Interview

Dominique Bathenay Virage PSG

Dominique Bathenay

Dominique Bathenay fait partie de la légende du football. Pour commencer c’est lui qu’on voit mettre une praline monumentale sous le maillot des verts à Liverpool dans le générique de téléfoot de la fin des 70’s. Les anciens s’en souviennent.
Ensuite, et à la surprise générale, car il signe au PSG en 1978 et en devient le capitaine indiscutable durant 7 saisons. Homme taiseux et discret, il a accepté de répondre à Gregory Protche qui est un fan de la première heure du « Hollandais ».
Depuis Gregory n’est pas redescendu sur terre. Jugez plutôt.

Difficile d’inventer ça : Dominique Bathenay a donné rendez-vous à Xavier, pour notre interview, au Starbuck du centre commercial de Belle-Epine. Un des hauts lieux de mon adolescence, à cause de sa salle de jeux. (N’était-ce pas à Belle-Epine qu’en guise de premier film au ciné, ma tante Christine m’avait emmené voir La carapate ? Dedans, en tout cas, il y a un « inspecteur Rocheteau », car quand son nom fut prononcé dans le film, la salle, je m’en souviens très bien, a autant applaudi que ri et fini par fredonner quelques secondes l’Allez les Verts de Monty. Je me souviens aussi d’avoir été très fier de pouvoir alors communier avec tous ces adultes).

Accès depuis Savigny par le 285 B. Une fois, ma mère et mon beau-père, à la Cafétéria Flunch, à cause de moi, se sont disputés sévèrement. Il était question de rupture. J’avais un peu peur, mais j’étais surtout assez satisfait. Pourvu que ma mère tienne bon. On l’a quitté là et sommes allés attendre, sous la pluie, bien sûr, le 285 B pour rentrer chez nous sans lui. Elle pleurait silencieusement. Je l’embrassais en lui disant qu’elle avait bien fait. Au bout de cinq minutes, j’ai reconnu la Ford escort de mon beau-père qui roulait vers nous. Merde. Raté. Elle va lui céder. Mais nous rentrerons au sec et au chaud dans sa voiture.

Il a beau avoir été refait à neuf, avec verrière, restaus pour employés à ticket-restaus et tout le toutim, il est quand même bien angoissant, ce centre commercial en cours de mall-isation. Idéal pour une scène dans un roman de Houellebecq du début du siècle. Du parking à perte de vue autour. Coincé entre Orly, Choisy-Le-Roi et Rungis. Sur la commune de Thiais, surtout célèbre pour son cimetière (me semble que dans Voyage au bout de la nuit et/ou Mort à crédit, il en est question, comme d’un lieu où on allait se promener et respirer un air moins pollué que celui du Paris des galeries marchandes éclairées au gaz du début du XXème siècle).

Dominique Bathenay Virage PSG
Face à Kevin Keegan, Anfield le 16 mars 1977

C’est vraiment un héros, Bathenay, il s’en fout complètement de ce que nous pourrions penser.
Normalement, l’ancien Parisien, c’est aux Princes ou dans un rade de Saint-Germain-en-Laye qu’on le passe à la question. Un café en vue dans le 8ème. Le sommet restant, pour Xavier, Sammy Traoré nous accueillant dans son pittoresque et haut en couleurs PMU-QG de quartier.
Mais Sammy, c’est un zoulou, un banlieusard.

Dominique Bathenay est né dans l’Ain en 1954, a grandi en Ardèche et fréquenté très tôt le centre de formation de l’ASSE, dont il fît la fierté. Au milieu des années 70, il est aussi indispensable aux multiples champions de France Verts qu’aux renaissants Bleus de Platini, dans un rôle assez moderne de 6 qui se projette. Très athlétique (1m80 pour 80kgs), capable d’évoluer à n’importe quel poste, bon technicien, gaucher, il est doté d’une frappe lourde et puissante qui lui a permis de marquer plusieurs but de légende, dont un resté inscrit dans toutes les mémoires à Anfield Road (on le voyait dans le générique de Téléfoot).

Dominique Bathenay a été donc plusieurs fois champion de France et vainqueur de la coupe avec l’ASSE. Blessé et incomplètement remis en 1978, le sélectionneur Hidalgo l’emmène quand même. Vingt ans après la mythique troisième place en Suède, et comme en 1966 (en 1962, 1970 et 1974, on a regardé la Coupe à la télé), la France est éliminée au premier tour, victime d’un sort qui au tirage l’a placée dans la poule d’un favori, l’Italie, et du pays organisateur, l’Argentine.

Dominique Bathenay Virage

En 1978, surtout, à la surprise générale, Bathenay, un des sénateurs verts quitte le Forez et son statut pour signer dans un club-barnum, présidé (depuis l’affaire de la double billetterie et la chute du couturier Daniel Hechter, notre premier président) par le fantasque et pittoresque Francis « J’embrasse la pelouse du Parc » Borelli : Paris Saint-Germain. Capitaine dès son premier match, et peu à peu descendu en libéro, sous son mandat, nous gagnons nos deux premiers trophées, les coupes de France de 1982 et 1983 – il est toujours co-recordman du nombre de victoire, avec, entre autres, Alain Roche…mais Marco Verratti devrait rejoindre le club bientôt.

En 1985, il signe à Sète et ne fera pas partie de l’effectif qui remporte le premier titre de champion de notre histoire, en 1986.
Ensuite, il a entraîné un peu partout sur le globe, été adjoint de Bruno Metsu.
Depuis peu, il est officiellement retraité.

Pile à l’heure, le Hollandais – ainsi que l’appelait le sorcier roumain Stefan Kovacs -, le Vert aux yeux bleus, le taiseux à frappe de sourd, en jean’s et blouson passe-partout, nous rejoint. Poignée de main franche. A partir de là, comme toujours, à cause de l’émotion, je ne me souviens plus de grand chose (heureusement qu’on enregistre). Je suis avec mon premier joueur préféré, un des dédicataires de mon livre, et qui plus est : dans le centre commercial où j’ai perdu tant de fric et de temps à m’acharner sur le flipper Hulk. Merci Xavier et Virage. Je n’ai pas réussi beaucoup de choses dans ma vie – comme mes idoles, j’ai beaucoup de déchet. Mais à cet instant précis, je la trouve super réussie, ma vie.

Alors que Xavier teste la prise de son de son téléphone et expose en deux mots à Bathenay le projet éditorial de Virage, le bénévolat de ses rédacteurs, je rédige une dédicace dans mon livre (« Quand la France était Dominique Rocheteau, moi j’étais Dominique Bathenay. ») La filme. Puis filme Dominique Bathenay pendant que je lui remets le livre et qu’il la découvre.
Moi, j’ai déjà beaucoup plus qu’il ne me faut : Dominique avait entendu parler de mon livre.
Xavier me fait signe qu’on est bon pour le son.


Originaire de l’Ain, qu’est-ce qui était le plus évident pour vous : L’OL ou l’ASSE ?

Bon, à 5-6 ans, j’ai quitté l’Ain pour l’Ardèche. Mais, comme supporter… j’étais supporter de rien. Du petit club où je jouais ! Mais l’équipe phare alors, c’était Saint-Etienne, pas Lyon. Même si Lyon avait de grands joueurs.

Est-ce qu’à 14-15 ans vous jouiez déjà demi défensif et est-ce que vous aviez un modèle à ce poste ?

J’étais plutôt attaquant. Quand j’étais petit, j’étais attaquant et gardien de buts. On pouvait passer d’avant-centre en pupilles à goal en minîmes – U10, U 12. J’ai toujours aimé jouer à tous les postes. J’ai aimé aussi jouer au rugby. Le joueur que je préférais, c’était Beckenbauer.

Qui était entre le 6 et le 5…

Voilà. En 1966, il jouait milieu. C’était un joueur élégant et technique. Un des joueurs que je préférais.

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12 mai 1976. Des poteaux carrés, Dominique et Gerd Müller le barbu.

Pourtant, juste avant de tirer sur la barre en finale dela coupe d’Europe des clubs champions, en 1976, à Glasgow, vous l’avez dribblé…

Ça n’empêche rien (rires). Le respect n’empêche pas le jeu.

Respecter son adversaire, c’est parfois le dribbler… parlez en à Neymar ! (rires). 
Quand vous arrivez à Saint-Etienne, qui est la vedette de l’équipe ?

Il y en avait beaucoup.

Mais pour vous… ?

Quand je suis arrivé, il y avait Salif Keita. Il était encore là. Il y avait de bons joueurs, Georges Beretta, qui était en équipe de France, il y avait Jean-Michel Larqué, qui était un peu plus jeune… Robert Herbin. Il y avait Albert Batteux, quand même, comme entraîneur. Mais Salif Keita, c’était Le joueur différent.

Comment viviez-vous la starification de l’autre Dominique, Rocheteau ?

Très bien. Dominique était à part. Il est resté longtemps célibataire, il avait les cheveux longs et bouclés, il avait ce jeu d’attaquant un peu atypique alors. Il n’y avait aucun problème lié à la starification de Rocheteau avec les autres joueurs.

Vous étiez deux taiseux…

Ouais. On a même vécu… non, pas vécu (rires), mais partagé la même chambre à Saint-Etienne, au centre de formation. On ne se disait pas grand chose (rires). C’était bonjour, bonsoir, tiens, tes parents ont rappelé, il faut que tu les rappelles… J’exagère mais c’était un petit peu ça.

C’est quoi, une forme de caractère, de timidité ?

Oui, je pense. Nous, on était plutôt taiseux.

Avant la coupe du monde 1978, en Agentine, vous êtes titulaire en équipe de France, mais blessé. Vous ne jouez pas le premier match, contre l’Italie (défaite 1-2). J’avais alors 8 ans et c’était difficile pour moi de comprendre toutes les logiques qui agissaient… Vous étiez vraiment blessé ?

Oui. J’ai dû me blesser en février. Je suis resté six semaines plâtré. Le temps que tout se remette en place, que tout revienne, Michel Hidalgo m’emmène en Argentine. Après pour le match contre l’Italie, il fait un choix différent. Peut-être que je n’étais pas au top non plus.

Quand on apprend, a posteriori, qu’un joueur a joué blessé, on se demande toujours qui a pris la décision, le coach, en le sachant ou en l’ignorant, est-ce que le joueur a caché…

Non, mais moi j’étais rétabli. Mais je n’étais pas revenu au top. Après le premier match, il fait d’autres choix (ndlr : Bathenay joue contre l’Argentine : 1-2 aussi).

Vous pensiez que vous auriez dû jouer contre l’Italie ?

Tous les joueurs pensent qu’ils doivent jouer. Moi le premier. Après, les entraîneurs font des choix.

En tout cas, contre l’Argentine, vous avez joué.

Oui, peut-être qu’il a voulu rééquilibrer. Moi, j’étais heureux de jouer, bien sûr.

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Avec les bleus au Maracana face au Brésil en 1977

Quand vous êtes parti à la coupe du monde, vous aviez déjà signé à Paris ?

Oui, je crois.

J’ai retourné tout internet, je n’ai jamais trouvé pourquoi vous signez à Paris ?
Pourquoi à cette époque, alors que vous étiez au top à Sainté ? Platini va finir par logiquement arriver à l’ASSE…

Oh, il n’y avait rien de logique (rires). A Saint-Etienne, plusieurs joueurs sont partis en 1978. On était parmi les premiers contrats à temps et on arrivait en fin de contrat. Après, il y a eu des discussions… Et comme toujours, celui qui est déjà dans la maison, on pense qu’il est bien gentil et va rester à sa place… « Sois bien content de ce qu’on te donne. »

Même après Anfield… ?

Mais oui, mais… Saint-Etienne, il y a eu une période où ils ont commencé à gagner beaucoup d’argent. Les premières diffusions télé, le marketing commençait. C’était peut-être le premier vrai club pro, mais on arrivait en fin de contrat… maintenant, on discute. On n’est plus les petits garçons qu’on était à 18 ans, quand on signait nos premiers contrats. Et puis on a toujours aussi envie de voir ailleurs, et puis Paris, c’est Paris.

Même si PSG, ce n’était pas grand chose à l’époque…

Oui. Mais c’est Paris ! C’est pas grand chose, mais on sent que… voilà. Il allait y avoir Hechter, ensuite Borelli… Il y avait eu Jean-Michel Larqué qui avait signé. Il faisait le forcing pour que je vienne.

Larqué a fait le forcing pour que vous signiez à Paris ?

Oui. J’avais d’autres propositions, mais par rapport à Paris… C’était une nouvelle aventure, un nouveau départ. A Paris, il y avait de bons joueurs. Dahleb. Baratelli, qui arrivait en même temps que moi. Paris continuait de bâtir une équipe.

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La tour de contrôle

C’est dans l’actualité et il est milieu de terrain comme vous… quel regard vous portez sur Rabiot ?

C’est compliqué… Je crois qu’il y a beaucoup d’impatience, d’inconscience aussi. Je n’ai pas tous les tenants et aboutissants, mais il a 23 ans, il a joué six fois en équipe de France. Il a joué à Paris, a été prêté à Toulouse… ça a toujours été compliqué, Rabiot ! Bon, il veut partir. Mais il a mal géré tout ça, je trouve.

Il se retrouve détesté un peu par tout le monde…

Oui… Il était aimé par les Parisiens. Bon, en équipe de France, ça se passe mal, le public commence un peu à le…

Ouais, mais ça, ça pouvait aller aux supporters parisiens. On a l’habitude ! (rires)

Il finit par se faire détester par son club… Je ne sais pas ce qu’il s’est passé, mais, comment dire : Rabiot, c’est pas Neymar !

Pour revenir à votre signature à Paris. Est-ce qu’on vous a tenu un discours qui vous a vraiment plu ? Et qui ?

Bon, déjà, il y avait Jean-Michel Larqué. Il y avait Francis Borelli ! Il venait de récupérer les rênes. Il était charmeur. Et puis : c’est Paris.

Et le Parc aussi ? Vous y aviez gagné des finales de coupe…

Oui, oui, le Parc aussi. Mais ce n’est pas le stade que je préférais.

Ah…

Ah moi, j’adorais Nice, le stade du Ray. Mais ils ne m’ont jamais contacté.

Je sais qu’à l’époque, les transferts à l’étranger étaient rares, mais est-ce que des clubs étrangers vous ont contacté ?

Barcelone, avant ma blessure, s’était un peu intéressé à moi.

Le Barcelone de Cruyff…

Et de Neeskens.

Vous avez lu le bouquin de Larios ?

Non.

Dominique Bathenay Virage

Ce qu’il raconte sur le dopage à Saint-Etienne… ?

Après, c’est toujours pareil : qu’est-ce que le dopage ? De quoi il veut parler ? Il parle de lui ? Tous ces trucs à polémiques, ça sert à rien… ça sert à rien. On a toujours l’impression que ces choses-là sont organisées… alors que rien n’est organisé. Il y avait moins de contrôles et moins de produits interdits. Parler de ça, ça ne sert à rien. Bon, lui, si ça lui permet quelques rentrées… Après, on l’a dit aussi pour les Hollandais. On l’a dit aussi des Allemands.

Et des Espagnols, il n’y a pas si longtemps…

Mais oui. Maintenant si prendre des vitamines à l’époque, faire une cure de vitamines, c’était se doper, alors oui.

Il y a une chose qui revient souvent au sujet de PSG, c’est son amateurisme. Ancelotti, dans son livre, raconte qu’en 2011, en arrivant au camp des Loges, il a été estomaqué par le fait qu’il n’y avait même pas un réfectoire où faire manger ses joueurs ensemble… En 1978, arrivant de l’ASSE, premier vrai club pro, structuré, compétitif, vous n’avez pas pensé que vous n’aviez pas signé au bon endroit ?

Si ! (rires) C’était le jour et la nuit, entre les deux installations, il y avait des années lumière entre l’organisation de Saint-Etienne et Paris. J’ai ramené mes affaires à nettoyer à la maison, ma femme m’a dit « C’est quoi ça ? » Il n’y avait pas de casiers, pas de sauna, y’avait rien. Je me souviens d’Ardilès qui arrive, champion du monde quand même, les mains dans les poches… t’as pas amené tes affaires, elles sont où ? – Je ne sais pas… Personne ne s’était occupé de lui. Nous, à Sainté, on était pris en charge. Quelqu’un s’occupait des affaires, des chaussures, on avait le sauna, un kiné et un docteur à temps plein, des baignoires thalasso, des terrains synthétiques… On était les premiers à faire les déplacements en avion. A Paris, il n’y avait rien. Si, il y avait une équipe, des joueurs, et des bons mecs. Heureusement, parce que sinon…

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Francis, toujours derrière ton dos

Vous pensez qu’ils faisaient attention à ça, au bon état d’esprit, au côté famille ? Parce que Borelli dégageait un peu cette image… peut-être qu’il recrutait les joueurs en fonction de ça aussi, du feeling ?

Il aimait beaucoup recevoir. Connaître les familles des joueurs, les enfants, les femmes. C’était un charmeur, vraiment. Quand on entrait dans son bureau pour discuter contrat, en sortant on demandait combien je vous dois pour jouer chez vous ?! (rires) Mais plein d’attentions vis à vis des familles, se souvenant des anniversaires. Il aimait les joueurs, il aimait le jeu – il venait même des fois s’entraîner un peu avec nous. Il appelait tous les joueurs du championnat pour qu’ils signent à Paris ! (rires) C’est quelqu’un que j’aimais beaucoup.

C’est vrai qu’on n’imagine pas Nasser mettre des nike pour aller s’entraîner avec les joueurs… Quoi qu’il soit assez proche des joueurs…

Oui, mais c’est surtout de son entraîneur qu’il faut être proche. Il ne faut pas être plus près des joueurs que de son entraîneur. Les joueurs ont tendance à squeezer le coach.

On n’imagine pas non plus Neymar passant par Tuchel pour parler à Nasser…

Ouais, mais si Nasser lui répond, va d’abord voir ton coach, pour les question de foot, vois avec ton entraîneur…

Borelli intervenait dans les compositions ou les schémas tactiques ?

Je ne sais pas. Il aimait le jeu, en discuter. Pour un entraîneur, le patron, c’est le président, alors il est normal d’échanger.

Quand j’étais gosse, pour tout le monde, parce que c’était le club de la capitale, Paris, c’étaient « les riches ». Vous, vu de l’intérieur, vous subissiez l’amateurisme…

Paris engageait des joueurs, on parlait des contrats. Simplement parce qu’ils bâtissaient une équipe. Mais c’était Paris, donc… Vu de province, on monte à la capitale, pour jouer dans le club des riches.

Les Stéphanois ne vous en ont pas voulu d’être parti ?

Non. Je ne sais pas. Faudrait leur demander, mais je ne pense pas. On me dit plutôt merci, là-bas, dans les rues.

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Dans un champ de patates de campagne

Sous le maillot parisien, en déplacement, vous sentiez la rivalité Paris/Province ?

Ça a toujours un petit peu existé. On était « les Parisiens », quoi. Mais, par rapport aux périodes suivantes, ça restait bon enfant.

C’est à cause de Beckenbauer que de demi vous glissez en libéro ?

Non. A Sainté, j’avais joué à presque tous les postes déjà. Ailier gauche, latéral, stoppeur… Mais j’étais un défenseur assez offensif.

Vous avez récupéré le brassard en arrivant ?

Non, Mustapha Dahleb le portait. C’était un superbe joueur. Je ne sais pas comment ça s’est fait, mais je l’ai eu.

C’est pas vous qui avez demandé à être capitaine ?

Ah non, non. Je pense qu’auprès des joueurs, même si j’étais jeune, mon passé, mon expérience me servaient. J’avais peut-être aussi un caractère qui faisait que les gens venaient facilement vers moi. Être capitaine, c’est être là quand ça ne va pas bien. Faire le lien entre les joueurs, l’entraîneur et le club. Être solide, même si des fois on n’est pas très bon, être solide mentalement.

Dominique Bathenay Virage

Des entraîneurs que vous avez connus à Paris, qui vous laisse le souvenir le plus fort, Peyroche ?

Georges, oui… c’était quelqu’un de sympa, proche des joueurs. Au niveau tactique, Vasović.

C’était presque un Hollandais, il avait joué à l’Ajax…

Oui, j’aimais beaucoup. Tous les entraîneurs vous apportent quelque chose… Donc, Georges, oui, il a quand même réussi des choses à Paris…

Bien que maltraité… ?

Bien que critiqué, discuté. Mais je pense qu’il n’a jamais été lâché par les joueurs.

