VIOLA fut l’un des capi historiques des LUTECE FALCO,
groupe mythique du VIRAGE AUTEUIL des années 1990-2000.
Il est revenu pour nous sur plus de 20 ans de passion et de ferveur pour le PSG.
Une ferveur qui malgré le PLAN LEPROUX de 2010 l’anime toujours.
Son témoignage est rare et précieux. L’entretien a duré plus de 3 heures,
nous avons donc décidé de le découper en 3 parties.
Comment et pourquoi être supporter du PSG ?
Je considère qu’il y a un côté ancrage territorial. C’est le club de ta ville. Ou le club de ton père. Même si souvent ce n’est pas vrai, car tu deviens surtout supporter du club qui gagne. Pour ma part c’est surtout à partir de 1988 que je suis devenu supporter de foot de façon consciente, l’Euro 88, les hollandais du Milan AC, Gullit, Van Basten mais aussi avec la finale de Coupe de France Metz-Sochaux. J’aimais bien cette équipe de Sochaux, cette équipe de D2 qui perd en finale avec un penalty raté par un tout jeune Michael Madar qui s’est mis à pleurer. Il y avait aussi Stéphane Paille dans cette équipe. Et les deux yougoslaves Baždarević et Hadžibegić… C’est fou je vous parle de Sochaux avant de vous parler du PSG.
Tu habitais où ?
A Blois. Il n’y avait pas vraiment de grands clubs de football aux alentours donc je m’étais entiché de cette équipe de Sochaux. Et surtout de Stéphane Paille avec son port altier, son jeux de tête, son côté cabochard. Mon premier souvenir de foot, c’est de façon très vague le France-Brésil au Mondial 86, puis de regarder les finales de coupe de France, OM-Bordeaux en 87, l’OM qui perd contre l’AJAX en coupe d’Europe et cette fameuse finale avec les lionceaux en 1988.
Alors pourquoi le PSG ?
Par Gérard, le mec de ma mère qui était fan du PSG et qui bossait dans la musique. Il connaissait Charles Talar (ndlr : une des figures emblématiques des débuts du PSG avec Daniel Hechter) et donc me disait qu’il fallait aimer le PSG. C’était les débuts du grand OM de Tapie mais déjà je n’aimais pas Tapie. Gérard insistait sur le PSG et a fini par m’emmener au Parc en octobre 1988 pour mon anniversaire. C’était pour un PSG-OM. Je me souviens de l’excitation à l’école le samedi matin sachant que je partais au Parc l’après-midi. Cette saison là, Paris jouait le titre. C’était le PSG de Tomislav Ivić. On a pris le train à Blois pour Paris, puis le métro que j’avais déjà pris car j’avais de la famille à Paris. Puis l’arrivée à Porte de Saint-Cloud pour aller dans un bar avec beaucoup de monde. Je devais à peine atteindre le comptoir où j’avais réussi à prendre un petit programme de match.
Je me souviens du bruit, du tintamarre, des bières… On sort du bar, on tombe sur un pote de Gérard qui n’avait pas de place. Il a pris la mienne car j’avais moins de 10 ans et je suis passé comme ça, sans problème. Et là, l’entrée dans le Parc, l’escalier au milieu de la tribune présidentielle. Il y avait une boutique en coursive. Mon beau-père voulait m’acheter un anorak avec écrit PSG en 3 lettres. Moi je voulais le maillot qu’il a fini par m’acheter. Le maillot blanc adidas avec les 3 bandes, le sponsor RTL, en taille 12 ans. C’est un maillot que j’ai vénéré longtemps. Et qu’hélas ma mère a donné pour un vide grenier… Et donc l’arrivée en tribune face à cette pelouse verte fluo avec le côté béton du Parc. Là j’ai pris le virus. À vie !
Ça a donné quoi ce match ?
Un 0-0 bien viril. Je crois que c’était le retour à l’OM de Klaus Allofs qui avait été longtemps blessé. Mais je me souviens de l’ambiance, des chants à Boulogne, de vouloir rester le plus longtemps possible avant de reprendre notre train. C’est là qu’a commencé ma vie de supporter du PSG en province. A écouter le multiplex France Inter tous les samedis en portant le maillot comme un rituel. J’étais un peu tout seul à Blois à être supporter du PSG. Les gens étaient plutôt supporters du grand OM. A Paris tu avais juste Sušić et Calderón en joueurs stars et le petit Christian Perez, ma première idole, qui commençait à cartonner et à être appelé en équipe de France.
