Un jour de juin, dans le 10ème arrondissement. Je dois rencontrer Liam Gallagher pour Rock&Folk. Il est là pour parler de son premier album solo, disponible en octobre prochain. “As You Were” ressemble à son auteur, du rock aux mélodies imparables et faciles, des balades bien foutues et bien malignes, et cette voix,
surtout cette voix, qui a su fédérer toute une génération,
il y a longtemps, quand Oasis dominait le monde.
Liam est à l’heure, souriant, malgré cette longue journée promo parisienne qui s’annonce, malgré surtout la canicule qui brûle les derniers espoirs des clients détrempés. En guise de préambule, Liam balance un “Il fait tellement chaud que j’ai mes couilles qui dégoulinent mec” juste parfait. Une fois la question du rock évacuée, Liam accepte de parler aussi de son autre passion, le football. Enfin, de Manchester City pour être plus exact.
C’est son club, le seul, l’unique: “J’aime de tout mon coeur Manchester City. Pep a eu une année merdique, difficile mais je pense que l’année prochaine, il va revenir sûr de ses forces et tout emporter. Sans le moindre doute. Mais s’il foire encore, ça va être compliqué pour lui de rester, d’après moi. J’aime son style, j’aime qu’il veuille que les actions repartent de la défense, sans balancer devant systématiquement. Je pense que sa seule vraie erreur, ça a été de vouloir se débarrasser de Joe Hart dès son arrivée. Joe Hart n’est pas le plus grand gardien au monde mais il était un symbole à City. Un mec de chez nous. Je comprends qu’il ait voulu marquer son territoire mais il s’est un peu planté là-dessus…”
Comme beaucoup de fans sérieux, Liam fréquente désormais moins les tribunes que son canapé à l’heure où l’arbitre siffle le début des hostilités. Comme beaucoup de fans dont le club a été racheté par une lointaine contrée blindée d’or noir et (ou) de gaz, le coeur de Liam vibre comme au premier jour mais n’est plus vraiment dupe: “Je vais vraiment moins au stade qu’avant. Et puis, j’habite à Londres. Et au stade, tu ne peux pas regarder le match tranquille. On te demande des selfies sans cesse. Je préfère regarder ça à la télé, à gueuler et hurler dans mon salon… Tous ces gens qui détestent City et Paris pour les mêmes raisons, les Émirats et l’argent des Émirats, le Qatar et l’argent du Qatar, qu’ils aillent se faire mettre, tous ! On était riche avant ça. City et Paris n’étaient pas des petits clubs familiaux sans capitaux. C’est de l’hypocrisie, de la jalousie, de la connerie humaine. Je n’en ai rien à foutre. City pour toujours, mec ! Mais si je m’avoue les choses, c’est vrai que quelque chose a changé, voire a disparu. La ferveur est toujours là mais elle a appris aussi à exister loin du stade…”
Au moment de le quitter, on lui offre une vieille écharpe d’ultra parisien. Il la contemple quelques secondes sans rien dire. “Mais vous n’avez qu’une seule équipe à Paris, vraiment ? Chez nous, je crois qu’il n’y a qu’à Newcastle qu’il n’y a qu’une seule équipe… Un pays sérieux se doit d’avoir plusieurs équipes dans ses grandes villes, tu ne crois pas ? En tout cas, merci, vraiment, je suis très touché.” On lui demande si on peut le prendre en photo avec l’écharpe : “Tu peux toujours rêver, mec ! Aucune chance ! Tu accepterais de poser, toi, avec une écharpe de City, sérieusement ?” Bien sûr que non, Liam. Mes couleurs sont celles de Paris et il n’en existe aucune autre ! “Et bien, pareil pour moi. Si tu es un supporter digne de ce nom, tu n’aimes qu’une équipe toute ta vie. Je n’ai jamais compris ces mecs qui aimaient plusieurs clubs, un par pays. C’est de la merde. Tu ne peux avoir qu’un seul club dans ton coeur. Marié pour le meilleur et pour le pire, mec. Mais merci pour le cadeau, vraiment. Je comprends que c’est important pour toi.”
Il se lève et quitte le bar. Avant de s’engouffrer dans l’ascenseur, il se retourne, revient sur ses pas et dit: “Je te promets que si je joue à Marseille, je me pointe sur scène avec ton écharpe”. Et il ricane comme un enfant fier de sa connerie.
Album « As You Were » disponible le 6 octobre 2017 chez Warner Music France
Avant lui José Cobos, après lui Bernard Mendy. De 1996 à 2001 il a été le latéral droit du PSG. Un homme discret mais déterminé, guidé par l’instinct. Le genre de mec qui ne vieillira jamais, costaud, vif, l’accent du sud-ouest bonhomme et chaleureux. Tranquille dans sa vie comme sur son aile dans ses Nike Tiempo 750.
Virage : Tu viens d’où Jimmy ?
Jimmy Algerino : Je suis toulousain, fier d’être toulousain avec des origines italiennes. Mes parents sont arrivés avec la deuxième vague d’immigrés italiens.
Virage : Compte tenu de tes origines, tu as été poussé étant jeune pour jouer au foot ?
J.A. : Pas poussé. Mon père n’a jamais joué au foot, ma mère encore moins, c’est la mama italienne. Après mon père avait une sensibilité pour le foot, il était supporter de la Juve et de Naples car on est originaire du sud. De toute façon, à notre époque, le foot c’était surtout un vecteur pour trouver du travail à la mairie.
Virage : Du coup qu’est-ce qui t’a poussé à jouer ?
J.A. : Ça s’est fait naturellement. Mon grand frère y jouait. J’habitais dans la cité d’Empalot et on jouait sur du goudron ou des parties en pelouse où il était interdit de jouer. On se barrait dès que le gardien arrivait. J’allais aussi taper le ballon contre le mur du voisin qui gueulait car ça raisonnait, mais je ne suivais pas trop les matchs à la télé.
Virage : Donc pas un réelle passion, plutôt un jeu ?
J.A. : En fait le foot c’était surtout un besoin plus qu’une passion et encore moins un projet de métier. C’était l’envie d’être avec des potes, de jouer quelque soit les conditions et l’endroit. Et aussi de copier le frangin.
Pour une fois dans l’axe
Virage : Comment ça a commencé pour toi sérieusement ?
J.A. : J’avais la chance d’avoir le terrain d’entraînement du Téfécé (Toulouse Football Club) juste à côté de chez moi. A peine plus de 600 mètres de la maison. On y allait à pied ou en courant. Très jeune, vers l’âge de 5-6 ans on m’a repéré. J’ai eu des récompenses sur des tournois. D’ailleurs à l’époque je voulais jouer gardien de but mais mon père a dit non. J’ai joué attaquant, j’ai marqué des buts, j’ai eu des sélections départementales et régionales.
Virage : Tu étais donc en club au Téfécé dès le début.
J.A. : Oui j’ai fait toutes les équipes premières du club. J’ai même été récompensé comme meilleur butteur par une star télé de l’époque, Karen Cheryl. On avait fait la Coupe « Vache qui rit » avec le Téfécé, on était monté à Paris et fini 3ème. On avait fait le match de la 3ème place au Parc des Princes où j’ai marqué. C’est à partir de 13-14 ans que j’ai eu quelques pépins et blessures. J’ai un peu végété et suis passé en deuxième équipe. Le club m’a suggéré à ce moment là de partir, c’était en cadet 1ère année. Mais j’avais la volonté d’y arriver. De faire carrière dans le foot malgré les arguments donnés pour justifier mon départ : les capacités, la taille… Ça faisait un peu mal, je l’ai vécu comme une injustice après toutes ces années au club.
Les gars, on ne peut pas faire ça à Jimmy
Et puis niveau scolaire j’étais décroché, je n’avais aucun attrait pour l’école. Il me fallait donc un club qui puisse me permettre de jouer en cadet nationaux, ce qui était le Graal pour les jeunes de 17 ans. Il y avait un autre club à Toulouse qui n’existe plus aujourd’hui, le Toulouse Fontaine Club. Ils jouaient en troisième division en sénior, et avaient une équipe en cadets nationaux. J’ai donc décidé d’y aller et comme je faisais partie des bons joueurs de la région ils ont accepté de m’accueillir. Mais pas pour jouer attaquant. Le coach m’a demandé de jouer latéral droit. J’ai rechigné un peu et je me suis dit que l’important était de jouer et de me montrer. Il y avait certes la volonté de mettre en avant un autre attaquant du club mais finalement ça s’est super bien passé. Très vite j’ai joué avec les seniors puis j’ai fini par jouer avec l’équipe 1 qui jouait en 3ème division.
Virage : Comment se passe alors ton arrivée à Niort ?
J.A. : Lors de ma troisième année au Fontaine, on dispute notre dernier match de la saison à Niort. On n’avait pas fait une bonne saison cette année là. Donc ce dernier match n’avait pas trop d’intérêt. Sauf que j’avais un ami qui connaissait l’entraîneur du centre de formation de Niort. Ce dernier voulait me voir jouer lors de ce match car il était intéressé par mon profil. Mais les gars de l’équipe préféraient aller à la Rochelle passer la journée plutôt que de jouer ce match. C’était un club familial et amateur… Mais un des gars de l’équipe a dit aux autres « les gars, on ne peut pas faire ça à Jimmy, Niort veut le voir jouer ! ». Donc ils décident de jouer le match et on part en bus. On y va tranquille. Le match débute et au bout de 10 minutes il y a un coup franc.
Jimmy et Tony
Normalement, ce sont les tauliers de l’équipe qui le tiraient même si j’avais une bonne frappe. Mais ils me disent « vas-y, tire le ! ». Je pose alors le ballon, je frappe et je marque. On perd à la fin 2-1 ou 3-1 mais je fais mon match. En rentrant aux vestiaires, Victor Zvunka qui était l’entraîneur de l’équipe 1 de Niort, est descendu me voir avec l’entraîneur du centre de formation. Je ne savais pas que Zvunka était en tribune. Ils m’ont proposé de revenir pour faire 2 matchs amicaux avec eux. Les 2 matchs se sont bien passés et on m’a fait signer un contrat de stagiaire. J’avais 18 ans.
Virage : Une belle histoire.
J.A. : Oui mais pour passer pro il fallait jouer 30 matchs. Or le club a eu des gros soucis financiers. Il y a eu 4 présidents la même saison, on a même eu Bernard Tapie qui est venu en jet privé avec Ségolène Royal pour racheter le club. Bref le chaos. Le club ne m’a fait jouer que 29 matchs pour m’éviter d’avoir le contrat et il a même perdu son statut professionnel pendant une courte période de 15 jours. Pendant cette période j’ai été contacté par l’AS Monaco qui voulait me prendre au centre de formation. Mais j’avais déjà fait un essai infructueux chez eux où ils m’avaient dit que j’étais finalement trop vieux. Il y avait déjà Lilian Thuram, Emmanuel Petit chez eux… Et là, tout à coup, je n’étais plus finalement si vieux. Au même moment, l’AS Cannes de Guy Lacombe m’a aussi contacté. Il y avait Zidane, Micoud au centre de formation. J’ai donc dit à Monaco que j’étais OK si ils me faisaient jouer avec les pros sinon je partais à Cannes. Ils ont dit OK. Je suis donc parti à Monaco. 3 autres joueurs ont fait comme moi et sont partis de Niort durant cette période.
Plus ou moins obligé d’accepter Paris
Virage : Comment passes-tu de Monaco à Châteauroux ?
J.A. : Monaco ne m’a pas gardé et m’a prêté à Epinal où j’ai d’ailleurs rencontré Philippe Séguin qui était un type extraordinaire. J’ai gardé contact avec lui lorsque je jouais à Paris lorsqu’il était président de l’Assemblée Nationale. Donc à l’époque d’Epinal, j’étais suivi par 2 clubs : Dunkerque et Châteauroux. Je devais me rendre à Dunkerque en voiture. Je pars tout seul, sans GPS qui n’existait pas à l’époque, et je n’avais pas d’agent. J’avais ma copine à Epinal et on était en pleine Fête de la Musique, donc je pars le coeur lourd. Et je me paume complètement sur la route, je passe par la Belgique… Et là le flash. Je me dis « qu’est ce que je vais aller faire à Dunkerque ? ». Ma copine était à Epinal et Châteauroux était beaucoup moins loin en voiture. Châteauroux était en National mais c’est Zvunka qui entrainait cette équipe. Donc je fais demi-tour et je rentre à Epinal. Comme il n’y avait pas de portable, le lendemain matin j’appelle Dunkerque et je leur dis que je ne veux pas venir et que je ne me sers pas de cet argument pour négocier. Je signe donc à Châteauroux. Je retrouve là-bas une ambiance familiale, un peu comme au Fontaine. Il y avait déjà Michel Denisot qui était vice président du club. Il nous ramenait des tee-shirts toutes les 2 semaines des émissions de Canal +, La Grande Famille tout ça… On était contents. On fait une belle saison et on remonte en Ligue 2. L’année d’après, on finit 4ème de Deuxième Division, on manque la montée de peu et je commence à me montrer. J’ai des touches à Bordeaux, Rennes et Paris. J’étais plus intéressé pour signer à Bordeaux car c’était plus proche de ma famille et de mes potes à Toulouse. Mais il y a eu un arrangement entre Paris et Châteauroux, j’ai donc été plus ou moins obligé d’accepter Paris même si je n’avais rien contre. Même Michel Denisot n’était pas sur que je perce à Paris.
« You’re Talking To Me ? »
Virage : Et jusqu’ici tu signes toujours seul, sans agent, sans conseil ?
J.A. : Oui. Je n’avais pas peur de décider seul. Mais au moment de signer à Paris des agents m’ont contacté. J’ai une anecdote là dessus. J’ai fait un RDV avec un agent dans un restaurant tenu par un ami. J’écoutais ses arguments sans être vraiment intéressé. A la fin du repas, mon ami nous invite chez lui pour aller boire du ,hisky. A un moment de la soirée mon pote pète un peu les plombs, va dans sa chambre et revient avec un fusil – il était chasseur – et dit à l’agent « tu vois ce petit là, c’est comme si c’était mon fils, alors si il travaille avec toi, si il y a le moindre souci… » et il lui montre le fusil. J’étais plié de rire. Je n’ai jamais signé avec lui ni avec personne d’ailleurs.
J’escalade les grilles du Parc
Virage : Tu signes donc à Paris. Ca se passe comment ?
J.A. : J’ai une autre anecdote alors. La signature devait avoir lieu le jour de la finale du Championnat de France de rugby entre le Stade Toulousain et Bourgoin-Jallieu au Parc des Princes. J’ai dit au PSG que le seul truc que je voulais c’était des places pour moi et mon pote pour la finale. J’ai donc RDV le matin dans les bureaux du club au Parc des Princes. J’arrive avec mon pote mais les grilles sont fermées. Je n’avais pas de numéro, pas de portable bien sûr… Mon pote me dit « Qu’est-ce qu’on fait ? » et je lui dis « Mais il y a le match ce soir, il nous faut les billets ! ». Je ne pensais même plus à mon contrat… Qu’est-ce que je fais alors ? J’escalade les grilles du Parc et je tombe sur Jean-Michel Moutier qui me voit et qui me dit : « Qu’est ce que tu fais là ? ». Je lui dis que les grilles sont fermées. Il m’accompagne alors pour me faire signer le contrat. A l’époque ce contrat c’était énorme pour moi mais je lui dis avant de signer « OK c’est bien, mais les places c’est OK pour ce soir ? ». Il me les donne, je signe et le soir on était au match avec mon pote. On a même pu descendre dans le vestiaire toulousain. On a vu Guy Novès, Thomas Castaignède… Le Stade a gagné ce soir là en plus. Et puis on est reparti à Châteauroux. Je venais de signer 4 ans au PSG.
Derrière les grilles
Virage : L’intégration au PSG n’a pas été trop difficile ?
J.A. : J’étais un peu impressionné. Mais je ne me posais pas trop de questions. Que ce soit à l’entraînement ou en match, j’étais de toute façon toujours à fond. Mais la notoriété des autres, les facilités pour te trouver un appartement, tout cela me gênait un peu. J’avais visité un appartement de 220m2 à St Germain en Laye et Denisot m’avait dit, « vas-y ,tu peux le prendre »… Bon voilà. Mais sur le terrain pas de soucis. Ricardo et Bats m’ont reçu comme un jeune joueur qui arrivait. Très vite j’ai montré des trucs et comme José Cobos ne devait pas rester au club, derrière j’ai pris le poste d’entrée sans rien calculer. Et puis en étant jeune quand tu montres de belles choses, des mecs comme Guerin ou Le Guen te mettent tout de suite dans le truc.
Virage : Avec le recul tu gardes des bons souvenirs ?
J.A. : Oui bien sur. Déjà Michel (Denisot) était là, c’était une forme de sécurité. Et puis surtout je les ai bluffés. Ils ne s’attendaient pas à ce que je m’adapte aussi rapidement. Lors de mon premier match j’ai pris beaucoup le couloir droit et à un moment j’ai centré pour Raí qui a tenté une bicyclette. Si elle était allée dedans c’était le but de l’année. Là j’ai senti que les joueurs du PSG se sont dits « il est pas mal celui-là ». Je crois que c’était contre Monaco. D’ailleurs en sortant du parking du Parc en voiture, je suis tombé sur Henri Biancheri qui était le directeur Sportif de l’ASM. J’ai fait mine de lui foncer dessus pour lui faire peur, une sorte de revanche suite à mes mes-aventures avec Monaco… C’était complètement con.
Coupes de champion
Virage : Est-ce qu’il y a un joueur à Paris qui t’a vraiment impressionné ?
J.A. : Je le dis encore aujourd’hui, c’est Raí. L’image complète du joueur est belle. Tout est grand, tout est fort. C’est d’ailleurs dommage qu’il n’ait pas aujourd’hui un poste d’ambassadeur au PSG.
Virage : Pour toi le summum de ta carrière pro, c’est à Paris ?
J.A : Oui. Même si la deuxième année je me suis blessé et que j’ai été aux portes de l’équipe de France. Aimé Jacquet cherchait un latéral droit avant que Thuram ne soit positionné à ce poste. Mais ça ne s’est pas fait pour des problèmes de mauvais timing et de blessure. Mais, bien sûr, Paris reste le summum.
Je me suis élevé en tant qu’homme
Virage : Marquer au Parc c’était particulier à cette époque avec l’ambiance qui y régnait.
J.A. : Oui. Le Parc c’est un stade magnifique en terme d’ambiance. Que ce soit au niveau national ou européen. Bien sûr il y a des monuments comme Bernabeu et le Camp Nou mais tu te fonds dans l’histoire du club quand tu joues sur la pelouse du Parc.
Virage : Tu te sens plus parisien que toulousain aujourd’hui d’un point de vue footballistique ?
J.A. : Oui tout à fait. Ma vie est à Paris et puis j’ai eu la chance d’être capitaine de cette équipe, c’est une fierté. Et puis je reviens souvent à Paris. J’aime me balader dans les quartiers, dans le métro.
Capitaine Jimmy avec Bernard le relève
Virage : Tu arrêtes le football en 2005, tu avais un peu planifié ta fin de carrière ?
J.A. : Comme pour tout le reste de ma carrière ça s’est un peu fait à l’instinct. J’ai profité de la vie, j’ai beaucoup voyagé, j’ai passé une licence en Staps à Toulouse pour avoir une revanche sur la scolarité, j’ai passé des permis et puis j’ai continué le sport, le ski, la natation… Et puis je me suis élevé en tant qu’homme. Mais après tout ça tu subis vraiment un coup car tu te poses la question de ce que tu as vraiment envie de faire. Après une période de recherches j’ai monté ma société de conseil. Et puis j’ai aussi monté la PSG Academy au Liban avec un ami libanais, Elias Salameh. Elle ouvre en septembre, c’est tout nouveau. Ca va permettre aux enfants d’appliquer une méthodologie française du football et de développer la marque PSG au Liban qui est un pays proche de la France historiquement. C’est top.
Virage : Tu es donc resté proche du monde du football.
J.A. : Oui car j’étais quelque part un peu obligé. Le football m’a apporté beaucoup, je lui ai donné beaucoup. C’est un fil rouge.
Le raffut toulousain
Virage : Quelle vision as-tu du PSG d’aujourd’hui ?