Luis Fernandez a raconté que lorsqu’il a commencé à jouer en équipe pro à Paris, quand il rentrait aux vestiaires, après le match, les anciens comme vous, comme Sušić et Dahleb, lui jetaient leurs chaussures à nettoyer… vrai ou pas vrai ?

C’est exagéré.

Attention, il faut contextualiser : Luis ne dit pas ça contre ces anciens, il le dit pour expliquer pourquoi lui, élevé par les anciens à la dure, avait du mal à comprendre les jeunes stars des années 2000, les Anelka, Ronaldinho…qui ne commençaient peut-être pas en baissant les yeux.

Oui, je pense pas que Luis ait souvent baissé les yeux (rires). Je pense que c’est exagéré, mais c’est vrai que quand on est jeune et qu’on arrive dans une équipe, il y a des piliers… vers lesquels aussi on se tourne quand ça va moins bien. A Saint-Etienne, nous les jeunes, on s’en remettait à Beretta, Larqué… on ne voulait pas être responsables. Les jeunes, à l’époque, ben, quand on arrivait, on tapait à la porte du vestiaire, on entrait et s’asseyait quand on nous le disait.

Luis Fernandez PSG Virage
Luis, Capitaine successeur de Dom’

Alain Roche nous avait dit ça aussi, pour son arrivée à Bordeaux…

C’est aussi un jeu entre les anciens et les nouveaux. Il y en a avec qui on le fait plus qu’avec d’autres aussi… C’est un rite de passage. Il y en a partout.

Restons sur Luis. Quand vous l’avez vu débuter, vous avez senti que ce serait un bon… ?

Oui…non… il y avait pas mal de jeunes, Lemoult, Pilorget, Morin… Oui, on sentait qu’il y avait un potentiel chez lui, d’envie, d’enthousiasme.

Il ne vous faisait pas un peu ch… à discuter tout le temps, avec les arbitres, etc.

Un petit peu, un petit peu… à toujours vouloir tout faire. Il se dispersait quand même pas mal.

Quand vous quittez Paris, en 1985, c’est pour les mêmes raisons qu’à Saint-Etienne, fin de contrat ?

Fin de contrat, oui. Et puis, j’avais de petits soucis avec l’entraîneur du moment.

Leduc ?

Non, Leduc, c’était bien.

Avec Coste ?

Oui, avec Coste.

Ah, ça me fait plaisir, je n’aimais Christian Coste ! (rires)

Ça ne s’est pas très bien passé, il n’a pas été très correct avec moi. C’est la vie, rien de tragique. C’était peut-être aussi la fin d’un cycle.

Vous avez évolué à Paris avec Alvès, Ardiles, Dahleb, Šurjak, Sušić… lequel vous a fait la plus forte impression ?

Ils sont très différents. Ardilès, très bon joueur, très collectif. Alvès, bon, il n’a pas beaucoup joué. C’est dommage, il aurait apporté énormément.

Il était vraiment très fort ?

Très très fort. Šurjak… on disait yougoslave à l’époque, mais lui, il était tout sauf yougoslave ! Il faisait tout. Super joueur. Très bon camarade. Beaucoup d’ambiance.

On connaît de vieux supporters parisiens, pour qui le premier grand c’est lui.

Il n’a fait qu’une année !

Celle du premier trophée…

C’est vrai. Il était tellement apprécié que quand il est parti, nous les joueurs, nous lui avons fait un cadeau. Parce qu’il nous avait apporté énormément. Très très bon joueur. Il communiquait une joie de vivre, une bonne humeur. Safet, avec tout son talent…

Vous l’avez joué le vilain match contre Videoton ?

Ouais.

Qu’est-ce que vous pensez de Safet contre Videoton, qui coûte un ou deux buts à PSG ? (rires)

Je ne me rappelle pas trop… c’est pas un grand souvenir, hein. Safet, c’était vraiment beaucoup de talents…

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Dominique admirant Safet l’artiste

Vous sembliez presque l’opposer à Šurjak en termes d’état d’esprit…

Pas en état d’esprit, en caractère. Safet, c’était pas un rigolo, rigolo. Pour le dérider, c’était compliqué. Mais sans que ça ne pose de problème, entendons-nous. Mais très grand joueur.

Dès que vous l’avez vu, vous l’avez pensé ?

Oui. Ça se sent. On le connaissait quand même un peu. Ça se voit. Il fait partie des grands joueurs du PSG.

Quels rapports aviez-vous, personnellement, avec les supporters, ceux qui venaient au Parc, au camp des Loges ?

Ça se passait bien. C’était bon enfant. Surtout, les premières années, les gens allaient au Parc, ils ne savaient pas qui allait gagner, mais ils allaient voir des buts. On ne savait pas de quel côté, mais bon. Il y avait toujours du spectacle. Une équipe qui se formait. Un public qui se formait. Parce que, avant, les Parisiens étaient plutôt supporters de Saint-Etienne.

Chaque année, il y avait plusieurs matches que vous jouiez au Parc mais en fait à l’extérieur, vu que les supporters adverses étaient plus nombreux…

Oui. Avec les Bretons, les Stéphanois. C’était toujours bon enfant. Au camp des Loges, il y avait une proximité qui ne peut plus exister.

Vous avez connu les premiers supporters organisés, les premiers ultras… notamment à Boulogne. Vous le sentiez sur le terrain ?

Non.

On évoquait le côté délirant de Borelli. Dans le vestiaire, comment vous vivez le fait que PSG soit capable de faire signer Niederbacher plutôt qu’Elkjaer Larsen, surtout après l’Euro 84 de Larsen ?

Oui, oui… dans tous les clubs, il y a des choses qui se font, et…

On ne sait pas pourquoi ?

Ah si, on sait pourquoi : on se trompe. Il n’était peut-être pas fait pour jouer à Paris, mais c’était un bon joueur ! Elégant, beau joueur, comme les aimait Borelli. Dans tous les clubs, il y a des erreurs de recrutement.

Dominique Bathenay Virage

Nous, comme supporters, on a toujours l’impression d’être les seuls à faire n’importe quoi…

C’est Paris. Beaucoup de journalistes sont ici, mais aucun n’est parisien. En province, ils sont supporters de leur équipe. A Paris, non. On est plutôt critiques.

Et ça n’a pas changé !

Et ça n’a pas changé.

Il y a eu une époque où Canal +, propriétaire du club, payait les Guignols qui nous dégueulaient dessus tous les soirs.

Voilà… c’est plus compliqué de jouer à Paris qu’en province. A Paris, toujours sous les feux de l’actualité et des journalistes, il faut toujours être bon. Tandis qu’en province, moins maintenant, tu faisais un bon match, tu en avais pour deux mois. A Paris, à chaque match, il fallait être bon.

Vous l’avez senti dès votre arrivée ?

Oui, oui.

Dominique Bathenay Virage PSG
Les 2 plus beaux maillots du monde

Vous vous y étiez préparé, à être costaud, au regard du contexte ?

Quand j’arrive à Paris, j’arrive avec mon statut. On me regarde. Est-ce que je suis moins bon, est-ce que ceci… on a l’impression qu’il faut tout faire. C’est une erreur d’ailleurs. On attend de nous qu’on joue à tous les postes… Il faut être un peu costaud. Après, ben, on joue et on n’y pense plus. On a des coéquipiers, un entraîneur.

Sur toute votre carrière, quelles relations avez-vous eues avec la presse ?

Je pense de bons rapports et des rapports francs. C’était moins compliqué, tous les journalistes, on les connaissait. J’ai entraîné à l’étranger. Il y a des journalistes qui ont commenté sur TV5 Monde. Si les joueurs avaient entendu la moitié de ce qu’ils disaient d’eux, ils les auraient mis au placard. Dont un, qui s’appelle Riolo… J’écoutais. Il n’était pas encore trop connu. Bon, c’était un aparté. Une fois, à Saint-Etienne, j’ai dit que le public était bête et méchant. Un journaliste a repris. Ils s’en prenaient toujours à Patrick Revelli. Ils m’en ont un peu voulu. Le public en veut à certains joueurs, mais les journalistes parfois aussi. A un moment, Pastore, c’était le meilleur, puis après, c’était le pire. Pareil pour Verratti, Cavani… c’est comme ça.

Depuis 1985, globalement, vous suivez plus les résultats de Saint-Etienne ou de PSG ?

Que dire…je regarde d’abord Saint-Etienne, parce que je connais encore beaucoup de monde là-bas.

Vous préférez le PSG Canal + des années 90 ou celui des Qataris depuis 2011 ?

C’est compliqué de faire des comparaisons. J’étais plus proche des années Canal, parce que je connaissais les joueurs, dont certains avaient commencé quand je finissais. Maintenant, je ne connais pratiquement plus personne, enfin, je ne connais plus personne.

PSG, le club, vous contacte des fois, pour des rassemblements, des choses comme ça ?

Ça s’est fait l’année dernière. 3 ou 4 fois, on m’a invité.

C’est une chose que nous nous disons souvent : incroyable que des joueurs comme Dahleb, Sušić, n’aient pas plus de reconnaissance, d’existence dans l’histoire du club. Avec eux, vous êtes les premières vraies vedettes du Parc. Je mets de côté les Dogliani, Djorkaeff… ça commence avec vous.

Oui. Ça démarre là parce que les médias ont commencé à être un peu plus présents.

Les premiers trophées…

C’est vrai.

La sortie de Zlatan, sur l’histoire du club. Ça vous a fait quoi ?

Bon, lui, il peut le dire. Il s’en fout. Mais qui parle de lui aujourd’hui ? On parle de Neymar, de Mbappé… C’est le club, l’institution qui aurait du lui dire, même si c’est Ibrahimović, il y a eu du monde avant toi, il y a un club avant toi, il y a eu de grands joueurs avant toi… des Ballon d’or, hein. Ronaldinho, Weah… des gens qui ont gagné la coupe du monde, la coupe d’Europe… Lui, c’est un provocateur, mais le club aurait du réagir. Il faut de l’argent pour construire un grand club européen, mais ils doivent aussi construire l’histoire.

Michel Platini Virage
Michel Le Grand

Vous étiez au courant que Borelli avait essayé, avec force, de faire venir Platini à Paris ?

Bien sûr.

Il vous sollicitait pour faire venir Platini ?

Bien sûr. Mais on n’a pas réussi à la convaincre. (rires) Mais comme joueur, on pouvait le comprendre, d’origine italienne, jouer à la Juventus…

Vous vous souvenez du PSG-Juve de 1983 au Parc ?

Bien sûr.

Dans mon livre, il y a plus de vingt pages sur la première mi-temps et en particulier Sušić dans cette première mi-temps… vous vous souvenez de lui ce jour-là ?

Non, pas vraiment. J’étais dans le match et je n’ai pas une très grande mémoire du détail des matches que j’ai joués. Je pense que je me suis blessé ce jour-là.

Et que votre pote Platini s’est fait siffler au Parc…

C’est très français, ça. Je ne demande pas qu’on adule nos joueurs, mais un peu de respect pour ceux qui ont apporté.

Vous pensez que Platini a été à un moment le meilleur joueur du monde ?

Oui. Je l’ai connu en espoirs. Il faisait tout mieux que les autres. Il sentait mieux, il voyait plus vite, il allait plus loin. Après, d’autres joueurs ont d’autres qualités.

On m’a dit que dans les années 70, Henri Michel et Jean-Marc Guillou étaient de fabuleux techniciens…

Henri Michel, un très grand joueur. Jean-Marc, techniquement, était plus restreint. Henri était juste en-dessous de Platini. Il avait de l’influence, une stature, il voyait bien le jeu, pouvait jouer court, long, indifféremment.

Dominique Bathenay Virage PSG
Face à Face Dominique-Henri

On a vu récemment circuler sur les réseaux sociaux une photo de Jean-Marc Guillou, dans les années 70, avec le survêtement de la sélection, signant des autographes avec une clope au bec ! Beaucoup de joueurs fumaient ?

Beaucoup, je ne sais pas, mais on fumait, ouais. Il y en a encore qui fument.

Verratti…

A Sainté, on était quatre à fumer. Oswaldo Piazza, Patrick Revelli, Robert Herbin et moi.

Piazza et vous, les deux poumons, les deux qui couraient le plus !?

Oui. C’est pas bien, c’est pas bon pour la santé, tout ce qu’on veut. Il n’y a pas si longtemps, on fumait partout, dans les bus, les avions… mais c’est compliqué pour les joueurs aujourd’hui, ils sont traqués, filmés tout le temps. Quand on me demande comment j’aurais fait si j’avais joué aujourd’hui… je me dis, quelle vie.

Vous aviez un peu de temps à côté pour le reste de la vie…

On avait une vie normale. On pouvait sortir, aller en boîte, au restaurant. Maintenant, c’est compliqué pour les joueurs. Alors quand ils veulent sortir, ils prennent l’avion, ils vont à Londres. Sinon, une photo, elle va sur les réseaux sociaux, etc. Même sur le terrain, ils se mettent la main devant la bouche pour se parler. Et, en même temps, ils l’ont un peu voulu, ils sont allés vers les people. Et les people sont venus à eux. Donc maintenant ils sont des people. Ce qui n’était pas le cas il y a trente ans. On était des sportifs.

Ben, déjà, physiquement, de look, etc, dans vos générations, vous n’étiez pas des beaux gosses… Vous aviez des têtes d’homme, de papa, eux, ce sont des gravures.

Ils soignent leur image. Faut qu’on les remarque. Leur image a une valeur. Maintenant, ça fait partie de leur métier. Les médias font partie de leur métier. Nous, en gros, on démarrait avec les médias.

Finale de la Coupe de France, le 11 juin 1983. Gros Look Max…

Quel joueur parisien actuel vous plaît ?

On va parler de Neymar. C’est une autre planète. Pour une équipe, pour un club, Cavani, c’est de l’or. J’aime bien Marquinhos. Tous les Parisiens sont de très bons joueurs. Verratti, Thiago Silva… Mais Neymar… Il est à la même table que les Messi etc.

Les Brésiliens auraient-ils trouvé leur nouveau Pelé ?

Ça fait un moment qu’ils le disent… Lui, il avait besoin de… Peut-être qu’il est en train de franchir un palier. Il est en train de grandir.

Il est devenu le patron…

Absolument. Il est devenu « un homme », avec des responsabilités, des choses qu’il ne doit plus faire… mais, c’est un talent monstre. Si les autres sont bons, c’est parce qu’il est bon. Les autres apportent beaucoup, lui, il apporte le plus. Il fait les différences et les décalages.

On peut vraiment bien jouer avec un type qu’on n’aime pas humainement ?

On peut apprécier le joueur sans aimer l’homme. Je sais, les supporters voudraient toujours que ce soit un peu le monde des Bisounours, une équipe de copains…

Pour ça qu’on est triste quand un s’en va…

Ouais… L’important, c’est de ne pas se priver de talent. Voyez Dembélé à Barcelone, il est en retard, il fait des conneries, mais ils le font jouer, parce qu’il a du talent et qu’on ne se prive pas de talent. Vous savez, je joue le dimanche matin, on est une bande de copains, mais on ne va pas gagner la coupe d’Europe…

Vous jouez où ?

(Rires) Non, je ne joue plus. Je joue un peu en urban foot, avec mon fils. Il m’a appelé d’ailleurs, pour jouer ce soir, mais comme c’est les fêtes, je ne veux pas me blesser.

Dominique Bathenay Virage

A la base, vous n’êtes pas parisien, vous avez joué dans le grand Saint-Etienne… pourquoi êtes-vous resté en région parisienne ?

Ah, c’est une question, ça… je suis revenu, au départ, pour m’occuper du club de Choisy-le-Roi. Tout en travaillant dans une entreprise. Après Paris, j’étais à Sète. J’ai entraîné à Reims, en Tunisie… J’ai eu une proposition pour entrer dans une société. Je me suis posé pendant dix ans près de Paris. Et puis je suis resté. J’aime beaucoup Paris. Je suis reparti encore ensuite dans divers endroits du monde, mais j’ai toujours gardé mon pied-à-terre à Paris. J’adore Paris.

Vous faites quoi aujourd’hui ?

Rien ! (rires) Je voyage. Je m’occupe de mes enfants, de mes petits-enfants, je fais du golf… j’essaie de bien vivre ma retraite.

Pour conclure, est-ce qu’il y a un match avec PSG qui vous a plus marqué que les autres ?

La première finale victorieuse en coupe de France, oui.

Vous avez eu peur lorsque les supporters parisiens ont envahi la pelouse ce jour-là ?

Non. Même les Stéphanois n’ont pas eu peur. C’était bon enfant.

Pour certains, c’est l’acte de naissance du public parisien cet envahissement…

Oui, peut-être… Cette victoire-là, personnellement… ça faisait quatre ans que j’étais à Paris, on n’avait rien gagné. Même si on commençait à se retrouver dans les cinq premiers. J’avais galéré. A Saint-Etienne, j’avais démarré et j’avais gagné tout de suite. Doublé, finale de coupe d’Europe… Là, c’était plus difficile. Alors celle-là, je l’ai appréciée. Beaucoup.

Diego Maradona Virage
Diego Céleste

(Après, ça, Xavier a gentiment fait les deux photos que je voulais absolument. Une où je pose à côté de Dominique Bathenay. Une autre où il pose avec mon livre. Ce faisant, j’en profitais pour lui poser ma question bête préférée) Pelé ou Maradona ?

Maradona.

Parce qu’il est gaucher comme vous !

Non, non, pas seulement ! (rires)

On a évoqué ensuite quelques-uns des exploits du Pibe de oro. Sa coupe du monde 1986, gagnée à lui tout seul ou presque, comme Platini remporta quasiment seul l’Euro 84… Les jongles de Diego à la mi-temps des matches pro, quand il était mouflet, si impressionnants, si extraordinaires que quand les équipes revenaient disputer la deuxième période, le public réclamait le retour du petit jongleur…

Vous savez, j’avais des amis qui avaient une affaire d’hôtellerie à Cuba. Un jour, ils m’ont dit que Maradona était chez eux. J’y suis allé. On nous a présenté. Il a compris que j’avais été footballeur. Alors, il m’a proposé un tennis-ballon ! Dans un garage, il a installé lui-même deux chaises, puis lié deux manches à balai, qu’il a posés sur les chaises… ça faisait un filet. Et on a fait une partie de tennis-ballon ! C’était incroyable. Un autre jour, on a fait un petit match, 4 contre 4. Il était insensé. Magique. Fabuleux à voir. Et même là, il ne voulait pas perdre.

Retranscription : G.P. (d’où les interventions parfois à la première personne)

Crédits photos (c) Panoramic


Gregory Protche
Xavier Chevalier

Lionel Letizi

196. C’est avec les couleurs du Paris Saint-Germain que Lionel Letizi a disputé le plus de matches dans sa carrière. Il partait ensuite aux Glasgow Rangers avant de revenir à l’OGC Nice. Nice où il est aujourd’hui l’adjoint de Patrick Vieira, en charge des gardiens. En Rouge et Noir, en Rouge et Bleu, Lionel Letizi est toujours resté le même.
Un homme intègre, aux qualités humaines jamais démenties.


Lionel, qu’est ce qui vous marque le plus quand vous arrivez à Paris (2000) ?
C’est la qualité de l’effectif. Et l’attente des gens aussi. Je passais de Metz à Paris, j’ai tout de suite senti la différence. On était en stage dans le sud de Paris, je ne me souviens plus du nom de la ville mais il y avait beaucoup de monde. Ma chance a été de sympathiser tout de suite avec Jimmy Algerino. Il connaissait bien le club (1996-2001). Il m’a parlé pour éviter pas mal de pièges.

Que vous a-t-il dit ?
Il m’a mis en garde par rapport aux journalistes. J’avais 27 ans, je n’étais plus le jeune gentil, naïf comme lorsque j’ai quitté Nice mais ses conseils ont été précieux. Il m’a dit : « Lionel, fais attention par rapport à ce que tu dis, ce que tu montres. Il faut que tu te protèges. Tu auras aussi beaucoup de sollicitations, de toutes sortes ». Il fallait faire le tri. Je me suis beaucoup protégé.

Dans la vie de tous les jours, je suis d’un naturel assez tranquille, pas un fêtard. Si tu veux avoir une vie tranquille, c’est possible. On s’entraînait à Saint-Germain, j’avais ma maison à Saint-Germain. Parfois, on allait à Paris en famille. C’était agréable.