Puis en 1992 j’ai eu Canal+. Mon premier match ça a été PSG-Salonique, le premier match européen du PSG de l’ère Canal+ (ndlr : 16 septembre 1992). 2-0, avec 2 buts de Weah. J’ai bien-sur vécu le fameux PSG-Real à la télé. Ce soir là, ma mère était en déplacement professionnel. Mes grands parents m’ont gardé. J’ai donc amené le décodeur Canal+ chez eux. Après ça j’ai suivi tous les grands matchs. J’étais supporter revendiqué au collège. Je portais les tenues. Je faisais des dissertations sur Paris, j’avais une fascination pour cette ville et je savais qu’un jour j’y vivrai…Je l’avais dit à mon instit’ en CM2. Pour le foot mais aussi pour la ville, la grande ville, cela me fascinait, le métro, les monuments. J’ai toujours été un urbain dans l’âme même en vivant à la campagne. J’étais destiné pour vivre à Paris. Pour aimer y vivre et chérir son club de football, dans le malheur ou dans la gloire.
L‘ambiance en tribune t’intéressait également ?
J’ai commencé à regarder ça de près en 1993 lors du déplacement à Marseille (ndlr : 30 mai 1993), avec les faits divers le soir de l’affreux but de Boli. Il y a eu des fumigènes balancés dans les tribunes… J’ai vu la fin du match après une boum qu’on faisait dans un garage, comme ça se faisait à l’époque dans la France péri-urbaine. La défaite m’a mis dans une rage… Je fulminais. C’était la perte du titre avec les marseillais qui fanfaronnaient. Je me disais « bien-fait pour eux ces fumigènes ». Le lendemain j’ai revu les images et ça m’a plutôt fasciné, plutôt que de me dire « oh les méchants hooligans qui tirent sur les marseillais ». Il y a eu aussi PSG-Caen contre les CRS. Alors ce n’est pas la violence qui me fascinait mais plutôt l’ambiance. La ferveur. Je voyais qu’il y avait une vie dans les tribunes.
Cliquez ICI pour visionner le résumé du OM-PSG de 1993
En 1995 je découvre Sup Mag avec un best of tribunes, et je vois qu’il y a plein de groupes à Paris. Je me dis qu’il faut que je retourne au Parc. Fin 1995, pendant les vacances de la Toussaint, je suis allé sur mon minitel, j’ai tapé 36 15 PSG et j’ai demandé à ma mère sa carte bleue pour acheter des billets. J’ai pris des places en latérale pour un PSG-Auxerre (ndlr : 22 octobre 1995). On a gagné ce match 3-1 avec un but de Youri Djorkaeff très rapidement et aussi un but de Pascal Nouma. Je refais un match en décembre contre Nantes avec le fameux 5-0 (ndlr : 9 décembre 1995 et le 3-5-2 de Luis Fernandez). Il y avait une ambiance de dingue, même si la tribune G était vide à cause de la grève des Postes qui n’avait pas permis aux places du conseil général d’arriver. Ce match c’est un peu ma Madeleine de Proust, on l’a re-maté il n’y a pas longtemps avec des potes des Lutece, ici à la télé… Puis j’ai fait la demi-finale de coupe d’Europe contre la Corogne (ndlr : 18 avril 1996 / 1-0, but de Loko). Après ça, dans l’euphorie d’après match, j’ai demandé à mon père si on pouvait aller à Bruxelles pour la finale car on avait de la famille là-bas.
Mais quand j’ai été sur mon minitel, je me suis rendu compte que seuls les abonnés pouvaient avoir des places. Donc j’ai regardé la finale à Blois chez moi avec des potes, comme moi, supporters du PSG, et aussi des potes supporters des Girondins qui faisaient eux aussi une belle campagne européenne avec Zidane, Dugarry, Lizarazu et Huard et qu’on avait suivi en parallèle tout en se chambrant… J’ai jamais trop aimé les girondins mais là mes potes étaient contents pour moi sur ce match. Bref ma mère nous a ramené des bières car on avait pas les moyens. Des Amsterdam Navigators qu’elle avait trouvées dans une station service, typique un truc de province. On a été chauds assez vite. Je me souviens de cette finale, de mes écharpes en totem autour de la télé, de cette joie, du bordel qu’on avait foutu après match dans les rues de Blois… Grosse joie, grosse fierté, gros souvenirs même si je n’étais pas au stade ni même à Paris sur les Champs le soir du 8 mai 1996 ou le lendemain. C’était beau, le maillot Hechter sans sponsor, la frappe de N’Gotty, la blessure de Raí, Lama qui soulève la coupe avec son maillot noir à paraments vert-jaune-rouge. Inoubliable.