J.A. : J’ai une vision bienveillante dans le sens où le club est revenu à la place où il devait être. Maintenant je crois que le projet sportif initial a atteint certaines limites. Il y a des carences trop importantes pour espérer gagner la Ligue des Champions dans les prochaines années. Cette année en est la preuve. Il faut respecter le foot si tu veux que le foot te respecte. Et sur les fondamentaux il a manqué une vraie stratégie, une vraie ligne conduite qu’ont les autres grands clubs. Mais on est un club jeune. Ça fait partie de la vie d’un club d’avoir des étapes et cette nouvelle étape à passer est peut être la plus difficile. C’est en se servant de l’histoire, de ce qui a été bon, voir très bon qu’on peut grandir. Il ne faut pas occulter le passé. Quand tu vois le Real, à tous les niveaux du club, que ce soit dans la formation ou ailleurs, il y a des joueurs qui ont marqué le club. Et cela depuis des années. Et je ne te parle de ça pour moi, il n’y a aucun discours intéressé de ma part. Je pense plus à des Ginola, Weah, Lama, Raí, ou aujourd’hui des Motta, Maxwell. Tu ne peux pas ne pas en tenir compte et ne pas te servir de ces expériences là pour faire grandir sportivement ton club. Les Guerin et consorts, ils les ont tapé Barcelone. Avoir un discours de ces gars là aux joueurs avant le match retour au Camp Nou, ça aurait été important.
JUST FONTAINE l’a fait. 15 ans après ses exploits suédois sous le maillot de l’équipe de France, c’est comme entraîneur du PSG qu’il aborde une nouvelle étape de sa carrière au début des années 70. Sans savoir qu’elle fera de lui le seul homme à avoir fait monter le club parisien en 1ère division. Il fallait bien raconter cette histoire. Son histoire. Écrite en lettres capitales. C’est depuis Toulouse, où l’ancien avant-centre de 83 ans coule aujourd’hui une retraite heureuse, que VIRAGE a rencontré l’homme qui n’a pas de prénom. Et pourtant, un sacré palmarès.
« Je suis sorti major de ma promotion, avec 14 de moyenne, il faut le dire ça ! »Tel un adolescent qui vient tout juste d’obtenir son bac, cherchant la reconnaissance dans les yeux de ses parents, Just Fontaine se souvient de son diplôme d’entraîneur. 50 ans déjà. « C’est arrivé comme ça, par la force des choses » lâche l’ancien attaquant de Reims qui a dû stopper sa carrière de joueur à seulement 29 ans, victime d’une double blessure tibia-péroné. « La seconde fois, c’était un 1er janvier, le Boxing Day avant l’heure. Je peux vous dire que je m’en souviens très bien. » Avant de raccrocher les crampons, le boulot de Justo, c’était de marquer. Comme personne. Le fusil qui décore le mur de son salon, soigneusement meublé, rappelle aux visiteurs quel chasseur -de buts- il était. Une récompense reçue en 1958 pour ses 13 réalisations avec l’équipe de France lors de la coupe du Monde en Suède. Record à battre.
Justo, le chasseur français
Just Fontaine entraîneur ? Un saut dans l’inconnu. Qui commence par un imbroglio. A l’époque, début des années 60, impossible d’entraîner chez les pros avant d’avoir 35 ans. Les règlements sont formels. Justo doit prendre son mal en patience. Il entre pourtant par la grande porte en 1967 : l’équipe de France. Un bref passage en tant que sélectionneur. Deux matchs amicaux et puis s’en va. « Je n’étais pas payé donc c’était facile de me virer ». Les bleus à l’âme, Justo se refait une santé en CFA, sur le banc du club de Luchon. Puis avec la section jeune de Toulouse.
Le PSG, un club « Pop »
Le temps passe. Les cheveux poussent. Nous sommes en 1973. La proposition du PSG arrive enfin. Mais quel PSG ? La scission avec le Paris FC a laissé des traces, et les banlieusards -amateurs- de Saint-Germain sont rétrogradés en National. Une montée en D2 plus tard (après le désistement de Quevilly), Daniel Hechter et « le gang des chemises roses » débarquent dans la capitale. Justo répond présent. « J’ai dit oui tout de suite » se souvient Fontaine. « Ça ne sert à rien d’entraîner si c’est pour refuser le PSG. »
Le fameux triptyque Vicot, Hechter, Fontaine
Le changement de vie est soudain. Presque brutal. Au revoir Toulouse, bonjour Paris. « A l’époque, le PSG était déjà un club pop » confie Arlette, l’énergique et élégante femme de « Monsieur Fontaine » comme elle l’appelle affectueusement. Elle accompagne son mari depuis plus de 50 ans. « Il fallait le suivre, alors j’ai suivi » reconnaît-elle d’une voix posée en rangeant le courrier qui s’accumule sur le joli meuble du salon, entre les trophées de concours de pétanque et les photos-souvenirs en noir et blanc. Jean-Paul Belmondo, Enrico Macias, Henri Salvador… Les titulaires indiscutables d’une vie parisienne passée.
Mesdames Hechter et Fontaine, égéries 70’s
La première saison de Fontaine au PSG se déroule sans accroc. Sa cohabitation sur le banc avec Robert Vicot, en poste depuis un an, également. « Il entraînait seulement un ou deux jours par semaine quand j’étais à Toulouse avec ma femme. Mais dès le mardi, je montais à Paris et c’était moi le chef. Je faisais l’équipe. Les joueurs me respectaient. Il y avait un vrai lien entre nous » confie Just Fontaine. Sa philosophie de jeu ? L’attaque, forcément. « On jouait la ligne, peu importe si l’on prenait des buts, et on en a pris ! Il fallait en marquer plus que l’adversaire pour gagner. C’est simple parfois, le football » ironise celui qui avance comme trophée sa victoire « 5-3 contre Toulouse », sa ville de cœur, dès la 2e journée de championnat.
Bilan à la fin de la saison 73-74 : une réussite. Le PSG termine 2ème derrière le Red Star. La 1ère division lui tend les bras. Mais il faut encore passer par les barrages. Une double confrontation face à l’US Valenciennes. Le match aller dans le Nord se solde par une défaite 2-1 des Parisiens « avec un penalty généreux accordé à Wilczek » ne décolère pas Justo. Pourtant, rien n’est joué. Mardi 4 juin 1974, 20h30. 19 511 supporters remplissent le Parc des Princes pour encourager les Planchard, Leonetti, M’Pelé et Dogliani et leur maillot bleu et rouge flanqué du logo Canada Dry. Ce match retour a le goût d’une finale pour Just Fontaine. « L’ambiance était incroyable, électrique, un bruit assourdissant. » Les Parisiens lancent les hostilités. « On marque rapidement grâce à M’Pelé mais Valenciennes égalise ». Le plus dur reste à faire.
Les mots justes
A la mi-temps, Fontaine trouve les mots justes. « Vous la voulez la 1ère division ? Ou vous préférez continuer à jouer sur un terrain devant quelques centaines d’heureux ? Alors gagnez-moi ce match ! » Voilà pour le discours donné à ses joueurs. Au retour des vestiaires, l’espoir est rapidement douché. Valenciennes marque une seconde fois. Just Fontaine se confie alors à Daniel Hechter, assis à ses côtés sur le banc : « Si on n’égalise pas dans 5 minutes, on est cuit. »
Photo de classe de la 3ème B. Collège Jean-Paul Belmondo. Année 73-74.
Croyez-le ou non, 5 minutes plus tard (l’histoire retiendra officiellement la 54e minute), Jean-Pierre Dogliani entretient la flamme d’un joli pointu, après avoir crocheté deux défenseurs. 2-2. La machine parisienne s’emballe. Marella puis Dogliani à nouveau… Dans une chorégraphie qui n’appartient qu’à lui, l’arbitre Robert Wurtz, le Nijinski du sifflet, agite les bras et indique la fin du match. 4-2, le score ne bougera plus. Le PSG est en 1ère division. Un séisme. La terre tremble sous les pas des dirigeants parisiens qui envahissent la pelouse du Parc.
Just Fontaine, lui, ne fera que quelques foulées avant de s’effondrer, bien avant le rond central, victime d’un malaise. « Un coup de chaud, ça arrive ». Chemise blanche grande ouverte sur sa poitrine, Justo retrouve ses esprits avant d’être porté en triomphe par ses joueurs. L’image est restée célèbre. « Le soir, on a fait la fête comme jamais. Je me souviens que la récompense suprême, c’était un bain bouillonnant dans les vestiaires.» Second coup de chaud. Nettement plus agréable cette fois. « Je suis le premier et le seul entraîneur jusqu’ici à avoir fait monter le PSG en 1ère division et ça, personne ne pourra me l’enlever. Comme mes 13 buts en Coupe du Monde.» Deux records pour un seul homme. « Paris en terre promise » titrera le journal L’Équipe dès le lendemain.
Bien avant le massage cardiaque de M.Pokora sur David Ginola
Il faut maintenant honorer cette promesse. La Division 1 est là. RTL arrive, les ambitions aussi, et les résultats doivent suivre. Si possible rapidement. Justo s’occupe -en partie- du recrutement « Mon plus beau coup ? Avoir fait venir Mustapha Dahleb. Les buteurs, ça me connaît. Il savait déjà marquer avant de signer au PSG (NDLR : Dahleb évoluait à Sedan). Mais je me souviens lui avoir fait une leçon sur les passes croisées. Il s’en servait à chaque fois. » Le buteur algérien termine l’année avec 13 buts au compteur. Un timide satisfecit dans une saison morose.
Cruyff, le coup d’un soir
Seulement 15ème du championnat au terme de l’exercice 74-75, le PSG doit se renforcer à l’intersaison. Quitte à tenter l’impossible, comme faire venir Franz Beckenbauer, alors meilleur défenseur (joueur ?) au monde. « Trop cher » répondra la direction de RTL à Daniel Hechter, qui avait pourtant fait le déplacement jusqu’en Allemagne pour convaincre le Kaiser. Justo est témoin de ce spectacle qui se trame en coulisse. Sans lui. Ironie de l’histoire, Fontaine rencontrera Beckenbauer deux décennies plus tard, quand ce dernier entraînait… l’OM. « J’avais trouvé une arme imparable pour briser la glace : du foie gras. Chaque fois qu’on se voyait, je lui apportais un bocal. Il adorait ça. Du coup, on s’est beaucoup vus et on est devenus amis ! »
Johan Cruyff (à droite), directeur du football au PSG. Bien avant Patrick Kluivert.
Avant de plancher sur la saison -compliquée- qui l’attend, l’été 75 confie un dernier devoir de vacances à Just Fontaine : entraîner Johan Cruyff. Rien que ça. Encore un (joli) coup d’Hechter, qui a convaincu la star du FC Barcelone de porter le maillot du PSG à l’occasion du tournoi amical de Paris. Deux matchs, pas plus. Une victoire 3-1 face au Sporting du Portugal, et une défaite en finale 1-0 face à Valence. « Je ne lui ai pas donné beaucoup de conseils » se rappelle Just Fontaine. « Il savait déjà un peu jouer au football (rires). Un vrai gentleman sur le terrain et en dehors.» La suite sera moins élégante.
Justo devant chez lui, à Toulouse. Au numéro 13, forcément.
La saison 75-76 sonne le glas de Just Fontaine sur le banc du PSG. Débarqué avant la fin de son contrat (il avait re-signé pour 3 ans après la montée), l’ancien canonnier paye les mauvais résultats du club de la capitale, qui n’a pas encore les moyens de rêver en grand. « On m’a beaucoup promis à l’époque… Si on m’avait donné l’argent du Qatar, j’aurais fait aussi bien que Laurent Blanc.» Motif du licenciement invoqué alors par le PSG : Just Fontaine joue aux cartes avec ses joueurs. L’intéressé confirme et détaille le mode d’emploi : « on se servait d’une valise comme d’une table pour jouer au tarot dans le train.» La justice ne lui en tiendra pas rigueur. 40 ans plus tard, Just Fontaine a conservé de son aventure parisienne un peu d’amertume, quelques regrets, mais surtout une sublime maison avec terrasse nichée en plein cœur de Toulouse. Un cadeau qu’il s’est offert avec les indemnités de licenciement gagnées lors du procès fait au PSG. « Préjudice moral ». La morale de l’histoire.
Les photos de l’interview réalisée à Toulouse sont signées Louis Crépeau (from Chateauroux).
Nous tenons à remercier chaleureusement Madame et Monsieur Fontaine pour leur accueil et pour nous avoir ouvert les portes du souvenir. Merci également à Sébastien Parraud pour la mise en relation.
De Brest à Heart Of Midlothian, Il n’a connu que la première division en tant que joueur pro. Mais c’est au PSG qu’il a accompli ses plus grands faits d’armes. Il est une des figures marquantes du PSG sauce 90s. Milieu de terrain infatigable, soldat de la première heure, VINCENT GUERIN nous raconte sa carrière et son après-carrière avec une fraîcheur et un enthousiasme qui ressemblent au joueur qu’il était.
Virage : Tu viens d’où en fait, c’est quoi ton parcours avant le foot ?
Vincent Guerin : Je suis né le 22 novembre 1965 à la clinique du Parc des Princes. Cette clinique a disparu depuis. J’ai vécu 2 ans à Paris puis mes parents ont déménagé à Bry-sur-Marne où j’ai vécu jusqu’à l’âge de 18 ans. Là-bas, j’ai été élève au collège Henri Cahn jusqu’en 3ème. Je n’étais pas un gros travailleur à l’école et plutôt que de redoubler, ce qui ne me plaisait pas, j’ai opté pour un concours de paysagiste dans deux écoles, une à Vincennes et l’autre à Montreuil. Mon père était paysagiste également et j’avais envie de travailler à l’air libre, pas dans un bureau. J’ai été reçu à Montreuil où j’ai passé mon BEP agricole. J’aurais pu continuer en passant un bac technique mais il fallait aller en internat à Orléans. J’ai préféré me mettre sur le marché du travail. Et comme je jouais déjà au foot à Joinville-Le-Pont où j’avais été surclassé en senior, ils m’ont trouvé un boulot à la Mairie pour m’occuper des espaces verts du club omnisports.
Virage : Il n’y avait donc pas de volonté de ta part de débuter une carrière professionnnelle à l’époque ?
V.G. : Non, j’étais très loin du professionnalisme. Je pensais que c’était intouchable et que je n’avais pas le niveau. Même si j’avais été en sélection départementale en catégorie de jeunes, je n’ai jamais été retenu dans la sélection Ile-de-France, sans doute parce que je faisais partie d’un « petit » club. Ceux qui étaient pris venaient surtout des grands clubs de réseaux comme le Racing, le Red Star et le PSG.
45 minutes retour sur mon 103
Virage : À quel moment tu as senti que tu avais du potentiel car finalement tu as commencé ta carrière assez tard ?
V.G. : J’ai effectivement un parcours un peu atypique, il y a peu de cas comme le mien. En fait, j’avais déjà fait un essai au PSG à 17 ans. Ca se passait sur plusieurs journées et à la fin j’étais le dernier à avoir passé tous les tests. J’ai pu jouer avec la troisième division, l’équivalent de la réserve. Je jouais attaquant à l’époque ou N°10. J’ai joué 1h10 et j’ai été bon. Les 20 dernières minutes j’ai souffert physiquement car ça allait très vite, c’était un autre niveau. Après ce match, je pensais être pris par le PSG. L’entraîneur du centre de formation, Camille Choquier, m’a demandé de passer des tests physiques suite à mes 20 dernières minutes difficiles. Je me suis dis que c’était normal vu que je passais de la promotion d’honneur à la D3. Du coup j’ai accepté de faire un stage de 3 semaines au mois d’août au PSG. J’ai donc fait Bry-Sur-Marne – Saint Germain en Laye sur ma mobylette en plein été. 45 minutes aller, 45 minutes retour sur mon 103 en passant par les petites routes. Ca n’a duré que 15 jours…
Virage : Que s’est-il passé ?
V.G. : Un jour j’ai crevé sur la route. Mon père est venu me dépanner en voiture et je suis arrivé à 11h10 à Saint-Germain. Trop tard pour l’entrainement. J’ai attendu la fin et je suis allé voir Camille Choquier qui m’a annoncé qu’il n’y avait plus de place pour moi au centre de formation et qu’en gros je n’avais pas trop le niveau. Mais il me proposait de revenir pendant la saison pour continuer les tests. Là j’ai tout de suite fermé la porte. J’avais pris des jours de congés sur mon boulot pour faire ce stage dans l’idée d’être pris derrière et il ne me restait qu’une semaine de vacances. Pas question de revenir en cours de saison. Je suis donc parti le soir même pour Pornichet-les-Pins pour retrouver mes copains au camping, où je me suis fait d’ailleurs piquer toutes mes affaires le soir même, sale journée…
La frappe du 15 mars 1995
Virage : Malgré cet épisode, avais-tu déjà un attachement pour le PSG étant natif de Paris ?
V.G. : Oui. Au delà du fait que je suis né en face du Parc, un des dirigeants de Bry-sur-Marne m’avait emmené au Parc 2 ou 3 fois. Quand on est enfant, ce sont des images qui marquent : l’ambiance, le stade, les joueurs… même si c’était les débuts.
Virage : Pas d’attachement à d’autres clubs dans ton enfance ?
V.G. : Si, j’aimais aussi Nantes mais surtout Nice. Il y avait Bjekovic, Katalinski, Jouve, Guillou, Baratelli qui est venu à Paris après. Mais Paris ça restait encore anecdotique à cette époque. Bien sur il y avait Saint-Etienne qui était suivi par les media. Je me souviens des matchs contre Split et Kiev après l’école à la télé. Mais j’avais quand même un attachement au PSG parce que c’était là que j’étais né et puis c’est le premier stade dans lequel j’étais allé.
La passion était plus forte que le salaire
Virage : Comment atterris-tu à Brest du coup ?
V.G. : En 1982-83 je continuais à travailler en tant que paysagiste mais j’avais démissionné du club de Joinville. Pourtant le président du club m’avait proposé un petit fixe et un appartement. Mais je ne retrouvais plus de motivation en équipe première. J’ai refusé. Ils m’ont quand même laissé m’entraîner avec eux à la reprise en septembre. En octobre, un certain Michel Milosevic est venu s’entrainer avec nous. Il m’a dit que j’avais des qualités et que je devrais faire des essais, notamment pour Paris. Je lui ai dit « Ecoute Paris, j’ai déjà fait et je ne veux plus en entendre parler ». Alors il m’a dit qu’il connaissait du monde à Brest et qu’il pouvait me faire faire un essai. C’est parti comme ça. Je suis parti à Brest en novembre pour 3 jours. On s’est mis d’accord avec Michel et le directeur sportif de Brest, Milan Radovanovic, qui est devenu mon agent par la suite. A l’issue de ces 3 jours ils m’ont proposé un contrat d’aspirant. J’ai accepté tout de suite. Comme j’étais mineur, mon père est venu avec moi en avion pour signer le contrat, c’était la première fois qu’il le prenait. Le contrat était à 800 francs par mois. Je gagnais 3000 francs à la mairie de Joinville. Mais la passion était plus forte que le salaire.
Virage : Tu jouais à quel poste à Brest ?
V.G. : Numéro 10, parfois attaquant gauche.
La fameuse rade de Brest. En haut de gauche à droite : Bosser, Higuain, Sorin, Eon, Guérin, Daniélou, Caddeo, Roche. En bas de gauche à droite : Le Guen, Pierre, Le Ny, Valleau, Colleter, Le Blanc, Pascal, Yvinec
Virage : Comment c’était ces années brestoises avec Le Guen, Colleter, le père de Gonzalo Higuain, Jorgé…?
V.G. : Super, il y a eu plusieurs tournants. Déjà, après la Coupe du Monde 1986, le club a recruté José Luis Brown, l’argentin qui avait mis le but contre l’Allemagne en finale, et Júlio César, le brésilien qui avait raté son pénalty contre le France. C’était des joueurs majeurs avec un palmarès.On a fait de bonnes saisons avec eux même si Júlio César était bien au dessus de José Luis Brown qui avait un pied gauche moyen et qui était lent.
Virage : Ton premier match avec Brest ?
V.G. : C’était un match amical à Saint-Nazaire contre Angers. Je me souviens que c’était très dur. J’avais l’impression qu’à chaque fois que je touchais le ballon il était déjà reparti tellement ça allait vite. Mais après j’ai eu cette faculté à m’adapter et à gommer progressivement l’écart de niveau que j’avais en arrivant. Saison 84-85, j’ai commencé à jouer un peu plus régulièrement puis je suis devenu titulaire. Enfin j’ai été sélectionné en Equipe de France espoir des moins de 21 ans. C’était une super génération avec Jocelyn Angloma, Alain Roche, Laurent Blanc, Eric Cantona, Franck Sauzée, Stéphane Paille, Christophe Galtier… On est allé au bout de cette compétition qui a duré deux ans et demi et on a été champion d’Europe en 1988. Encore aujourd’hui on est la seule génération à avoir été championne d’Europe des moins de 21 ans. On a été propulsé dans une autre galaxie.