Votre 1er match avec Paris fut-il aussi agréable ?
On peut dire oui. C’était au Parc face à Saint-Etienne (9 septembre 2000). On gagne 5-1. J’étais arrivé comme doublure de Dominique Casagrande et pour moi, c’était hyper important de bien débuter ce match. Je n’avais qu’une chose en tête, ne pas me déchirer. J’en étais à ma 7ème saison en pros. J’étais prêt.

Vous deviez gagner votre place alors que vous faisiez partie des meilleurs gardiens français ?
Au départ de Metz, j’avais 2 possibilités : Paris et Rennes. Carlo Molinari (président de Metz) ne voulait pas trop que j’aille à Rennes. Moi non plus. Je souhaitais franchir un palier. Philippe Bergeroo m’avait expliqué la situation, que Dominique Casagrande allait débuter en numéro 1. Je voulais venir à Paris, ne pas avoir de regrets.

De par sa position sur le terrain, un gardien ressent-il l’atmosphère plus intensément ?
Quand tu es concentré, tu essaies, au maximum, de faire abstraction de ce qui se passe autour. Mais dans un match, il y a des périodes un peu plus tranquilles, et là, je pouvais profiter de l’ambiance, des chants. Mon préféré : « Ô ville lumière, Sens la chaleur, De notre cœur… »

Pendant les 90 minutes, y a-t-il des moments où vous pensez à autre chose qu’au foot ?
Ça arrive, ça dure quelques secondes. Quand l’équipe domine, qu’on n’est pas trop sollicités… Parfois, je pensais à ce qu’il ne fallait pas que j’oublie le lendemain, amener mes enfants à l’école, ou je faisais ma liste de courses. Ça m’aidait à mieux me concentrer, de nouveau, sur le match.

Votre pire sensation dans les cages parisiennes ?
A La Corogne en Ligue des Champions (2001). On mène 3-0 après 50 minutes, on perd 4-3… Je suis pas mal sollicité en 1ère période, ça se passe plutôt bien. On fait une bonne 1ère période, on se prend 4 buts la dernière demi-heure. On a complètement craqué. Il pleuvait, il faisait froid, l’atmosphère était bizarre, sombre. Ce match fut une immense déception. C’est une soirée qui m’a marqué.

Comment dormez-vous après une défaite ?
Le gros avantage que j’ai eu, c’est qu’après un match, gagné ou perdu, je n’ai jamais eu de souci de sommeil. Pareil pour les veilles de matches.

Votre meilleure sensation ?
Sur le terrain, je dirais la finale de la Coupe de France face à l’OM (2006). C’était, je crois, la 1ère finale de l’Histoire face à l’OM et aussi mon dernier match avec Paris. En plus on l’a gagnée.

Face à l’OM aussi, en 2004. Au Parc. L’ambiance était électrique, avec le retour de Fabrice Fiorèse. Je fais un arrêt à la dernière seconde au ras des poteaux sur une frappe de Steve Marlet. Un arrêt en deux temps. D’abord main droite, puis je replonge derrière. L’arbitre siffle la fin du match là-dessus (94ème minute). On gagne 2-1. J’ai ressenti une grande joie. Peut-être que ça se rapprochait de la joie du buteur.

Vous souvenez-vous de votre passe décisive à Jay-Jay Okocha, face à Metz en 2001 ?
Une passe décisive ? Non, je ne m’en rappelle pas….

Vous avez toujours été impliqué auprès de l’UNFP, le syndicat des joueurs. D’où cela vous vient-il ?
De mon père, de mon grand-père qui était cheminot syndicaliste. Dans ma famille, on a toujours été dans la lutte ouvrière. Je suis adhérent à vie à l’UNFP. Au PSG, j’étais le représentant des joueurs. Un rôle qui me tenait à cœur. Pour les étrangers qui venaient d’arriver, je leur expliquais le fonctionnement du football français, ses règlements. C’est très important.

En décembre 2005, vous vous positionnez publiquement contre l’éviction de Laurent Fournier.
Je ne suis pas une grande gueule, mais j’ai quelques convictions. On avait fait un bon début de saison. Quand le président Blayau le vire, je me dis ce n’est pas possible. On était à un point du 2ème. J’avais trouvé le procédé complètement injuste. J’ai pris la défense du coach. Blayau n’a pas aimé. D’ailleurs par la suite on m’a fait comprendre que ce serait bien que je parte (Glasgow Rangers)…

Chez les Letizi, la fibre syndicaliste se transmet en même temps que les gants de gardien ?
Oui on peut dire ça. Mon grand-père a joué en amateur à Grasse, Monaco, mon père un peu en pro, à Cannes en 2ème division. Mon fils Liam a 14 ans et il joue à Valbonne, près de Nice. Nous en sommes à la 4ème génération de gardiens (sourires).

On a parfois dit que vous étiez fragile mentalement ?
Effectivement, c’est sorti une ou deux fois dans la presse « Letizi, mentalement, il n’est pas costaud ». Je sais juste qu’avec ce que j’ai fait, dans la vie en général, je pense être assez costaud. Si je n’avais pas eu de caractère, je ne sais pas si j’aurais fait 19 saisons au haut niveau, 6 au PSG.

Parfois, on vous colle une étiquette. Je ne me suis jamais battu contre ça. On fait un métier où on est jugé par les supporters, les journalistes, tous les jours. A Paris, je ne lisais pas les journaux. Je me protégeais vachement. L’actuel correspondant de l’Equipe à Monaco et Nice, c’est Regis Testelin. Il suivait le PSG à l’époque. On se croise de temps en temps. Une fois il me dit, je te trouve vachement détendu ! (sourires) Ça lui a fait bizarre. A Paris, ce n’est pas que j’étais tendu, mais j’avais une carapace. Moi la lumière, ça a tendance à m’éblouir.

Quel regard portez-vous sur vos 19 ans de carrière professionnelle ?
Je suis plutôt satisfait. Je crois que je suis allé au maximum de ce que je pouvais faire. Si j’ai pu laisser l’image d’un bon gardien, d’une bonne personne, cela me va. Moi, je me suis fait plaisir, je suis resté moi-même. Dans une carrière, il y a des hauts, des bas, mais nous sommes des privilégiés. Hyper privilégiés. Nous n’avons pas de problème d’argent. Il est important d’en avoir conscience.

Si vous aviez été un joueur de champ, où auriez-vous joué ?
Arrière droit, j’aurais bien aimé. Mais un arrière droit moderne, qui se projette vers l’avant. Une sorte de Meunier des années 1990 – 2000 (sourires).

Une fois, vous vous êtes bloqué le dos en jouant au scrabble ?
(Sourires) Cette blessure, on m’en a beaucoup parlé, encore aujourd’hui. Même les coéquipiers de mon fils, ils lui demandent si ça s’est vraiment passé.

Oui, ça s’est vraiment passé. C’était en mise au vert, on jouait au scrabble. Une de mes lettres tombe. Je me baisse pour la ramasser. Et là, mon dos reste bloqué. Tout de suite, je sens que je ne pourrai pas jouer. C’était à Rennes, en 2002. On a appelé le kiné, j’ai été forfait 3 semaines. C’est une blessure bête même si j’ai toujours été sensible du dos. Je pouvais me bloquer le dos n’importe quand. Aujourd’hui que je ne plonge plus, bizarrement ça va (sourires).

Ce qui était fou aussi dans cette histoire, c’est que, immédiatement, c’était sorti dans la presse. Par qui ? J’ai mon idée mais je la garde pour moi.

Vous avez bien connu Hatem Ben Arfa à Nice. Etes-vous surpris qu’il ait si peu joué à Paris ?
Oui. Ce qui m’a le plus surpris, c’est que l’entraîneur, Unai Emery, n’essaie même pas de le faire jouer une fois à son poste. A part Ronnie à Paris, je n’ai jamais vu un joueur aussi talentueux.

Qui est le meilleur gardien de l’histoire du PSG ?
J’aimais beaucoup Bernard Lama. A un moment, entre 1993 et 1996, il a été vraiment au top de son niveau. C’était le meilleur gardien du monde. Tout ce qu’il faisait, avec Paris et l’équipe de France, c’était incroyable.


Lionel Letizi
Né le 28 mai 1973 à Nice
1m87 – 80 kg – Gardien
International français

Joueur : Nice (1992-1996), Metz (1996-2000), PSG (2000-2006), Glasgow Rangers (2006-2007, Eco.), Nice (2007-2011)
Palmarès : Champion de France de D2 (1994), Elu meilleur gardien de Ligue 1 (2001), Vainqueur de la Coupe de France (2004, 2006)
Entraîneur des gardiens de l’OGC Nice, depuis 2011

Crédits photos (c) Panoramic 


Emilie Pilet

Youssoupha

« T’avais jamais entendu de Rap français »… aussi passionné de football
et du FC Liverpool ! On s’est longuement entretenu avec Youssoupha, lyriciste bantou émérite de la scène hip-hop hexagonale. On a évoqué le match de demain
mais surtout, on a pu constater que pour un fan des Reds (et de l’OM),
il en connait un rayon sur le PSG. 


Pour quelqu’un qui est né au Zaïre et qui a grandi en région parisienne, pourquoi supporter Liverpool ?

C’est le kiff du foot anglais. Et pour des raisons que je ne m’explique pas, je n’ai jamais eu la fibre pour Paris, désolé de casser le délire de ton site, ah ah. J’étais plus pour Marseille mais ça ce sont les délires de blédards ! Quand je suis arrivé en France en foyer, il y avait tous ces tontons africains fans de Basile Boli, Abedi Pelé etc… Et pourtant, j’ai eu l’occasion d’aller au Parc. J’y suis allé souvent car tous mes potos sont ‘bousiers’ du PSG. Pour en revenir à l’Angleterre, j’ai commencé à les suivre à l’époque où ils étaient bannis des Coupes d’Europe, à la fin des années 80. Je ne comprenais pas pourquoi les clubs anglais n’étaient pas là. Mais je trouvais qu’ils avaient plus d’ambiance dans leurs stades. Je m’intéressais à United, Chelsea, Arsenal mais lorsque je découvre Michael Owen fin 90, avec ce but qu’il met en coupe du Monde 98 contre l’Argentine à Saint Etienne, je le kiffe. J’avais à peu près le même âge que lui, je m’identifiais et je m’intéressais à son club. Puis Steven Gerrard intègre l’effectif professionnel quelques années après et là ça devient mon crush. Je tombe amoureux et c’est parti…

L’histoire d’amour ne s’est jamais arrêtée ?

Jamais. Ça s’est même aggravé car Liverpool a tous les ingrédients que j’aime dans le football. C’est un truc que tu peux comprendre rapport à la ligne éditoriale de ton media. J’aime le foot, mais ce que j’aime le plus ce sont les histoires, la vie, la respiration autour du jeu. On parle toujours de palmarès ou de succès mais ce qu’on aime le plus ce sont les belles histoires. Dalglish, Robson, la tragédie d’Hillsborough, le drame du Heysel, cette grande équipe qui traverse le désert… J’aime ce côté grandeur et décadence. J’aurais du mal à être supporter de Rennes tu vois…

Tu n’as pas l’impression que ce club vit sur son passé ?

youssoupha viragePas du tout d’accord avec ça, on a quand même gagné une coupe d’Europe en 2005. Mais c’est vrai qu’on a été longtemps une équipe de deuxième partie de tableau. On finissait souvent entre la 6ème et la 8ème place du championnat. Mais depuis 20 ans… Liverpool c’est une finale en coupe de l’UEFA gagnée contre Alaves, une perdue contre Seville, c’est la finale gagnée de C1 de 2005, les finales perdues en 2007 et 2018. Ça fait quand même 5 finales ! C’est presque autant que le Bayern ou que la Juve ! On a une carrure quand même. Il y d’autres anciens grands clubs qui ont un peu disparu depuis. En Europe de l’Est ou l’Ajax et le Milan par exemple qui étaient énormes. Mais nous on est toujours là. Et depuis 4-5 ans on a en plus une bonne image. Tout le monde aime Liverpool, et pourtant on était détesté dans le passé. Nous, on dérange personne. Chelsea c’est borring, Madrid ce sont des enfoirés avec Ramos et leur hégémonie… Par contre Liverpool c’est sympa. Regarde, après la finale perdue, t’as Karius qui vient s’excuser devant le KOP et qui se fait applaudir. J’ai un pote fan de foot qui m’a dit « vous vous êtes un peu ramollis quand-même. Vous devriez lui faire la misère ! ». On est un peu perdant magnifique (il se reprend)… Mais non c’est pas vrai en fait, on a gagné quelques Cups et puis on régale en terme de spectacle ! La demi-finale retour contre Dortmund en UEFA où on revient à 4-3, et les matchs contre City cette année… Y a toujours du spectacle à Anfield. Et puis niveau joueurs, on est quand même l’équipe qui a fait péter ce fameux trio Suarez, Sterling, Sturridge en 5 ans. Et l’année dernière Sané, Salah et Firmino, alors que c’étaient des mecs un peu inconnus au bataillon. Dans les autres équipes, tu attends la MSN, la MCN, la MST, de ces trucs ah ah… tous vos M… Nous, on va dénicher des mecs et on en fait des stars. Y a qu’à Liverpool que tu as des histoires comme ça.

Ce genre d’histoires, de valeurs, tu t’y retrouves ?

Oui complètement, ça rejoint cet amour du story-telling. Et justement c’est là dessus que je n’ai pas réussi à accrocher avec Paris, dans la séquence de l’époque où j’ai commencé à m’intéresser au foot. Pour le blédard que j’étais, les symboles Tour Eiffel, Daniel Hechter, Tribune Boulogne, ça me parlait moins. J’ai besoin de ce truc de grandeur et décadence. J’ai des potes qui sont supporters du Sporting Club de Bastia. Tu vois Furiani puis ce qui est arrivé avec la relégation. Je comprends qu’on devienne fan après un drame ou ce genre d’histoire. Il faut que ça parte de quelque chose et pas forcément de quelque chose de négatif attention.

Mais pourtant à Paris, on a été servi en terme d’histoires, entre les dissolutions, les bagarres, les morts…

Je suis grave d’accord avec toi mais j’ai appris plus de l’âme du PSG en trainant avec mes potes à Auteuil, avec les Tigris Mystics, qu’avec ce que club véhicule à l’extérieur. Par exemple dans la période Canal+ où c’était sexy, coke-chic-parisien, tu vois, il y avait aussi cette rivalité profonde entre Auteuil et Boulogne que le grand public ne connaissait pas. Et puis il y a eu les années galères, puis l’arrivée de QSI où tout s’est verrouillé. Et pourtant il y a toujours un vrai esprit de Tifoseria, de supporters. Mais je sais pas, Paris n’a jamais dégagé ce truc de supporter dans la perception que les médias et le public en ont.

Et à l’époque où tu allais à Auteuil, tu n’as jamais pensé à devenir Rouge et Bleu ?

Non, mon coeur était déjà ailleurs. Et pourtant mes potes me faisaient rentrer au Parc en trichant sur les abonnements. Même si j’étais supporter d’une autre équipe, je voulais être avec mes potes. Eux ils y allaient l’après-midi pour préparer les animations et moi je traînais avec eux.

C’est marrant mais pour un supporter de Liverpool tu as sans doute connu plus de choses à Paris que certains supporters du PSG !

C’est clair ! Mais c’est pour ça que si mon coeur avait dû être parisien, il l’aurait été depuis longtemps.

En fait Paris n’est pas arrivé au bon moment pour toi. Tu aurais pu être un supporter parisien, avoue !

Peut être, c’était pas la bonne période. Mais putain je suis en train de passer une psychanalyse avec vous !!! L’interview se finit sur ça, ah ah ah ! De toute façon je suis passionné par tous les mecs qui ont la culture club. Mais c’est vrai que quand je suis arrivé en France, on était surtout dans une séquence marseillaise. Leurs épopées européennes, Tapie, la controverse autour du club ou la main de Vata qui m’a fait pleurer. En fait, je suis très fidèle en amour… Faut faire lire l’interview à ma femme !

Liverpool c’est donc ta Madeleine de Proust ?

Tu vois Marseille, c’est comme mes parents, je ne l’ai pas choisi. Ça s’est fait comme ça. Mais Liverpool c’est ma meuf. Le PSG c’est une meuf avec qui je suis allé en soirée, c’était chelou, mes potes sont repartis avec mais moi je suis rentré ! En tout cas, ma meuf d’aujourd’hui est canon !

youssoupha virage
(c) Fifou

Puisqu’on parle de la famille, tu as transmis ta passion à ton fils Malick ?

…(silence) Il est fan du PSG (soupir). Il a 9 ans. Mais j’aime que les choses soient cohérentes. Il n’a aucune raison de se passionner pour Morgan Sanson, tu vois ce que je veux dire. Au début il ne comprenait pas la rivalité entre Paris et Marseille. Vu qu’on perd souvent, il était triste pour moi. Mais un jour, il a compris que c’était bien de se réjouir de la souffrance de l’autre. Et depuis 2 ans, à chaque victoire du PSG, il crie « Tiens ! Tiens ! allez Paris allez allez… ». Mais pour Liverpool il a une affection comme son père. Il a suivi l’épopée de l’année dernière, je lui ai acheté des maillots. Il joue au foot très très mal, mais il progresse. Et il est supporter parisien. A quel âge on devient officiellement supporter parisien d’ailleurs ?

Il l’est, ça y est. C’est mort.

Alors, c’est foutu putain !

Parlons de Jurgen Klopp. Penses-tu que ce soit un grand manager ? Car il réussit des coups mais a quand même perdu une finale face à Séville, une finale face à Madrid, a été perdre à Belgrade et n’a pas su gérer un cas comme celui de Mamadou Sakho qui avait pourtant l’âme du Club.

Je ne vais pas être objectif sur le cas de Mamadou car je suis pote avec lui. J’ai pas kiffé la façon dont ça s’est passé. Brendan Rodgers, il était sympa et on a eu quelques bons résultats, dont le titre qu’on manque de deux points. Mais c’était un peu lisse quand même. Klopp a apporté de la personnalité. Il n’a pas encore prouvé qu’il était un grand manager. Mais à côté de ça, on a quand même eu de grandes victoires. Comme taper City en aller-retour et pourtant c’était le pire tirage pour nous. Klopp n’est pas un bâtisseur à la Ferguson ou à la Wenger pour le moment. Mais Liverpool vient de plus loin quand même. En championnat, c’est devenu dur avec des Tottenham qui commence à relever la tête, ou des Everton qui étaient des paillassons avant et qu’il faut se coltiner maintenant.

Franchement c’est pas si mal ce qu’il fait. Aujourd’hui on a un peu de gueule, on s’affiche moins. On a passé un cap et ce n’est pas facile en Angleterre. Regarde Arsenal, moi je les vois tomber. Nous, on est à notre place. On est en train de revenir. Rappelle-toi à une époque on se tape des Marković, des Andy Carroll qui ne mettent pas un pied devant l’autre… A des moments on était dans la loose façon PSG. Des recrutements dégueulasses. On vend un crack pour recruter quoi ? Regarde El Nino Torres, on le vend pour acheter plein de petits bons joueurs mais l’addition n’a jamais fait un vrai crack. Là, on a acheté cher Virgil van Dijk et Alisson Becker mais pendant des années, on n’avait pas de bon défenseur central ni de bon gardien. Je préfère qu’on casse la tirelire et qu’on ait un gars solide.

Du coup tu valides la politique de recrutement du PSG ?