Tu t’es encarté comment ?
Je passe le pas après le 5-0 contre Nantes. J’ai écrit à plusieurs groupes et les Lutece m’ont répondu assez rapidement. Ce qui est marrant c’est que je ne savais pas que j’aurais pu avoir des places pour la finale de Bruxelles par le groupe… Bref on a commencé à correspondre. Ils m’envoyaient des photos des tribunes, il n’y avait pas internet à l’époque ou très peu. Puis arrive le match fondateur pour moi en tribune Auteuil, PSG-Galatasaray (ndlr : 31 octobre 1996 / 4-0). Mon père nous monte à Paris avec un voisin d’immeuble, plus jeune que moi mais que j’avais converti au PSG. Il nous dépose en fin de matinée à Chatelet Les Halles. Encore un truc de provincial de vouloir aller là bas pour manger au Pizza Hut. Un peu la loose mais il n’y en avait pas à Blois. Je trouvais que ça faisait mec de Paname d’aller traîner aux Halles. En plus j’avais un bombers car c’était la mode. Avec le patch enlevé comme les dealers, donc les gens venaient me demander du shit, c’était marrant.
Puis on a été à la boutique du club à Franklin Roosevelt. On a commencé à voir des supporters, on a trainé sur les Champs puis on s’est dirigé Porte de Saint-Cloud en métro. Et là en arrivant on hallucine. Des turcs partout, il y avait même des stands avec des écharpes de Galatasaray. Tu sentais que l’ambiance était tendue. Arrivé au niveau de la porte G, ça part en couille entre turcs, parisiens et CRS. Je n’ai pas été effrayé, c’était plutôt excitant car tu sentais la pression monter. On s’est dirigé vers la tribune. C’était l’époque des Caterpillars. J’en avais et mon pote aussi mais les siennes étaient usées et on voyait la coque. Du coup il se les est fait confisquer en consigne. Il a passé le match pied nu ! A la Toussaint ! Sympa… Bref je passe à la table Lutece Falco et je me présente timidement. Je rencontre alors Najib. Il avait un an de plus que moi. J’étais en terminal et lui à la Fac à Orléans mais il était originaire de Chartres. Du coup on sympathise. Je prends ma place mais je ne me mets pas dans le bloc des LF (ndlr : Lutece Falco). Inconsciemment je ne me voyais pas aller tout de suite dans le noyau dur. Mais juste participer au tifo c’était déjà kiffant… Et puis le match de légende avec une très grosse ambiance. Et un après match « un peu » animé.
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Après ça j’ai continué ma vie de supporter à distance en correspondant beaucoup avec Najib par de longues lettres. Il y avait un côté un peu épistolaire. Je suis ensuite retourné au Parc pour la demi-finale contre Liverpool (ndlr : 10 avril 1997 / 3-0). Mon père n’était pas trop chaud pour que j’aille en Virage. Pour lui c’était un endroit rempli de hooligans. Mais je ne lui ai pas laissé le choix. On a eu la chance de rentrer avec le groupe avant le match, dans un Parc vide. J’ai fait la petite main dans le bloc Lutece, j’ai obéi aux ordres des leaders du groupe pour préparer le tifo. A l’époque les visiteurs étaient en F. Du coup il y avait beaucoup de supporters des Reds avec qui on a pu discuter, échanger des écharpes. Il y avait une bonne fraternisation. En plus on avait fait une banderole « Welcome to the legendary fans ». Et encore un énorme match du PSG. Leonardo, Cauet et un but de Jérôme Leroy. Ce soir là j’ai aussi acheté ma première écharpe des LF. Que j’ai perdu lors d’un déplacement longtemps après, sans jamais l’avoir lavé. Un pote m’a offert la même plus tard car il savait que cette écharpe était symbolique pour moi. C’était à l’époque ou tu pouvais avoir ce type d’écharpe à 500€ sur le marché des collectionneurs via mouvement.Ultras.com
En tout cas ce soir là tout a basculé. Je suis rentré à Blois et j’ai décidé d’aller à la finale. Bac ou pas bac en fin d’année, j’étais déterminé. J’ai prévenu ma mère, j’étais prêt à saborder le bac si je n’allais pas à Rotterdam. Et puis de toute façon je savais que je l’aurai et j’étais déjà pris en prépa, donc aucun problème. Quelques semaines plus tard je suis remonté en train à Paris pour un PSG-Bordeaux (ndlr : 3 mai 1997 / 2-2), et je profitais enfin de la carte 12-25 ans de la SNCF. Ça ne me faisait pas un gros trajet entre Blois et Austerlitz. Je n’avais plus besoin de demander à mon père de me monter. Et j’avais rencontré des gars en tribune qui sont devenus des amis et qui pouvaient m’héberger.