J’avais une vraie envie de revenir
Virage : Du coup tu signes au Matra Racing ?
V.G. : J’ai été contacté par le Matra, le PSG de Borelli et l’AS Monaco. J’étais le jeune qui brillait au milieu en Ligue 1. Brest était en difficulté financière. Le PSG est sorti assez vite de la course, le Matra a proposé un peu plus que Monaco et le Stade Brestois m’a un peu forcé pour signer là-bas alors que j’aurais préféré signer à Monaco dont je trouvais le projet plus solide. La preuve, ils ont été champions la saison suivante… Au Matra, ça s’est très vite mal passé car il y avait trop de joueurs qui venaient d’un peu partout. Il n’y avait pas d’homogénéité ni de solidarité. De plus Artur Jorge qui était l’entraineur a du arrêter sa collaboration car sa femme était atteinte d’un cancer. A partir de là, Jean-Luc Lagardère a décidé dès le mois de décembre de se retirer du club en fin de saison. J’ai décidé de partir une fois le championnat terminé et Montpellier est venu me chercher.
Virage : Comment finis-tu par signer au PSG ?
V.G. : J’arrivais en fin de contrat à Montpellier et le PSG avait un projet plus solide et ambitieux que par le passé. Et puis l’idée de retourner à Paris en étant plus mature… En fait, j’avais une vraie envie de revenir. Ça s’est fait assez rapidement avec Michel Denisot et mon agent. D’autant que c’était Artur Jorge qui entrainait le PSG. Il m’avait recruté au Matra et il me voulait à Paris.
Avec Barthez (chevelu) à terre et Raí contre l’OM
Virage : Comment se passe l’intégration au PSG ?
V.G. : Facilement car je connaissais déjà Paul le Guen et Patrick Colleter de Brest, Alain Roche de l’Equipe de France espoirs, David Ginola du Matra… Je me souviens que l’été avant ma première saison au club, je pars en vacances au club Med’ à Ibiza et je tombe sur Laurent Fournier… C’est là qu’on a fait connaissance pour la première fois.
Virage : Tu dirais que c’était une époque magique ?
V.G. : Bien sûr quand on fait le constat à posteriori, mais quand tu signes tu ne sais pas comment ça va se passer, en bien ou en mal. Il y a un événement qui m’a marqué à ce propos. Quand on joue la finale de Coupe de France en 1990 avec Montpellier contre le Racing Paris 1 (NDLR : ex Matra Racing) j’ai eu une discussion avant le match avec notre gardien Albert Rust qui m’a dit que c’était sa première finale de Coupe à 36 ans. Je me suis dit « si ça se trouve c’est la première et la dernière finale que je vais jouer de ma carrière ». Bon, on a gagné cette finale 2-1 en prolongations etj’en ai gagné 3 autres avec le PSG, plus le reste. Mais en tout cas ça m’a fait prendre conscience des choses.
C’était le bloc de l’Est, la rigueur
Virage : Tu es toujours en contact avec ces joueurs de la génération dorée du PSG ?
V.G. : Bien sûr. Avec Laurent Fournier qui est un ami, avec Alain Roche, Bernard Lama, Raí, Jimmy Algerino… Pas tous car le temps passe, mais on arrive à s’avoir de temps en temps au téléphone.
Virage: Artur Jorge, c’était quel genre d’entraîneur ?
V.G. : Houlaaa… Très austère. Il a eu deux visages mais quand j’étais sous ses ordres c’était le bloc de l’Est, la rigueur. Il avait étudié de l’autre côté du rideau de fer, en RDA, et en gardait cette attitude et cette posture. Quand il est revenu vers 2004, il parait qu’il était complètement différent et beaucoup plus ouvert. Il nous parlait peu mais on se souvenait très bien de ce qu’il nous disait (rires). J’ai une anecdote à ce sujet. Un jour, à l’entraînement, on fait une opposition à 8 contre 8. On ne respectait pas trop les règles du jeu et ça commençait à m’irriter. J’ai commencé à gueuler… Et il m’a dit « Vincent, rappelle- toi d’où tu viens ! ».
Cette équipe : Loko, Guerin, N’Gotty, Raí, Fournier, Le Guen, Djorkaeff, Bravo, Roche, Colleter, Lama
Virage : Des joueurs t’ont marqué plus que d’autres à Paris ?
V.G. : J’ai eu la chance de côtoyer de très grands joueurs à Paris. On peut toujours faire des sélections mais c’est difficile. Par contre ce que je peux te dire c’est que je ne suis pas sûr que les dirigeants de l’époque aient eu conscience de la qualité des joueurs qui étaient présents sur le terrain. George Weah a été Ballon d’Or, certes au Milan AC, mais il l’a gagné grâce au PSG. David Ginola a été élu meilleur joueur en France et en Angleterre ce qui est rare. J’ai été élu meilleur joueur français, Alain Roche aussi. Bernard Lama c’était pour moi le meilleur gardien que j’ai pu connaitre. Ricardo, Valdo c’était des monuments. Valdo surtout m’a permis de progresser. Je suis arrivé à Paris à 26 ans et il m’a beaucoup apporté. C’était un vrai milieu de terrain contemporain capable de courir, de récupérer le ballon, d’être passeur décisif, de marquer des buts… Il avait cette capacité de tenir le ballon et de déstabiliser. Il libérait de l’espace pour les autres… Bref il y avait un effectif incroyable.
La rivalité PSG-OM n’a pas aidé
Virage : Et dans l’effectif actuel du club ?
V.G. : Je crois qu’il y a la même volonté de réussir et le même objectif de talent. Pour réussir à gagner une coupe d’Europe il faut que ton effectif compte à chaque poste un des 5 meilleurs joueurs du monde. Nous on avait ça, et je pense que le PSG d’aujourd’hui est dans cette trajectoire. Prenons l’exemple d’Edison Cavani. En terme d’efficacité, de courage, de témérité, d’opiniâtreté, il est un exemple à suivre pour tout le monde. C’est un garçon dont les jeunes doivent s’inspirer.
Virage : Dans ta carrière il y a un match marquant ?
V.G. : C’est difficile, il y en a eu tellement. Il y en a un en particulier car il a été tragique, c’est France-Bulgarie en 1993. Surtout pour toute une génération car à l’époque les clubs français avaient de bons résultats en Europe. Marseille a fait deux finales de coupe d’Europe, Paris deux, Monaco contre Brême en 1992, Bordeaux en UEFA contre le Bayern en 1996. On avait des joueurs d’une très grande qualité et ça a été un gâchis. Et puis la rivalité PSG-OM n’a pas aidé en sélection, il faut bien le dire.
Raffuté par Penev le 17 novembre 1993
Virage : Par rapport à ta carrière en équipe de France, pas de regret d’avoir raté 1998 ?
VG : Je ne sais pas. Déjà, j’étais peut-être un peu trop vieux et puis il y a eu ces accusations de dopage en 1997 qui ont tout plombé (léger silence). Humainement ça a été très, très dur. Combattre l’injustice c’est ce qu’il y a de plus terrible pour un être humain. Mais je me dis que j’ai eu une chance incroyable de vivre de ma passion. Finalement j’ai presque tout gagné. Coupe d’Europe, Championnat de France, Coupe de la Ligue, Coupe de France, champion d’Europe espoirs, demi-finaliste de l’Euro en 1996, élu meilleur joueur français du championnat et… j’ai eu une sélection avec l’Equipe d’Europe après l’Euro 96. Ça peut paraitre anecdotique mais pour moi c’est quelque chose d’important. J’ai encore l’image de moi dans le vestiaire au stade de la Luz à Lisbonne avec les allemands, les hollandais… Je me disais que gamin j’avais toujours rêvé de ça.
Tu reçois un faisceau de lumière intérieure
Virage : Elle n’existe plus cette sélection ?
V.G. : Non, il y en a eu très peu. J’ai même marqué un but du plat du pied contre la sélection africaine sur une passe de Jürgen Klinsmann. Les Africains avaient gagné 2-1 sur des buts d’Abedi Pelé je crois. Ça reste un souvenir extraordinaire.
Virage : Parlons de ce fameux but contre Barcelone en 1995. Tu te souviens de ce qui a pu te passer par la tête ce soir-là ?
V.G. : Dans ce genre de situation tu es dans un état second, un peu déconnecté. Au début de l’action j’appelle Valdo pour qu’il me donne le ballon et je pars au but. Et puis après… C’est comme pour Antoine (Kombouaré) contre le Real, quand tu mets un but comme ça, dans un stade comme ça, dans une ambiance comme ça, il y a un moment où tu reçois un faisceau de lumière intérieure qui ne t’arrive plus jamais par la suite. C’est une sensation extraordinaire. On vole un peu, on n’a plus l’impression d’être dans son corps.
« Float like a butterfly, sting like a bee »
Virage : Tu quittes le PSG en 1998, pourquoi ?
V.G. : Déjà le procès pour dopage m’a fait beaucoup de mal et j’ai mis ma carrière un peu entre parenthèses, du coup j’ai perdu ma place dans l’équipe. Et puis j’ai voulu quitter la France. J’ai fait des essais en Grande Bretagne et j’ai signé pour une saison à Heart Of Midlothian. Ils ont voulu que je prolonge d’une année mais j’étais fatigué physiquement et psychologiquement car j’étais toujours en procédure de justice. Je suis donc rentré en France où j’ai profité de la vie avec ma famille. J’en ai profité aussi pour faire des stages pour les enfants, de l’encadrement de joueurs japonais à Clairefontaine, j’ai fait différentes choses. J’ai suivi une formation journalistique à l’IPJ en alternance avec Canal+ en 2001. Laurent Fournier a suivi cette formation avec moi. C’était du sur-mesure… On a vécu des trucs marrants avec Laurent. On nous avait demandé d’aller boulevard Haussmann avec une caméra. A cette époque c’était des grosses betacams et il fallait qu’on filme au milieu des gens. On a été reconnus et tout le monde nous demandait ce qu’on foutait là, nous des anciens joueurs du PSG.
C’est difficile de penser à l’après-carrière
Virage : Comment est né ton projet VGS (Vincent Guerin Sport) ?
V.G. : C’est compliqué de trouver sa voie après la fin de ta carrière. Comme je viens de te l’expliquer j’ai fait pas mal de choses après, j’ai même repris une licence en 2003-204 pour jouer une saison au Red Star. J’ai passé mes diplômes d’entraîneur. J’étais intervenant extérieur pour des sociétés qui me demandaient à l’occasion d’intervenir sur des matchs de foot. C’est de là que m’est venue l’idée de créer VGS, même si j’avais déjà monté une société en 1993 afin de facturer mes prestations sur les opérations promotionnelles qu’on me proposait en tant que joueur. En tout cas je trouvais que ça manquait de lien avec les gens lors des événements auxquels je participais. Je me suis alors rapproché du directeur marketing du PSG, Richard Cadudal, qui m’a filé un coup de main en me donnant le fichier client de 25 personnes à contacter pour lancer mon activité. Et là, ça a été la grosse galère car en tant que joueur on a l’habitude que les gens viennent vers vous mais pas l’inverse. Mais j’ai réussi à monter des événements pour la Coupe du Monde 2002 en Corée du Sud au Restaurant le 70 du Parc des Princes. Comme ça a bien marché, j’ai continué.
Virage : Tu t’es senti accompagné dans ces démarches ?
V.G. : Le syndicat des joueurs a une antenne pour t’aider mais le plus compliqué c’est de trouver ta voie quand tu as fait du foot pendant 15 ans. Et puis c’est difficile de penser à l’après-carrière quand tu es encore en activité. La priorité à ce moment là c’est de se concentrer sur ta carrière de joueur. De plus internet n’existait pas encore, les formations se faisaient par alternance. Aujourd’hui il existe des outils qui permettent de se former plus facilement que ce soit sur les langues, la comptabilité…
Vincent et Vikash (période havraise) en formation serrée
Virage : Parlons du Tournoi des Légendes que tu organises avec VGS le 18 mai.
V.G. : Oui, il s’agit de la deuxième édition cette année. L’idée c’est d’organiser un tournoi de football auquel participent des entreprises moyennant un cachet. Chaque entreprise monte une équipe. Des anciens pros viennent renforcer les équipes à chaque match mais ils tournent de match en match afin que les équipes jouent avec différents pros. On a aussi une touche féminine cette année. On aura Candice Prevost, ex-joueuse du PSG, et Coralie Ducher, ex-lyonnaise, qui participeront.
Le tournoi permet également d’aider une association qui me tient particulièrement à coeur. Il s’agit de « Un ballon pour l’insertion ». C’est une association qui aide des personnes en difficulté à se réinsérer dans la vie, à se resociabiliser par le biais du sport et du foot.
Manque de témoins, de relais d’identité
Virage : Pour finir quel est ton regard sur le PSG d’aujourd’hui ?
V.G. : Déjà c’est une chance d’avoir un actionnaire aussi puissant à Paris. Car pendant 8-9 ans on s’est fait chier au Parc des Princes. C’était dormant au niveau du style, des résultats et du plaisir. Aujourd’hui ça a pris une autre dynamique. Mais il y a des carences. Le 6-1 contre Barcelone a mis en avant ces manques. Le club doit mieux se structurer.
Virage : Quels conseils donnerais-tu avec ton expérience ?
V.G. : Il n’y a pas assez d’anciens joueurs. On sent que le club est encore jeune là-dessus. Ça manque de témoins, de relais d’identité. Je crois qu’il n’y a que 2 anciens joueurs qui travaillent pour le club :Thierry Morin en CFA et Pierre Reynaud. C’est pourtant important en terme d’image et de crédibilité, vis à vis des jeunes et des entraîneurs. Ce n’est pas une critique pour critiquer mais pour faire avancer le club. Des gars de ma génération, tout comme les Pancrate, Traoré, Rothen, Giuly, peuvent faire grandir le club.
Avec Youri et la Coupe des vainqueurs de coupe le 8 mai 1996.
Virage : Aujourd’hui quand tu regardes un match du PSG tu arrives encore à porter un regard de supporter ou c’est le professionnel qui prend le dessus ?
V.G. : C’est un peu les deux. Je reste un supporter mais en tant qu’ancien joueur j’ai un avis sur certains aspects sportifs ou sur le recrutement qui a été un échec cette année. Mais je n’oublie pas aussi que j’ai été un joueur. Quand je vois certains consultants, je me demande parfois si ils se souviennent à quel point ils ont été mauvais, voire très mauvais sur le terrain. Même Messi rate des matchs, comme par exemple contre Paris à l’aller cette année.
Virage : Si le PSG t’appelle pour les rejoindre tu serais donc OK ?
V.G. : J’y vais dès demain, c’est une évidence.
Le Trophée des Légendes aura lieu le 18 mai 2017 Plus d’infos en cliquant ici
Qui de mieux placé que Jean-Marc Pilorget pour nous parler du PSG ?
435 matches en Rouge et Bleu, il détient à ce jour, et peut-être pour l’éternité le record de matches disputés avec le Paris Saint-Germain (1975-1989).
Une histoire passionnante le lie à Paris, sa ville natale,
et ce n’est pas pour rien si Pilorget, ça rime avec PSG.
Virage : De vos 435 matches au PSG, lequel vous a procuré le plus d’émotions ?
Jean-Marc Pilorget : La finale de la Coupe de France face à Saint-Etienne en 1982 (15 mai 1982, 2-2, 6 tab 5). C’est le match le plus fou que j’ai jamais joué. Beaucoup d’émotions, et au bout le 1er trophée pour le club, ce qui reste quelque chose de très fort. Cette finale était hors-norme : l’égalisation de Dominique Rocheteau dans les arrêts de jeu, Francis Borelli qui embrasse la pelouse, le public qui envahit le terrain, la dernière de Michel Platini avec les Verts.
Virage : Et c’est vous qui inscrivez le dernier penalty ?
JMP : Oui, même si j’ai failli ne jamais le tirer.
Virage : C’est à dire ?
JMP : Avant la séance de tirs au but, Georges Peyroche, le coach, nous rassemble pour désigner les tireurs. 1er tireur, 2ème tireur…Chaque fois je levais la main, chaque fois il me faisait comme s’il ne me voyait pas, peut-être n’avait-il pas trop confiance je ne sais pas (sourires). Une fois les 5 tireurs passés, je dis : « C’est bon, j’y vais ! ». Et je suis allé tirer le 6ème…
Castaneda en chiale encore
Virage : Aviez-vous la pression ?
JMP : En fait pas trop. Je me sentais « à l’aise » d’une certaine façon car Christian Lopez (ASSE) venait de rater le sien. Donc si je ratais, la séance continuait, j’étais assez zen par rapport à ça. J’avais décidé de l’endroit où j’allais la frapper. Avant même que la balle ne rentre, je sais qu’il y a but car je vois Jean Castaneda prendre ses appuis de l’autre côté. C’est l’explosion de joie dans le stade. Francis Borelli est la 1ère personne à me sauter dans les bras. Il court vers moi, m’embrasse et me dit : « Merci ».
Virage : Que lui répondez-vous ?
JMP : La même chose : « Merci ».
Virage : On imagine que vous avez fêté ce premier trophée ?
JMP : C’est sûr que l’on n’a pas dormi beaucoup. Le club avait organisé la soirée au Pavillon Gabriel près des Champs. Il y avait pas mal de gens du show-biz, des chanteurs, Charles Talar (dirigeant historique du PSG, NDLR) était dans le milieu artistique. Un autre match restera gravé : mon premier en pro avec Paris. C’était à Reims, avec Carlos Bianchi en face… qui plus tard allait devenir mon coéquipier à Paris. Un très grand joueur, j’ai toujours eu beaucoup d’affection pour ce mec. Je l’ai revu l’an dernier au Parc, c’est toujours un vrai plaisir.
Avec Luis, Safet et Dominique
Virage : Vous jouez votre 1er match en pro à 17 ans !
JMP : Nous étions 4 jeunes du club (Thierry Morin, Lionel Justier, François Brisson, Jean-Marc Pilorget, aussi surnommés les « 4 mousquetaires », premiers jeunes formés au club NDLR) à être lancés ce soir-là (Reims-PSG 3-2, 21/12/1975, NDLR). Avant Reims, nous étions partis en stage 2-3 jours à Deauville. Le coach (Just Fontaine), le président (Daniel Hechter) ne voulaient pas nous mettre trop de pression, ils voulaient que cela se fasse naturellement. Et ça s’est fait naturellement.
Je jouais en défense centrale, avec Carlos Bianchi en face (sourires). Physiquement, il n’est pas le plus fatiguant à marquer car il ne fait pas beaucoup d’appels, il ne court pas beaucoup, mais dès qu’il entre dans la surface, il est très, très dangereux.
Ma famille, mes parents étaient venus me voir depuis Chilly-Mazarin (91). C’était une belle soirée.
J’ai joué avec Johan Cruyff au Parc
Virage : Comment votre histoire avec Paris a-t-elle commencé ?
JMP : J’étais en sélection avec les cadets de Paris. Lors d’un match, René Baule, le recruteur du club, le seul, car à l’époque il n’y en avait qu’un (sourires). René Baule m’a demandé si je voulais faire un essai au PSG. Il a appelé mes parents et je suis allé faire un essai de 3 jours à Saint-Germain, ce qui s’est concrétisé par un contrat aspirant.
J’ai ainsi intégré la formation du PSG, mais il n’y avait pas encore de centre de formation. Par exemple, on ne logeait pas au Camp des Loges mais au foyer des immigrés à Achères.
L’été 1975, je débute la saison en 3ème division, puis en D1 quelques mois plus tard. Mieux qu’un centre de formation, c’est ce qu’on appelle une formation sur le tas (sourires).
Virage : Le 17 juin 1975, Johan Cruyff joue avec le PSG lors du Tournoi de Paris. En étiez-vous ?
JMP : Oui. J’ai joué ce jour-là avec Johan Cruyff avec le maillot du PSG. Ce qu’il faut savoir, c’est que j’étais un très grand fan de ce joueur. J’avais 17 ans et j’avais deux idoles : Johan Cruyff et Franz Beckenbauer. Beckenbauer, je n’ai jamais joué avec lui. J’ai eu cette chance de pouvoir jouer avec Johan Cruyff, au Parc (PSG 0-1 Sporting Lisbonne, NDLR).