Je vais être honnête. Les gens sont durs avec le projet Qatari comme ils disent. Moi je le trouve pas si mauvais. Dans le foot, c’est pas parce que tu as du gent-ar que ça marche. Mais globalement ça avance. Regarde Fulham à l’époque où ils avaient le Prince Mohamed Al-Fayed, ça n’avançait pas. Même City c’est plus un four qu’une totale réussite pour moi. Ils ont une très bonne équipe et Guardiola, mais en terme de glamour ils ne passionnent pas grand monde. Quand ils ont sorti Paris en C1, je ne les pas trouvé monstrueux. Pourtant, poste par poste, ils ont une meilleure équipe que Paris, rien qu’au milieu de terrain… On parle de toutes les alternatives qu’ils ont ? Et leur technicien est meilleur que celui de Paris. La densité qu’ils mettent au milieu, ils sont parfois intestables, on dirait une équipe cheatée de Fifa ! Ils font sortir Gabriel Jesus pour faire rentrer Leroy Sané, ils font sortir David Silva pour faire rentrer Gündoğan, sortir Kevin De Bruyne pour Riyad Mahrez, c’est incroyable. A Paris tu arrives très vite à Lassana Diarra et Christopher Nkunku. En défense centrale par contre… Otamendi et Mangala… Mais en attaque c’est pas de la de-mer…

Pour en revenir à Paris, je ne trouve pas qu’ils soient en retard sur des accomplissements en coupe d’Europe, mais il y a un problème de communication et de karma. Avoir eu la naïveté de dire que la coupe d’Europe c’était un objectif à court ou à moyen terme, c’est hyper irréaliste. Il y a trop de choses à prendre en compte en coupe d’Europe : le tirage au sort, le contexte, le parcours, les faits de jeu, l’arbitrage… Il faut un vécu. Sur le match de la Remontada, on m’a dit « T’as vu l’arbitre triche ! ». Mais j’ai pas eu cette impression. C’est juste qu’il y a des clubs plus établis pour lesquels les arbitres sont plus complaisants, car ça leur parait plus cohérent de siffler en leur faveur. Paris arrivera à ce niveau là aussi. Mais parler de la coupe d’Europe aujourd’hui, ça crée de la frustration et du coup toutes les saisons depuis sont à jeter à la poubelle. Regarde si Liverpool bat Paris et que Naples fait un bon résultat, la saison de Paris est finie le 28 novembre. Et chaque saison c’est comme ça. Le reste devient accessoire… Alors que le projet est même pas mauvais.

youssoupha virage
(c) Fifou

Tu ne penses pas que c’est aussi une stratégie marketing d’afficher ses ambitions ?

C’est possible. Et tu n’attires pas de grands joueurs si tu n’as pas d’ambition. Mais bon, je trouve que cette rengaine de février-mars qui consiste à enterrer Paris, et dans laquelle Paris s’enterre tout seul, c’est du à cette com’. En gros le PSG, on s’emmerde de ouf de février jusqu’à la fin du mercato… La Remontada, il a fallu Neymar pour rembourser. Alors que ça va pas si mal que ça dans ce club, mais on peut raconter d’autres histoires. Y a combien d’équipes en phase finale de la C1 ? 32 ? Et bien ça en fait 31 qui seront tristes à la fin. C’est pas grave. Tout est question de bad karma. Paris est persuadé qu’il va tomber à un moment. Il faudrait relâcher un peu de pression.

Et puis je vais te dire autre chose. Je joue au Five. Dans mon équipe, on a pas un niveau technique élevé. Mais on compense avec de l’intensité. Pourtant on joue contre des équipes de quartier où ça joue avec la semelle, tu vois ce que je veux dire ? C’est comme Paris en Champions League. Les matchs de C1 sont très révélateurs. Il y a beaucoup de talents au PSG. Par contre, il y a un moment où la Champions League te réclame une certaine intensité non négociable que tu ne peux pas négliger. Sur un match ou une mi-temps tu peux ‘couiller’ l’autre. Mais pas dans la durée. Regarde le match aller contre Liverpool. Moi j’avais pronostiqué 4-1 pour Liverpool. Je vois comment Liverpool joue. A aucun moment Henderson, Milner et Wijnaldum c’est meilleur que Rabiot, Verratti et Draxler. Pourquoi il les ont bouffé ? Car ils ont mis de l’intensité. Notre latéral Gauche, Robertson, c’est abusé que personne ne parle de ce joueur incroyable. Il sait tout faire, il sait jouer le débordement, le dégagement en tribune, la faute, la relance, il a de la variété dans le jeu. Paris, on sent qu’ils veulent passer par l’exploit individuel mais je ne connais qu’une équipe qui s’en est sortie uniquement par le talent : c’est le Barça de Guardiola. Et encore, à la perte de balle, sur le pressing haut, ils bouffaient tout le monde. Combien de matchs vous avez en tête où Paris bouffe son adverse en C1 sur le pressing. Ne parlons pas du 4-0 contre le Barça car c’est individuellement que le match a été gagné. Di Maria, il peut être énervant mais c’est le mec qui cadre le mieux au monde ! Combien de matchs ? J’en ai pas vu beaucoup perso.

Tu penses que les joueurs du PSG sont trop tendres ?

Je ne crois pas que les joueurs du PSG ne soient pas motivés, ils veulent gagner la coupe d’Europe plus que toi. Mais c’est pas des rageux. Le Real, ce sont des assassins, ils sont là pour jouer des coups gagnants. Ils s’en foutent que tu les aimes ou pas. Ramos, Casemiro, Ronaldo… Toutes les équipes cherchent à recruter un chien dans son effectif, eux ils en ont au moins 6 qui te pourrissent la vie. Qui harcèlent l’arbitre. Ce que Ramos fait à Salah en finale, si Ramos joue dans mon équipe, je le valide à 100%, j’ai pas envie de cette pitié. Paris au match aller contre Madrid fait une bonne première mi-temps. T’as toujours l’impression que tu peux les battre, c’est l’histoire de leur vie. Mais ils ont attendu. Ils ont l’expérience du haut niveau. Contre eux, tu as intérêt à marquer dans tes temps forts. Ils jouent en une touche de balle, très rapidement. Tac tac tac, ça déborde et puis but. C’est même pas une action construite. Comme le disait Thierry Henry « nous, une occasion pas but, deux occasions pas but, trois occasions pas but. Eux occasion but, occasion but, pas d’occasion but… ». Si je devais comparer le Real à un artiste, je dirais qu’il se concentre sur les Hits, pas sur les morceaux de bravoure pour les fans de la première heure.

youssoupha virage
Youssoupha avec Fred et Jean du Virage

Si tu devais comparer le PSG et Liverpool à un artiste de Hip Hop du coup ?

Je vais commencer par Liverpool. Ce serait Rim’K. Il est pas super old School, il a fait ses trucs, t’as vu, il était moins dans l’actualité, mais il a toujours gardé l’affectif avec le 113 et aujourd’hui, il se refait une vie avec des petites trouvailles. C’est horrible parce qu’il est supporter du PSG… tiens dans tes dents Rim’K, ah ah ah. C’est un rappeur historique en fait.
Le PSG je le comparerais à 50 Cents. Pourquoi ? Parce que c’est big, c’est New York, c’est la capitale. Et puis à un moment, il est devenu le blockbuster. Les gens lui trouvaient moins de saveur que Big L ou Mobb Deep. Il clashait tout le monde, il est devenu clivant. Et puis on lui reprochait de n’avoir pas d’histoire. Il n’avait pas rappé avec Biggie, il n’avait pas connu l’époque du South Bronx. Ça me ramène à l’histoire européenne de Paris. Ce qui s’est passé avec Zlatan qui disait qu’il n’y avait rien eu avant lui, le recrutement de Neymar, ce qui se passe aujourd’hui et la façon dont les médias traitent l’info. On oublie trop vite que Paris a connu des épopées européennes de ouf dans les années 90. Paris, c’est le match contre Parme, la frappe de Youri contre la Corogne, la tête de Kombouaré contre Madrid, la frappe de Guerin contre Barcelone, de Ngotty contre le Rapid de Vienne, c’est un truc de ouf ! Et j’ai l’impression que même les supporters parisiens défendent plus trop ce truc là. Marseille et Paris sont les deux équipes françaises qui ont éliminés le plus de grands clubs européens.

La nouvelle époque doit apprendre de l’ancienne époque. L’une répond à l’autre. Il y eu deux ballons d’or à Paris quand même. Le premier africain à avoir le ballon d’or était parisien ! J’ai aussi un contre-exemple avec Marseille l’année dernière en Europa League. Quand j’allais sur les réseaux sociaux du club, je voyais tout un tas de tweets d’anciens joueurs : Ribery, Gignac, Drogba, qui encourageait le club. Je me trompe peut être mais je ne vois pas de tweets équivalents de Raí, Ronnie, Okocha quand Paris dispute des matchs de C1. C’est comme si ils n’avaient pas joué dans la même équipe que Mbappe. Et pourtant c’est sexy Paris. Il y a encore autre chose qui me parait important, c’est qu’il vous manque des joueurs que personne ne peut discuter. Dans le sens où ils ont un tel statut qu’ils peuvent dire ce qu’ils veulent sur les autres. Des tauliers. En 98, suite au match contre l’Arabie Saoudite, quand la presse interviewe Deschamps, il commence par dire « on est d’accord que Zizou, il fait de la merde là ? » On parle du futur ballon d’or ! Récemment Piqué a fait une sortie en disant « Ousmane Dembele en ce moment, hey c’est pas bon ! ». Thiago Silva, même si c’est un grand joueur, n’est pas assez big pour frontalement dire à un joueur « c’est pas bon ce que tu fais là ». Mbappe, face à Liverpool, aurait du se faire recadrer « ta relance là, doucement, on fait pas ça ici ». Je ne sais pas ce que ça vaut, mais ça peut aider.

Pour finir, j’ai repris les lyrics d’un de tes derniers titres « Avoir de l’argent » sur l’album Polaroïd Expérience. Tu dis : « ça ne suffit pas pour devenir un homme d’avoir de l’argent ». ce ne serait pas la même chose pour le football et le PSG ?

Ah si. Mais dans cette chanson, je raconte aussi ce que ça apporte d’avoir de l’argent pour les jeunes des quartiers. Alors sans faire de la poésie à deux balles cinquante, ça en dit beaucoup sur les frustrations qu’on a parce qu’on a eu un passé difficile, parce qu’on a été expulsé de sa maison. Et des soucis de la vie quotidienne qui deviennent réglables avec de l’argent. Après il y a les rêves de grandeur parce que tu as manqué de moyen plus jeune. L’argent c’est pas juste pour l’argent en lui même, c’est plus par rapport aux rêves auxquels ça fait accéder. Tu peux faire un parallèle avec le PSG. Dream Bigger ! Mais après ça il faut en faire quelque chose. On n’est pas riche parce qu’on a de l’argent, mais on est riche quand on sait ce qu’on va en faire.


Album « Polaroïd Expérience » – Déjà disponible (Bomayé Musik)


Jean Cécé
Fred Gnaore
Xavier Chevalier

les légendes du football paris albin quéru virage

Albin Quéru

Il pourrait être un simple éditeur fan du PSG, mais il est bien plus que ça.
Avant de monter sa maison d’édition QUELLE HISTOIRE,
il a été à l’initiative de l’association LIBERTÉ POUR LES ABONNÉS
encore représentée aujourd’hui au PARC DES PRINCES.
Rencontre avec
ALBIN QUÉRU qui nous parle de sa dernière sortie en librairie,
qui devrait ravir les petits mais aussi, et surtout, les grands. 


Comment est né le projet LES LÉGENDES DU FOOTBALL PARIS ?

Ces carnets ont été développés dans la boîte d’édition que j’ai monté il y a 8 ans maintenant et qui s’appelle « Quelle histoire ». A l’origine je suis un dingue d’histoire. On a lancé des applis au début pour raconter les grands personnages de l’histoire aux enfants, puis ça s’est vite transformé en livres. Mon associé Bruno est aussi un très gros fan de foot. Mais lui de l’OM. On a commencé par les légendes du football mondial, de l’équipe de France et ils ont très bien marché. De fil en aiguille on s’est dit que ce serait pas mal de faire un truc sur les clubs. Et de commencer par le PSG et l’OM car ce sont deux clubs qui nous parlent. L’idée c’était aussi de faire des produits pas chers pour les papas et les mamans qui emmènent leurs enfants au stade, avec cette volonté de transmission. Mon grand père qui était supporter du Red Star car j’ai grandi dans le 93, mais aussi du PSG, me parlait beaucoup de tout ça. C’est mon oncle qui m’a emmené au Parc et me parlait des exploits de Dahleb, Sušić… C’est comme ça que j’ai pris le virus du PSG. Donc je trouve ça super si nos carnets peuvent faire connaitre aux gamins d’autres joueurs que Mbappe ou Neymar. Des mecs qui nous ont marqué nous, d’autres légendes du club.

Ça n’a pas été trop difficile de faire ces choix de joueurs pour Paris ?

javier pastore légendes paris albin queru virageSi. On a fait une pré-liste, qui était déjà centrée sur nos propres choix de supporter. Il y a 70 joueurs par carnet. On a donc fait une liste de 70 au départ avec un classement par catégorie : gardien, défenseur, milieu, attaquant. La contrainte de base c’était ça. Ensuite, on s’est partagé nos listes et on a essayé de les re-équilibrer par catégorie et en fonction des périodes. Il y a bien-sur eu des dilemme et des arbitrages à faire. Par exemple il n’y a pas Laurent Fournier, ni Javier Pastore. Ce que je regrette. Mais bon. A la fin de ces sélections on a fait tout relire à Michel Kollar, (historien du PSG) qui nous a beaucoup aidé et fait des contre-propositions. Puis on a tranché. Tout ce processus a pris facilement 2 mois. Puis on a attaqué la rédaction.

Pourquoi par exemple n’avez-vous pas retenu Jeremy Menez qui nous offre le titre à Lyon en 2013 ?

Pour être franc il n’est jamais remonté dans les listes. Et puis en attaque il y a tellement de monde à Paris. Et à son époque tu as aussi Guillaume Hoarau, Zlatan, Cavani…
Pour Pastore, qui est un joueur que j’aime beaucoup c’est un peu le même problème. On a du faire des choix. Comme mettre Adrien Rabiot…

Tu ne le regrettes pas aujourd’hui ?

Pour tout te dire j’aimerais qu’il reste au PSG, malgré son comportement. Le fait de le mettre c’est quelque-part un message.

Quels joueurs ont été les plus sympas à illustrer ?

Ce sont ceux qui sont marqués physiquement. Lama c’était trop cool de le faire avec son maillot vert, ses chaussettes… C’était mon idole quand j’étais gamin. J’ai adoré tous les joueurs un peu vintage comme Dogliani, Rocheteau. Car ils ont un style très prononcé avec leurs vieux maillots, leur look, leur coupe de cheveux. Et j’ai une grosse faiblesse pour les joueurs de la deuxième partie des années 90 car c’est là que j’ai commencé à suivre le club. Les Rabé, Anelka, Laurent Robert…

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Est-ce que vous avez cloisonné le travail entre Paris et Marseille ?

Non, j’ai suivi complètement le travail qui a été fait sur l’OM. Je les déteste les soirs de clasico mais comme je suis un gros passionné d’histoire, même si c’est l’OM, la leur est passionnante. Ils ont eu des joueurs incroyables et tu peux remonter jusque dans les années 30.

Selon toi lequel des deux carnet fonctionnera le mieux ?

Ce que je peux te dire c’est que pour le moment c’est celui du PSG.

Parlons de toi maintenant. Tu es supporter du PSG depuis quel âge ?

Mes premières émotions avec le PSG datent de 1995. C’est le 5-0 contre Nantes (ndlr : 9 décembre 1995). C’est à partir de cette période que j’ai commencé à vraiment suivre le club. Coup de foudre pour le stade plus que pour l’équipe, même si je suivais déjà le foot. Je jouais au club d’Aubervilliers. Mon grand père était président d’honneur du club. On matait des vieilles cassettes de l’époque Platini avec lui, je pouvais aussi regarder certains matchs du dimanche soir sur Canal. Bref c’est surtout le KOP que j’ai regardé tout le match ce soir là. Ça m’a rendu dingue. Puis je me suis abonné dans les années 2000. J’y ai été avec tout un groupe de potes qui étaient les enfants des amis de mon oncle. On passait déjà toutes nos vacances ensemble. C’était sympa. On s’est abonné en premier aux Lutece Falco. Sans être vraiment actifs. Puis aux Supras. De très bons souvenirs. On y allait en bande, sur le terrain c’était pas dingue mais en tribune on a vécu quelques-unes des plus belles heures du mouvement à Paris.

Ceux que savent moins les gens c’est que tu as été à l’origine du mouvement LPA (Liberté pour les abonnés) en 2010. Pourquoi ce mouvement ?

Au départ on apprend le plan Leproux dans la presse. On se dit simplement qu’il faut que les groupes ultras se réunissent car on était en train de se faire démonter. Et on sentait aussi que les lambdas des latérales ou des virages ne se mobilisaient pas malgré l’ambiance qu’on mettait. Pour moi l’ambiance dans le stade c’est un truc hors du temps. C’est un défouloir, c’est une bulle, une atmosphère qu’on adorait. On s’est donc dit avec Jerem’ (ndlr : Jeremy Laroche, co-fondateur de LPA) qu’il y avait tout un tas de mecs, pas forcément ultras, qui n’avaient pas envie de voir le Parc s’éteindre. On a monté un groupe sur Facebook et tout de suite on s’est retrouvé avec un petit pool de personnes qui ont intégré le groupe, issus des deux Virages. L’idée était de faire une contre-proposition au plan Leproux, de permettre au mouvement de perdurer. On est allé voir quasi toutes les entités du Parc. On a été suivi par une bonne partie des groupes. On a pu organiser les premières manifs, des déplacements en contre parcage… LPA a été un des groupes qui a permis de changer l’image des ultras et des supporters du PSG auprès des journalistes. Il y a aussi l’aspect illégal du plan Leproux contre lequel on voulait lutter, les fichages, les contrôles lors des déplacements avec interdiction d’avoir une écharpe, alors qu’il n’y avait aucun mec violent parmi nous…
Hélas à ce moment là j’ai monté en parallèle ma société Quelle Histoire et c’est vite devenu un projet très chronophage, j’ai du prendre du recul par rapport à LPA. Mais je les suis toujours avec admiration. Je sais qu’ils sont placés en Virage Auteuil, là où se trouvaient les Lutece, ils ont du matériel…

Tu t’es re-abonné depuis ?

Oui l’année dernière à Boulogne. Ça m’a fait bizarre. L’ambiance à Boulogne c’est toujours pas dingue. Et puis avec la naissance de ma fille et le fait de venir de Pantin en bagnole, c’était un peu une galère donc je ne me suis pas re-abonné cette saison, mais j’espère le refaire, là où il y aura de l’ambiance. Je matte les matchs, je suis toujours, il y a la petite flamme. Même si j’ai un peu pris de distance entre le plan Leproux et le retour des ultras au Parc avec le CUP. Encore une fois mon histoire d’amour avec le PSG est très liée au stade, à ce qui s’y passe et à tous ces aspects sociologiques qu’on y retrouve. Et pour tous les mecs comme moi qui ont connu les années 2000 et cette culture de la loose, ou chaque victoire était exceptionnelle, il manque cette angoisse du résultat. Quand j’étais ado je mettais la semaine à me remettre de chaque défaite. Au PSG la question aujourd’hui c’est de savoir combien on va leur en mettre. Du coup en émotion c’est moins fort. A part en ligue des champions. En vrai on a vibré 3-4 fois seulement en C1 depuis l’arrivée des qataris.


les légendes du football paris albin quéru virageEn vente sur le site www.quellehistoire.com
Disponible en librairie à partir de janvier 2019


Xavier Chevalier

Damien Dole Paris dans les veines virage

Damien Dole-Chabourine

Journaliste à Libération, ancien membre des Authentiks au débit mitraillette
et au discours passionné, mais surtout auteur de « PARIS DANS LES VEINES »,
fraîchement sorti hier en librairie. DAMIEN DOLE-CHABOURINE a tout du bon client. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il ne nous a pas déçu.
Interview faste et furieuse


Tu revendiques pleinement le fait d’être supporter du PSG. Racontes-nous comment tu es devenu rouge et bleu.

Mon père est devenu supporter du PSG quand il est arrivé en région parisienne. C’est lui qui m’a donné le goût à ce club. Mais la personne qui m’a réellement amené au PSG et surtout dans le Virage Auteuil, très tôt dans ma vie, c’est mon oncle. Il était le plus jeune dans la fratrie de ma mère et habitait encore chez ma grand-mère, où je passais beaucoup de temps, plus que chez mes parents. Il était copain avec un de ses voisins qui était abonné au Parc avec son père. Ils n’allaient qu’à un match sur deux ou trois. Ils faisaient tous les PSG-Marseille et les autres affiches. Mais les PSG Cannes, ça les faisait chier. Ils n’avaient pas envie d’aller jusqu’au Parc. Du coup, mon oncle récupérait leurs cartes d’abonné une fois ou deux par mois et on partait de Yerres (Essonne) où on habitait et on allait en bagnole au Parc, c’était comme une espèce de rituel. On était placé en Auteuil Rouge. C’était la fin des années 90, j’avais dans les 12-13 ans. Même si j’entends dire qu’à l’époque c’était impossible d’emmener un gamin en Virage, je n’ai personnellement jamais ressenti un quelconque danger à y aller.
Mais mon premier match au Parc c’était lors de la saison 1996-97, un PSG-FC Vaduz (ndlr : 26 septembre 1996, 16ème de finale de Coupe des Coupes). On était en B rouge, je m’en souviens très bien. Mon oncle, qui suit toujours le PSG, n’était pas un ultra, mais il avait un vrai rapport au chant en tribune. Il fallait qu’on chante, qu’on lève les bras. Il y avait ce truc-là de mouvement de foule, de faire corps avec un groupe de personnes.