Arrive le match de Rotterdam (ndlr : 14 mai 1997 / 1-0 pour Barcelone). C’était beau et triste à la fois. J’ai rejoint le Parc avec mon père pour prendre les cars affrétés par le PSG. Même si les groupes géraient les cars de façon autonome. J’ai rejoint un car plutôt calme où j’ai pu discuter avec Pat, un ancien, et Grandé, un des fondateurs des LF. Avec ces mecs j’ai pu parler histoire et tribune. C’était jouissif.
Le voyage a été interrompu par la police belge suite à des vols en station service, un classique de déplacement. Mais là il y avait eu un braquage de caisse. Ça a duré. On est arrivé escorté et assez tard dans l’après-midi. On a quand même eu le temps de se balader un peu autour du stade. On a même vu certains VIP comme Joey Starr ou Sophie Davant qui étaient venus soutenir le PSG. Il y avait un gros Virage parisien dans le stade, avec une belle animation représentant la coupe d’Europe. J’ai gardé longtemps avec moi les feuilles métalliques qui ont servi à cette animation. La fin du match a été terrible. On aurait pu égaliser si Leonardo n’avait pas complètement foiré une occasion. Et pourtant j’adorais ce joueur. Le retour en France a été difficile avec un arrêt à la frontière par la police belge qui a fouillé nos cars. Ils étaient encore vénères de l’histoire de vol à l’aller. On arrive à la bourre à Paris. Mon père m’attendait. Je suis arrivé en retard au Lycée, pas lavé, marqué par la défaite et la fatigue. Je me suis embrouillé à l’entre-cours avec des mecs qui m’attendaient là-dessus, certes c’était de bonne guerre. J’ai aussi des potes supporters du PSG qui voulaient que je leur raconte le déplacement. J’étais à la fois fier d’y avoir été mais surtout triste. J’ai été convoqué dans le bureau du proviseur à cause des embrouilles. Il a été très compréhensif. J’étais tellement estampillé PSG au Lycée… Il le savait. Tout le monde le savait, ce qui pouvait générer son lot à la fois de respect et d’embrouilles.
Après le bac je suis parti en Fac de Droit à Blois. A ce moment là je viens à Paris souvent en train. Je commence à faire beaucoup de déplacements dans toute la France. Je suis très actif. Je fais près de 80% des matchs au Parc et plusieurs à l’extérieur. Ça forçait le respect des autres car ça m’obligeait à faire beaucoup de kilomètres à chaque fois. Il y a toute une nouvelle génération de supporters qui sont arrivés en même temps que moi à cette époque. Chez les LF et aussi chez les Tigris Mystic où ils étaient d’ailleurs appelés la génération 97. On était jeune, on voulait organiser nous mêmes les déplacements sans passer par les cars officiels du club, car on trouvait que les mecs étaient plus âgés que nous. Ils n’avaient pas le même style, la même mentalité. C’était un peu une question de génération et d’âge. Bref c’est à partir de cette époque que je deviens un personnage important du groupe.
On t’appelait déjà Viola ?
Ça a commencé lorsque j’écrivais dans les Fanzines du PSG. J’aimais bien la Fiorentina des années 90. Je kiffais aussi la ville de Florence, que j’avais découverte en vacances. Et il y avait dans cette équipe Gabriel Batistuta qui était un joueur que j’adorais. A l’époque il fallait être supporter d’un club italien. Quand tu étais ultra c’était un passage obligé. Et donc en 1997 je suis parti en vacances près du lac de Garde avec mon père et aussi à Florence. Là bas j’ai été à un match. Malheureusement pas en Curva Fiesole. Mais l’ambiance était correcte. J’ai aussi pu voir Inter-Fiorentina à Giuseppe Meazza… Ce stade était mon préféré après le Parc. A partir de là j’ai choisi mon surnom d’Alex Viola, Violalex puis Viola. C’est parti comme ça.
Commence concrètement ta vie d’Ultra chez les LF ?