Je ne lui ai pas spécialement parlé, on s’est serrés la main on a échangé 2-3 mots. J’étais avec des grands yeux de gamin qui regarde son idole.
Johan Cruyff et Jean-Pierre Dogliani lors du Tournoi de Paris
Virage : Quel est votre match le plus triste avec Paris ?
JMP : Mon dernier match au Parc, mon dernier avec Paris en 1989. J’étais en fin de contrat, je savais que c’était le dernier (PSG Metz, 2-2, 31 mai 1989, NDLR). A la fin du match, j’étais un peu amer… Peu de gens savaient que c’était le dernier, moi si. J’étais triste. J’étais bien à Paris, je n’avais pas forcément envie de partir. Débuter ma carrière à Paris, la finir à Paris, aurait été beau. On ne fait pas toujours ce que l’ont veut.
Virage : Que vous a-t-on dit à ce sujet ?
JMP : Tomislav Ivic, le coach, un jour est venu me voir : « Jean Marc, non pas Jean-Marc car il m’appelait Marco. Marco, je vais prendre un défenseur qui est meilleur que toi. Et tu n’es pas un garçon qu’on met sur le banc ».
Virage : Qu’avez-vous répondu ?
JMP : Rien. J’avais compris. Ivic a mis fin à ma carrière au PSG mais c’est quand même quelqu’un pour qui j’ai de l’estime. Je suis parti à Guingamp, où j’ai joué une saison, avant de mettre un terme à ma carrière.
Au PSG je n’ai jamais dit « au revoir »
Virage : Et ce 31 mai 1989 au Parc, le public ne savait pas que c’était votre dernier match ?
JMP : Je ne pense pas. Au PSG je n’ai jamais dit « au revoir ». C’est bizarre. Alors parfois je me dis que c’est peut-être car un jour, j’y reviendrai (sourires).
Virage : Votre match le plus dur sportivement ?
JMP : OM-PSG, 1-0, le 5 mai 1989. On perd le titre à Marseille quand Franck Sauzée marque son but à la 90ème. Cette défaite a été vraiment difficile à encaisser. On finit la saison deuxième à 3 points de Marseille…
Depuis Franck, plus aucun milieu de terrain français ne sait tirer des 30 mètres…
Virage : Pensez-vous que votre record (435 matches) peut être battu ?
JMP : On dit que les records sont faits pour être battus. C’est possible, il ne faut pas l’exclure, si un joueur arrive jeune au club et choisit de lui rester fidèle.
Virage : Ce record, est-ce une fierté ?
JMP : Quelque part, oui. Je suis né à Paris, j’ai vécu à Paris, en banlieue parisienne dans le 91. J’ai joué dans ce club, j’y suis resté un certain temps. C’est une grande fierté, bien sûr.
On jouait devant 5 000 personnes
Virage : Auriez-vous pu quitter le PSG plus tôt ?
JMP : Il y a une seule fois où j’ai vraiment failli partir. C’était en 1986, à Monaco sous la présidence de Campora. Arsène Wenger, alors à Nancy, devait venir et voulait que je signe. Finalement il a rejoint Monaco l’année suivante. Je suis resté à Paris, sans regret.
Virage : Entre 1975 et 1989, vous avez vu évoluer le Parc. Comment c’était en 1975 ?
JMP : On jouait devant 5 000 personnes, le stade était donc… assez vide. Et calme. Il y avait du béton partout, l’ambiance était glaciale. En 1989, il y avait beaucoup plus de monde au Parc qu’en 1975 ! Les Kops commençaient à se structurer, l’ambiance allait crescendo. J’adore le Parc, c’est un stade magnifique, un vrai stade de football. Son évolution est remarquable.
Daniel Bernard plonge sous le regard inquiet de Jean-Marc Pilorget et de François Brisson
Virage : Quand le Parc a-t-il véritablement commencé à se remplir ?
JMP : Cela a commencé petit à petit avec les grandes affiches, quand les grosses équipes venaient au Parc. Donc au début quand les gens venaient, c’était surtout par rapport à l’affiche. Mais attention, il y a toujours eu des fidèles qui sont là depuis le début. Parfois quand je viens au Parc, en tribunes, je croise des gens qui m’ont vu débuter au Parc, ça fait chaud au coeur. Ce sont des passionnés, de grands supporters.
Virage : Vous avez porté les tout premiers maillots du PSG, dessinés par votre président Daniel Hechter.
JMP : Oui ceux-là, avec le flocage RTL, ils sont collectors. Tous ceux que j’ai portés, je les trouve beaux.
Virage : En avez-vous gardé ?
JMP : Peut-être deux ou trois, ils sont rangés dans un tiroir. Je ne suis pas du tout nostalgique des maillots ou photos. Mes plus beaux souvenirs, je les garde dans le cœur et dans la tête.
Un président au grand cœur
Virage : Vous avez eu deux présidents : Daniel Hechter (1974-1978) et Francis Borelli (1978-1991), comment étaient-ils ?
JMP : Daniel Hechter, je ne l’ai pas connu très longtemps. J’étais tout jeune joueur, et jeune, on n’a pas la même approche, on ne cherche pas à connaître forcément les gens. Mais j’ai le souvenir de quelqu’un de timide, gentil et attentionné.
Virage : Et Francis Borelli ?
JMP : Un président au grand cœur. Incontrôlable par moments, il faisait ce qu’il avait envie de faire. Un passionné, qui aimait le foot, aimant ses joueurs, fidèle à ses joueurs. J’ai eu beaucoup de plaisir, beaucoup de respect à travailler avec lui. Et c’est quelqu’un qui connaissait le football.
Le président Borelli ne lâchait jamais la recette
Virage : Votre premier coach au PSG, c’est Just Fontaine ?
JMP : Oui, là aussi j’ai un grand souvenir : quand je signe mon premier contrat. Justo était là. Moi j’étais encore mineur, mes parents étaient avec moi dans le bureau et j’ai encore en tête le regard de mon père vers Justo, admiratif. Le Stade de Reims, la Coupe du Monde 1958…
Virage : Vous auriez dû participer à l’Euro 84 en France, sauf qu’un grave accident de la route vous en a privé ?
JMP : Tout se passait bien, j’étais pré-selectionné, et j’aurais dû le jouer, oui je pense. Le 18 décembre 1983, au petit matin, j’ai cet accident de voiture avec ma fille à l’arrière qui par chance s’en est mieux tirée que moi.
Fracture du col du fémur, entre autres choses, je reste 18 mois sans jouer. Après l’accident, il y a un moment très marquant, décisif pour moi, c’est quand mes parents viennent me voir à l’hôpital, qu’ils demandent au médecin : « Il y en a pour longtemps ? Quand est-ce qu’il pourra rejouer au foot ? ». Et là le médecin répond : « On espère déjà qu’il remarchera ». Je crois que je n’étais pas censé entendre ça. Mais ça a été une motivation exceptionnelle pour moi. Quand on est sportif, que l’on se retrouve dans un lit, c’est très compliqué. Ces paroles ont été une source de motivation énorme, un dopant.
Ce titre pour moi, c’est plus qu’un titre
Virage : Comment avez-vous vécu la convalescence ?
JMP : Je suis resté deux mois à l’hôpital, puis ce fut étape par étape, petite victoire par petite victoire. Je ne voulais pas brûler les étapes. J’avais l’impression de bien connaître mon corps, et de gérer ma convalescence, avec une rééducation sans trop de rechute.
Virage : Comment a réagi le club suite à l’accident ?
JMP : C’était pendant les vacances d’hiver, Francis Borelli était sur le point de partir au Brésil, il a annulé ses vacances, il a fait venir un avion à Salon de Provence pour me rapatrier à Paris. Un beau geste.
18 mois hors des terrains, c’est long très long. Je ne me suis jamais senti abandonné. Mais j’étais avant tout concentré sur ma rééducation, seul avec mon « combat ». Première étape : remarcher. Deuxième étape : courir à nouveau. Troisième étape : taper dans le ballon. Quatrième étape : rejouer au football.
A la relance…
Virage : En 1985-1986, vous êtes de retour, et titulaire ?
JMP : L’été 1985, j’ai quand même eu un grand coup de pouce de la part de Gérard Houillier qui arrivait au club. Je me rappelle exactement es premiers mots : « Je vais t’aider, je te fais confiance, tu vas attaquer la saison ». Cela m’a beaucoup touché, encore aujourd’hui je lui dis sincèrement : « Merci Gérard ».
Au final, j’ai joué tous les matches cette saison-là, on termine champions, pour la première fois. Quand on vous dit que vous n’allez peut-être jamais remarcher… Ce titre pour moi, c’est plus qu’un titre. J’étais heureux et fier d’avoir pu trouver la force mentale pour revenir.
Virage : Sans cette longue convalescence, vous auriez probablement franchi la barre des 500 matches avec Paris ?
JMP : Oui, c’était quelque chose de possible je crois.
Virage : Y avait-il déjà une rivalité PSG-OM ?
JMP : Oui. C’était bien chaud… C’était bien, mais c’était chaud ! Le dernier match de Daniel Hechter au Parc comme président (08/01/1978) m’a marqué. On gagne 5-1 face à Marseille, leader à l’époque. Le public scandait le nom de Daniel Hechter, sur le point d’être suspendu par la Fédération (affaire de la double billetterie, NDLR).
Virage : En 14 ans, vous avez côtoyé plusieurs générations de joueurs. Lesquels vous ont le plus marqué ?
JMP : Je dirais Jean-Pierre Dogliani (1973-1976), Mustapha Dahleb (1974-1984), Safet Sušić (1982-1991) : trois mecs hors normes, des grands joueurs mais aussi des grands hommes, des supers mecs. Après dans un registre différent, un coéquipier comme Dominique Bathenay, c’était un grand bonhomme. Je pense aussi à Osvaldo Ardiles, champion du monde avec l’Argentin en 1978, des mecs comme ça, c’est précieux dans une équipe. Toko également fait partie de ces joueurs qui ont marqué le club.
Legends
Virage : Avez-vous toujours des contacts avec le club ?
JMP : Ils ont eu la gentillesse de m’inviter en Coupe d’Europe cette saison (Ludugorets-PSG, 2-2, 06/12/2016. JM Pilorget avait disputé le premier match du PSG en Coupe d’Europe en 1982, Lokomotiv Sofia 1-0 PSG, NDLR). J’ai fait le déplacement avec eux, j’ai trouvé ça sympa. Je pense qu’il faut qu’ils continuent à ne pas oublier les anciens. A un moment, le club avait fait machine arrière vis-à-vis des anciens, ils se sont rendus compte que ce n’était peut-être pas la meilleure idée.
Virage : En septembre 2016, vous étiez au Parc pour le 1000ème match du PSG. Est-ce la première fois que vous refouliez la pelouse de votre « jardin » ?
JMP : Presque. J’étais revenu une fois quand j’entraînais le Paris FC, on avait fait une photo avec Antoine Kombouaré.
Virage : Quelles ont été vos sensations ?
JMP : Quand je foule cette pelouse, je ressens la même chose que quand on est joueur. Les gens au Parc aujourd’hui, dans la grande majorité, ne me connaissent pas. Ils connaissent davantage la génération 1990, 2000… mais moi, pas forcément. Je le comprends. Il faut juste être un peu réaliste. Je n’attends pas d’aller sur la pelouse pour qu’on m’applaudisse. Si je vais au Parc, je préfère si un supporter vient me voir en disant qu’il m’a vu jouer, qu’il se rappelle de moi. Ça, ça me fait plaisir. Je préfère les rapports humains.
Ce maillot…
Virage : Quels joueurs vous plaisent dans l’effectif actuel ?
JMP : Je dirais Maxwell car il n’est jamais mauvais, il fait toujours ses matches. Il est discret, répond toujours présent et son palmarès est incroyable. Je l’ai croisé quand je suis allé en Bulgarie. Thiago Motta aussi, complètement différent mais j’aime bien ce genre de bonhomme.
Virage : En 2014, vous atteignez les ¼ de finale de Coupe de France avec Cannes (CFA), après avoir éliminé Saint-Etienne aux tirs au but, décidément…
JMP : Oui, un petit clin d’œil symbolique du destin (sourires). Et au final, on est battus par Guingamp (0-2), où j’ai joué une saison (1989-1990) après Paris… On avait réussi à éliminer Montpellier, Saint-Etienne, ce sont de beaux souvenirs.
On reste costaud en tant qu’homme
Virage : Où en êtes-vous depuis ?
JMP : Après Cannes, j’ai entraîné Fréjus Saint-Raphaël et là je suis à la recherche d’un club. Je vais voir des matches, j’ai toujours cette passion. J’ai envie de m’investir dans un nouveau challenge. On sait qu’en football, tout peut aller très vite.
Toujours la rage
Virage : Vous avez arrêté votre carrière de joueur tôt, à 31 ans. Pour devenir entraineur ?
JMP : J’ai toujours été plus passionné par m’occuper des autres plutôt que d’être joueur de foot. Après Paris, j’ai joué à Guingamp, puis oui, j’ai arrêté ma carrière pour devenir entraîneur.
J’ai pris tout ce que je pensais de bon des coaches que j’ai eus et j’ai gommé tout ce à quoi je n’adhérais pas. Après bien sûr, j’ai ma patte. Et puis dans ma carrière de coach, il y a un avant et un après la perte de ma fille. Je suis un homme différent et un entraineur différent, plein de choses ont changé. Mais on reste costaud en tant qu’homme, en tant qu’entraîneur.
Virage : Votre fille Julie (25 ans) est décédée en janvier 2011 alors qu’elle était en vacances en Thaïlande…
JMP : Oui, un cauchemar. Cela a été des moments terribles. Six ans après, on ne sait toujours pas de quoi Julie est morte. Elle était partie en vacances, elle est revenue dans un cercueil. L’autopsie, pratiquée sur place, n’a pas expliqué son décès. C’est très dur à vivre.
Virage : A l’époque, vous avez contacté les autorités et même Nicolas Sarkozy pour avoir des réponses au flou qui entoure ce drame. Sans suite ?
JMP : J’ai eu à un moment besoin d’aide, pour ma famille, pour moi et il n’y a eu personne. Et quand je vous dis personne, c’est vraiment personne. Cela a été une grande déception, encore plus grande pour mon autre fille Marina. Elle avait mis tout ce qu’elle avait pour faire une pétition, 5 000 signatures, et l‘envoyer à Nicolas Sarkozy. En retour, nous avons eu un silence radio, au mieux des lettres bateaux. J’ai aussi écrit à Alain Juppé (alors ministre des affaires étrangères, NDLR), Xavier Bertrand (alors ministre de la santé, NDLR). Et rien. Peut-être avaient-ils des enjeux avec la Thaïlande, qui passent avant la mort suspecte d’une gamine de 25 ans ? Nous, on a cru que leur priorité c’était de s’occuper des citoyens… Les politiques n’en n’ont rien à faire tout simplement.
On a aussi appelé les journalistes TV, pour les sensibiliser sur ces disparitions, sachant qu’entre 2009 et 2012, plusieurs disparitions suspectes, 30 à 40, ont eu lieu en Thaïlande. Et rien. L’indifférence.. Vous ne pouvez pas savoir comme cela peut faire mal.
Il a été lancé par Aimé Jacquet à Nancy quand il avait 17 ans. A 24 ans, direction le PSG, ses champions du monde Raí, Leonardo, et des coéquipiers quasiment tous internationaux. Eric Rabésandratana a d’abord dû gagner sa place, puis ne l’a plus vraiment quittée, jusqu’à se voir confier le brassard de capitaine. 1997-2001 : « Rabé » au Paris Saint-Germain : une histoire sincère pour un joueur qui ne l’est pas moins.
Virage : Eric, quand apprenez-vous que Paris vous convoite ?
Eric Rabésandratana : Le tout premier contact, je dirais que c’est en novembre 1996, via Jean-Michel Moutier (directeur sportif du PSG, NDLR) que je connaissais de Nancy. En décembre, on va gagner au Parc (1-2). Je vois Ricardo après le match, cela a été assez succinct mais j’ai compris qu’il souhaitait ma venue.
Virage : Et vous signez sans hésiter ?
E.R. : Totalement. En fait 2 clubs m’ont appelé : Paris et Marseille. D’un côté j’avais le discours de Jean-Michel Moutier, de l’autre celui de Marcel Dib. J’étais plus réceptif à celui de Paris. Mon choix a été direct, limpide : le PSG. Je suis Parisien, né à Epinay-sur-Seine (93)…
Titi parisien, avec un shlass dans la poche comme un Tunisien…
Virage : Vous avez 24 ans et rejoignez une équipe de « stars », un choix non sans risque ?
E.R. : C’est la question que tout le monde me posait: « Eric, tu vas jouer où ? ». Avec l’effectif de ces années-là, les « années Denisot », les gens s’inquiétaient. Moi, au fond de moi, je savais qu’il fallait être patient, mais aussi que ça se passerait bien.
Quand j’ai signé, il y avait une blague qui disait qu’on allait voir arriver des grands noms au PSG, c’est ce qu’avait dit le président (Michel Denisot), et effectivement, Rabésandratana était un grand nom… 14 lettres ! (rires). C’était drôle.
PSG-Bucarest, je n’ai pas les mots
Virage : A peine arrivé, vous vivez un match historique au Parc : PSG-Bucarest 5-0 (27 août 1997) !
E.R. : Cette soirée a été extraordinaire. Il n’y a pas de mots. J’étais remplaçant. Je devais rentrer à la toute dernière minute, dans les arrêts de jeu, pour faire gagner du temps. J’étais au bord du terrain, prêt à rentrer, quand l’arbitre siffle la fin du match. OK, ce sera pour une prochaine fois (sourire). Le scénario, l’ambiance, le vestiaire… Dans le vestiaire avant le match, c’est difficile à expliquer mais tu sentais qu’on allait le faire. Les mecs étaient prêts à réaliser l’exploit. Ça se sentait. Paris était plus fort sur le papier, restait plus qu’à le prouver. Dans la tête, psychologiquement on était prêts. Ensuite, ce fut le scénario idéal. Le Parc c’était quelque chose. En Coupe d’Europe j’ai connu les ambiances les plus extraordinaires de ma vie : PSG-Bucarest, PSG-Rosenborg 7-2 (2000). Je me souviens aussi du 2-1 face à Marseille en 1999, Bruno Rodrigues qui marque à la dernière minute (88e), après Marco Simone (84e). Très grosse ambiance.
Virage : Un autre match « marquant », d’abord pour vous : votre premier PSG-OM, le penalty de Ravanelli…
E.R. : Chaque année, les journalistes m’appellent pour PSG-OM, chaque année, on me pose la même question, et chaque année jedis la même chose : je n’ai pas fait faute. Cela me fait sourire car chaque fois, je ne dis rien de plus que ce que j’ai déjà dit l’année d’avant. Cela n’empêche pas que l’année d’après, on me pose la même question, faute ou pas faute (sourire). Pareil quand Ravanelli venait au Parc avec Ajaccio, on m’appelait. Lui dit pareil depuis 20 ans, moi aussi.
Le clin d’oeil de l’arbitre à Ravanelli
Virage : Que s’est-il exactement passé ?
E.R. : Quand l’arbitre a sifflé, j’ai ressenti une grande frustration, une injustice car je me suis arrêté exprès, j’ai levé les bras pour montrer qu’il n’y a pas faute. Je savais exactement ce qu’il allait faire, donc j’ai stoppé ma course. Ce que je me reproche, c’est au début de l’action, je me fais avoir sur le dribble. J’ai anticipé le fait qu’il allait se mettre sur son pied droit, il est parti avec le gauche. C’est là où ça se joue. Je ne le touche pas, il m’effleure tout au mieux. Il se fait un croche pied tout seul. Et quand je suis rentré au vestiaire, déjà bien énervé, j’ai vu l’arbitre faire un clin d’œil à Ravanelli.
Autre chose aussi m’a énervé : Canal n’arrêtait pas de repasser les images en boucle, dans tous les sens. Ils faisaient intervenir plein de gens. Moi en revanche, ils ne m’ont jamais appelé. Pourquoi ? Peut-être pour faire plus de buzz.
Le bon, la brute et le truand
Virage : Tout ce bruit, la polémique, peu après votre arrivée au PSG : comment l’avez-vous vécu ?