Tu as été encarté ensuite dans un groupe de supporters ?

Oui chez les Authentiks dans la deuxième moitié des années 2000. C’est le respect des codes ultras qui m’a incité à le faire. Les ATKS étaient un groupe respecté car ils avaient créé quelque chose d’hyper fort visuellement, vocalement, avec une mentalité assez pure, sans compromis sur les codes. Avec les principales composantes du Parc, ils défendaient les droits du supporter notamment quand les places étaient trop chères mais aussi pour apporter un contre-pouvoir face à la direction. Depuis quelques années on parle d’institution, à l’époque on employait pas ce mot là, mais en tout cas tous les groupes étaient très attentifs au fait de faire respecter le maillot, les couleurs, l’histoire du club. Et puis il y avait aussi la défense du groupe, ne pas se laisser faire quand on partait en déplacement. En G Bleu, la tribune où se trouvait les ATKS, il y avait également cette mentalité un peu banlieue ou Paris Nord et Est. On écoutait du rap quand on faisait les installations en semaine, il y avait un style vestimentaire, des accents. Je me reconnaissais totalement dans ce groupe même si j’étais un suiveur plus qu’un acteur à part entière de la vie du groupe.

Tu continues à suivre les matchs depuis ?

Je n’ai pas du louper un match à la télé ou sur mon téléphone depuis le plan Leproux en 2010. J’ai fait un match au Parc lors d’un PSG-Lyon, juste après le début du boycott. J’avais récupéré des places par le taff de ma mère. J’y ai été avec un pote qui était abonné avec moi avant. Ça été une expérience hyper douloureuse. En plus on était en G Bleu. Il y avait des claps-claps en plastique… On a gagné ce match mais on ne s’est même pas levé sur les buts, on a à peine souri, alors que normalement à Auteuil c’était le bordel, tu sautais sur ton voisin que tu ne connaissais pas, tu descendais trois rangs en-dessous en te cassant la gueule… Mais là plus rien, on s’est dit qu’on n’y retournerait plus jamais. Je n’y suis finalement retourné qu’en décembre 2017 pour l’écriture du bouquin. J’ai été aussi les voir pour une finale de Coupe de la ligue contre Lyon (ndlr : en 2014, victoire du PSG 2-1). C’était marrant d’ailleurs car j’étais avec une dizaine de potes d’enfance, tous trentenaires, et on s’est retrouvé au milieu des Lyonnais car elles étaient les moins chères. On n’était pas les seuls d’ailleurs car j’ai reconnu des anciennes têtes du Virage Auteuil. On a passé le match à se chauffer gentiment avec les Lyonnais, c’était jouissif. Mais en 2017 quand j’y suis retourné pour le livre, c’était en tribune de presse. J’avais besoin d’être au stade pour écrire, pour vivre le truc. Ce soir-là, il y avait un huis clos partiel à Auteuil, à cause des fumigènes lors du match contre Nice. Ça a été très particulier pour moi, assez lunaire. Quand je suis rentré chez moi, j’y ai pensé pendant tout le trajet du retour. C’était comme si j’avais enterré toute une partie de ma vie. Cette soirée m’a permis de faire mon deuil du Parc. Ensuite quand j’y suis retourné, ça ne me faisait plus rien. En tout cas, le bordel que met le CUP, c’est bien. Ils tiennent les chants, parfois même plus que nous lors de certains matchs avant 2010. Ils tiennent bien leur tribune et c’est assez remarquable vu que le collectif existe depuis peu de temps.

Ça te manque ?
Non, plus aujourd’hui. J’y retournerai avec mon gosse. Faut dire qu’il s’appelle Marco, comme Verratti, je suis obligé d’assumer le truc jusqu’au bout… Je serai alors assis et je regarderai avec beaucoup de bienveillance ceux qui chanteront. Je les défendrai sans doute, même lors de certains débordements. Car dans tout mouvement populaire il y a du bien et du moins bien. Mais on ne peut pas se focaliser sur le moins bien pour cataloguer tout le mouvement. Sinon on va finir dans un monde aseptisé. C’est comme dans les quartiers. Quand il y a un bar qui fout un peu le bazar. Dès que ce bar est fermé, il y a toute une écologie de quartier qui disparait.

J’ose un parallèle. Tu crois qu’il faut être des quartiers pour comprendre le mouvement ultra ?

Non. Mon père était peintre-bâtiment, ma mère, employée. Il y avait pourtant à Auteuil des fils de cadre qui étaient bien plus actifs que moi, qui avaient le même amour du PSG que moi. Tu es respecté par tes actes, si tu fais beaucoup pour le groupe. Et c’est aussi pour ça que tu avais des filles dans les noyaux. Même si le foot est souvent un truc viriliste, il y avait des filles comme Sarah dans les ATKS qui étaient extraordinaires en tribune. Elles étaient autant respectées que les mecs. Être ultra, c’est avant tout une transgression. Quand tu rentres dans le Virage, il n’y a plus vraiment de règle. Tu fumes des spliffs devant les CRS et ils ne te disent rien, tu peux hurler des choses que tu n’aurais pas le droit de dire dans la rue.

Penses-tu qu’il y a encore une place pour un mouvement ultra pur dans le football qu’on connait aujourd’hui ?

En France, non. En Europe de l’Est peut-être. Dans certaines divisions inférieures en Italie aussi. Mais en France non. Des tifoserias solides, respectées, intelligentes se sont fait défoncer. Je suis sûr que Marseille va se faire attaquer pareil, ça a déjà commencé d’ailleurs. McCourt ne mettra pas autant que les Qataris à Paris et Eyrault veut vendre des places plus chères pour faire plus de thunes. Je pense qu’il y aura une aseptisation de leur stade, et en vérité je le regrette. Ça se sent quand tu vois que certains prennent partie pour la direction plutôt que pour leurs ultras notamment sur la question des fumigènes. Alors qu’aujourd’hui, cette interdiction des fumis se base sur un dogme. Mais, comme le dit le chercheur Sébastien Louis, on se permet des choses avec les ultras qu’on ne ferait pas avec d’autres. Je reviens sur 2010. Avec la dissolution de toutes les associations de supporters que j’ai connues à Paris, j’ai compris qu’il n’y aurait plus de retour en arrière. Les autorités avaient tout ce qu’il fallait pour défoncer tout mouvement populaire au Parc. La plus grosse souffrance pour moi, ce fut d’entendre, à la télé, des supporters adverses chanter au Parc. Mon amour du PSG se confond avec l’amour que j’ai pour Paris et sa région. Pour les banlieues, les barres HLM, l’A86, les monuments, les bars à la con à Ivry ou à Evry. Voir des villes de toute la France, même des petites comme Guingamp, faire la loi au Parc des Princes, c’était une douleur hyper forte. Au moins le CUP a mis fin à ça. Et je leur en suis gré. Et en déplacement ils font de belles choses visuellement. Ce n’est pas facile de tenir un parcage. Et s’ils arrivent déjà à faire passer des messages contre les supporters adverses et la direction de temps en temps, c’est déjà pas mal. Alors je ne vais pas leur demander de faire ce que faisait le Virage Auteuil il y a 10 ans. De toute façon, ce n’est plus possible. Aller au Camp des Loges après leur match-aller contre Naples et aller dire aux joueurs « c’est quoi ce bordel ?! »…La Porsche de Sylvain Armand s’en souvient encore… Sylvain Armand avec qui je règle mes comptes dans le livre au passage…

Intéressant, peu sont ceux qui le critiquent aujourd’hui.

C’est le mec de la prime de maintien. Celle-là, je l’ai encore là. Il devrait avoir honte de l’avoir négociée, comme d’avoir foutu un club comme Paris dans cette situation-là. Je ne rentre pas dans le débat des joueurs qui sont trop payés car je préfère qu’ils prennent plus que les agents par exemple, mais par rapport à son salaire, le moins que l’on puisse lui demander c’est de se mettre minable à tous les matchs. Ce qu’il ne faisait pas. Et il faisait pas mal d’erreurs. Pourtant il a pu saccager d’autres joueurs lors d’interviews après match. Ce fameux PSG-Caen où Ceara fait une erreur monumentale en marchant sur le ballon, là-dessus il y a but de Caen qui gagne le match. la fin, Armand fait une interview hallucinante où il dit qu’ils laveront leur linge sale dans le vestiaire. Il parlait de Ceara, qui devait être au fond du trou. Alors que c’était lui-même le spécialiste des passes à son défenseur central mal ajustées…

Parlons de ton livre. Comment a germé ce projet ?

L’accouchement de ce projet a été assez explosif. Je suis assez surpris de l’ampleur que ça a pris et surtout je ne pensais pas l’écrire si jeune. Ecrire un livre ça faisait partie des trucs que je voulais faire une fois dans ma vie. Je pensais le faire dans 10 piges, quand j’aurai la maturité. Je pensais qu’il était nécessaire d’avoir plus de recul pour le faire mais finalement non. En fait, c’est l’an dernier, lors du transfert de Neymar que ça s’est déclenché. A Libération, on se posait la question de comment traiter le sujet. On partait du principe que quasi personne en France n’avait d’info sur ce transfert, à part peut-être Paris United. Non pas que les journalistes travaillent mal, mais parce que les intermédiaires n’étaient pas en France. Du coup, la question était de se demander si on allait courir derrière les infos des autres ou si on trouvait un traitement différent. J’en ai parlé à un des journalistes de Libé, Ramsès Kefi, au passage selon moi une des meilleures plumes du journalisme français aujourd’hui, même s’il est pour l’OM… Je lui ai raconté que je ne dormais quasi plus avec ce transfert. Le matin, encore au lit, j’allais lire les infos à propos de Neymar sur mon mobile, je surfais sur tous les sites ; Sur des forums comme celui de Culture PSG ou Forum PSG dans lequel j’écrivais avec des mecs d’Auteuil, j’allais sur les comptes Twitter de Barcelone, puis je me levais, je m’occupais de mon gamin, j’actualisais tous les comptes, je recevais un message de mon pote Tarik, dont je parle dans le livre, et toute la journée c’était comme ça jusqu’au soir et je me couchais à 3 heures du matin pour être sûr de ne rien rater. Ce n’était pas pour le boulot à la base, c’était un pur truc de supporter. Pour moi, c’était le transfert du siècle dans le sens où le club le plus riche du monde d’un point de vue global se faisait arracher un de ses joueurs par un club de Ligue 1, qui s’appelle le PSG ! On t’aurait dit ça il y a 10 ans, tu aurais dit « Ouais ouais dans Football Manager, car dans la vraie vie on a Peguy Luyindula en attaque, tu vas te calmer ! ». Neymar c’est une marque plus forte que le PSG au moment où il signe chez nous, même si pour nous le PSG restera toujours plus important que le joueur. C’était hallucinant, un vrai thriller. Je te rappelle que la première officialisation vient de Chine avec un média qui annonce que Neymar ne pourra pas participer à un événement avec le Barça, car il est en instance de transfert ! On était comme des dingues à trouver des potes qui parlaient mandarin pour qu’ils nous traduisent les infos !

Tu étais vraiment dans une posture de fan donc ?

Oui complètement. Beaucoup de supporters critiquent, à juste titre selon moi, le fait que les journalistes ne disent pas pour qui ils sont. Par ailleurs, certains comme Didier Roustan par exemple n’a pas de préférence affichée et tient cette position avec sincérité. Moi, je suis supporter du PSG depuis tout petit. Et je l’ai parfois revendiqué dans des articles. Pour en revenir à Ramsès, ce dernier m’a suggéré de prendre une position de journaliste pour exposer les faits puis de donner mes sensations en tant que supporter. J’ai donc écrit un papier jour après jour avec cette ligne directrice, jusqu’au match contre Amiens, lors de la présentation de Neymar. Le papier a très bien fonctionné même si certains journalistes pro m’ont attaqué en me disant que ça allait contre l’esprit du journalisme sportif qui ne doit pas prendre position etc… Je pense qu’il n’y a pas de problème si tu es objectif à la fois sur les faits et sur ton parti-pris. J’ai écrit il y a peu un papier sur Strootman à Marseille. Je défis quiconque à ce moment-là de deviner que je suis supporter parisien. Suite à la publication de mon article sur Neymar, j’ai été contacté par Benoît Bontout de la maison d’édition Marabout, qui voulait me proposer l’écriture d’un bouquin. On a discuté longtemps, je leur ai raconté ma vie et ils m’ont suggéré ce concept de livre, de la vie d’un supporter au jour le jour.

Comment tu décrirais du coup le concept de ton livre ?

C’est un journal de bord avec chaque jour ou presque un écrit lié à l’actualité du PSG. Je me sers de la saison du PSG comme un cadre qui me permet d’expliquer ce que c’est qu’être supporter du PSG. Et j’alterne le ton journalistique et celui du supporter, mais je suis finalement resté assez sérieux dans le ton.

Tu penses que le PSG est un club unique en son genre pour écrire un livre comme le tiens ?

Non. A partir du moment où tu es fan d’un club, tu peux écrire sur ce dernier J’aimerais par exemple connaître la vie d’un supporter de Dijon : ce que ça veut dire que lutter pour le maintien, se garer peut-être plus facilement pour aller au stade, avoir des places plus facilement, qu’on ne parle pas de toi dans les medias, que quasi tous tes matchs sont le samedi à 20H… Les marseillais et les lyonnais ont aussi beaucoup de trucs à dire. Mais clairement moi je ne pourrai pas écrire sur un autre club que Paris.

Tu envisages de faire une suite ou c’est un « one shot » ?

Ça dépend déjà si ça fonctionne et si ça plaît au public. Mais à l’heure actuelle je ne vois pas ce qui justifierait le fait de faire la même chose la saison prochaine. Sauf si on est éliminé ou qu’on va loin en C1 par exemple.

Tu peux nous parler de la photo de couverture ?

Je suis vraiment très fier de l’avoir obtenu pour mon livre. Quand on a eu cette discussion chez Marabout, ils m’ont demandé si je connaissais des photographes à Auteuil. Déjà il y en avait peu qui étaient autorisés à faire des photos. Ce sont surtout les mecs des groupes qui avaient le droit. Il se trouve que Merry, le mec qui a fait la photo, était sur le même forum que moi (ndlr : Forum PSG), donc il connaissait mon passé. Il connaissait mes positions, savait ce que j’allais écrire, et tout l’amour que j’avais pour le VAG. La mise en relation s’est faite par La Dareune, un gars qu’on a tous les deux côtoyé. En un après-midi, on s’est appelé et on s’est mis d’accord. Il m’a envoyé une cinquantaine de photos, principalement des Lutece Falco, son groupe. Il y avait de très belles photos avec de superbes prises de vue. Et on a choisi cette photo, sur laquelle tu ressens direct le Virage Auteuil en la voyant.

C’est intéressant de choisir une photo du passé pour parler du présent ? Et d’avoir écrit ce livre sans être quasi retourné au Parc depuis 2010 ?

Pour la photo, quelque part, c’était une façon de montrer que la tifoseria parisienne est une et indivisible, quelque soit les groupes et les époques. Je remercie toutes les composantes du Parc dans le livre, y compris Boulogne même si on a eu des différents. Aujourd’hui, j’ai 33 ans, un gamin, j’ai été viré du Parc, de fait puisqu’on a viré mon groupe. Mon amour pour Paris n’a jamais changé depuis que je suis un supporter. Ce sont juste mes pratiques qui ont changé. Et si on me reproche d’avoir écrit ce livre sans avoir été au Parc, je demanderai à ces détracteurs où ils étaient, eux, lors du match contre l’OM le 28 février 2010, si ils étaient des déplacements en Europe de l’Est avant de faire les Liverpool-PSG et les Naples-PSG d’aujourd’hui. Non, je suis assez serein là-dessus. Les seules critiques qui pourraient me faire mal, ce sont celles qui viendraient d’anciens du Virage. Qui seront peut-être justifiées d’ailleurs. Si un procès en légitimité m’est fait, j’estime que si je ne suis évidemment au-dessus de personne, je fais malgré tout partie de ceux qui ont toujours aimé le PSG, d’un amour quotidien. Et puis c’est surprenant, mais je me suis rendu compte en relisant le manuscrit que je n’ai pas beaucoup rigolé en l’écrivant. Il y a beaucoup de nostalgie, sans tomber dans le « c’était mieux avant », beaucoup de souvenirs, pas mal de moments tristes. C’est atroce mais c’est ça d’être supporter, cette souvent une souffrance.

Crédits photo (c) Panoramic / Merry


Paris dans les veines Damien Dole-Chabourine

Disponible le 14 novembre 2018 aux éditions Marabout


Xavier Chevalier

Guts & DJ Suspect

C’est dans un restaurant près de Châtelet qu’on retrouve le volubile GUTS.
Producteur, Beatmaker, DJ, l’ancien d’ALLIANCE ETHNIK s’est depuis lancé dans une carrière solo et compte déjà 5 albums à son palmarès. Il nous a donné RDV avec
DJ SUSPECT, avec qui il collabore, pour parler PSG et musique.
Avec le même enthousiasme qui caractérise le bonhomme sur scène.


Si on commençait par parler NBA. Tu en penses quoi du deal avec Jordan ?
Guts : Ce qui me fascine avec le PSG, c’est cette puissance marketing, toutes ces idées pour vendre des maillots ou autre… J’ai l’impression que c’est parfois plus important que le sportif. Et ça me dérange un peu. Donc pas fan de ce maillot. Je l’achèterai pas.

DJ Suspect : Moi je trouve que c’est le symbole du football moderne. Quel club européen n’est pas là dedans ? Et puis suis aussi fan de NBA, j’adore ce maillot, je trouve que le logo déboite.

Ça suffit pour gagner la C1 ?
Guts : Y a un truc qui me rassure, c’est que souvent lors de nos précédentes campagnes européennes on a commencé flamboyants. Et à chaque fois on se faisait taper. Mais là, ce côté poussif de mecs qui n’écoutent pas les consignes de l’entraineur… Mbappe qui reste devant sans défendre ! Pourquoi il aurait le droit lui, à 19 ans, avec les cannes qu’il a ? Tout ça me donne de l’espoir. Plus ça va aller, plus ils vont écouter Tuchel, que je trouve absolument délicieux. On va passer de justesse pour les 8ème et les choses sérieuses vont commencer.

Tu penses qu’on va se qualifier ?
Guts : Oui. Je pense qu’on va taper Naples et Liverpool au Parc.

C’est quoi ton prono pour le match retour à Naples ?
Guts et DJ Suspect : 1-O pour Paris.

Tu penses sincèrement que Tuchel peut changer les choses ?
Guts : Oui, ça va prendre un tout petit peu de temps mais il va finir par les sensibiliser, leur donner cette niake qui leur manque. Ça passe par casser les égos.

Tu vois un parallèle avec le métier de producteur musical non ?
Guts :  Grave. Trouver un équilibre, une harmonie, un intérêt commun et collectif pour un projet qui est plus important que chaque individualité… En fait c’est l’histoire qu’on va raconter qui est importante. Pas celle que que tu raconteras tout seul avec ton petit nombril, et avec tes pieds. Il faut faire comprendre aux artistes que l’intérêt général c’est le projet, le résultat final. Quand tu sors un album il est là pour l’éternité. Il est là l’objet. Si tu gagnes la C1 en collectif c’est pour l’éternité.

Tu fais gaffe lorsque tu planifies tes tournées, de vérifier le calendrier des matchs ?
Guts : Oui, dès que j’ai les dates, je « chine » pour vérifier si ça ne tombe pas sur un gros match.

Tu faisais pareil avec Alliance Ethnik ?
Guts : Le problème c’est que j’étais un peu le seul à être vraiment fan de foot, K-Mel était un peu connecté quand même. Mais aujourd’hui quand je suis en tournée avec le groupe, j’essaye de trouver des stratagèmes pour regarder les gros matchs.

DJ Suspect : Ça m’est arrivé de faire durer plus longtemps mon set en première partie pour lui permettre de regarder les matchs !

Guts : Par exemple la veille de la finale de la coupe du monde cette année, je jouais à Londres. J’ai dit à mon booker de prendre des billets qui me faisaient arriver en France, 5 heures avant la finale histoire de pas la rater. On ne sait jamais avec les retards d’avion, les annulations… Je voulais pas être coincé dans un avion. Ça m’est arrivé lors de Brésil-Suisse à l’aéroport de Genève. On a été bloqué 4 heures sur le Tarmac. Tout le monde a branché son écran pour mater le match sur le tarmac ! Mais bon Brésil-Suisse ça va encore… Imagine la finale.