Oui. Avec cette nouvelle génération qui s’opposait parfois, comme dans toute relation de groupe, à l’ancienne. Notamment sur le fait de ne plus percevoir les 5000 francs offerts par le club aux groupes, afin de garder notre indépendance. D’organiser nos propres déplacements. Amar (ndlr : ancien président puis porte-parole des LF) ne voulait plus de ces bus car il y avait eu des caillassages en déplacement. On partait parfois à 50 par nos propres moyens. Puis on s’est dit qu’on pouvait affréter nous mêmes nos propres bus. J’étais dans ce processus de faire progresser le groupe. Pas dans l’idée de grossir le nombre d’adhérents, mais plus dans la qualité des valeurs inculquées et des personnes qui en font partie. Avec la volonté de transmettre des principes sur la façon de supporter l’équipe, de travailler nos animations en tribune. C’est triste à dire mais en 1999 on avait vu ce qu’avait fait le Commando Ultra pour ses 15 ans à Marseille. Une animation en carton retourné pas facile à faire. Ça avait de la gueule même si ce n’était pas parfait. Alors certes les marseillais avaient leurs propres locaux, mais ils étaient organisés. Il s‘agissait donc d’avoir un artisanat efficace, de préparer nos tifos. J’essayais d’apporter ma contribution là-dessus.
Pourquoi les LF plutôt qu’un autre groupe ?
Déjà parce qu’ils ont été les premiers à me répondre et que j’ai tissé vite des relations avec des gens qui sont encore mes amis aujourd’hui, qui étaient à mon mariage. Objectivement par rapport à l’époque et ce qui se faisait en tribune j’aurais pu me rapprocher des Tigris. Mais ils avaient une culture plus Hip Hop. Ça me correspondait moins car je me sentais plus proche de la culture irlandaise qu’avaient les LF. La Guinness, la picole, la culture Pub, le Ska, le rock anglais… J’écoutais Bernard Lenoir sur France Inter, les Blacks Sessions, des trucs dans le genre comme un type fondateur du groupe, Corto qui m’a permis de m’intégrer dans le groupe au début…
Comment as-tu fini par devenir Capo des LF ?
1er octobre 1999, je m’installe enfin à Paris dans le 13ème. A partir de ce moment je fais tous les matchs. Mon pote Najib faisait un peu le capo de temps en temps pour remplacer Mac Méga qui était le capo historique. Perso, ça me plaisait bien, mais pas au Parc. Ça se faisait en déplacement, quand ça ne chantait pas, je me retournais pour haranguer les gars. Et puis un jour on part à Strasbourg. Il n’y avait pas de capo ce soir là. On marque un but, je monte sur la grille et je n’en suis pas redescendu. J’y suis resté toute la fin de match à haranguer le parcage sans mégaphone, tout à la voix. Ça m’a plu et ça a plus aux gens. Et puis en devenant progressivement capo tu sais que tu passes un peu une hiérarchie sociale dans le groupe. Ne va pas qui veux dans le bloc. Tu as des lignes où personne ne va comme le No Man’s Land (ndlr : les deux premiers rangs derrière les barrières en Virage où les groupes rangent leur matériel). Ou en première ligne, où les gars ont la jambe qui pend sur la rambarde, pour tenir les bâches, ou debout à côté du podium, c’est un peu le noyau dur.
C’est un soir de coupe contre Créteil en janvier sous un froid glacial (ndlr : 8 janvier 2000 / 4-3), devant 18000 personnes, que j’ai passé la deuxième mi-temps au mégaphone. Ce genre de matchs était cool car l’acoustique du Parc est différente quand il y a moins de monde. Et tu peux plus t’éclater, te lâcher. Ça n’a pas été un exercice facile d’autant que le méga était très lourd et branché à la sono. Et j’avais des capos plus expérimentés que moi chez les Supras qui me montraient bien que ce que je faisais n’allait pas toujours bien. Mais c’était un acte fondateur pour moi. J’ai continué sans méga à l’extérieur car c’était souvent interdit et puis c’est venu comme ça. Au Parc il y avait Gilles alias Mac Méga qui tenait la sono puis parfois Najib et moi au méga. Ma légitimité s’est aussi construite là dessus. Je me souviens aussi d’un match en 2001 à San Siro contre l’AC Milan (ndlr : 14 février 2001 / 1-1) où Najib était malade et où j’ai fait tout le match à ‘capoter’ devant 2000 parisiens dans une ambiance de malade mental. Puis Gilles a arrêté pendant un moment pour des divergences de point de vue dans le groupe et à cause de son boulot. Il a été un mentor pour moi, un père de tribune. J’ai du le remplacer. Et ça s’est institutionnalisé. J’ai été capo principal des LF pour la tribune. J’étais associé à Stéphane, un très bon capo des Tigris, il y avait aussi Boat des Supras qui était souvent là. A un moment on a même fait un podium central pour rationaliser la tribune.
Ça fait quoi d’être capo et d’être dos au match, et de fait de ne quasi rien voir du match ?