E.R. : Compliqué… Mes coéquipiers ne m’en ont pas voulu, ils savaient qu’il n’y avait pas faute. Mais bon c’était plus autour, c’était chiant après, pesant. Non seulement c’était mon premier Classico, en plus tu le perds, sur un penalty imaginaire. Avec l’abattage médiatique, tu te retrouves presque comme un criminel.
J’aurais aimé marquer plus
Virage : Vous marquiez souvent de la tête, la première fois en Ligue des Champions à Göteborg ?
E.R. : Souvent, c’est beaucoup dire (sourire). Là j’avais mis cette tête sur un centre de Franck Gava (0-1). J’aurais aimé marquer plus avec Paris (134 matches, 9 buts), comme à Nancy où je jouais plus offensif, milieu de terrain (meilleur buteur du club en 1995-1996, 16 buts, NDLR). Le PSG m’avait recruté pour jouer en défense.
Virage : Vous avez aussi marqué face à Nancy (2000), un but à la 95èmeau Parc !
E.R. : Oui… D’ailleurs à Nancy, on m’en a un peu voulu, certains m’ont « accusé » d’avoir fait descendre le club, alors qu’on était en février. Il restait plusieurs journées après.
B-Real et son tube « I Wanna Get High, So High… »
Virage : Au début, des joueurs vous ont-il pris sous leur aile ?
E.R. : Je me suis bien entendu avec Laurent Fournier, je connaissais Franck Gava de Nancy, mais j’étais bien avec tout le monde. C’est facile de s’intégrer au milieu de joueurs de cette qualité, footballistique et humaine. A l’entraînement, ça jouait à 1 ou 2 touches de balle, il faut se mettre au diapason tout de suite. A Paris, rien que les entrainements te suffisent à progresser. Mais bon, au début le plus dur a été vraiment la patience avant de jouer. Un truc « horrible » hyper frustrant, c’était les lendemains de matches : pendant que les titulaires vont faire un footing de décrassage dans la forêt de Saint-Germain, toi tu t’entraînes dur à côté. Là, c’est une grosse frustration. Joël Bats m’encourageait à ne pas lâcher. Ce que j’ai fait.
La solution avec 3 défenseurs derrière
Virage : Votre première titularisation arrive le 25 octobre 1997, au Parc, face à Lens (2-0) ?
E.R. : J’ai « bénéficié » de la suspension de Paul Le Guen (après un tacle sur Charles-Edouard Coridon, fracture du péroné, NDLR). Petite pression en amont mais après ça allait. Je l’ai plutôt bien vécu, concentré sur ce que j’avais à faire. J’étais prêt.
Virage : Vous restez ensuite dans le onze ?
E.R. : Oui Ricardo avait trouvé la solution avec 3 défenseurs derrière : Roche, Le Guen et moi. Cela n’a pas trop mal marché avec notamment le doublé Coupe de la Ligue/Coupe de France en fin de saison.
Y a pas que la tête, y a la technique aussi
Virage : Au Stade de France face à Bordeaux (Coupe de la Ligue), séance de tirs au but : vous tirez le premier ?
E.R. : On me demande si je veux tirer, je dis oui je veux bien mais je tire le premier. A Nancy, c’était moi qui tirait les penalties donc je pense que cela m’a aidé. J’avais l’habitude mais là, en finale,j’avais quand même de la pression.
Virage : Que se passe-t-il alors dans votre tête ?
E.R. : Je pars du rond central, et le seul truc qui m’importe : me conditionner. Le meilleur des conditionnements, en tout cas pour moi, c’est choisir un côté et t’y tenir. Ce soir-là, je la mets à droite en l’air. Je l’ai mise exactement là où je voulais la mettre. Ces 2 trophées (Coupe de la Ligue, Coupe de France) sont les 2 premiers de ma carrière. Gagner avec Paris, c’est magique et en plus j’étais titulaire les 2 finales. C’était une grande satisfaction.
Face à Gueugnon, j’ai vraiment eu honte
Virage : En revanche face à Gueugnon en 2000…
E.R. : C’est la première fois de ma vie où j’ai eu honte sur un terrain de foot (défaite 2-0 en finale de la Coupe de la Ligue). Si tu as une conscience, ce n’est pas possible, tu ne ressors pas indemne de ce match. J’ai vraiment eu honte.
Virage : En 1999-2000, vous êtes le seul Parisien à figurer dans l’équipe type de Ligue 1. La saison suivante, vous devenez capitaine du PSG, une surprise pour vous ?
E.R. : Une fierté. A la fin du stage de préparation à Orléans (2000), Philippe Bergeroo m’en parle. C’était un peu dans la continuité. une récompense peut-être aussi par rapport à l’état d’esprit. Je n’ai jamais triché. Parfois tu peux être mauvais, mais dans la disposition, j’ai toujours tout donné. Avec Paris, j’ai connu une certaine progression, c’est allé crescendo. Du premier au dernier jour, j’ai été dans le même état d’esprit, ne jamais rien lâcher, tout donner pour un club que j’aime. Quelque part, c’est une fierté d’être arrivé dans une grande équipe d’Europe, et progressivement d’y avoir fait ma place.
Capitaine Caverne !
Virage : Jusqu’au retour de Luis Fernandez…
E.R. : Luis est arrivé après Sedan-PSG (5-1), le 2 décembre. 3 jours après, on joue à Galatasaray, on perd 1-0. Je suis titulaire et toujours capitaine. On enchaîne direct avec un déplacement à Bastia. Lors de la mise en place, il me donne le dossard de remplaçant. Sans un mot. Le lendemain, je suis sur le banc, Déhu est capitaine. Je n’ai eu aucune explication, rien. Quand Luis est arrivé, ça a été le début de la fin pour moi. Je n’ai jamais eu d’explication. Je suis allé 3 fois dans son bureau pour lui poser la question, à chaque fois rien, c’était un mur avec moi. Peut-être qu’il ne m’aimait pas, que mon personnage le dérangeait. Je ne sais pas, peut-être qu’il m’a assimilé à un mec de Bergeroo, peut-être qu’il me trouvait mauvais. Je ne sais pas, mais qu’il me le dise tout simplement. Le fond du problème, ce n’était pas qu’il ne me fasse pas jouer, c’était de savoir pourquoi, et ce sur quoi je devais travailler. L’été 2001, il m’a donné une date de reprise 4 jours après le groupe… Il y a prescription maintenant mais moi je ne suis pas un faux cul, je n’oublie pas.
Virage : Du coup, vous quittez Paris à l’été 2001 ?
E.R. : Pas le choix. Je pars frustré, à contre cœur. Un gâchis car il me restait un an de contrat. Je devais rester 5 ans à Paris, je n’en n’ai fait que 4. Moi, je ne serais jamais parti, si j’avais pu rester 10 ans, je serais resté 10 ans.
Un cauchemar qui m’a beaucoup marqué
Virage : Direction l’AEK Athènes ?
E.R. : J’avais envie d’une expérience à l’étranger. J’ai pris la première qui s’est présentée à moi, j’ai joué la sécurité. Une connerie. J’aurais dû attendre les autres options. Surtout quand on sait comment cela s’est passé à l’AEK Athènes…
Virage : Racontez-nous ?
E.R. : Une galère sans nom. Déjà je vous raconte comment j’ai signé. J’étais dans des bureaux, à Paris, avec l’agent et les dirigeants de l’AEK. L’agent, c’est Milan Calasan, et pendant que je suis en train de signer, il reçoit un appel des Glasgow Rangers, il sort du bureau, m’appelle et me dit de déchirer le contrat : « les Glasgow Rangers te veulent ». Moi c’est clair que j’aurais préféré les Rangers, il me dit : « arrache la feuille », par téléphone interposé. Moi : « tu es marrant mais je viens de signer ». Bref, j’arrive à Athènes, où j’ai signé 4 ans. C’était Fernando Santos le coach (champion d’Europe 2016 avec le Portugal, NDLR), un super mec, avec lui tout s’est toujours bien passé. Tôt dans la saison, je me blesse (déchirure aux abdos). A partir de là, le cauchemar commence. Le président, un mafieux, plusieurs fois condamné, me dit : « Quand est-ce que tu rejoues ? Si c’est comme ça, on va revoir les termes de ton contrat ». Ça commence comme ça…
Rabé chez les Grecques
Virage : Ensuite ?
E.R. : D’abord, je n’ai plus le droit de jouer les matches, juste de m’entraîner. Santos était complètement désolé pour moi. A partir de janvier 2002, je n’ai ni le droit de jouer ni le droit de m’entraîner. Le président me l’interdit… Je ne suis plus payé. Je ne m’entraîne pas, mais je vais pointer tous les matins au centre d’entraînement. Je signe la feuille de présence et donc je repars. Un matin, je pars signer la feuille, je rentre chez moi et là je n’arrive pas à ouvrir ma porte. Les clefs ne rentrent plus. Le président avait changé les serrures pour me faire partir… J’étais enfermé dehors. J’appelle un serrurier. Un peu plus tard, le président me convoque : « Il faut que tu t’en ailles, que tu rendes les clefs », il insulte ma femme. La discussion tourne court. Je rentre chez moi et là, serrures à nouveaux changées… il les avait faites changer pendant notre rendez-vous ! C’était un fou. Je pars porter plainte au commissariat, bien sûr j’appelle le serrurier, je récupère tout à la maison et avec ma femme on prend le premier avion pour la France à 5h45. Cette expérience m’a beaucoup marqué. J’avais signé 3 ans et au final, malgré les procédures j’ai été payé… 3 mois de salaire. Je suis passé par les lois grecques avant la FIFA, c’est le processus.
Bosser avec Buno Salomon, France Bleu, c’est que du bonheur !
Virage : Vous rebondissez à Châteauroux, avec Michel Denisot président et Jimmy Algérino, votre ancien coéquipier au PSG ?
E.R. : Oui c’est cela (2002-2004), et puis ensuite la Belgique, 3 saisons à Mons. Une expérience mitigée… A un moment, je suis arrivé vraiment à saturation du foot, beaucoup de galères. Du coup j’ai arrêté ma carrière, sans que cela soit planifié. J’ai arrêté car je saturais.
L’Algérino avec le sourire
Virage : Du coup comment s’est passée votre reconversion, que faites-vous aujourd’hui ?
E.R. : La reconversion a été un peu compliquée parce que j’étais partagé entre m’éloigner du foot ou y rester et accepter la mentalité. Finalement La radio s’est présentée à moi quand je suis revenu vivre à Nancy. Je commentais les matches avec aux commandes Laurent Pilloni qui m’a beaucoup aidé. La radio, c’était un bon compromis et j’y prends beaucoup de plaisir. Et puis depuis le début de l’année, France Bleu Paris m’a sollicité par l’intermédiaire de Bruno Salomon avec qui j’avais déjà fait quelques matches dans le passé pour commenter le PSG et j’ai tout de suite accepté. Bosser avec Bruno et Ségolène Alunni qui est en studio pendant les matches, c’est que du bonheur. Maintenant pour l’instant à la radio je n’ai pas de contrat à l’année donc je suis toujours à la recherche de quelque chose de supplémentaire qui me permettrait d’avoir un vrai salaire.
Pour les impôts, il s’appelle Benjamin Chulvanij.
Mais ses amis, ses collègues, ses partenaires, voire ses ennemis, le surnomment Dama. Ce sobriquet vient de Dharmanoun, son nom thaïlandais, qui signifie constitution. Dama donc. Presque Lama. En 2017, il dirige le label Def Jam Recordings pour la France, entre autres choses… Ses fonctions au sein de la major Universal sont étendues et il ne compte pas ses heures. Pas un problème pour ce stakhanoviste qui n’a jamais caché ses sympathies libérales. Quand d’autres comptent leurs points retraite et rêvent d’une fin de vie en Charente Maritime, lui gère la carrière de dizaines d’artistes et navigue, jamais à vue, entre Paris, Los Angeles, Las Vegas, Bangkok et le Brésil, pays d’origine de sa charmante épouse.
Il est grand, a les traits asiatiques donc, une casquette souvent vissée sur son crâne, il est impitoyable pour ses détracteurs, irrésistible pour ceux qui l’apprécient, Dama aime le PSG, le Parc des Princes et les grands soirs. Le football ? Pas son problème. Il laisse ça aux autres. Lui, son truc, c’est l’appartenance. Son truc, c’est Paname. Pour la vie. Et quand Dama raconte sa passion pour un club qui lui ressemble, il ne mâche pas ses mots et honore la mauvaise foi avec une jubilation contagieuse. Un sourire en coin fédérateur.
Virage : Pourquoi es-tu supporter du PSG ?
Benjamin Chulvanij: Je suis né en 1970 comme ce grand club. Déjà ça c’est un beau truc. Je suis né dans le 15ème à Boucicaut et Paris est dans mon coeur depuis le début les mecs.
Virage : Premier match ?
Benjamin Chulvanij : C’était en 1982 pour un PSG- Auxerre. A l’époque mon grand père était arbitre de foot en régionale et il my a emmené. Ensuite j’y suis allé avec mes potes de collège en 1985, 86, 87. On allait en Virage Boulogne parce que c’est là que c’était le moins cher et puis ça chantait mais on était des gamins, on ne se posait pas la question de ce que représentait ce Virage.
Virage : Tu t’es vite intéressé au foot ?
Benjamin Chulvanij : Oui c’est culturel chez moi. Déjà avec mon grand père. On matait les matchs de l’équipe de France, j’allais voir jouer les mecs de St-Lubin-des-Joncherets où habitait ma grand-mère… Mon grand père était fan de Maxime Bossis. Mon oncle était gardien. J’ai joué au PF5, un club du 5ème. On avait le même maillot que Nice avant Nice.
Virage : Tu jouais à quel poste ?
Benjamin Chulvanij : Attaquant. J’étais nul mais je courais très vite. Tu me donnais la balle, je fonçais, j’arrivais devant les buts et je ne marquais jamais. Un jour j’ai mis un but mais sans le faire exprès. J’étais un Lucas quoi.
100% de tirs cadrés
Virage : Est-ce que tu étais aussi un Zlatan, un mec qui insulte quand on ne lui fait pas la passe ?
Benjamin Chulvanij: Non pas tout, j’étais un gentil garçon. Innocent. Comme le fait d’aller en tribune Boulogne sans savoir ce que c’était Boulogne. On était content d’aller au stade parce que ça gueulait mais après on a vite changé car on a compris qu’il y avait trop de bagarres. Là on a bougé en K Bleu Bas. En Boulogne, surtout en bas, c’était plus possible. Je me souviens d’une fois où les mecs insultaient Bernard Lama. Putain c’était notre gardien. Il pouvait être noir, jaune, violet, on s’en bat les couilles, c’était notre gardien !
Virage : Tu étais déjà abonné à l’époque ?
Benjamin Chulvanij : Non car ma mère bossait à la mairie de Paris. Donc elle avait des places à 10 francs, tu vois. Je prenais les places et je les revendais à mes 2 potes. On allait au Parc tous les 3, on achetait des bières, on se bourrait la gueule, on tapait sur les panneaux ! Ouais, on pouvait boire au Parc à cette époque ! C’était ça pour moi le foot. Un exutoire.
Je n’aime pas le foot les mecs,
je n’aime que le Paris-Saint-Germain
Virage : Tu t’abonnes à partir de quand ?
Benjamin Chulvanij : Dans le milieu des années 90. Je m’abonne avec des potes du taf et j’ai pris aussi un abonnement pour mon fils. C’était important que mon fils puisse avoir l’héritage PSG. Même si à la fin il ne voulait plus y aller car il y avait trop de bagarres. Il flippait. C’est d’ailleurs pour ça que je comprends ce qu’a fait Leproux. Le plan Leproux a été nécessaire. En plus, Leproux c’est un pote, c’est un mec brillant. Bref, quand on perdait des matchs, et on en perdait à l’époque des Madar ou Rabésandratana, je voyais des expressions de panique sur le visage de mon fils. Il me suppliait « Papa on s’en va, papa on s’en va ! ». Pour moi ce n’était pas ça le foot. Le foot à la base c’était un truc familial, un héritage, et puis après c’était le kif d’aller au match entre potes, le petit bédo avant le match, la bière à la mi-temps, le débrief au bar des Deux Stades, on prenait des branlées mais on était contents. De toute façon, moi, je n’aime pas le foot les mecs, je n’aime que le Paris Saint-Germain.
Virage : A ce point-là ?
Benjamin Chulvanij: Je vais te dire, quand Zlatan est arrivé à Paris je savais à peine qui c’était. Je le connaissais de nom mais je ne connaissais pas la légende du mec. J’en ai rien à foutre des autres équipes. Quand il y a Real-Barcelone, je ne regarde même pas le match… Je ne regarde que les matchs de Paris.
Virage : Pareil pour l’équipe de France ?
Benjamin Chulvanij: Je regarde les matchs de l’équipe de France car je suis français.
Virage : Quel joueur t’a marqué à Paris ?
Benjamin Chulvanij: Safet Sušić. C’était mon joueur. Puis ensuite il y a eu George Weah, Raí et Pauleta que j’ai adoré… Luis Fernandez aussi que j’aime à un point ! Je lui ai tout pardonné. Il est même venu nous voir jouer avec mon équipe au PF5. Et puis il y a ceux que j’ai détestés, parce qu’en tant que parisien on a besoin de bien bien détester par moment. Anelka par exemple, Ronaldinho parce qu’il ne foutait rien à part contre Marseille. Qu’est ce que j’ai pu insulter certains joueurs. Mais ça les motive !
Virage : Un avis sur l’ambiance au Parc ?
Benjamin Chulvanij : Aujourd’hui je ne suis plus abonné. Je suis invité dans les loges du groupe pour lequel je travaille. Mais y a plus rien comme ambiance. Ça ne se répond plus entre virages, il est mort le Parc. A l’époque on gueulait comme des porcs. On sortait du stade, on n’avait plus de voix. Et puis le mélange en tribunes. Je me souviens de 2 beaufs à moustache qui étaient abonnés à côté de nous. Yves et Daniel. A une époque je faisais partie du jury de Pop Stars (en 2007). J’avais fait la couv’ de Télé 7 Jours. Les mecs me reconnaissent… Pour eux j’étais une star mais quand il y avait un but on se sautait dans les bras, on s’embrassait. On a été abonné 8 ans aux mêmes places ! On a vécu des moments fabuleux ensemble mais une fois sortis du stade on ne se parlait plus « Allez salut. Rendez-vous au prochain match ». Alors aujourd’hui avec l’ambiance qu’il y a, je suis content d’être en Présidentielle, au moins j’ai mon ralenti, ma petite Badoit et je peux bouffer des blinis. Mais je ne vais qu’aux gros matchs. Je me suis demandé si j’allais me réabonner, mais pour quoi faire, je suis pas là un weekend sur deux… Et puis j’ai assez payé, maintenant y a les Qataris et puis avec ce qu’ils nous font subir…
Seul Lacrim Paie
Virage : En tant que manager dans le sens américain du terme, que penses-tu de l’équipe dirigeante en place ? Est-ce qu’ils font ce qu’il faut ?
Benjamin Chulvanij : Ben ouais. Les mecs ont investi sur la formation. C’est ce qu’il nous manquait vraiment. Le bassin parisien, c’est le plus gros vivier d’Europe. Pas normal que des Ben Arfa, à 19 ans, ne jouent pas au PSG. Et puis ils ont tenu le truc au Parc des Princes alors que certains voulaient nous envoyer au Stade De France…
Virage : Mais tu n’as pas l’impression qu’il y a un problème de management dans ce club ? Notamment au poste de manager sportif ?
Benjamin Chulvanij: Déjà il manque un gros joueur pour tenir le vestiaire. Surtout depuis le départ de Zlatan. Jamais ça ne se serait passé comme ça à Barcelone avec Zlatan les mecs. Et il manque un Leonardo. D’ailleurs c’est ce que dit Tapie dans sa dernière interview. Et il manque un Sarko… Moi, Sarko président du PSG, ce serait mon plus grand kif ! Tu sais que c’est un vrai supporter ? Je le vois à tous les matchs, c’est un vrai gars ! Et il saurait parler aux joueurs. Lui président, à la mi-temps à Barcelone, il serait descendu dans le vestiaire. Je te le dis, il nous faut Leonardo et Sarko président !
Je leur ai envoyé la pub de Préparation H
Virage : En tant que libéral pur et dur, toi qui a déclaré un jour « je suis le Alain Madelin du rap », toi qui serais capable de signer Annie Cordy si tu avais la garantie qu’elle te rapporte 600.000 albums, tu penses que le foot c’est pareil, le résultat avant tout ?