Ton actualité musicale c’est quoi ?
Guts : Dans une semaine je rentre en studio pour enregistrer mon prochain album ! Avec une direction artistique complètement différente. Je me mets un peu en danger en faisant un projet afro-tropical, avec un nouveau Live Band, de nouveaux musiciens et des invités. Parce c’est ce que j’ai envie de faire en ce moment. L’album sortira le 29 mars 2019 ! Et puis on fera une petite tournée au printemps puis une plus grande après. Mon actu c’est aussi Pura Vida Sounds qui est un sous label de mon label principal Heavenly Sweetness. On va sortir des albums et des compilations dont une avec DJ Suspect.

Comment commence ton histoire avec le PSG ?
Guts : C’est simple. J’ai habité 17 ans juste à côté du Parc des Princes. J’entendais résonner le Parc dans ma chambre les soirs de grands matchs. Plus tard je suis allé au Parc en tribune Boulogne. Et puis aujourd’hui ce qui est marrant, et ce sont vraiment les coïncidences de la vie, c’est que mon ami artiste Mambo, avec qui je collabore depuis 8 ans pour mes pochettes d’album, a comme agent le directeur du merchandising du PSG ! Donc grâce à lui j’ai la possibilité d’aller au Parc quand je suis de passage à Paris. Et puis je suis bien-sur un fan de foot, j’ai des origines italiennes… J’ai été en club à l’ACBB à Boulogne, j’ai joué aussi dans le 16ème et puis c’est vrai que le foot a toujours été présent dans ma vie, j’ai toujours suivi.

Un joueur t’a marqué au PSG ?
Guts : Bizarrement, car il n’est pas resté longtemps, c’est Ronaldhino. Weah aussi mais Ronnie plus. C’était un peu le côté conte de fée. La puissance du joueur, la rapidité. J’ai moins cette sensation de conte de fée avec Neymar par exemple.

DJ Suspect : moi c’etait Raí.

Et dans le PSG d’aujourd’hui ?
DJ Suspect : Cavani.

Guts : Di Maria. Le touché de balle, les contrôles, les fulgurances… Il a quelque-chose de particulier dans sa façon de conduire le ballon. Mais il est tellement imprévisible et irrégulier. Contre le Napoli il fait un match dégueulasse malgré son but. Et Verratti aussi. Un peu pour les mêmes raisons. Dans ma sensibilité footballistique, ce sont les deux joueurs qui ressortent. J’ai envie de croire en eux à chaque match. Finalement ils sont à l’image du PSG. Irréguliers. Capable du meilleur comme du pire. Ils ont leur match, leurs humeurs.

DJ Suspect : Par contre quand ils sont dans leur jour ils sont imprenables.

Comme tout supporter tu as du avoir des hauts et des bas avec le PSG ?
Guts : Ouais, j’ai pas vu l’arrivée de QSI d’un bon oeil. J’avais l’impression qu’on vendait notre âme au diable. Avec les années Canal, ça restait quand même des investisseurs d’ici, passionnés par le cinéma et le football. Et puis ça a été les meilleures années du PSG d’un point de vue européen. Le but de Kombouaré… J’aimerais le rencontrer pour lui en parler.

Guts, on sait que tu es aussi fan du Barça. Vrai ?
Guts : Et oui, j’habite aujourd’hui en Espagne (ndlr : à Ibiza). Figure-toi que j’étais au Camp Nou pour la Remontada, 10 mètres derrière Enrique. Et au Parc pour le 4-0. Ce qui est marrant c’est que lorsque j’étais au Parc, j’étais pour le PSG car j’avais envie que le Parc vibre. Mon coeur penchait pour Paris. Super match. Et au retour j’étais plus du côté catalan pour les mêmes raisons et pour qu’il se passe quelque-chose d’historique. C’était absolument incroyable.

Si cette année Paris et Barcelone se retrouve en finale, tu es pour qui du coup ?
Guts : Comme c’est sur terrain neutre ce sera pour le PSG. Souvent je suis pour le plus petit et comme le PSG n’a jamais gagné la C1… Et puis on peut se dire que si jamais le PSG la gagne cette année, je propose qu’on se retrouve dans le même restau, à la même table, au mois de mai et on fait péter le champagne !



Xavier Chevalier

José Pierre-Fanfan

Avec un nom pareil, Eric Choupo-Moting peut aller se rhabiller.
Mais José (Karl) Pierre-Fanfan a surtout été un capitaine valeureux et investi.
A une époque où il fallait assumer, il a toujours été présent et irréprochable.
Et aujourd’hui encore son histoire d’amour avec le PSG continue grâce à
Christopher Nkunku, qu’il conseille et manage. Rencontre intense avec le Roc.


Première question. José Karl Pierre Fanfan… Il est fou ce nom ?
José tout court ! Karl c’est mon deuxième prénom. Quand j’étais à Lens et lorsque j’ai été inscrit en ligue des champions ils ont mis mon deuxième prénom. C’était mes débuts, premiers articles de journalistes, c’est resté, mais mon prénom c’est José.

Tu as souvent déclarer que le PSG était un club important pour toi, mais d’où cela vient toi qui a grandi dans le Nord ?
J’avais une grosse envie de jouer au PSG. Déjà j’ai beaucoup de famille en région parisienne. Je me suis toujours identifié à cette ville, je me suis toujours senti parisien dans l’âme même si je suis né dans le Nord. Dans l’âme grâce à ce que dégage la ville, les gens, l’atmosphère. Et avant même de jouer au football, quand je regardais les matchs à la télé, je voyais ce maillot, ce stade, l’énergie qu’avait ce club, j’ai tout de suite été supporter du PSG. Et il y a toujours eu des joueurs de classe à Paris : Safet, les brésiliens… Je suis antillais d’origine et on est proche du Brésil. A chaque Coupe du Monde, qu’on soit martiniquais ou guadeloupéen on est supporter de la France mais aussi du Brésil car on a ça en nous. Donc on partage la même chose avec le PSG, cet amour du Brésil.

Tu n’es resté que 2 ans au PSG, et pourtant on a l’impression que ça a duré plus longtemps, tu as le même sentiment ?
Oui. Ces deux saisons, ça a été l’ascenseur émotionnel. Lors de la première saison on débute difficilement mais on finit deuxième du championnat. Il y a eu le retour d’un engouement mais aussi le retour de la qualité sur le terrain avec Pedro Pauleta, Juan Pablo Sorin, Fred Dehu, Gabriel Heinze. On avait aussi un vraie grinta. On était solide. Vahid a réussi à créer une identité de jeu pas forcément très brillante mais on avait une âme, une rigueur. Et surtout une équipe qui était fière de porter ce maillot, ce qui s’était un peu perdu les saisons précédentes. Et à titre personnel il y a eu le brassard de capitaine. La deuxième saison beaucoup de changements ont été opérés, des départs improbables comme celui de Sorin. On était un groupe meurtri. Le seul départ acté au début c’était celui de Gaby à Manchester United. Et puis après, ça a explosé jusqu’à la fin du mercato. Surtout avec le départ de Fabrice Fiorèse à Marseille. Et comme j’étais capitaine, j’ai été mis en première ligne à l’époque, vis à vis des media et des supporters. Ça a été une saison vraiment compliquée jusqu’au bout. On était un groupe qui n’était pas encore arrivé à maturité. On commençait à vivre une super aventure… Et au lieu de renforcer ce noyau dur, ils ont décidé de laisser partir des joueurs clés dès la deuxième saison.

Tu as vécu comment les départs de Fred et Fabrice à Marseille ?
Ça a été dur d’autant que j’étais proche de Fred et sportivement on formait une super charnière. On avait été élu à l’époque meilleure charnière de l’histoire du PSG, devant Roche-Ricardo ! Car on était solide et super complémentaire. On s’entendait super bien, on avait joué ensemble au RC Lens. Notre entourage s’entendait aussi super bien. Fred était encore jeune. Le club n’avait pas pris conscience de son importance sur le terrain et dans le vestiaire. Il était proche de Fabrice. Le départ de Fred à Marseille a beaucoup affecté Fabrice. Fio part le dernier jour du mercato à Marseille en plus ! Perso j’ai refusé par deux fois de jouer là bas, malgré les offres reçues lorsque j’étais à Lens et à Monaco.

Pierre-Fanfan Virage
Salut les gars…

Tu as compris pourquoi Fio est parti à Marseille ?
Oui, bien-sur, mais ce sera à lui de l’expliquer le jour où il se sentira de le faire.

En deux ans tu as vécu un condensé de ce que peut être le PSG, flamboyant et auto destructeur.
Ah ah ah, oui c’est vrai mais c’est ce qui fait aussi le charme de ce club. Il y a une telle puissance derrière Paris que si on ne la maitrise pas on peut se brûler.

Capitaine du PSG, c’était une pression supplémentaire dans un tel vestiaire ? Comment tu gérais des mecs comme Rothen ou Pauleta ?
Déjà être capitaine du PSG était une immense fierté. Je l’avais déjà été à Monaco et à Lens. J’avais l’habitude d’avoir des responsabilités, d’être un leader de vestiaire, un fédérateur. Alors oui il faut des caractères dans le vestiaire, mais en tant que capitaine quand vous amenez autant sur le terrain qu’en dehors, il n’y a aucun problème pour se faire respecter.

Pierre-Fanfan Virage
José, chef de meute

Et les relations avec les supporters ?
On a toujours essayé d’échanger même si je trouvais qu’on aurait du échanger encore plus avec eux. Parce que c’est grâce à eux qu’on est ce qu’on est. Leur expliquer que nous les joueurs, on était certes sur le terrain mais on ne maitrisait pas tout. Il y a des décisions que nous subissions nous aussi. On ne choisissait pas qui arrivait ou partait du club. Mais bon j’ai toujours accordé de l’importance à ces échanges, car à l’époque le Camp des Loges n’était pas aussi cloisonné qu’aujourd’hui. On pouvait discuter.

Tu penses par exemple qu’il est important que les plus jeunes joueurs comprennent l’importance de ce que représente un club pour ses supporters ? Car ils sont de plus en plus dans une bulle protectrice.
Oui. Lens était un bon exemple pour ça. C’est un public plus conciliant qu’à Paris, mais il donne un tel amour. Chaque semaine on recevait des piles de carte-postales, de courriers avec des discours, des photos… C’était démesuré. Gervais Martel nous obligeait à rester après les entrainements pour discuter avec les supporters. Pendant les stages de préparation avant la reprise, il y avait près de 2000, 3000 supporters qui venaient nous voir. On signait tous les maillots. Ces supporters, ce sont des familles de mineurs, des gens avec peu de moyens mais qui se saignent pour venir au stade. Martel nous emmenait dans les mines pour nous aider à comprendre l’identité du club. Du coup quand tu en prends conscience, tu as un devoir sur la pelouse vis à vis de ces gens là. C’est pour ça que je pense que ce club ne restera pas en ligue 2.

Tu penses que cela peut s’appliquer au PSG aujourd’hui ?
Le football a changé depuis mais surtout financièrement. Les hommes restent les mêmes et c’est là que le PSG doit progresser. On parle souvent de l’institution. Quand un joueur signe au Real, il sait qu’il arrive dans une institution plus forte que lui-même. Même Cristiano a du partir. Il voulait une nouvelle prolongation, avait de nouvelles exigences. Mais non. Le Real va continuer à avancer, mais sans lui. C’est ça. Dès l’instant où le club a capté ça… Il y a eu de mauvaises déclarations de joueurs du PSG. On ne reviendra pas dessus. Mais si tu viens au PSG, il faut venir pour ce que représente le club et pas seulement pour l’argent. Si le club arrive à avoir ce discours lorsqu’il recrute un joueur, en lui expliquant qu’il y a un partage de valeur nécessaire, c’est tout gagné et les supporters vont le ressentir aussi.

Pierre-Fanfan Virage
Si seulement Lorik les avait écouté…

Il y a un match qui t’a marqué plus qu’un autre au PSG ?
Oui l’élimination en Ligue des Champions face à Moscou. Cette qualification était possible, un nul suffisait… Mais rien ne s’est passé comme il fallait. On était pas bien, Modeste M’Bami se blesse rapidement dans le match, fracture du péroné, derrière on perd nos repères et on en prend trois face à une équipe où il n’y avait rien. Serguei Semak met trois buts mais c’était juste son soir. Nous ce n’était pas le notre. Je m’en étais même excusé à la télévision auprès des supporters. La défaite fait partie du sport mais dans l’attitude et le contenu ça n’allait pas. Même aujourd’hui je ne saurais pas l’expliquer.

Par contre la victoire à Nice avec l’expulsion volontaire d’Alonzo le 10 avril 2004 est restée symbolique de la mentalité de votre équipe ?
Ça c’est un bon souvenir. On commençait à jouer le titre. Déjà ça fait toujours plaisir de marquer (ndlr : José égalise sur corner à la 80ème min.). Puis on arrive presque dans les arrêts de jeu. Vahid nous demande de conserver le score, il m’interdit de monter sur un dernier coup-franc. On verrouille ! Et puis ‘Juanpi’ Sorin nous crie « Vamos, vamos » avec la Grinta ! On est monté et puis il a marqué (ndlr : à la 87ème minute sur une tête plongeante). On avait les crocs, le couteau entre les dents. On était animé par quelque-chose et ‘Juanpi’ faisait partie de ces mecs qui amenaient ce truc en plus entre nous.

Pierre-Fanfan Virage
Une équipe de bonhommes

‘Juanpi’, parle nous du joueur et de l’homme.
Y a pas de hasard si il n’a jamais connu la défaite sous le maillot parisien. Il avait quelque-chose. C’était un battant malgré son petit gabarit, très fin techniquement. Il ne lâchait rien sur le terrain, très généreux. Cette énergie « s’infusait » sur tout le monde. Ensuite il est d’une humilité exceptionnelle. Il avait un CV incroyable mais s’est très vite intégré. quand on parlait tout à l’heure de gestion de vestiaire, ce genre de grands joueurs sont très faciles à gérer. Si il était resté on n’aurait pas fait la même saison, l’année d’après. Et il ne demandait qu’à rester. Il ne venait pas faire un tremplin au PSG. Il était bien à Paris, sa famille aussi.

Il y a une certaine nostalgie de ton époque auprès des supporters. D’où cela vient-il selon toi ?
Ce qui fait la beauté du sport c’est l’incertitude. Alors aujourd’hui c’est super que le Qatar ait mis autant de moyens dans le club, car même avec des gamins du centre de formation, ça gagne. C’est très bien, mais nous à l’époque c’était différent. Quand les joueurs venaient au PSG, c’était souvent l’amour du club qui les motivait. Cette identification par rapport à la ville et aux supporters. Même si pour certains ça n’a pas marché car le contexte ici est particulier. C’était plus facile pour les supporters de s’identifier aux joueurs.

Ton expérience aux Rangers a été courte mais as-tu senti des similitudes dans l’ambiance entre Bollaert, le Parc et Ibrox ?
Déjà ce que je peux te dire, c’est que 90% des joueurs de ligue 1 t’avoueront que le Parc c’est le meilleur stade de France en terme de caisse de résonance, d’atmosphère, malgré le fait que certains stades aient été refaits depuis. Ce que dégage ce stade c’est juste exceptionnel. Après rapport aux Rangers ou au RC Lens, il y a un public différent. On sent une certaine douceur du côté de Lens, alors que le public parisien est exigent. C’est plus électrique parce que l’environnement parisien est comme ça. A Ibrox c’est aussi un public exceptionnel mais il ressemble au public lensois.

Pierre-Fanfan Virage
« José, toi écouter Vahid, toi gagner. »

Tu aimerais un jour revenir au club ?
Aujourd’hui je suis à l’UNFP et j’ai été longtemps responsable des clubs de la partie Nord en France. J’ai passé un diplôme de manager général niveau Bac+5 à l’université de Limoges, le même diplôme que Zidane a obtenu et dont tout le monde a parlé. Je ne sais pas de quoi sera fait demain mais j’ai un attachement particulier au PSG, j’aime ce club, cette ville où j’habite, donc c’est en pointillé.

Parle-nous de ton poste actuel à l’UNFP.
Je travaille pour une structure de l’UNFP qui s’appelle Europ Sports Management. J’ai du passer mon diplôme d’agent afin de l’intégrer. Nous sommes là pour conseiller les joueurs et leurs familles, ceux qui sont adhérents à l’UNFP. Pour info près de 95% des joueurs pros sont membres de l’UNFP. On a aussi des joueurs sous contrat comme Christopher Nkunku du PSG. Ça fait 5-6 ans que je suis son agent. Il y a aussi Yohan Demoncy du PSG que j’ai fait prêter à Orleans pour qu’il puisse s’aguerrir et gagner du temps de jeu. C’est un métier qui me plait. Déjà sur toute la partie réglementation. Je ne me voyais pas dans un poste d’entraîneur. Je suis plus à l’aise dans tout ce qui est « office, gestion, politique de club ». Et puis ça me permet de rester au contact des joueurs, c’est ça que j’aime. Être proche du terrain et partager l’expérience.

Pierre-Fanfan Virage
Band of Brothers Reloaded

Comment s’est passée la rencontre avec Christopher, comment l’as-tu détecté ?
Ça fait partie de mon job d’aller voir des matchs et de superviser des joueurs. Je l’avais repéré lorsqu’il jouait en U16 au PSG. J’ai aimé sa façon de jouer même si il était petit et chétif. Mais il puait le football. Je savais que ça allait passer. Ça n’a pas toujours été facile pour lui car on ne lui a pas fait de cadeau, d’ailleurs on ne lui en fait toujours pas même si il est dans ce groupe de galactiques. Tout ça il ne le doit qu’à lui même car il a été la chercher cette place. C’est un joueur qui progresse au quotidien. Il est à l’aise techniquement et humainement c’est un super mec. Il est parti sur de bonnes bases, il est bien éduqué et bien entouré.

Quels conseils lui apportes-tu, toi l’ancien défenseur ?
J’ai été confronté à beaucoup d’attaquants dans ma carrière. Donc je peux lui donner des conseils mais c’est surtout sur ce qu’on attend de lui à son poste. Et sur ce que le club attend de lui en tant que joueur. Le relai il est là. Il a encore le temps de progresser mais je lui donne les détails sur lesquels il doit progresser car le football de haut niveau ce sont les détails. Parfois il est un peu énervé sur certaines situations mais avec mon expérience je le rassure. Je le calme. C’est la même chose lorsqu’il est euphorique. Le football c’est une perpétuelle remise en question. Si tu mets 2 buts dans un match, les supporters t’applaudissent, mais si tu en loupes deux au prochain ils seront les premiers à te siffler.

Christopher est donc attentif à ces conseils, est-ce que c’est aussi un passionné de football ?
Ah il aime ! Tous les joueurs sont à l’écoute en vrai, mais ils ne sont pas tous capables d’appliquer ces conseils. Christopher, il écoute, il comprend et il applique.
Et puis il est bon à tous les postes où on le positionne. Même si ce n’est pas toujours son poste de prédilection, milieu relayeur. Il aime être dans le jeu, toucher le ballon, l’orienter et finir les actions. Il est très juste dans les zones de vérité. Il a une vraie faculté d’analyse et du sang-froid. Ça, c’est le très haut niveau.

Pierre-Fanfan Virage
Branko, je sens que tu as envie de faire des blagues ce soir au Vélodrome…

C’est difficile pour lui de vivre dans l’ombre de Neymar ou Mbappe ?
Oui c’est difficile. C’est comme dans toute vie professionnelle, il y a des étapes. Tu arrives dans le vestiaire, tu as des étoiles dans les yeux quand tu vois les meilleurs. Mais cette étape, je suis le premier à dire qu’elle ne doit pas durer trop longtemps. Même pas 6 mois. Au bout d’une semaine, même si ces mecs sont des stars, il faut avoir envie de leur piquer leur place. C’est compliqué car ces joueurs ont un statut, sont parfois champions du Monde. Mais Christopher a été bon à chaque fois qu’il a joué, il a été formé au club, il représente l’avenir. Si il ne jouait pas au PSG, si il était à Marseille ou Monaco, je pense qu’il jouerait. Regarde Aouar avec qui il est en espoir, il est titulaire à Lyon. Mais bon à Paris il y a des joueurs qui ont couté très chers, qui sont très bons, en les mettant sur le banc vous risquez de les dévaluer, ça fait partie de la gestion d’un club, d’un effectif, ça fait partie du jeu. C’est dur à vivre mais si vous comprenez la situation c’est plus simple et Christopher la comprend. Pour le moment tout va bien, même si à un moment il y aura des décisions à prendre. Il mérite plus de temps de jeu, je le dis haut et fort. Mais il faut être patient. Le discours de Tuchel est positif avec lui, mais… peut mieux faire, ah ah ah…

Source photos (c) Panoramic


Xavier Chevalier
Marco Simone PSG

Marco Simone

L’histoire entre Marco Simone et le Paris Saint-Germain est intense. Arrivé en provenance du prestigieux Milan AC, l’attaquant italien fut accueilli comme une star dans la capitale. Sa 1ère saison (1997-1998) fut exceptionnelle.
La seconde, déjà celle du départ. Beaucoup trop tôt pour Marco Simone.