Tu ne peux pas dire que tu ne vois pas le match car tu te retournes inconsciemment. Tu vois le regard des gens, les émotions. Tu te fais un peu des torticolis mais tu regardes. Et j’ai vécu des expériences fabuleuses de but à l’aveugle. Tu es là, tu chantes, tu es presque en transe, et tu vois que la tribune te suis, et tu sens comme un pré-orgasme dans l’attitude des gens, tu sens monter le truc, puis l’explosion. C’est intense de vivre tout ceci de façon indirecte, à travers le regard des gens, de tes amis et de toute cette tribune. Mais j’étais content de regarder les buts à la télé ou sur internet le lendemain, ou dans une émission d’Eurosport en anglais le lundi soir vers 23h.
Toi qui aime la musique, tu fais forcément un parallèle avec une expérience scénique ?
Oui. J’ai lu des choses sur des mecs super timides qui lâchaient tout sur scène. Après j’étais rarement à jeun quand je montais en tribune. On faisait des gros apéros d’avant-match. C’était un peu ma marque de fabrique. Pas facile quand tu es à 4 grammes d’être audible lors des discours. Car j’aimais beaucoup faire des discours pour motiver les gars. Et puis j’ai toujours été acrobate. J’aimais bien me mettre dans des endroits où personne n’osait aller, surtout à l’extérieur. Une fois je suis monté au deuxième étage sur le filet à Metz, le filet a commencé à craquer et je suis retombé sur les stewards. J’ai vu dans leurs yeux que je n’étais pas passé loin d’un drame. Sur le coup, avec l’adrénaline je n’ai pas pensé au danger. Mais c’était tellement jouissif. Surtout qu’à Auteuil on avait des groupes structurés. Ça suivait vraiment sur les chants en général. Même quand on perdait. C’était un dogme de les faire chanter même dans la défaite. On mettait en pratique ce slogan « Dans le malheur ou dans la gloire ». Mais ce n’était pas toujours facile. C’est plus facile au début du match après les tifos ou lors de grosses affiches, quand tout le monde est excité, du mec du noyau dur jusqu’au mec qui roule ses joints en haut de tribune. Mais on a connu des périodes où les résultats ne suivaient pas. Heureusement qu’il y avait les groupes en Virage pour continuer à chanter. Le PSG-Chelsea (ndlr : 14 septembre 2004 – 0-3) où on se prend une branlée, qu’est-ce qu’on a été fort, qu’est-ce qu’on a été bon ! Tu es fier après ça…
Vous vous briefiez entre capo de groupe pour organiser les chants ?
Non, car on savait globalement quel chant lancer et car il y avait une forme d’habitude, d’exercice entre capi. Il arrivait parfois qu’on ait des problèmes de cohérence, mais c’était rare. On devait aussi choisir les chants en fonction de ce qui se passait sur le terrain, pour être en adéquation. Par exemple lancer un chant punchy ou pas. Et puis tu avais aussi les chants que tu venais de créer avec ton groupe. C’était un petit peu « ego trip ». En tout cas il était important de bien gérer la tribune. Ne serait-ce que pour être cohérent par rapport aux critiques qu’on pouvait faire aux joueurs quand on considérait qu’ils ne faisaient pas les efforts nécessaires. Alors que nous, on chantait pendant 90 minutes, à se péter les cordes vocales, avec notre coeur qui saignait.
Il y a des chants que tu as lancé personnellement ?
C’est toujours un travail collectif mais le Horto Magiko qu’on avait commencé entre nous a ensuite été repris en tribune. De toute façon ce type de chants, tu les commences à l’extérieur, à la mi-temps ou à la fin du match. Après ça prend et le déplacement d’après, tu le reprends avec tout le parcage, la fois d’après ça devient un tube à l’extérieur et là tu te dis « on peut le lancer dans le Virage à Auteuil ». Au fil des matchs tu as 8000 personnes qui le reprennent avec les gestuelles et les paroles…
Tu as un tifo en particulier qui te revient ?
