidement ce que nous recherchons actuellement.
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VIRAGE : Tu aimerais retravailler dans un club ?
C’est mon rêve. En tant que directeur sportif. Pas seulement le recrutement. S’occuper des jeunes, de la formation, des contrats, des joueurs. J’ai adoré travailler sur la préformation et la formation au PSG avec Bertrand Reuzeau. Notre travail et celui des éducateurs a porté ses fruits avec les Sakho, Rabiot, Kimpembe, Augustin, Coman, Nkunku… Je suis super fier de ce qu’on a fait avec Adrien Rabiot par exemple. C’est Pierre Reynaud (ndlr : recruteur chez les jeunes) qui est venu me voir avec Bertrand Reuzeau (directeur du centre de formation à l’époque) quand Adrien avait 15 ans. Il revenait de Manchester City et il m’a dit qu’il fallait qu’on le recrute et que l’on ne le regretterait pas. Je ne le connaissais pas. On a rencontré sa mère une première fois et ça ne s’est pas très bien passé mais tout s’est apaisé par la suite et lui et sa maman nous on fait confiance. Adrien s’est engagé avec le PSG. Ce sont des coups dont tu es fier, qui se sont faits avec des gens de confiance.
Comme nous sommes fiers de la réussite de Mamadou Sakho, même si certains éducateurs (déclarations lues dans les journaux) tentent de s’approprier la réussite du joueur mais c’est lui qui a passé toutes les catégories de jeunes au PSG avec brio. Les entraineurs différents qui l’ont accompagné dans sa progression ne peuvent revendiquer seuls cette réussite.
La reconnaissance individuelle dans le foot est inadmissible, elle est toujours collective.
N’oublions pas que les jeunes joueurs font bien plus d’efforts que quiconque pour réussir à devenir un joueur professionnel.
Tout ça reste un travail d’équipe.