Marco, lequel de vos buts avec le PSG vous a procuré le plus d’émotions ?
Mon but marqué au Parc face à l’OM (1999). A l’époque, c’était compliqué de battre l’OM. C’était toujours des matches très chauds. La rivalité était forte et les supporters vivaient aussi le match différemment. Il y avait les virages qui se répondaient, tout cela en fait quelque chose d’unique.

Mon but contre l’OM, c’est un but technique. Ce n’est pas mon plus beau, pas le plus spectaculaire. Mais c’est le plus fort en termes de ressenti. Dans ma joie, je viens montrer le Batman que j’ai sur l’épaule, aux supporters marseillais.

Etait-ce un geste prémédité ?
C’était instinctif. Aujourd’hui, les joueurs préparent de plus en plus leurs célébrations. Moi, c’était totalement instinctif. Batman, ce tatouage, c’était mon symbole, qui m’a toujours représenté. C’était comme un geste de défi à tous les supporters de Marseille. Je voulais que tout le virage le voit. J’avais un mélange de joie, de rage. Car je savais que ce serait mon dernier PSG-OM, que j’allais partir à Monaco.

Comment étiez-vous accueilli par la suite à Marseille, au Vélodrome ?
La 1ère fois, c’était le 23 mai 1999, 3 semaines après PSG-OM. J’étais invité au jubilé de Jean-Pierre Papin, mon ancien coéquipier à Milan. C’était très compliqué pour moi. La sécurité devait me protéger. Les fois d’après, avec Monaco, c’était un peu chaud mais cela n’a jamais dégénéré. C’est le principal. Aujourd’hui quand je vais à Marseille, on me rappelle toujours ce geste, ce but.

Quelle est l’histoire de votre tatouage “Batman“ ?
A Milan, quand j’étais plus jeune, j’habitais dans un appartement au 22ème étage. Un soir, une chauve-souris est rentrée par la terrasse. J’ai essayé de la faire partir avec un bâton, de là elle m’a griffé, ou mordu je ne sais pas trop. Je suis allé à l’hôpital pour qu’ils me fassent une piqûre anti tétanos. Il me restait une trace noire, comme une tâche. Pour la cacher, j’ai décidé de faire ce tatouage chauve-souris.

Je crois que dans ma vie, j’ai une histoire spéciale avec les chauves-souris (sourires). Une fois à Monaco, dans ma maison, je vois une petite chauve-souris, un bébé chauve-souris qui était là, au pied de mon lit. Je l’ai recueillie et je l’ai emmenée chez moi à Milan, en voiture. Je l’avais mise dans une petite boite à chaussures. Elle est restée 3 jours chez moi, puis elle s’est échappée.

Il y a beaucoup de légendes sur les chauves-souris mais ce n’est pas méchant comme animal. Quand elle m’a mordu, c’était pour se défendre. C’est moi qui l’ai attaquée en premier. Les animaux ne sont pas agressifs si on les laisse tranquilles.

En 1997, vous êtes 2 Italiens à évoluer en France, ce qui est une première. 2 attaquants : vous à Paris, Fabrizio Ravanelli à Marseille.
La vérité, c’est que je suis le 1er Italien de l’histoire à venir en France (juillet 1997). Fabrizio Ravanelli arrive plus tard. On se connaissait pour avoir souvent joué l’un contre l’autre en Italie, lui avec la Juve, moi avec Milan. Nous étions des collègues, pas des amis. Même si nous avions du respect pour avoir joué ensemble avec l’Italie.

Comment vivez-vous le fait de ne pas être retenu par Cesare Maldini, pour la Coupe du Monde 1998 en France ?
Je dois être sincère. La Coupe du monde 1998 a été une grosse déception pour moi. J’avais fait des matches de qualification, j’avais fait une bonne saison avec Paris (élu meilleur joueur du Championnat de France 1997-1998). J’espérais faire partie de cette liste. Parce que c’était en France. J’aurais énormément aimé y participer. Je me disais que le public de Paris, du Stade de France pourrait soutenir un peu l’Italie (sourires).

Vous êtes l’un des tout premiers joueurs à marquer au Stade de France : le 4 avril 1998 en finale de Coupe de la Ligue, puis le 2 mai en finale de Coupe de France ?
Oui c’était la 1ère année où les finales de Coupes avaient lieu au Stade de France. On gagne nos 2 finales, face à Bordeaux aux tirs au but (2-2, 4 tab. 2) et face à Lens en Coupe de France (2-1). Deux gros matches. Mes 2 premiers trophées avec Paris.

Il y a aussi PSG – Steaua Bucarest dont je me souviendrai toute ma vie. A cause d’un problème administratif car le club avait fait jouer Laurent Fournier*, on perd 3-0 sur tapis vert. Il fallait absolument gagner 4-0 pour se qualifier. A l’époque, le Steaua était une grande équipe en Europe, ils avaient déjà gagné la Ligue des Champions. On gagne 5-0. C’était un soir extraordinaire. Le 1er grand match que je vivais avec le Paris Saint-Germain.

C’est vraiment extraordinaire de penser qu’on pouvait faire un miracle comme celui-là, et de le faire. C’était une vraie soirée de Champions League au Parc, avec l’ambiance de Champions League. Un de mes meilleurs souvenirs. Le public a été merveilleux, ça nous a donné une énergie incroyable.

Malheureusement en championnat, nous n’avons pas pu donner suite à cette soirée magnifique. En C1 non plus. Je crois qu’on finit 2ème avec la Juve et qu’on est éliminés à la différence de buts.

Votre 1er contact avec le Parc, c’est en 1995, PSG-MILAN AC en ½ finale de C1 ?
Oui, on gagne 1-0 avec un but dans les dernières minutes de Boban (89’). A San Siro, on gagne 2-0. Parfois, je me dis : « mon choix de venir à Paris, c’est une suite de pas mal de coïncidences ».

Par exemple, quelques mois après ce match, George Weah arrive à Milan. Il a vécu chez moi pendant un an. A l’époque, j’étais
célibataire et j’avais de la place pour l’héberger. Il y a tout de suite eu une grande amitié entre nous, qui existe toujours.

George Weah vous parlait-il du PSG ?
Oui, souvent. Vous savez, Paris marque tous les joueurs qui passent un jour dans ce club, dans cette ville. George a été marqué par son passage à Paris, il m’en a toujours dit du bien. Lui comme moi, on disait que Paris, le PSG méritait d’être l’un des clubs les plus importants au monde. Ce club représente la France, une ville extra ordinaire, avec beaucoup de supporters, extra ordinaires aussi. On a toujours pensé que Paris méritait plus et mieux que des résultats par ci par là. Paris mérite ce qui lui arrive aujourd’hui.

Après 8 saisons au Milan AC, dans quel état d’esprit avez-vous signé au PSG, en 1997 ?
J’ai signé mon contrat depuis Bora Bora où j’étais en vacances. Milan et Michel Denisot s’étaient mis d’accord, ils ont signé et ensuite, ils me l’ont envoyé par fax.

Avec Milan, on arrivait à la fin d’un cycle de 10 ans où on avait tout gagné. Plusieurs joueurs arrêtaient. J’ai reçu 2 offres. Le Bayern Munich et le Paris Saint-Germain. Les deux me donnaient l’opportunité de jouer la Ligue des Champions et financièrement, c’était pareil. La langue, la nourriture… Je me suis dit qu’un Italien s’adapterait mieux à la France qu’à l’Allemagne (sourires). Le PSG s’imposait de plus en plus en Europe. A Paris, il y avait tout qui m’attirait.

A l’époque, vous étiez le seul Parisien à résider dans la capitale.
Aujourd’hui, c’est devenu quelque chose de normal. A mon époque, vivre à Paris était interdit par le club. Les joueurs devaient habiter près du Camp des Loges. A Milan, j’habitais en plein centre, comme beaucoup de mes coéquipiers. Je ne voulais pas changer mes habitudes.

Je l’avais dit à Michel Denisot. Cela faisait partie des clauses dans mon contrat. Michel Denisot avait peur pour le trafic, avec les embouteillages mais pour moi c’était plus facile qu’à Milan. A Milan, je mettais 50 minutes pour aller Milanello. Pour aller à Saint-Germain, c’était plus rapide ! Je mettais 15-20 minutes.

Où habitiez-vous ?
Avenue Kleber, près de l’Etoile. Le club m’a dit de choisir mon appartement. J’ai choisi le 1er que j’ai visité. Ça m’a plu tout de suite, 300 m2, à côté de l’Arc de Triomphe. Je ne sais pas si cela a plu à Michel Denisot car c’est le club qui payait. C’était dans mon contrat. Je n’ai plus cet appartement aujourd’hui. Je vis à Monaco, mais j’aime remonter sur Paris, passer quelques jours. Paris est une ville que j’aime énormément.

Qu’aimiez-vous faire le plus à Paris ?
Tous les dimanches matins, très tôt, j’allais au marché aux Puces Porte de Saint-Ouen. J’ai toujours été impressionné chaque fois que je visitais ce marché.

En 1997-1998, 1998-1999 vous avez joué avec le “maillot Hechter“ Bleu Blanc Rouge Blanc Bleu ?
J’aime beaucoup les maillots historiques. Je préfère celui-là au jaune, vert, orange… Quand ce n’est pas les couleurs du club, ça me rend fou. Ce maillot « Hechter » est magnifique, ses couleurs sont celles du PSG. J’en ai toujours plusieurs chez moi.

Votre 1ère saison à Paris est exceptionnelle, vous êtes sacré meilleur joueur du championnat ?
Ma 1ère saison avec Paris a été la plus forte émotionnellement. Les premiers contacts avec la ville, les salariés du club, les supporters, ont été tops. Je crois que j’ai tout de suite compris la mentalité des Parisiens. Les joueurs historiques Rai, Alain Roche… m’ont bien accepté. Cela s’est tout de suite bien passé. Pour mon 1er match, je fais une passe décisive à Florian Maurice (PSG 2-0 Châteauroux). Ensuite, je marque 7 buts d’affilée. J’ai été si bien accueilli.

Le jour et la nuit avec la saison 1998-1999. Que s’est-il passé durant l’été ?
Il y a eu beaucoup de choses écrites et dites. La simple vérité est celle-ci. En 1997, j’avais signé 3 ans au PSG. A la fin de la 1ère année, j’ai eu beaucoup de sollicitations. On se réunit avec les dirigeants et avec le nouveau président Charles Biétry, on trouve un accord pour une prolongation. A la reprise, nous devions signer, et l’officialiser.

C’est tombé à l’eau. A partir du moment où le président n’a pas respecté sa parole, quelque chose s’est cassé avec lui. Je lui ai dit : « A la fin de la saison, je vais partir ». Ça a été le début de notre conflit. C’est devenu public et Charles Biétry a subi beaucoup de pressions des supporters. C’était devenu difficile pour lui de venir aux matches.

Vous savez, je ne serais pas allé à Monaco si Paris m’avait prolongé. Mon idée, à partir du moment où je quittais Milan, c’était de faire 5, 6, 7 ans avec Paris. Je suis toujours fidèle à mes clubs. Après Milan, j’aurais pu signer à la Juve. J’ai quitté l’Italie par fidélité à Milan. Je ne voulais pas quitter Paris. La chaleur que m’ont donnée les supporters parisiens était vraiment forte. Je ne voulais pas quitter ce club. Je voulais terminer ma carrière au PSG.

Cette 2ème et dernière saison a-t-elle été difficile à vivre ?
La saison était catastrophique au niveau des résultats. Chacun a sa part de responsabilité mais je crois que cela arrangeait certains de me mettre tout sur le dos. J’étais le joueur le plus médiatique, tout le monde pensait que c’était la faute de Marco Simone. En une saison, Paris a changé 2 fois de présidents (Biétry, Perpère), 3 fois d’entraîneur (Giresse, Artur Jorge, Bergeroo). On a fait partir 5 joueurs historiques (Raí, Roche, Le Guen, Fournier, Guérin). Je ne crois pas que tout était de ma faute.

On vous a aussi reproché d’avoir provoqué le départ d’Alain Giresse ?
Encore une fois, cela devait arranger beaucoup de monde de me mettre ça sur le dos. Il faut savoir que j’appréciais beaucoup Alain Giresse. C’est une personne extraordinaire, humaine et un bon entraineur pour Paris. On a dit que le club l’a viré à cause de mon penalty raté face à Lens (PSG 0-1 Lens, J8), que je l’avais fait exprès. J’ai glissé, la balle est partie au dessus de la barre. J’étais très énervé d’avoir loupé un penalty et encore plus car on perd le match.

Je pense toujours qu’on aurait pu faire de belles choses avec Alain Giresse. Le club l’a viré trop tôt (11 matches). Aujourd’hui, on se revoit il n’y a aucun problème entre nous.

Le PSG vous a-t-il recontacté, d’une façon ou d’une autre, depuis votre départ ?
Non, mais je continue à suivre de près ce qu’ils font.

Souhaiteriez-vous revenir ?
Pourquoi pas, je suis entraineur aujourd’hui, entrer dans le projet du club d’une façon ou d’une autre serait bien sûr bien pour moi.

Cet été, vous deviez entrainer la réserve du Milan AC, avant l’arrivée de nouveaux propriétaires ?
J’avais signé mon contrat de 2 ans, pour entraîner l’équipe B du Milan AC. Le 11 juillet, y a eu un changement de propriétaires. Cela a changé la donne.

Y a-t-il des joueurs que vous appréciez plus particulièrement au PSG ?
Pour moi, Edinson Cavani est le meilleur avant centre au monde aujourd’hui. Un attaquant moderne. Une vraie personnalité, très simple, grand buteur et pour moi le meilleur attaquant au monde. Et ce, depuis plusieurs années, car je le suivais déjà à Naples.

Paris reçoit Naples ce mercredi 24 octobre. Vous avez joué avec son entraîneur Carlo Ancelotti ?
Oui on a joué ensemble quelques années à Milan (1989-1992). Je l’ai eu aussi comme entraîneur la demi-saison où je suis revenu à Milan (2001-2002). C’était sa 1ère année à Milan. Je le connais très bien et je sais qu’il est très heureux de recroiser la route du PSG.

La Ryder Cup 2022 aura lieu en Italie, au Marco Simone Golf. Comment le vivez vous ?
Je suis heureux car j’adore le golf. Malheureusement ce golf privé de Rome ne m’appartient pas (sourires). J’ai rencontré le président du club, je suis invité pour la Ryder Cup et à participer au tournoi amateur qui a lieu avant le tournoi officiel. Je suis handicap entre 4 et 5.

Crédits photos (c) Panoramic / Droits Réservés / PSG


Marco Simone
Né le 7 janvier 1969 à Castellanza (Italie)
Attaquant, 1m70, 68 kg
International italien

Joueur : Côme (1986-1987, Ita), Virescit Boccaleone (1987-1988, Ita), Côme (1988-1989, Ita), Milan AC (1989-1997, Ita), PSG (1997-1999), Monaco (1999 – sept. 2001), Milan AC (sept. 2001 – 2002), Monaco (2002-2003), Nice (2003-2004), Legnano (2005-2006, Ita.)

Palmarès : Vainqueur de la Coupe Intercontinentale (1989), Vainqueur de la SuperCoupe d’Europe (1989, 1994), SuperCoupe d’Italie (1993, 1994), Finaliste de la Ligue des Champions (1995), Champion d’Italie (1992, 1993, 1994, 1996), Vainqueur de la Coupe de la Ligue (1998), Vainqueur de la Coupe de France (1998), Vainqueur du Trophée des Champions (1998), Champion de France (2000)

Meilleur buteur du Championnat d’Italie (1988), Meilleur joueur du Championnat d’Italie (1995), Meilleur joueur du Championnat de France (1998, 2000), Meilleur passeur du Championnat de France (2000)

Entraîneur : Monaco (2011-2012), Lausanne (2014-2015), Tours (2015-2016), Laval (2016-2017), Club Africain (2017)

*Le 13 août 1997, en match aller du tour préliminaire de la Ligue des Champions, le PSG s’incline 3-2 en Roumanie. Mais, pour avoir oublié de consulter un fax de l’UEFA précisant que Laurent Fournier, titulaire ce soir-là, était suspendu, le PSG est sanctionné d’une défaite “par forfait“ 3-0.

Emilie Pilet
Flynt Virage

Flynt

Rappeur atypique et patient, ciseleur méticuleux de punchlines,
Flynt revient enfin sur le devant de la scène avec un album plus sombre et plus mature au titre pourtant optimiste « Ça va bien s’passer ».
Celui qui éclairait sa ville en 2007 reprend du service pour déclarer sa flamme au Hip Hop, à Paris et au football. Entretien riche et passionné avec un homme serein.

Il y a beaucoup d’allusions au foot dans tes lyrics. Pour toi c’est naturel d’y inclure cette touche ballon rond depuis toujours ?
Je suis connecté au foot au quotidien, je m’intéresse de près au sujet et les références au football viennent naturellement. Je ne suis pas une encyclopédie du football mais j’aime bien placer quelques références par-ci par-là. Et puis il y a beaucoup de parallèles à faire entre la musique et le sport : l’entraînement, la préparation, la performance, le collectif, le rapport au public, la technique, le mental… sauf qu’en musique tu n’as pas d’adversaire en face de toi. Mais tu dois donner quelque chose aux gens, livrer une performance, laisser une trace, un souvenir. Et puis on peut dire beaucoup de choses et faire passer beaucoup de messages en parlant de football. Dans Ça va bien se passer par exemple, je dis « j’ai toujours cette flamme, je passe mon temps à la raviver, comme un supporter sang et or j’espère que l’argent va arriver », le mec qui connait le contexte lensois, ça va lui parler. Je me mets à leur place, ils sont dans une situation difficile vis-à-vis de leur club, mais ils continuent à le supporter. Comme moi quand j’étais dans une situation difficile dans la musique, j’ai continué à y croire, à avoir envie et à pratiquer. Dans le foot, il y a beaucoup de personnages et d’histoires à raconter et je m’en sers parfois pour illustrer des idées. C’est un hasard mais mon nouvel album commence par un titre qui s’appelle Joga Bonito et finit par un autre qui s’appelle Champions du monde. Ce n’était pas prévu au départ mais c’est marrant que la tracklist soit ainsi faite.

Tu joues toujours au foot ou maintenant c’est juste à la télé comme un daron ?
Plus maintenant car j’ai eu de sérieux problèmes de dos et je ne veux pas prendre de risques. Mais mes deux garçons jouent au foot. Je vais les voir le mercredi, le jeudi et le samedi. Mon aîné, qui va avoir 10 ans, est piqué par le ballon. Il est en survet’ toute la journée, il s’intéresserait même à des matchs de D2 italienne tu vois. Certains matins quand il n’arrive pas à se réveiller, s’il y a eu des matchs la veille, je lui souffle les scores à l’oreille, il se réveille direct et il demande qui, quoi, où, comment, c’est drôle ! Et puis il se débrouille bien, il est technique et il a une bonne vision du jeu et le sens du placement. C’est le seul de son équipe qui joue à une touche de balle par exemple. Et puis il marque souvent en plus. Ça fait plaisir. Pour le coup, lui je lui ai vraiment transmis le truc. Le premier match qu’il a vu c’était France-Uruguay pendant la Coupe du monde en Afrique du Sud. C’était tout un protocole ce jour-là. Il était beaucoup trop petit pour s’en souvenir, mais pour moi c’était important. Cette volonté de transmission était volontaire, je voulais partager ma passion avec lui, c’est quelque chose qu’on a en commun aujourd’hui. Je voulais qu’il connaisse aussi le plaisir que le foot me procure, même si je souhaite évidemment qu’il ait d’autres passions. A son âge, le plus important c’est de le laisser rêver et qu’il s’amuse.