Benjamin Chulvanij : Ouais. Regarde aujourd’hui tout le monde dit que l’équipe joue mieux sans Zlatan. Et pour quel résultat au final ? Zlatan c’était la haine, la colère ! Y a plus personne qui est en colère aujourd’hui. C’est Thiago Silva, cette petite pleureuse brésilienne ? Et puis c’est qui notre star aujourd’hui ? Pour l’image et le business ?
Virage : Du coup, si tu étais Leonardo, tu ferais venir qui la saison prochaine ?
Benjamin Chulvanij: Suarez ou Diego Costa. Il vaut mieux les avoir avec toi que contre toi, comme Zlatan. Un peu comme Thiago Motta. Il nous faut des méchants. On a qui comme méchant ? Un enculé sur le terrain mais sympa dans la vie. On a qui ? Et puis il nous faut aussi M’Bappe. Il faut faire partir Maxwell et trouver un nouveau latéral gauche. Et il faut faire partir Aurier. Meunier est génial mais le club n’arrive plus à gérer le cas Aurier. Le coup des chaussettes, on peut me raconter tout ce qu’on veut, le mec a fait sa crise, c’est un scandale.
Virage : Et dans les cages ?
Benjamin Chulvanij: J’aime bien Kevin Trapp. Il est pas mauvais, en tout cas il est meilleur qu’Areola. Pourtant j’aimais bien Alphonse, parce que ça manque de français dans cette équipe. OK, y a Rabiot, il est vraiment bon… Je lui donne un pont d’or à Rabiot pour qu’il reste. Je vais voir sa maman casse-couilles et je lui demande ce qu’elle veut. Tiens, prends.
Virage : Et Nkunku alors ?
Benjamin Chulvanij: J’aime pas. Il n’est pas mauvais mais il n’a pas le niveau. Qu’ils l’envoient à Bastia s’aguerrir.
Virage : Parlons musique, parlons de ton label Def Jam. Tu as parmi tes artistes des vrais marseillais comme IAM ou Alonzo. Ça chambrait sévère après le match contre le Barça ?
Benjamin Chulvanij: Alors je vais te dire un truc. Akhenaton c’est l’artiste le plus intelligent et le plus brillant que je connaisse. Mais quand il parle de foot c’est le plus mongolien de supporter marseillais de base. C’est pour ça que je l’aime bien.
PSG-OM, le Classico aux Victoires
Virage : Après le 5-1 au Vélodrome, tu les as vannés ?
Benjamin Chulvanij: C’est même plus de la vanne à ce niveau ! Je leur ai envoyé la pub de Préparation H, ah ah ah… Mais j’ai aussi Kaaris qui est supporter parisien. Il est proche de Aurier par Sevran. Au match contre Nancy, Aurier portait d’ailleurs la casquette « Jeune Riche », la marque de Kaaris. Kool Shen est aussi un vrai vrai fan du PSG. C’est un putain de fan et, en plus, il a du ballon.
Virage : En tout cas, ils savent que tu es pro Paris.
Benjamin Chulvanij: Bien sûr. Quand j’ai signé Soprano, il était traumatisé quand il a vu ma bagnole. J’avais un gros 4×4 Touareg V10 et j’ai acheté des plaques d’immatriculation avec le drapeau de Paris. Ah ah… Et puis dans mon bureau, j’ai une reproduction collector de la Coupe des Vainqueurs de Coupe et une photo du Parc des Princes.
Leur vie c’est claquettes, branlette et FIFA !
Virage : Ça t’a aidé dans le showbiz d’être supporter du PSG ?
Benjamin Chulvanij: Ecoute, aujourd’hui, c’est plus le showbiz qui vient au PSG que l’inverse. Ça me fait plus rire qu’autre chose. Je les vois les mecs en tribune, les acteurs… En soi, j’ai rien contre eux, je préfère qu’ils supportent Paris que Marseille.
Virage : Pas de proximité avec les joueurs ? Ils fréquentent pas les mêmes clubs de poker que toi ?
Benjamin Chulvanij: Non, de toute façon ils sont nuls, comme tous les gens très riches.
Virage : Tu n’as jamais pensé à devenir agent de joueur ? Finalement on est pas loin de ton métier actuel ?
Benjamin Chulvanij: A un moment j’y ai pensé. Gérer le rap c’est pas loin de gérer des footballeurs. Sauf que dans le rap c’est plus des vrais délinquants. Les joueurs de foot ont grandi dans des centres de formation. Ils sont plus cadrés. Leur vie, c’est claquettes, branlette et FIFA ! Leur rêve c’est de jouer un jour avec leur propre personnage dans FIFA, tu vois ce que j’veux dire ! Mais c’est vrai que tu as les mêmes codes. Ils écoutent le même rap. Combien de fois j’ai vu des mecs de foot venir à des enregistrements de mecs de rap. Lassana Diarra, qui est du 19ème, est un proche de Lacrim par exemple.
Virage : Mais du coup tu n’as pas essayé de devenir agent ?
Benjamin Chulvanij: Si, j’ai voulu passer les diplômes. Mon ami Karim Aklil qui est agent de Mamadou Niang et avec qui j’ai organisé Urban Peace 1 m’avait dit « le foot a besoin de mecs comme toi ». Je suis capable de boire du rouge avec les dirigeants le midi, discuter avec des mecs du ghetto le soir, parler à la famille des joueurs, t’arranger le truc si tu as un frère en taule. C’est aussi ça être un agent. Mais bon, tu sais quoi, je gagne trop d’argent dans la musique pour faire un switch aussi gros.
Le lendemain d’un PSG-Barça. 4-0. Le soleil brille. Direction Meudon. Là où repose pour l’éternité le plus grand écrivain de France. Là où Jérôme Rothen a donné rendez-vous à Virage pour raconter son PSG.
Jérôme Rothen. Le Parisien. Le banlieusard. Le mec qui aurait presque pu jouer dans les Sex Pistols. Le gamin qui allait avec son daron voir Sušić. Le blondinet parfois arrogant, aux approches capillaires pas toujours judicieuses, qui creusait son couloir gauche et qui centrait comme d’autres respirent. Jérôme Rothen, aujourd’hui consultant, rigolard et sans pitié. Le regard de beau gosse toujours là, prompt, on imagine, à liquéfier les demoiselles pas farouches. Un supporter n’oublie rien. On n’a donc pas oublié que Rothen a tout donné pour le PSG, même sa carrière. Qu’il a parfois été frustrant, voire irritant. On le revoit collé à sa ligne les mains sur les hanches, essoufflé. On n’oublie pas sa rage quand Paris gagnait. Quand le PSG ne lâchait rien, même en pleine tempête. Il aurait pu terminer au Parc plutôt qu’en Corse et à Caen, son club formateur. On aurait adoré ça. L’histoire est ainsi faite : capricieuse et toujours cabossée. Mais si l’on creuse où il faut, si l’on entend bien les mots qu’il choisit de prononcer, Rothen a le coeur parisien, l’âme parisienne, la vanne parisienne. Il est des nôtres.Pour toujours.
Virage : Jérôme, quelles sont pour vous les principales différences entre votre PSG, pas si lointain, et celui d’aujourd’hui ?
Jérôme Rothen : La différence ? Déjà, il y a l’aspect financier. Tu as l’impression aujourd’hui que c’est no limit. Quand tu as le poids financier pour ramener des grands joueurs, ça change tout. Paris a besoin, comme tous les grands clubs français et étrangers, d’avoir des internationaux, des joueurs renommés. Il n’y a que le côté financier qui les attire…
Virage : D’un autre côté, avant le Qatar, on se prenait déjà dans la tronche le fameux “PSG, club de riches”. Pauleta, Rothen, déjà à l’époque, ils signaient à Paris, ni à Lyon ou à…
Jérôme Rothen : Pour parler de moi, je suis venu parce que j’avais un attachement particulier avec Paris. Parce que si je vois l’aspect financier au début, je ne vais pas à Paris. Ouais, je vais à l’étranger ou même à Lyon, qui était plus riche que le PSG à l’époque. Ah oui ! À Lyon, j’aurais eu un meilleur salaire, pas du simple au double mais… Mais moi, j’estime qu’à un certain niveau de salaire, au bout d’un moment, je ne vois plus la différence…
Virage : On voit peu de joueurs capables de sortir de telles phrases !
Jérôme Rothen : Ouais. On me l’a reproché au départ. Les gens qui étaient là pour me conseiller, très clairement, me disaient: “Ne va pas au PSG ! Tu es un malade, autant financièrement que sportivement !”. Je leur ai dit que sportivement, le club grandissait. Parce que le club était en Champions League quand je suis arrivé. Il avait fini deuxième du championnat. Tu te disais que le club était en train de se restructurer, par rapport à des années plus compliquées. Et puis il y avait Canal. Ils mettaient de l’argent, bon, pas comme les Qataris, eux, c’est une autre dimension, mais à l’époque, ils mettaient quand même beaucoup d’argent. Et ça, certaines personnes l’ont oublié. Le problème, c’est que moi, j’ai connu la transition avec la vente du club à Colony, et là, ça a été un gros souci… Parce que là, pour de bon, Colony n’investissait plus du tout ! Ils ne faisaient que des coups, enfin, ils essayaient de faire des coups… Ils t’ont acheté des joueurs surquotés, des Everton, des Souza, un Mateja Kezman alors que l’entraîneur n’en voulait pas, il n’y avait que des trucs comme ça, ça changeait tous les ans de président, d’entraîneur. Le club n’était plus du tout structuré. Et quand tu commences à tomber de ce côté-là… Je peux te dire que même les joueurs… L’ effectif changeait tout le temps ! Nous, on s’accrochait. Je dis nous parce que je n’étais pas le seul. Pauleta aussi s’est accroché. On était les deux à s’accrocher parce qu’on aimait le club. Sinon, on aurait pu aller voir ailleurs. Parce que bien sûr qu’il y avait des propositions…
Le bon vieux temps
Virage : Et après tout ça, après les dernières années très difficiles, après l’affaire du tract froissé…
Jérôme Rothen : Qu’est ce que je n’avais pas fait (rires) !
Virage : Après tout ça, vous n’avez jamais regretté d’être resté, de ne pas avoir tenté votre chance ailleurs ?
Jérôme Rothen : Non, je n’ai jamais regretté. Et pour moi, le regret, ça aurait été de faire une carrière sans jouer au PSG. Après, c’est toujours pareil. Quand tu y es… Tu pars avec des objectifs. Alors, moi, porter le maillot du PSG, me revoir tout gamin dans la tribune à Auteuil, forcément, t’as énormément de frissons. Même quand je t’en parle, j’ai encore des frissons. Après, quand tu arrives à Paris, la première année pour moi a été compliquée. Il y a la Champions League et je me pète la cheville. Alors que je n’avais jamais eu de blessures ! J’ai cinq mois d’arrêt, avec deux opérations. Et donc, ma première année, elle est gâchée, faut pas se leurrer. Même si je reviens au mois de février, on est éliminé de la Champions League, éliminé de l’Europa League… On passe de potentiellement qualifié sur le dernier match contre Moscou à complètement éliminé.
Virage : C’est l’année où Semak nous en met trois…
Jérôme Rothen : Ouais, c’est ça. Moi, je suis blessé, je suis en tribunes et il suffisait qu’on gagne pour se qualifier… Pour te dire qu’à cette époque, on avait encore les moyens parce que Vahid avait eu un coup de foudre pour Semak avec son triplé et il veut qu’on l’achète. Et à l’arrivée, ils font quand même l’effort de l’acheter, les dirigeants. Ça aurait été avec Colony, ils t’auraient dit : “En cours de saison, surtout pas, on n’achète pas !”
Virage : Colony, ils auraient acheté Semouk, un joueur tchétchène inconnu (rires)…
Jérôme Rothen : Ouais, voilà, il est génial celui-là (rires) ! Ce que je veux te dire, c’est que, malgré la blessure, je reviens bien cette année-là, je retrouve même l’équipe de France au mois de juin. L’année d’après, tu es excité, tu te dis que tu vas bien te préparer, ce qui a été le cas. On démarre super bien l’année avec Laurent Fournier, on en met 4 à Metz, le premier match à domicile, stade plein au mois de juillet, ce qui était rare…
C’est toujours les mêmes gestes, d’abord le pied gauche, toujours…
Virage : Avec Kalou qui plante…
Jérôme Rothen : Kalou en met un et fait deux passes décisives, moi, je marque aussi et je fais deux passes décisives. C’était magnifique. Ça démarrait bien. Et puis, tous les matchs à domicile à cette époque-là, on gagnait. On avait du mal à l’extérieur parce qu’on manquait peut-être de caractère et parce qu’on se faisait rentrer dans le chou mais on avait une équipe quand même bien structurée. Mais au mois de décembre, ils te virent Laurent Fournier alors qu’on est troisième à deux points du premier ou un truc dans le genre. Et c’est le Lyon de la grande époque et t’es encore dans le coup… Mais tu fais un match nul à Ajaccio, le dernier match avant la trêve. Et derrière, pendant les vacances, on apprend par un message, par un sms, que Laurent Fournier est remplacé par Guy Lacombe…
Virage : Pourquoi ils l’ont viré ?
Jérôme Rothen : À l’époque, tu avais à chaque poste, sur la fameuse colonne vertébrale, des internationaux. Il y avait des joueurs clé à ce moment-là. Tu avais Pauleta, Vikash Dhorasoo, Yepès, c’était une équipe assez solide. Et s’ils te virent Fournier, c’est parce qu’il y en a trois de cette colonne vertébrale qui vont se plaindre à la direction des séances d’entraînement de Laurent Fournier, qui étaient un peu trop ludiques à leur goût. Ils estimaient que ça manquait de professionnalisme, que c’était pour ça qu’on avait du mal à préparer les matchs à l’extérieur et qu’on n’était pas performants… Et les dirigeants ont profité de ça pour virer Fournier. Sans consulter les autres joueurs, comme moi. Franchement, Lolo, il représentait le club, il avait mis en place une équipe cohérente. Et si tu te souviens bien, les matchs au Parc, franchement, c’était assez agréable. Et puis, en plus, on gagnait. Mais donc, ils te ramènent Guy Lacombe, un entraîneur à poigne. Mais il y a une vraie incertitude: Est-ce qu’il va réussir dans un grand club ? Parce que Lacombe, il a toujours réussi dans des petits clubs. Et à l’arrivée, ça a été un échec, catastrophique ! Bref, moi, je suis venu à Paris pour gagner des titres. Là, cette année-là, on gagne la coupe de France. Contre Marseille. Pour moi, premier titre avec le PSG, en battant Marseille, avec un match exceptionnel, la communion avec les supporters, je me dis que l’année prochaine, on vise le titre. Et les dirigeants vont dans mon sens. Ils voulaient ramener un attaquant pour jouer avec Pauleta, ils étaient sur Almeida et d’autres. On va renforcer au milieu de terrain, dans l’axe, derrière. Tu te dis : “Bon, là, on va avoir une équipe solide”. Et puis, finalement, tu ne vois pas trop arriver de nouveaux mecs, ils prennent des joueurs de Ligue 1, des bons joueurs, sauf qu’entre jouer à Lille, malgré tout le respect que j’ai pour les Lillois ou d’autres clubs comme ça, et jouer au PSG et jouer les premiers rôles, il y a une grosse différence. Faut être plus fort que les autres. Et à l’arrivée, ils n’investissent pas assez d’argent pour recruter et donc, tu galères. Et là, c’est un peu le début de la descente aux enfers… Jusqu’à la course au maintien.
Virage : Et en même temps, Jérôme, pour moi, un vrai supporter se reconnaît plus dans la défaite que dans la victoire et cette année 2008 où le PSG échappe à la relégation de justesse, je ne l’oublierai jamais, jamais. Ce but de Diané miraculeux à Sochaux, cette défaite 0-3 à Caen qui nous enfonce, je n’oublierai jamais…
Jérôme Rothen : Le déplacement à Caen, je m’en souviens encore. J’étais suspendu ce jour-là. Mais je vais avec le groupe parce qu’on galère. On prend 3-0, je te raconte pas le retour. On arrive sur le parking, les voitures des joueurs saccagées. La Porsche d’Armand défoncée (rires). Il a fallu que ça tombe sur Armand, le mec qui relativisait tout ! Sur le coup, on ne rigole pas. Après, tu en rigoles, bien sûr. Tu sais que tu ne peux pas t’engueuler avec Sylvain Armand ? Mais moi, j’ai quand même réussi. Après un match où l’on perd, il est là, dans les vestiaires à dire : “Les mecs, c’est pas grave, y’a des choses plus importantes…”. Là, je me lève: “Putain, tu vas la fermer ta gueule! On arrête pas de perdre, c’est grave !” Bon, il a fallu que ça tombe sur lui, la voiture…
Ils viennent d’apprendre que Guy Lacombe était limogé.
Quand tu joues le maintien, quand tu te sauves à la dernière journée à Sochaux, que t’es au fond, et que tu reviens, à la rentrée, et que tu vois les mecs de Colony te dire qu’ils vont recruter et qu’ils recrutent Giuly, Hoarau, Makélélé… Ils voulaient aussi Thuram mais Thuram a un problème au coeur… Bref, c’est quand même des mecs vieillissants qu’ils te prennent et un attaquant qui vient du Havre… Moi, je vais les voir, je leur dis : “C’est bien, ça commence à ressembler à quelque chose mais il nous manque du monde encore…”. C’était la première année de Villeneuve. Il me dit : “sois patient, cette année, on va déjà remettre le PSG où il faut et l’année d’après, on va encore réinvestir.” Ok. Moi, j’avais 31 ans, je m’accroche, ça fait quatre ans que je suis au club, c’est le moment quoi ! Tu démarres l’année, tu es bien structuré, on est mieux. On est assez haut dans le tableau, on est bien et on joue encore la coupe d’Europe avec la fameuse élimination contre Kiev avec Landreau qui se déchire. Cette année-là, il nous en avait fait… Je me souviens d’un match, on est au mois de mars, on joue contre Marseille, à domicile et c’est là que j’ai pété un câble. On joue Marseille à domicile. Lyon joue à 17 heures le samedi. Nous, on est au vert. On regarde le match et on voit Lyon se faire accrocher à domicile contre Sochaux. Ca veut dire que si, le lendemain, le dimanche soir, on gagne contre Marseille, on est premier. Et les dirigeants, ceux de Colony, je te jure, le matin du match, viennent et te tiennent un discours sur les primes : “Les gars, faudrait qu’on revoit nos barèmes de primes parce que si on ne finit pas premier, avec ce qu’on a mis en place, on perd de l’argent…”. Ils nous demandent donc de faire un effort. C’est quoi ce discours hallucinant un jour de match, contre Marseille ? Ça te met pas dans une… Je te dis pas que c’est à cause de ça qu’on a perdu le soir. Mais ça n’a pas aidé. Si t’as des vrais dirigeants qui ont des couilles, et qui te disent: “Ce soir, si vous gagnez, c’est X3 parce que vous êtes premiers !”, je peux te dire qu’ils auraient fait bander tout le monde. Mais ils ont fait le contraire!
Virage : ça, c’est typique du PSG. Perdre LE match qui t’aurait permis de passer devant. Ces matchs-là, on les perdait à chaque fois, à chaque fois !