Il y en a plein. Mais le magicien qu’on avait fait avec les Tigris et les Supras pour un PSG-Marseille en octobre 2000 (ndlr : 13 octobre 2000 / 2-0) avait demandé 15 jours de préparation. On avait jamais fait une aussi grande voile en hauteur dans le Virage. Je me souviens, 10-12 jours avant le match, quand on a reçu le tissu cousu, on s’est rendu compte de la tâche qui nous attendait. Je ne me souviens plus si on a amené la voile après ou avant la peinture tracée sur la pelouse du stade entre la porte Molitor et la porte d’Auteuil (ndlr : qui n’existe plus aujourd’hui). L’idée était de voir ce que ça rendait en réel. Un capo des Boys était passé pour voir le rendu. Et il nous avait dit « mais merde c’est immense ce que vous faites ». On passait tous les jours au Parc pour peindre. On est une génération entière de mecs qui ont séché les cours ou qui étaient au chômage et qui venaient pour préparer les animations en buvant des bières, en fumant des joints, en écoutant de la musique et en faisant des barbecues. Et ça de 8H00 du matin jusqu’à 22H00. Et contrairement aux groupes marseillais ou de province, c’était difficile d’avoir des locaux pour préparer ces tifos. On avait de petits locaux au Parc où on entreposait notre matériel mais c’était aussi des lieux de vie. On avait quartier libre et un accès open. Ce qui nous permettait au passage de planquer plein de torches dans des endroits improbables.
Un autre tifo t’a marqué ?
ll y a eu aussi le tifo « avenue de la fidélité », une avenue qui n’existe pas. J’avais eu l’idée et j’en étais assez content. Je tenais vraiment à ce tifo. Surtout que c’était face au Milan AC. Et que les deux mats que les Tigris avaient fait en bas avaient de la gueule.
Il y a aussi l’hôtel de Ville pour l’anniversaire de la libération de Paris (ndlr : PSG-Saint-Etienne, 29 aout 2004 / 2-2). Il n’était pas posé sur la foule mais tendu droit. On avait du monter sur le toit du Parc pour le fixer. C’était incroyable. Sur la fin c’était des alpinistes qui faisaient ce travail mais au début le PSG nous laissait faire avec un responsable sécurité. On montait sur le toit du Parc. On avait une vue de Paris et du stade… Et puis on avait pas pu tester ce tifo avant le match, et le jour J tout s’est bien passé. Il y avait une foule de détails dessus, tracés comme on pouvait. On se trompait sans doute, c’était de l’art abstrait mais une fois tendu c’était magnifique… Les tifos anniversaire du groupe, ça marque aussi, tant le jour même que dans tout le processus de création et de réalisation qui peut durer plus d’un an.
Parlons Clasico. Un PSG-Marseille en particulier ?
Je déteste cette expression « canalplusienne » de clasico pour les PSG-Marseille. PSG-Marseille c’est PSG-Marseille, rien à qualifier de plus. Le premier de 88 m’a marqué car c’est le premier mais c’est surtout celui de 2006. C’est je pense mon meilleur souvenir all-inclusive package complet, souvenirs tribunes et footballistique. Déjà il y a la demi-finale de Coupe à Nantes qui est très rapprochée, 10 jours avant (ndlr : 20 avril 2006). On prend le train avec quelques potes, on arrive après le coup d’envoi et je vais direct sur la grille. Je prends le méga, un peu en retard, et on marque assez tard, je crois qu’on gagne 2 buts à 1. Pancrate doit ouvrir le score, Nantes égalise. On avait fait une séance de tirs au but à Nantes deux ans avant (ndlr : 28 avril 2004, demi-finale de Coupe de France, 1-1 et victoire parisienne aux tirs au but). Et là, le grand Pedro Miguel Pauleta, l’idole, Dieu marque… on sait déjà que Marseille s’est qualifié plus tôt dans l’après-midi. C’est jouissif. On est déjà en mode anti-marseillais. Tous les joueurs viennent, jettent leur maillot, il y a une liesse. On est déjà dans la Finale, à se demander quel tifo on va faire. On en parle dans le stade. Les mecs de Boulogne nous disent « on a une vieille Coupe de France. On pourrait la ressortir et faire des feuilles ». Finalement ils ne la retrouvent pas, donc on a du refaire une Coupe de France en peinture géante taillée Stade de France. Mais putain cette victoire c’était un kiff total. Donc après une semaine à ne penser qu’à ça, préparation de tifo, Stade de France. Et puis merde c’est Marseille, parce qu’on pensait que jamais ça n’arriverait. On avait souvent joué Marseille en Coupe quelques années avant. Deux ans de suite dans des tours. On le disait, c’était « boules chaudes – boules froides ».