Jérôme Rothen : Je suis d’accord avec toi. Mais pourquoi ? Parce que déjà, il manquait d’expérience sur le terrain, dans le groupe. Il manquait des Internationaux, les seuls à savoir gérer la pression. Et quand à Paris, tu n’en as que deux, trois ou quatre, c’est insuffisant. À Paris, tu regardes toutes les générations qui ont gagné, il y a huit internationaux minimum. Voire les onze ! Ce n’était pas notre cas. On s’est écroulé sur ce match là et la fin de saison a été catastrophique. Moi, comme d’autres, on n’a peut-être pas été au niveau. Certainement. Tu peux être premier en mars et tu finis quatrième ou cinquième. Et les dirigeants, sans me prévenir, décident de débarquer Le Guen en avril pour prendre Kombouaré. Putain, j’estime que Pedro et moi, on doit être mis au courant en premier ! Tu es en cours de saison, tu as encore un truc à jouer quand même ! Une place en Champions League !!! C’est par la presse qu’on l’apprend ! Tu prends un coup là. Et Bazin, vu que c’est sorti dans la presse alors que ça devait pas sortir, vient le jour même au Camp des Loges, nous dire : “Il y a des choses qui sont sorties dans la presse, je ne vais pas démentir mais j’aurais préféré que vous soyez au courant avant.” Tu imagines l’ambiance… À l’époque, je réagis sur RMC. Je dis que je suis encore une fois déçu par les dirigeants, que c’est du foutage de gueule. Bazin entend le truc et veut me prendre à part. Je te raconte pas. Écoute comment ça s’est passé: On s’enferme dans une salle. Il commence à me dire : “T’as pas à dire ça!”, très ferme. Là, je me lève et je lui dis : “Vous vous foutez de ma gueule ! Sans déconner ! Peut-être que j’ai mon caractère, que je ne suis pas facile à gérer, peu importe ! Là, c’est du foutage de gueule. Je vais vous dire : Je vais finir l’année mais s’il n’y a pas de changements à plein de niveaux l’année prochaine, vous ne comptez pas sur moi. Parce que je me suis accroché, j’ai refusé des offres d’autres clubs !!!” Il me dit en gros de fermer ma gueule. On finit l’année sur un nul au Parc contre Monaco et malheureusement ça nous nique la place en Europa League. Juste avant ce dernier match, il y a eu une réunion entre Alain Roche et certains groupes de supporters. Et Alain Roche, c’est en tout cas ce qu’on m’a dit, tient un discours comme quoi des joueurs auraient lâché. Et il sort certains noms. Dont le mien. Moi, je peux être bon ou pas bon mais je ne lâche jamais rien mais bon… Et donc, contre Monaco, il y a des joueurs qui sont pris en grippe, dont moi. Le lendemain, jubilé Pauleta. Dès que je touchais le ballon, je me faisais huer. Ouais, ça fait mal parce que tu te dis qu’on peut critiquer mes performances sur le terrain. Cette année-là, en plus, je ne fais pas ma meilleure année. Mais je n’ai jamais triché. Et là, je le prends en pleine gueule. Ce jour-là, il y a Alain Roche qui joue face à moi. Et lui aussi se fait défoncer, siffler dès qu’il touche le ballon. C’est bien tendu. Je dis à Pedro que je préfère sortir à la mi-temps pour pas gâcher son truc. Et le lendemain, je fais un article dans l’Équipe. On est en vacances. Là, j’ai fracassé Bazin, fracassé Roche, en disant que mon départ était devenu une obligation. Malgré mes deux ans de contrat restants. Et que les dirigeants savaient pourquoi je devais partir. Donc, sanction financière. Mise à pied. Ils me font la misère. Ils ont même pas été classe en me disant : “Voilà, tu as une offre de Shalke à trois millions, c’est bon.” Ils ont dit oui et après ils demandent six, Shalke n’a pas compris et a laissé tomber. Le dernier jour, ils acceptent que je parte aux Glasgow Rangers, j’étais un peu réticent, c’était un prêt avec option d’achat. Donc j’y vais quand même parce que je n’ai pas le choix. Au bout de six mois, les Rangers sont en galère, problèmes financiers, ils revendent ou nous laissent partir. Et là, ça a été le début du cauchemar avec le PSG.
Jérôme chez les Gers
Je vais en Turquie pour finir l’année. Puis je reviens. J’ai une discussion avec Antoine Kombouaré. Moi, je dis : “Il me reste un an de contrat, comment on fait ? Vous m’avez mis dans la merde en refusant Shalke. Je sais très bien que je ne rentre pas dans vos plans, comment on fait ?”. Ils me refont la misère, ils ne veulent pas me payer une partie de mon année. Une partie seulement ! Je ne réclamais même pas l’année complète. 31 août, forcément, vu qu’ils ne veulent pas me payer, je ne peux pas me mettre d’accord avec d’autres clubs. Et là, je m’en souviendrai toute ma vie, c’est le début de la fin : Le 1er septembre… Kombouaré m’avait dit que si au 31 août, j’étais encore là et que je n’avais pas trouvé de solution, « T’es sous contrat pro, tu reviens avec l’effectif. Pour t’entraîner ».Ok. Et le 1er septembre, entraînement au Parc des Princes, tu viens ». J’avais les boules de ne pas avoir trouvé de solution mais je viens. J’arrive dans le vestiaire et tu as l’entraîneur adjoint qui me dit qu’Antoine veut me voir mais là-haut avec les dirigeants. Je me dis que ça ne sent pas bon… T’as Leproux, Kombouaré. Je les écoute. Ils me demandent ce que je veux pour la résiliation. “Vous vous foutez de ma gueule ?” Pourquoi le 1er septembre ? Parce que si je résilie le 1er, je ne peux plus signer dans un club avant le mercato d’hiver. Donc j’ai quatre mois à attendre. “Et pourquoi je n’ai pas résilié hier alors ?” Je n’ai donc pas voulu résilier, je suis resté. J’ai passé deux mois avec la CFA. J’avais la tête à l’envers, c’était terrible. Avec la CFA… Je ne jouais pas, je m’entraînais, je prenais mon salaire. Vu que je suis amoureux du foot, que je voulais jouer, je suis allé les voir au mois de novembre et je leur ai dit de me faire une proposition et de me résilier. Et j’ai résilié. Voilà comment ça s’est passé. À cause de ces dirigeants. Avec les Qataris, ça ne se serait pas passé comme ça. Et le pire dans tout ça, c’est que quand les Qataris ont repris un an après, moi, je signe à Bastia. Et le premier match que je vais voir au Parc, je tombe sur Nasser et les dirigeants qui me demandent pourquoi je suis parti. T’as forcément les boules. À un an près, j’aurais peut-être pu finir à Paris…
Virage : Quand Zlatan dit qu’avant lui, il n’y avait rien, vous vous êtes senti visé ?
Jérôme Rothen : Ouais. D’autres, peut-être pas mais moi, oui. Zlatan, sportivement, il n’y a pas de problème. C’est un grand joueur. Maintenant, tu te dois d’avoir un minimum de respect. Et ce respect, il l’a eu dans tous les clubs où il est passé. Et il ne l’a pas eu au PSG. Et moi, ça me dérange. Le problème, c’est que quand il arrive, il doit y avoir quelqu’un au club qui lui dit qu’il va devenir une idole ici, que la France a besoin de joueurs comme lui, tu le flattes un peu, mais qui lui apprenne aussi ce qu’est le PSG. Son histoire. Et si tu ne lui dis pas à sa première connerie médiatique: “Attention à ce que tu dis parce que tu vas vexer les anciens”, et si tu ne lui dis rien la deuxième fois, la troisième fois, le mec, il va continuer. Il est adoré, c’est une idole ! Mais ce que Zlatan n’a pas calculé, c’est qu’il n’avait jamais été adulé comme ça dans tous les autres pays où il avait joué. Il a été respecté parce que c’est un grand joueur mais jamais adulé comme il l’a été ici.
Virage : Pourquoi avoir choisi de porter le numéro 25 ? C’était celui que tu portais déjà à Caen. C’est une affaire de superstition ?
Jérôme Rothen : Déjà, il y a de ça. Quand tu débutes, t’es jeune, on te file un numéro et tu n’as pas vraiment le choix. Moi, on me donne le 25. Et la première année, je débute en pro, ça se passe bien. Quand je vais à Troyes, le 25 est libre. En général, le 25, c’est plus facile à avoir que le 10 (rires). Et je m’aperçois aussi qu’il y a un rapport particulier avec ce numéro. Dans ma vie, il s’est toujours passé quelque chose un 25. C’est fou ! C’est évidemment de la superstition. Mais je sais qu’il se passe souvent des choses le 25 ! Mon grand-père était né en 1925. Ma mère est née un 25 septembre. Ma soeur un 25 juin. La première fois que j’ai appris que ma femme était enceinte, c’était un 25. Ma première sélection en équipe de France, je l’apprends un 25 mars. Et si en équipe de France, je n’avais pas le 25, c’est parce que ça s’arrête à 23…
Les Vikings, saison 1
Virage : Que ce soit Rabiot qui porte le 25 aujourd’hui, ça vous fait un truc ou pas du tout ?
Jérôme Rothen : J’en ai déjà parlé avec lui…
Virage : Rabiot connaît Rothen ?
Jérôme Rothen : Il a plutôt intérêt (rires) ! Non, lui, il connaît les générations d’avant. Il a été formé à Paris. Il a un gros attachement au PSG. Et puis c’est quand même quelqu’un qui a la tête sur les épaules. Je pense qu’il ne fait pas semblant. En tout cas, moi, ça me plaît que ce soit lui. Parce qu’il représente le club. Et c’est toujours sympa de se dire que moi, j’ai joué environ six ans avec ce 25 et que derrière, c’est le petit jeune qui le met. Un petit jeune aujourd’hui un peu moins jeune et surtout très bon. C’est bien.
Virage : Et cet attachement aux chaussures Lotto. Pourquoi Lotto et pas Nike ou Adidas comme tous les autres quasiment ?
Jérôme Rothen : Là, faut pas se leurrer. Moi, j’étais le numéro 1 Lotto en France. Quand j’ai débuté ma carrière, je jouais en Adidas. Mais jamais avec le bleu marseillais (rires). Après, c’est encore une histoire de superstition. T’es bien avec ces chaussures-là, ce modèle-là, tu gardes ce modèle-là. Je voulais jouer avec des chaussures blanches, parce que je trouvais que ça donnait bien et que ça me portait chance. Ah ouais, moi, j’étais très superstitieux. Aujourd’hui encore (rires). Je fais mon année à Monaco et ce fameux 25 mars, première sélection en équipe de France. Juste avant cette sélection, je dis à Adidas que je n’ai plus que deux paires de mon modèle d’avance. Refaites-moi des chaussures. Et là, le mec d’Adidas me dit qu’ils ne fabriquent plus ce modèle. “Mais si tu veux, je t’envoie des noires”. “Non, je veux des blanches !”. C’étaient des Predator à l’époque. Je pète un câble, je ne me vois pas finir ma saison avec juste deux paires de chaussures ! Ce n’est pas possible ! Et je refuse donc de jouer avec des noires. Quinze jours plus tard, première sélection en équipe de France. Je suis alors en renégociation de contrat avec Adidas. Et on n’arrivait pas à trouver d’accord. J’arrive au Château pour le rassemblement. Là, j’ai une proposition de contrat qui n’avait rien à voir avec ce qu’ils me proposaient quinze jours plus tôt. Ok, la sélection a dû jouer mais ils auraient pu anticiper ! S’ils croient en moi, ils anticipent, hein ? Ils prennent le risque. Là, le contrat est multiplié par cinq ! Il y a plein de joueurs qui auraient juste trouvé ça génial mais moi, je fais l’inverse. Je me dis qu’ils se foutent de ma gueule. Je vais voir le mec d’Adidas. Et je descends dans le vestiaire et ça, c’est le pire. Je vois quatre paires du modèle que je voulais deux semaines avant. Soi-disant qu’ils ne le fabriquaient plus… Je prends les chaussures et je ne dis rien. Je rentre à Monaco et j’appelle mon agent. Je lui dis que je vais appeler le mec de Lotto, avec qui j’étais à Troyes. Je vais lui demander ce qu’il pense, je vais lui dire qu’Adidas se fout de ma gueule. Je ne veux pas être un joueur parmi tant d’autres, être cinquante chez Adidas, moi, je m’en bats les couilles. J’appelle donc le mec de Lotto. Le mec est évidemment intéressé mais me dit qu’il doit d’abord appeler le grand patron en Italie. Et le patron accepte de faire un effort. Je n’ai pas dit : “Adidas me donne ça, donnez moi ça !”. Non. Juste “faîtes moi une proposition”. Et une semaine après, on a signé et j’ai résilié avec Adidas. Ils étaient surpris. J’ai signé trois ans avec Lotto et on a continué comme ça. Et j’ai bien fait parce que ça m’a porté chance.
Virage : Si une petite fée apparaissait là, tout de suite et vous donnait le choix entre gagner la Ligue des Champions avec Monaco ou un titre de Champion de France avec Paris, que feriez-vous ?
Jérôme Rothen : Ah, c’est dur ça… Non, en fait, c’est compliqué de répondre à cette question parce que forcément, les deux me tiennent à coeur. Après, je ne vais pas te cacher qu’un titre de champion avec le PSG, j’en ai rêvé tout gamin. Il n’y a rien de plus beau que d’être tout en haut d’un championnat. Parce que c’est dur, parce que c’est sur toute une année. En même temps, la ligue des champions, c’est se confronter aux meilleurs, à des clubs étrangers qui ont beaucoup plus de moyens…
Virage : Perdre cette finale contre Porto, ce n’était pas encore plus rageant. Perdre contre le Barça ou le Real mais Porto…
Jérôme Rothen : Franchement, tu veux que je te dise, je pense que tu as raison. Et je pense que si ça avait été contre le Milan AC, on n’aurait pas été favori. Quand on joue le Real, t’avais l’impression qu’on était des enfants et qu’on allait se faire démonter. Et le mec de l’Équipe, après notre défaite 4-2 là-bas, à Madrid, alors qu’on mène 1-0 à la mi-temps, il écrit en gros que le match retour, ça sert à rien de le jouer. Mais on fait l’exploit. Et donc, derrière, il nous suce (rires).
JR25 et Pedro Mendes
Virage : Et si vous gagnez la finale contre Porto, vous allez quand même à Paris ?
Jérôme Rothen : Oui parce que c’est déjà acté. À l’époque, en gros, j’ai une offre de la Juve, une offre de Barcelone et une autre de Chelsea. Et Paris. Et moi, dans ma tête, fin avril, c’est clair, je veux aller à Paris. Déjà, j’ai les boules que Monaco ne m’ait rien proposé. À moi et aux autres joueurs offensifs, c’est pour ça qu’on est tous partis. Ça a été très très mal géré. Moi, t’imagines, à l’époque, j’avais mon contrat quand je suis arrivé de Troyes, à Monaco. J’avais pas renégocié depuis deux ans et demi ! Et donc, quand je sais que le PSG entre dans la danse, je dis à mon agent que je veux aller à Paris. Vahid ou pas Vahid, je veux y aller ! C’est chez moi, je veux y aller. Je prends cette décision-là. La première discussion que j’ai avec Paris, si je ne suis pas amoureux du club, je ne viens pas. Alain Roche m’appelle. C’est mythique ! Et quand je vois qu’Alain Roche sortces jours-ci un bouquin, un dictionnaire, où il met que Rothen, c’est un caractériel, difficile à gérer pour les entraîneurs, pour les présidents… Bref, il m’appelle ce jour-là. Je l’ai vu jouer mais je ne le connais pas personnellement. Et donc, Alain Roche le directeur sportif m’appelle. La première phrase qu’il me dit : “Je t’appelle parce qu’on m’a dit de t’appeler…” Véridique! Je te jure que je n’invente rien. Il poursuit : “Je pense que financièrement, on ne peut pas lutter avec les clubs qui te veulent. Nous, on est intéressé mais je ne me fais pas d’illusions…” T’imagines !!! “Un joueur de foot reste un joueur de foot mais Vahid veut, le président veut, Canal veut et donc, je t’appelle, je fais mon job et je garderai contact avec ton agent…” Voilà comment ça se passe. Je raccroche et je dis à mon agent : “ Mais il est hallucinant Alain Roche !!!” Après, il y a l’histoire sur le montant du transfert. Monaco est ok à dix. J’ai leur parole. Paris propose d’abord huit, puis neuf pour finalement s’aligner à dix, je savais que Paris pouvait même aller jusqu’à douze, Graille, le président de l’époque, me l’avait dit. Et là, Deschamps refuse. Moi, je suis à l’Euro au Portugal, à deux jours du match contre la Croatie. J’appelle direct Deschamps. Lui rappelle qu’ils avaient donné leur parole. Graille me rappelle pour me calmer. Au final, ça s’est fait à onze avec des bonus. Alors qu’au départ, ça devait se faire à dix. Je te raconte pas qui s’en est mis plein les poches au passage… T’as compris… Bon, le principal, c’est que ça s’est fait au final mais le discours d’Alain Roche, c’était juste hallucinant ! Et maintenant, il me traite de caractériel… Après, il vaut mieux avoir des mecs qui prennent des risques et qui portent leurs couilles sur un terrain que des mecs qui ne disent jamais rien. Surtout dans un club comme Paris.
Combat de consultants
Virage : Tu étais abonné au Parc plus jeune ?
Jérôme Rothen : J’étais abonné à Auteuil, avec mon père. Le premier match que j’ai fait, j’avais quatre ans, c’était la finale de la Coupe contre Saint-Étienne, en 1982. J’ai plein de flashs qui me reviennent quand j’y pense. Quand je vois Safet Sušić jouer… Les derbys contre le Matra Racing… Moi, j’étais dans le 92 et il faut savoir que le Matra offrait des places mais moi, je ne voulais pas supporter le Matra ! Je me souviens de Christian Perez, Joël Bats, son dernier match quand il lance ses gants dans le virage et que je ne suis pas loin de les récupérer, plein de flashs comme ça. Il y a aussi la finale en Coupe de France contre Nantes, celle où l’on gagne, avec Ginola…
Virage : Et donc, ton premier match avec le maillot du PSG au Parc, tu avais les larmes aux yeux ? Ou tu étais plus dans la préparation sportive ?
Jérôme Rothen : Non, non, c’était énorme ! Tu veux que je te dise, ça va même plus loin que ça. La première fois que je mets le maillot du PSG, on est en stage à Aix les Bains, on joue Grenoble, il me semble, un match de préparation. Je n’avais repris que depuis une semaine, avec l’Euro. Les autres avaient repris depuis trois semaines déjà. Et Vahid me demande si je veux jouer. “Bien sûr que je veux jouer !!!” Je ne suis pas prêt, je rentre une mi-temps. Mais ce jour-là, je m’en souviens, comme si c’était hier. Et pourtant, c’était un stade de campagne mais c’était vraiment particulier. Il y avait aussi eu ce match à Evry-Bondoufle contre la Juve, avec plein de supporters parisiens. Les premières fois, c’est énorme. Marquer au Parc ? C’était contre Nice. Alors là… Quand je reviens de blessure, je marque mon premier but contre Nice, du côté Auteuil. J’aurais pu faire quatre fois le tour du terrain (rires). On m’a souvent reproché de rester à la fin des matchs, d’aller saluer le public, on me traitait de suce-boules. Mais je ne me forçais pas. C’était pas du tout calculé. Même après une victoire à l’arrache, un pauvre 2-1 à l’arrache, je prenais un kif énorme à faire le tour du Parc, à entendre les supporters chanter mon nom.
Virage : Quel est pour vous votre plus beau match sous les couleurs parisiennes en tant que joueur ?
Jérôme Rothen : Il y a eu quelque chose de particulier avec cette finale de coupe de France contre Marseille au Stade de France. Ce match-là, il y avait une ambiance exceptionnelle, il restera gravé dans ma mémoire, j’ai pris mes enfants avec moi sur le terrain, avec tout le virage rempli, j’ai pris le micro du Stade de France, “Qui ne saute pas est marseillais !”, moi qui gueule à Vikash de ne pas frapper au but et lui qui la met au fond, c’était incroyable ! Mais mon plus beau match, c’est encore contre Marseille au Vélodrome. Quand on gagne 4-2 en championnat en octobre 2009 je crois. Je marque sur coup franc, je donne le premier but à Guillaume Hoarau et je donne aussi le dernier. Franchement, gagner au Vélodrome, avec Paris, marquer…
Virage : On les entend les insultes là-bas, pendant le match ?
Jérôme Rothen : Ah je te rassure, on les entend les insultes. Et les boulons, je les ai sentis aussi (rires). J’ai tout pris sur la tronche là-bas… Je jouais toujours avec un t-shirt Ici C’est Paris sous mon maillot. Et là, ce soir-là, je leur ai montré aux ultras marseillais, à toute la tribune, j’étais fier ! Les mecs bavaient, ils voulaient casser le stade. Incroyable. Tu vois, ça, c’est des souvenirs !
Le rêve de tout homme au Vélodrome
Virage : Pourquoi, lors de la finale contre Lens, celle de la fameuse banderole, vous ne tirez pas le pénalty ?