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Jouer l’OM en finale de Coupe en terme d’ordre public ça n’existe pas, parce qu’ils ne veulent pas et ils ne sauront pas gérer. Et ils n’ont pas su gérer. Heureusement, je dirais. Ça nous a permis de faire un avant match un peu plus sympa. Je me souviens la veille, il y avait un concert de Dropkick Murphys. On était plein de parisiens, tout le monde était déjà au taquet. Après le concert, pub, mais il ne faut pas trop se la mettre parce que demain on se lève tôt. Il y a un tifo à préparer et il y a un peu une ville à défendre. Il y a peut être même des marseillais déjà là. Le matin du match, je me souviens m’être levé en avance avec Vor (ndlr : ancien membre des LF), genre à 6h30, en étant sur le canapé lit d’un pote dans son appart et de faire « Qui ne saute pas est marseillais ». Puis aller chercher le matos, le ramener. Tu sais que les gars en face ils vont aussi être là, faire leur tifo. Et là il y a un car de marseillais qui passe qu’on essaie d’attaquer. Ils ne descendent pas, mais la journée est lancée. Finalement il y a eu assez peu de marseillais dans Paris. On avait fait un rassemblement à l’Hôtel de Ville, puis on avait pris le RER, et un cortège avec les Supras. Un truc massif, Virage Auteuil, à 2000, torches et compagnie, tout le monde surexcité.
A un moment on croise les mecs de Boulogne qui étaient un peu en chasse, et là entente cordiale, c’est PSG-OM. On arrive sur le parvis, les barrages étaient des gruyères, il y avait des flics mais tu descendais les escaliers, tu passais le long de l’autoroute. Avant match très Rock’n’roll. Bagarres. Paris gagne. Tu avances vers eux, tu les fais reculer. Les flics étaient complètement dépassés et c’était assez magique. Après ça s’est arrêté parce que c’est Paris. Malheureusement il y avait le conflit Boulogne-Tigris, et Boulogne a attaqué les Tigris, mais sans ça on aurait pu passer de l’autre côté et se faire des marseillais dans tous les sens. Parce que c’était la Finale de Coupe de France. Avant-match dans le stade, les marseillais chantent fort. Ils étaient vraiment au taquet. Tu sentais la puissance vocale et tu te dis que ça va être un beau duel des tribunes, vocal,… Parce que même dans les latérales, c’était moitié-moitié et il y avait pas mal de marseillais.
On sort le tifo et les lettres. Tu le vois sur l’écran géant. La Coupe, le « On l’a veut ! ». Tu vois que c’est propre, c’est net, et surtout c’était très cohérent sur les trois étages. Alors qu’eux en face avaient trois tifos un peu différents. Alors qu’ils avaient fait des communications du genre « On va faire un tifo incroyable, Stade de France, etc »… alors que c’était au final des voiles recyclées merdiques. Et là le but de Kalou d’entrée (ndlr : Bonaventure Kalou, 5ème minute) qui permet de lâcher tout le monde. Ça chante, ça chante, tu domines ce match, tu gagnes, et ce but incroyable de Dhorasoo (ndlr : Vikash Dhorasoo, 59ème minute). Cette frappe toute pétée qui va au fond, c’était l’euphorie totale, c’était vraiment absolument incroyable… Devant l’Hôtel de Ville, Rothen qui craque des torches, nuit blanche, tu rentres chez toi au petit matin. Il fait jour, tu allumes les chaînes d’info, tu revois les buts et les images en direct des marseillais arrivant Gare Saint-Charles tous la tête dans le cul en train de pleurer. Incroyable ! Après, en vrai je me rappelle de tous les matchs face aux rats, au vélodrome ou au Parc, en ayant été là-bas en parcage, ou en Virage au Parc, à la radio ou devant la télé. Ouais tous. Les pires, celui au vélodrome en 89 ou j’ai pleuré avec la perte du titre et le but de Sauzée après la vendange d’Amara Simba. 97 au Parc avec le plongeon de Ravanelli. Les terribles défaites au Parc de février 2009 et 2010, la branlée au Vel’ en février 2000 après avoir ouvert le score par Christian, j’étais en tribune Ganay. Des sales souvenirs mais à côté de ça, chaque victoire ou série de victoires face à l’ennemi n’en a été que plus belle.
Superbe itw ! Que de souvenirs… Immense respect à Viola, pour tout. Tu as marqué une génération entière de supporters.
Merci pour tout Viola! Une figure du mouvement parisien, fascinante, qui transpirait la passion pour Paris et le Paris-SG! Tellement intense! J’aurais été prêt à aller au charbon pour toi, pour Paris! Toujours un kiff de lire, car à l’oral ou à l’écrit, on ressent toujours des émotions!
Merci pour ce kiff Virage, vivement la suite!
Que de souvenirs … Hâte de lire la suite – Un salut à Viola qui a su faire chanter et vibrer le bloc et les parcages – en espérant te croiser un de ces jours histoire d’en vider quelques unes … au passage un salut à ceux que j’ai côtoyé également
Merci pour tout Alex.
On a quand même eu de sacré bons moments…