Jérôme Rothen : Si tu te souviens de l’image, moi, je vais pour récupérer le ballon. J’en avais tiré quatre cette année-là, dont un à Marseille, un à Lyon. Bernard Mendy est remplaçant ce jour-là. Et il rentre. Et puis ce pénalty. Déjà, il est limite, le péno…
Virage : Il n’y est pas. Ce qui en fait le plus beau pénalty au monde…
Jérôme Rothen : Ouais, il n’y a rien et il y a pénalty (rires). Je vois Bernard aller récupérer le ballon. Je pensais qu’il allait me le donner. Et il me dit : “Non, non, non, je le sens.”“Mais Bernard, qu’est ce que tu fais ? Donne moi le ballon!” Et lui: “Non, non, laisse, s’il te plaît !”. Le seul truc qu’il ne faut pas pour tirer un pénalty, c’est de se chopper avant. Donc, moi, je me recule, il a pris le ballon. Et je me retourne, je m’en souviens encore et là, je vois Camara et Armand dans le rond central, qui me demandent ce que je fais. Je leur dis que c’est finalement Bernard qui va le tirer. Et eux: “Non, non !!!” (rires). Et en plus, Bernard le tire d’une façon ! Mais il les tirait bien Bernard, les pénos. Et à l’arrivée, on gagne. Voilà. Bernard, c’est un bon mec et un vrai amoureux du PSG. Si t’as que des mecs comme Bernard, tu ne joues peut-être pas le titre tous les ans mais tu ne joues jamais le maintien.
Virage : Elle est vraie cette anecdote géniale de Jérôme Rothen qui, dans l’avion du retour après le match contre Sochaux où Paris évite la relégation de justesse en 2008, entonne “Les Corons” pour se moquer de Lens, qui, lui descend en L2 ?
Jérôme Rothen : (rires) Bien sûr mais je n’étais pas le seul à chanter, faut pas croire (rires) !
Virage : Ultime question Jérôme. Si vous deviez choisir entre le PSG de la tête de Kombouaré ou celui d’aujourd’hui ?
Jérôme Rothen : Celui d’avant, tous les jours ! Tous les jours par rapport à une chose très simple : l’ambiance qu’il y avait dans ce stade. Avant, c’était hallucinant !
Et aujourd’hui, c’est effrayant, terrible, vertigineux. Paris a sombré en Espagne. Et les paroles de Jérôme Rothen résonnent avec encore plus de douleur. Trois semaines après cet entretien et une victoire splendide au Parc. Pas de doute, avec ou sans Rothen, avec ou sans Emery, Paris reste Paris : Une machine imprévisible, capable de tout et même du pire. Une seule chose compte désormais: Confier l’équipe et notre destin à un seul homme. Son nom est Pastore. Javier Pastore.
Quand on aime, on a toujours 20 ans. Quand on aime se faire mal aussi… Deux décennies plus tard, Virage se souvient de la finale de Coupe des coupes perdue face au FC Barcelone du jeune phénomène Ronaldo. 14 mai 1997. Stade de Feyenoord. L’Allemand Markus Merk au sifflet…
Virage : Vincent, quels souvenirs gardez-vous de cette finale perdue 1-0 contre le FC Barcelone ?
Vincent Guerin : Un mauvais souvenir forcément, puisque nous n’avons pas réussi à l’emporter. C’est d’ailleurs la seule finale perdue de ma carrière sur les neuf que j’ai disputées. Ce match me reste vraiment en travers de la gorge parce qu’il y avait la place pour faire mieux. On avait pris la rencontre par le bon bout, sans faire de complexe d’infériorité. Il n’y avait pas de « plan anti-Ronaldo » par exemple. Ce n’était pas le genre de la maison et surtout pas de l’entraineur Ricardo.
Pep & Raí
Virage : Quelles étaient les consignes de Ricardo ?
V.G. : Il fallait absolument faire déjouer Guardiola. L’objectif était de casser sa relation avec les autres joueurs du milieu et de l’attaque en le privant de ballon, ou en lui laissant le moins d’espace possible. Je pense qu’avec le recul, notre erreur à l’époque a été de trop nous focaliser sur le jeu du Barça. Nous n’étions pas assez libérés. Et c’est peut-être ce qui nous a perdus. On avait pourtant les armes ce soir-là.
Virage : Qu’est-ce qui a manqué au PSG ?
V.G. : L’efficacité d’abord. Et puis ce petit soupçon de réussite. Je repense à ce hors-jeu sifflé injustement à Patrice Loko en première période… Il y avait 0-0 à ce moment-là. Lancé en profondeur, Patrice avait éliminé Vitor Baia et s’était ouvert le chemin du but. On aurait sans doute pris l’avantage sur cette action et la finale aurait été toute autre.
Pep & Patrice
Virage : Vous sentiez la crainte chez les joueurs barcelonais ? Le PSG, champion d’Europe en titre, était respecté ?
V.G. : Oui. L’empreinte du PSG au niveau européen, et même international, était très forte à cette époque. Par les résultats d’abord : deux finales européennes consécutives, cinq demi-finales de suite… Et puis les clubs espagnols nous connaissaient très bien. Le PSG avait récemment éliminé le Real Madrid, le Barça, la Corogne… La crainte était dans leur camp.
Virage : Finalement, c’est Ronaldo qui a scellé le sort de cette finale avec un penalty inscrit à la 36e minute…
V.G. : C’était déjà le phénomène annoncé. Son explosivité, sa motricité, c’était du jamais vu. Après, malgré son but, Ronaldo a été assez effacé dans cette finale. C’est une petite fierté.
El Fenomeno
Virage : C’est le joueur le plus impressionnant que vous avez affronté durant votre carrière ?
V.G. : Dans un style un peu différent, un autre Brésilien m’a davantage marqué. Romario. Je me souviens l’avoir affronté en coupe d’Europe avec Montpellier, quand il évoluait au PSV Eindhoven avant de partir à Barcelone. Un joueur hors-norme, tout simplement. Il avait ce pouvoir de déstabiliser les défenses sur une simple accélération. Peu de joueurs avaient ses qualités naturelles de vivacité, de percussion. Un monstre.
Virage : Cette finale européenne perdue a été le symbole d’une saison très mouvementée au PSG. Comment l’avez-vous vécue de l’intérieur ?
V.G. : Très difficilement. La Coupe des coupes a d’ailleurs été une vraie bouffée d’oxygène pour les joueurs et le staff. Elle nous a permis d’oublier un peu le quotidien du championnat, ses hauts et ses bas, ou encore l’élimination face à Clermont en Coupe de France.
Virage : La saison 96/97 restera aussi la seule de Leonardo sous le maillot du PSG. Vous avez regretté son départ ?
V.G. : Evidemment. C’était un joueur extrêmement fin, habile, très technique, même si en coupe d’Europe, il n’a pas été vraiment à son avantage cette saison-là. Il a plus été porté par l’équipe. Son départ a quand même été un gros moins pour le club, car il n’a pas été remplacé par un joueur de son calibre. Son dernier match restera celui contre le Steaua Bucarest au Parc (NDLR : victoire 5-0 du PSG avec quatre passes décisives de Leonardo). Il était à l’apogée de son talent.
Pep & Leo
Virage : La Coupe des coupes n’existe plus aujourd’hui. Le PSG est le seul club français à l’avoir remportée. Vous répondez quoi à ceux qui pensent que c’était une « petite Coupe d’Europe » ?
V.G. : Qu’ils se trompent. Il suffit de regarder le palmarès : la Juventus, Barcelone, Milan, Chelsea… Des clubs encore référents aujourd’hui. Et puis gagner une coupe d’Europe, quelle qu’elle soit, c’est très difficile. Il faut se lever de bonne heure comme on dit ! (rires) Il n’y a pas de petits vainqueurs ou de coupe d’Europe au rabais. Aujourd’hui, évidemment, la Coupe des coupes ne représente plus grand chose dans l’esprit des gens, surtout avec la domination de la Ligue des Champions, qui regroupe les trois-quatre meilleures équipes des différents championnats. Je pense d’ailleurs que le PSG de 96/97 aurait vraiment été à la hauteur dans la ligue des Champions actuelle. A mon avis très souvent en quart de finale, voire même en demi-finale… C’est une évidence.
Christian Gavelle est le photographe officiel du PSG depuis 30 ans. A cette occasion il a sorti un magnifique livre compilant une sélection de ses meilleurs clichés. On lui a demandé de faire son Onze Type pour Virage.
….. INTERVIEW …..
David Beckham et Zlatan Ibrahimović
13 mai 2013
Beckham, même si il n’est pas resté longtemps, et Ibra sont peut être les deux plus grandes stars qui ont joué au Paris Saint-Germain. Il y a eu Ronaldhino mais il est devenu une star après son passage à Paris. Ce sont deux personnalités complètement opposées mais sur cette photo, ils sont comme deux potes qui prennent une petite bière. J’aime bien cette photo pour l’opposition des deux styles, des deux personnalités car c’est ça qui m’a marqué. Ibra tout le monde le connait, très grand joueur, très fort sur le terrain, une enfance difficile qui explique en partie son comportement. Mais je pense qu’il exagère ce côté là pour se protéger. Pour l’avoir suivi durant sa carrière au PSG, il était sollicité tout le temps, donc à un moment tu pètes un plomb ou tu te protèges.
Quant à Beckham, c’était quelqu’un de très poli, très bien élevé, un peu le gendre idéal. Je me souviens du match à Lorient où il n’a pas joué lors de la dernière journée de championnat 2012-2013 où nous sommes champions. Avant d’atterrir, il est allé saluer tout le monde dans l’avion, rangée par rangée, et pas seulement les joueurs, tout le staff, c’était classe de sa part. Beckham se protégeait plus via son entourage. Il avait tout une équipe de communication autour de lui. Vu qu’il a vraiment un fond très gentil, il est capable de dire oui à tout le monde donc c’est plus facile de dire non via une tierce personne.
Luis Fernandez
Camp des Loges, Eté 1995
On va donc parler du Luis entraîneur. Luis est d’origine espagnole et je retrouve en Emery les mêmes traits de caractère sur le banc de touche. Luis comme Emery sont des garçons hyper démonstratifs. A tel point qu’ils doivent savoir que la moitié de ce qu’ils disent, aucun joueur ne peut l’entendre sur le terrain. Mais ça ne les empêche pas de parler, d’apostropher leurs joueurs comme si ils les entendaient. Et pour en avoir parlé avec un certain nombre de joueurs, à part ceux qui sont du bon côté du terrain, ils n’entendent et ne voient rien pendant le match. Mais ce côté « sans chaud » peut générer de belles photos.
David Ginola
Juillet 1994, stage à Pouligny-Notre-Dame
Je me souviens très bien de ce moment là. On était en stage chez Michel Denisot, à côté de Châteauroux. La séance d’entraînement était terminée et les adjoints étaient en train de ranger le matériel. David s’est fait un petit concours de penalty avec un autre joueur dont j’ai oublié le nom.
Il faisait chaud, c’était l’été et il a retiré son maillot d’entraînement. Sur la photo on le voit tirer un penalty. Et là voilà, c’est un peu le summum du corps masculin parfait. Quand on voit la photo on est tous un petit peu jaloux de El Magnifico… Et c’est vrai que sur celle-ci il a des petits airs de Zlatan.
Raí
Ce n’est pas original mais je choisis la photo de la couverture du livre, mais je vais te raconter une histoire à ce sujet. On a hésité avec d’autres photos. Il y avait une photo de Thiago Silva, une de Zlatan, mais la photo de Raí est symbolique. Et comme Thiago Silva joue encore et que Zlatan venait de partir, on trouvait ça un peu gênant. Raí s’inscrivait plus dans l’histoire, dans mes 30 ans au club. Mais je ne savais pas comment il allait réagir au fait d’être en couverture. Donc je lui ai écrit un mail avant que le livre ne sorte en lui expliquant que j’avais envie d’une photo forte, émouvante, symbolique, que je me souvenais de cette scène où il poussait des cris. Et je lui ai donc annoncé que c’est lui qui ferait la couverture de mon livre. Il m’a envoyé une réponse très émouvante en me disant qu’il vivait ça comme un énorme hommage et que ça l’avait fait pleurer en repensant à ce moment là de sa carrière.
25 avril 1998, Parc des Princes
Et puis tu sais on me demande souvent quel a été le plus grand joueur que j’ai pu côtoyer au PSG. Dans ces moments là tu es obligé, ou pas, de dissocier le joueur de foot, de la personnalité du mec. Raí a été un grand joueur mais c’est une personnalité très touchante. Passer un moment avec Raí c’est délicieux. J’ai d’ailleurs pris un petit déjeuner avec lui il n’y a pas longtemps. Je lui ai parlé de deux anecdotes. La première c’est à ses débuts au PSG. On était dans un avion et j’étais assis à côté de lui. Et dans un français encore approximatif il se tourne vers moi et me demande « Christian, tu peux m’expliquer le fonctionnement de la sécurité sociale ? »… Un joueur de foot qui s’intéresse à la façon dont les gens cotisent etc… Et la deuxième anecdote c’était lié à une rubrique dans le magazine du PSG qui s’appelait « Mon Paris à moi ». On demandait à des joueurs de choisir un endroit à Paris pour se faire photographier. Les mecs choisissaient souvent les Champs-Elysées, l’Arc de Triomphe, la Tour Eiffel. Raí, lui, a répondu immédiatement « le pont Alexandre III ». Et puis on sait aussi qu’il a pris la double nationalité française. Il est la preuve que le foot peut changer un homme. Il aurait pu aller jouer en Italie mais il est vraiment tombé amoureux de la France, de Paris. Il adore ce pays, il s’est intéressé au vin, chose qu’il ne connaissait pas en arrivant en France. Mais aussi à la gastronomie, à la musique française, il aimait beaucoup le groupe Les Innocents…
Ronaldinho
26 octobre 2002, PSG-OM
Plus que la photo en elle même c’est le mec qui m’a marqué. Tous les brésiliens ont un point commun. Ils ont un regard très positif sur la vie. Ils sont plus ou moins extravertis mais Ronnie c’était le brésilien exacerbé par excellence. Le football pour lui c’était un jeu, c’était le plaisir, on s’amuse avec un ballon. Le jour où il a signé je m’en souviens très bien. Il était dans un bureau en train d’attendre pour signer tout un tas de papiers. Et il y avait un vieux ballon dégonflé par terre. Je me demande si ce n’était pas le ballon du chien d’un des financiers du club. Il a pris le ballon et a fait des trucs incroyables avec. J’ai regretté de n’avoir pas osé prendre une photo de lui à ce moment là. Pareil, quand on faisait les photos et les vidéos officielles pour les écrans du Parc, il se mettait à danser et j’étais un peu décontenancé… Il aurait pu être un immense joueur si il avait été un peu plus sérieux dans la gestion de sa carrière. Mais en même temps si il avait ce grain de folie qui lui faisait faire des passes du dos, c’est parce qu’il était comme ça. Je me souviens aussi de la soirée organisée par le club en 2002 à la Favela Chic à Paris pour son retour après le titre du Brésil en coupe du Monde. Il était dans son élément, il jouait des percussions avec les musiciens, il était infatigable, je suis rentré bien avant lui…
Bernard Lama
Février 1995
Pourquoi cette photo chez lui à Mesnil-le-Roi, car c’est une époque où je faisais des photos chez les joueurs, en famille. Il y en a plusieurs dans le livre. C’était sympa car tu passais un moment plus ou moins long avec les joueurs, tu les voyais dans un autre contexte. Et il fallait trouver des angles avant d’aller faire la photo et parfois en arrivant je n’avais pas forcément d’idée car je ne connaissais pas leur intérieur. Ça a été le cas pour cette photo avec Bernard. Comme je connaissais son attachement à la Guyane, à la musique, je lui ai proposé cette photo. J’ai mis un peu de lumière pour créer une ambiance de fin de journée un peu tamisée. Et puis Bernard c’est surtout devenu un copain. Ça fait partie des gars qui m’appellent encore aujourd’hui, comme ça. C’est le cas aussi de Pedro Miguel Pauleta. Décembre dernier, je suis en famille pour Noël et je reçois un appel, c’est Pedro qui me souhaite de joyeuses fêtes. C’est sympa quoi. Et puis je le dis souvent, je n’essaye pas de devenir copain avec les joueurs, ça ne vient jamais de moi ou rarement, comme avec Lionel Letizi car on était voisin. J’essaye juste d’avoir de bonnes relations avec eux pour bien travailler.
Pedro Miguel Pauleta C’était une thématique à l’époque du magazine 100% PSG. L’organisation de ce shooting avait été compliquée. J’avais acheté moi même des casiers à bouteille chez Castorama pour poser les 81 ballons représentant son nombre de buts marqués. J’avais demandé les ballons à Nike mais ils sont arrivés tous dégonflés dans des cartons. J’ai donc demandé à la boutique de m’envoyer un gars avec un gonfleur… Et quand Pauleta est arrivé on était tout juste prêt. On a fait cette photo dans la salle de presse des photographes du Parc des Princes. C’était chaud. Aujourd’hui je ne sais pas si j’aurais le courage de monter ce genre de photo tellement ça prenait du temps. J’étais tout seul à l’époque, sans assistant ni rien.
Safet Sušić
14 Septembre 1988, PSG-Bordeaux
Je choisis cette photo car il est en action sur le terrain et c’est là qu’il était le plus impressionnant. C’est un joueur qui m’a fasciné, il était très complet et surtout c’est un joueur qui avait une influence énorme sur l’équipe. A l’époque on disait que quand Safet toussait, toute l’équipe prenait un rhume. Un joueur de cette classe là, c’est un miracle qu’il soit venu au PSG à cette période de l’histoire du club. On était une équipe européenne moyenne. On l’a récupéré sur un mic mac car son agent l’avait fait signer dans deux clubs italiens en même temps, donc il a été exclu du championnat italien. Mais il a marqué l’histoire du PSG. Il fait partie des joueurs comme Dhaleb, Raí, Weah, Ginola, Pauleta, Ibra. Avant l’arrivée d’Ibra à Paris, je disais souvent que Sušić était le plus grand, le plus fort. Il est resté longtemps, le club est champion de France pour la première fois en 85-86 avec lui, il gagne la coupe de France en 83 contre Nantes, il a un palmarès. Mais depuis, ce qu’a fait Ibra au PSG est énorme, à tout point de vue.
George Weah
21 octobre 1992, Stade San Paolo
Il faut savoir que cette photo est tirée d’une diapositive. On le voit car le grain est très particulier. On ne voit plus ce type de rendu aujourd’hui avec le numérique. Ça donne un côté Vintage. J’aime bien aussi cette photo car George rentre parfaitement dans mon cadrage. Ce sont les débuts européens du PSG à Naples en 1992. Le PSG n’est pas encore vraiment connu. Et on gagne 2-0 en 16ème de finale avec 2 buts de Mister George. C’est à ce moment qu’il commence à marquer de son empreinte le football européen. C’était un sacré joueur, un sacré buteur. Quand il était lancé, c’était difficile de l’arrêter, un vrai TGV.
Javier Pastore
Tout comme Marco Verratti, c’est un gamin et il est adorable. Jerome Touboul, le directeur de la communication du club a offert mon livre à tous les joueurs. je ne voulais pas être là quand ça s’est fait. Javier est le seul qui m’ait cherché partout pour me faire dédicacer son bouquin. Il m’a dit « Christian, tu veux bien me dédicacer ton livre ? », je lui ai répondu « Attends je réfléchis (rires) ». C’était le monde à l’envers… Alors pourquoi cette photo ? Premièrement car il y a parfois des duos d’amitié qui se font en football. Ces amitiés se construisent au PSG comme Marquinhos et Lucas qui ne se connaissaient pas avant de jouer ensemble. Ou dans d’autres clubs comme Maxwell et Ibra à l’Ajax, et Javier et Salva à Palerme. Ces deux derniers sont très potes et étaient tout le temps ensemble. Et ces couples parfois se séparent puisque Sirigu est parti en Espagne.
Trophée de Champions, Vol Paris-Libreville, Aout 2013
La deuxième raison de choisir cette photo c’est que l’avion est un endroit particulier. Quand j’ai commencé, il y avait l’équipe, le staff technique et médical et moi. Aujourd’hui il y a les attachés de presse, des gens qui filment, petit à petit on a grossi. J’ai moins l’occasion d’être au contact du groupe. A l’arrivée, l’équipe est dans un bus et je suis avec un autre moyen de locomotion, mais dans l’avion je peux discuter avec eux, c’est encore un moment de partage. Même si sur cette photo ils dorment. Mais il faut savoir que les joueurs sont de très gros consommateurs de sommeil. Sur cette photo c’est la matinée. ils ont déjà fait leur nuit mais ils sont capables de se rendormir très vite et n’importe où. D’autant qu’ils sont jeunes. C’est assez impressionnant.
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