PSG, une évidence pour toi le gamin qui a grandi dans le 18ème ? Pas d’hésitation ?
Aucune. C’est comme ça, oui c’est évident. Personne ne m’a mis dans le football. Je suis fils unique et j’ai grandi seul avec ma mère. Ce n’est pas un grand frère ou un père qui m’a transmis ça. J’ai découvert le football à la radio. J’ai aimé le foot sans même l’avoir encore vu, ni à la télé, ni en vrai. J’écoutais les matchs, je collais l’oreille au poste radio pour suivre le multiplex du samedi. A l’époque on pouvait voir les matchs de coupe de France sur la Une aussi je crois.

Premier match au Parc, un souvenir en particulier ?
Je ne me souviens pas de mon tout premier match au Parc, mais celui qui m’a marqué c’est le 2-1 face à Marseille avec les buts de Simone et Rodriguez [ndlr : 4 mai 1999]. C’était mon premier match à Auteuil ce soir-là. Folie. Mais je n’ai pas beaucoup fréquenté le Parc. J’y suis allé sur le tard. Et puis le Parc c’était un truc qui paraissait inaccessible pour moi, je ne pensais même pas que ce soit possible d’y aller. Depuis j’y vais parfois mais rarement. La dernière fois c’était avec mon fils, pour sa première. Un PSG – Nantes pas terrible où on gagne 2-0. J’aime bien regarder les matchs à la télé moi de toute façon.

Est-ce que tu vois un parallèle entre l’évolution du foot et du rap entre tes débuts et aujourd’hui ?
Le foot avant 1998 c’était, on va dire, pour les « beaufs », en grossissant le trait. Le mec qui gueule et boit des bières, et à Paris qui est facho en plus… Le rap pareil, il avait une étiquette qui lui collait à la peau, ce n’était même pas considéré comme un art ou une discipline au départ. Aujourd’hui ça a changé, les deux se sont largement démocratisés. Le rap est devenu la musique n°1, la plus écoutée, achetée, vue. Ceux qui prédisaient que ce ne serait qu’un effet de mode se sont trompés. Il y a eu un changement de perception du grand public pour le football et le rap. Et c’est tant mieux. L’autre parallèle évident, c’est l’argent. Il y en a plus qu’avant dans les deux cas.

Dans Joga Bonito, tu dis justement « ils représentent des chiffres, je représente des gens ».
Ce que je veux dire par là, c’est que ce qui fait foi dans le rap et la musique en général aujourd’hui c’est le nombre de vues, le nombre d’écoutes, la qualité passant un peu beaucoup au second plan. Pour le public, un artiste qui fait 20 ou 50 millions de vues, c’est qu’il est bon. S’il passe à la radio c’est qu’il est bon, c’est que c’est bien. Le nombre de vues est devenu LE baromètre. Le public et les médias regardent les chiffres des réseaux, des plateformes. Certains artistes ne représentent que des chiffres. Moi je représente d’abord des gens. Si on revient dans le foot, le prix des transferts et des droits TV s’envolent et c’est vrai que certains joueurs s’en foutent de « représenter une ville, ses gens et la culture de cette ville ». Certains reprochent ça à Neymar par exemple. Dans le rap c’est pareil, beaucoup s’en foutent de toucher les gens, de les représenter, de leur parler au cœur, ce qu’ils veulent c’est scorer, faire du chiffre et basta, l’auditeur, ils s’en foutent. Quand tu entends certains discours dans le rap, tu te dis qu’ils se foutent des auditeurs, de leurs enfants, de leurs valeurs. L’important c’est le chiffre, leurs chiffres.

Dans So Foot en janvier 2013 tu déclares : « Mon rapport au club, c’est que je suis un supporter qui a trop mal quand son club perd ou fait n’importe quoi et qui se méfie maintenant. J’attends cette grande équipe que tout le monde attend et que la ville mérite. » Ça va mieux aujourd’hui ?
Ah bah oui. On sortait des années Colony. Paris est une ville mondialement célèbre, celle qui attire sûrement le plus de touristes. C’était anormal qu’il n’y ait pas une grosse équipe de foot internationalement reconnue ici. On mérite d’avoir un grand club. Après est-ce qu’on peut dire que le PSG est un grand club ? Pour moi c’est forcément un grand club, ça l’a toujours été. Même si on n’a pas encore le palmarès européen qui va avec. Aujourd’hui je profite tous les jours de ce que le club est devenu. L’autre jour je discutais avec un pote après le match contre Belgrade. Il m’a dit qu’il avait lâché l’affaire à 4-0. « C’est bon c’était un entrainement » il m’a dit. Je lui ai dit « Mais gros tu veux quoi ? C’est la ligue des Champions, c’est ce qu’on a toujours voulu, t’es un malade, profites-en ». Les gens ne se rendent pas compte, ils ne sont jamais contents. C’est bien les Français ça. Je comprends que les Français qui ne supportent pas Paris puissent être agacés, et encore… Mais les joueurs qu’on a sont des artistes, c’est extraordinaire de pouvoir jouir de ça. Jouissons tous !

As-tu toujours la peur de perdre avant chaque match ? Ce sentiment purement parisien que quoiqu’il arrive on va finir par tomber ?
Toujours mais ça c’est normal. Pour les gens de notre génération en plus, avec tout ce qu’on a vécu de traumatisant c’est logique. Mais j’ai aussi cette boule au ventre avant de monter sur scène. C’est le trac, on espère être performant mais on ne sait jamais comment ça va se passer. Il y a toujours une part d’incertitude. C’est ça la passion.

Du coup, Ça va bien s’passer, c’est un mantra que tu te répètes avant chaque match du PSG, chaque concert ?
Ça va bien s’passer est le premier titre qui a été écrit et enregistré pour cet album. Je l’ai écrit pendant l’Euro 2016. C’est drôle car j’ai bouclé l’écriture de l’album 5 jours après la Coupe du monde 2018. Ce titre est très personnel. J’étais dans un moment de ma vie où je voulais sortir cet album mais je n’avais aucune instru, pas de texte, pas de temps, j’arrivais pas à me mettre dedans, je ne savais pas comment j’allais y arriver. Je voulais faire mieux que ce que j’avais fait précédemment mais je voyais la montagne qu’il me restait à gravir. Cet album, ça a été beaucoup de travail et de sacrifices. Je me répétais tout le temps que ça allait bien se passer, comme un leitmotiv. Et puis je me suis rendu compte que cette expression revenait tout le temps dans les dialogues, dans la vie de tous les jours et dans toutes les situations. Ce titre a donné le La au reste de l’album. L’album est plutôt sombre, il parle de situations de la vie pas forcément joyeuses, mais ça se finit sur la touche d’espoir suprême, pour tout un peuple. Ce titre de Champions du monde dont j’ai fait un titre qui s’appelle Champions du monde justement.

Ce titre, tu l’as prémédité ou ça s’est fait à la dernière minute ?
Ce morceau je l’avais imaginé fin 2017. Je m’étais dit que si la France gagnait la coupe du monde, je résumerais leur parcours dans la compétition dans un morceau. Je m’étais déjà essayé à l’exercice en résumant des matchs de Premier League. J’étais moi-même surpris que ça fonctionne aussi bien. Ces titres sont restés confidentiels. J’ai donc attendu de voir ce que donnerait le parcours des Bleus. J’ai commencé à écrire à la fin de la demi-finale contre la Belgique. Mais je prenais des notes pendant les matchs avant la demi. J’ai écrit le premier couplet juste après la Belgique. Alors que d’habitude je suis plutôt du genre à mettre du temps pour écrire, là j’ai mis deux jours. Et puis après j’ai prié pour qu’ils gagnent. J’ai attaqué le deuxième couplet après la victoire. Le 20 juillet le morceau était enregistré. Ça a été vraiment un coup de pouce du destin, car je tenais à ce titre, inédit dans la forme : commenter un match et le parcours d’une équipe de football en rappant. Et aussi car ce titre véhicule de l’espoir. L’album est certes par moment un peu sombre, mais j’ai voulu faire passer des messages importants : croyez en vos rêves, croyez en vous, organisez-vous, entourez-vous de bonnes personnes, laissez-vous guider par l’amour et la passion et ça va bien se passer. Donc ce titre boucle la boucle avec une note positive, populaire et inespérée. J’y ai vu un signe du destin me concernant.

Effectivement on sent que la plupart des titres ont été inspirés par des expériences personnelles difficiles. Avoue que le 6-1 face au Barça n’a rien arrangé ?
C’était le ciel qui nous tombait sur la tête. Mais il fallait vite passer à autre chose, sans oublier. Je me suis dit que cette expérience allait nous servir un jour. Je suis un peu dans cet état d’esprit en général. On peut tous chuter, on a tous des déceptions, mais ce qui est important c’est d’apprendre de ses échecs et de s’en servir pour faire mieux la prochaine fois. Alors OK l’année d’après ils ont chuté face à Madrid, le futur champion d’Europe. Ils n’étaient pas au rendez-vous non plus, mais les cadres qui étaient sur la pelouse sont toujours à Paris, ça va leur être utile cette saison. Autre chose. Après le 4-0 ils ont un peu chambré mais il faut rester humble dans la vie. Ça aussi c’est une leçon pour tout le monde. OK tu as gagné 4-0 à l’aller mais ce n’est pas fini, pas gagné d’avance. Continue à bosser. Et puis ils sont arrivés avec la trouille à Barcelone. Emery n’a pas réussi à amener cette sérénité dans le groupe. C’est bien de se dire « attention on peut se faire éliminer », mais là c’était la trouille !

Tu crois que le PSG peut ramener la C1 cette année ?
Bien sûr ! On a la meilleure attaque d’Europe, du monde même, une défense et un milieu incroyables, tout est réuni. Mais on ne sait jamais. C’est ça qui fait qu’on aime le foot.

Dans Lutèce, tu balances sur les US, du coup le maillot Jordan, tu en penses quoi ?
Depuis l’élection de Trump et même avant ça, j’en suis un peu revenu des USA. Pourtant quand j’étais plus jeune, tout me faisait rêver là-bas. La NBA, le rap, les villes, les voitures, les fringues… Mais quand tu vois ça avec des yeux d’adulte, c’est différent, c’est pour ça que je dis « J’ai la carte vitale, fuck les US ou encore fuck la NFL on a le football ». Je n’écoute quasiment plus de rap américain même si le rap US est toujours au top niveau. La plupart sont des guignols en fait, avec des valeurs bidon. Pas tous bien-sûr. L’Amérique ne me fait plus rêver. Quant à Jordan, c’est une icône du sport mondial. Mais ça ne me fait ni chaud ni froid. C’est juste un truc de marque pour faire parler de la marque PSG. C’est un joli coup. Personnellement, je n’ai jamais porté un truc Jordan même si j’admirais le joueur, je ne trouve pas ça beau du tout ses fringues, même ses pompes à part les toutes premières. Et puis c’est cher pour rien je trouve. Lui il ne fait pas de vêtements pour le ghetto c’est sûr. Enfin si, sa mentalité c’est de dire « je vends des vêtements chers pour que les jeunes aient envie de réussir pour pouvoir se les acheter ». Pourquoi pas, mais je pense plutôt que c’est « Je vends des vêtements chers pour gagner un max de fric ». Enfin bon, je ne suis ni pour ni contre, si ça peut ramener de l’argent dans les caisses du club et nous permettre d’avoir encore et toujours d’excellents joueurs dans les décennies à venir, pourquoi pas.

La bâche « j’éclaire ma ville » en virage Auteuil, tu sais d’où elle sort ?
Oui c’est incroyable. C’est le groupe LPCMA (le Parc c’était mieux avant) qui a fait ça. Ça m’a fait énormément plaisir. Et sans être un spécialiste des Ultras, je sais que pour certains d’entre eux « J’éclaire ma ville » a été un disque marquant. Car il représente Paris et il les représente eux. Certains se sont appropriés ce titre. J’ai été contacté récemment par un autre groupe d’Auteuil qui veut faire un visuel Joga Bonito aux couleurs du PSG destiné à un deux mâts. C’est cool. C’est vrai qu’il y a pas mal de supporters parisiens qui viennent à mes concerts quand je joue à Paris. Ils sortent les écharpes, ils entonnent les chants. Il y en a même certains qui ont demandé s’ils pouvaient ramener des fumis à la Machine du Moulin Rouge le 5 décembre pour mon concert ! Ça risque d’être assez drôle. Bon ce soir-là c’est un mercredi, Paris joue à Strasbourg, heureusement que ce n’est pas tombé un soir de C1, j’ai fait gaffe à ça, j’étais inquiet à l’idée que mon concert à Paris se déroule un soir de Ligue des Champions, au Parc en plus, imagine.

Pour revenir sur « J’éclaire ma ville », tout ceci ne te donne pas envie d’écrire la suite ? La version 2018 ?
Je l’ai déjà écrite dans cet album sur le titre Dos Rond. C’est un regard très cinématographique sur la ville. C’est mon J’éclaire ma ville 2018. Le public voudrait toujours retrouver la même chose que ce qu’il a connu en découvrant un artiste qu’il apprécie, mais ce n’est pas possible. Un artiste doit évoluer. En écoutant la sonorité du nouvel album et la façon dont c’est rappé, c’est différent, j’ai évolué. Et tant mieux. Ça me fait penser au commentaire d’un fan que j’ai lu sur je ne sais plus quel réseau. Je sors un album en moyenne tous les 5 ans et ce supporter disait en gros que chaque album représentait une période de sa vie. Lorsqu’il écoutait le premier album, il était étudiant, au deuxième il venait de quitter le domicile de ses parents et de se caser avec une nana et qu’au 3ème il était devenu daron. J’évolue comme tout le monde. Le rap évolue. Mon rap évolue. Je ne vais pas continuer à vivre chez ma mère ou à m’habiller comme quand j’avais 15 ans pour faire plaisir à mon public. Et je ne veux pas non plus avoir l’image d’un mec Parigot-Parisien. Je m’adresse à tout le monde et pas qu’aux parisiens. Alors c’est normal dans un disque de parler de ton contexte, de là où tu vis mais mon nouveau disque évoque des sujets qui touchent tout le monde. Je parle d’amour, de haine, d’échec, de réussite, de routine au travail, de mort, de séparation, de remise en question, de rap et de foot aussi… Je parle de sujets qui touchent tout le monde dans leur quotidien et leur intimité.

Parlons de quelqu’un qui éclaire Paris en ce moment : Kylian Mbappé. Tes fils sont-ils fans du gamin de Bondy ? Et toi qui es attaché aux valeurs de l’éducation, penses-tu qu’il a un rôle important à jouer auprès des jeunes ?
Moi je suis complètement fan… J’habite dans le 93 depuis plus de 10 ans maintenant, pas très loin de Bondy en plus et c’est vrai que l’impact de sa réussite est important. C’est une fierté pour les gens du 93. Vu son talent et son exposition, s’il met une golden à un arbitre demain, l’impact sera terriblement négatif car c’est un modèle malgré lui. Ceci dit, je ne pense pas qu’un footballeur pro doit être un éducateur ou être à tout prix un exemple. Ce n’est pas son rôle. Il doit faire attention, bien sûr. Comme un rappeur. On n’est pas là pour éduquer les jeunes, on n’est pas l’école ou les parents. Mais on a une influence, c’est certain. Pourtant quand Zizou a mis le coup de boule, je ne crois pas qu’on ait vu les enfants se mettre des coups de boule au plexus à tire larigot par la suite. Comme le rap n’est pas à l’origine de la violence dans certains quartiers. La violence existait déjà avant le rap. Et avant le football.

Tu penses que c’est le meilleur joueur du monde ?
Oui, sans hésiter. Et sans chauvinisme. C’est le meilleur joueur du monde actuellement. Neymar joue avec lui et ils ont une association vertueuse. Mais de par son ascension, ses performances, sa technique, son style, le fait qu’il soit déjà champion du monde à son âge, qu’il ait réussi à s’imposer à Paris, que tout se passe comme prévu en fait… C’est le meilleur. Et il mérite le Ballon d’Or. Je suis abasourdi qu’il joue à Paris. Des fois j’en reviens pas. Je suis fan. J’espère qu’il aura le Ballon d’Or. C’est bon Cristiano, Messi, c’est bon circulez. Même Griezmann c’est bien, mais Mbappé c’est Mbappé. Ballon d’Or. Tout de suite.

Pour finir, le fait que Tuchel fasse jouer les jeunes du centre de formation, c’est un peu comme dans le rap, ça enchaine les featurings avant de sortir un album solo ?
flynt virage psgJe trouve ça super positif. Il a l’air d’avoir un contact très chaleureux avec les joueurs, et il arrive à gérer son groupe, en tout cas pour le moment. On a de l’empathie pour lui, contrairement à Emery. Et puis surtout on est passé à côté de trop de jeunes à Paris. Je comprends que les jeunes originaires d’île de France aient eu du mal à trouver leur place au PSG dans le passé, et le fait qu’un joueur comme Mbappé revienne, c’est important. C’est fort qu’un mec de son âge revienne en disant qu’il veut marquer l’histoire du club. Il envoie un signal fort. Intégrer des jeunes comme Kimpembe, Nkunku, Diaby, Nsoki, Dagba, c’est bien car c’est sans doute le futur du club. Pas besoin d’aller systématiquement chercher ailleurs. On a un vrai vivier. Et Tuchel les fait jouer maintenant, les prépare mentalement en coulisse pour qu’ils s’intègrent bien. Ils ont du potentiel. Ils ont bossé depuis des années, en équipe de jeunes, se sont préparés pour ça. Avant on avait l’impression que ce n’était pas possible pour eux. Qu’ils étaient arrivés là par hasard. Mais ces mecs étaient forts. Je les vois les gamins quand j’accompagne mon fils à des tournois. On les voit tout de suite ceux qui ont un vrai potentiel. Ça saute aux yeux. Ils ont 12-13 ans, ils crèvent l’écran. Et s’ils avaient le sentiment que Paris ce n’est pas pour eux, l’arrivée de Kylian ou le management de Tuchel est un cercle vertueux qui va changer les choses, c’est vraiment génial. Je vois ça d’un très bon œil. Faisons passer ce message aux gamins, à Paris ça va bien s’passer !


Album « Ça va bien s’passer » disponible le 26 octobre 2018
En concert à la Machine du Moulin Rouge  (Paris 18ème) le 5 décembre 2018

Crédits photos (c) Nina Magdas, Leo Ridet, Sebastien Girod


Xavier Chevalier

Nambatingue Toko

Il est et restera à jamais le 1er buteur du PSG en Coupe d’Europe (1982).
14 ans plus tard, il soulevait la Coupe des Vainqueurs de Coupes,
comme membre du staff. Nambatingue Toko, c’est 15 ans de fidélité
au Paris Saint-Germain. C’est « Tonton Toko » pour George Weah,
Bernard Lama, et beaucoup d’autres. C’est l’histoire du PSG.

Vous êtes arrivé au PSG en 1980, à 27 ans. Comment cela s’est-il passé ?
C’était en fin de saison, lors d’un match exhibition dans le Nord. Le président Borelli est venu me voir. Il m’a dit : « est-ce que ça t’intéresse de venir au PSG ? »

Vous sortiez d’une saison incroyable avec Valenciennes, les supporters ont tout fait pour vous dissuader de partir ?
Oui, c’est quelque chose que je n’oublie pas. Je n’ai fait qu’une saison à Valenciennes, je n’oublierai jamais les gens là-bas, le public. Mais j’ai été tenté par l’aventure parisienne. Quelque part, cela ne se refusait pas. Cela représentait un changement de statut, même si le PSG était encore un club jeune (10 ans). J’étais associé à Dominique Rocheteau. Comme moi, il venait d’arriver. Je me suis senti bien tout de suite.

Nous étions une équipe moyenne. Nous n’avions encore rien gagné. Mais en 1980, il y avait déjà une super star, un joueur hors norme, Mustapha Dahleb, puis Safet Sušić. Ce sont deux joueurs extraordinaires, avec qui j’ai été très heureux de jouer.

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(c) Paris Canal Historique

Ce sont les meilleurs joueurs que vous avez côtoyés ?
A mes touts débuts à Nice, j’ai joué aussi avec de très bons joueurs au milieu de terrain : Jean-Marc Guillou, Roger Jouve, Jean-Noël Huck. Il n’y avait pas beaucoup d’équipes qui avaient un tel milieu de terrain. J’ai eu la grande chance, le privilège de pouvoir jouer au côté de grands joueurs.

Vos coéquipiers pourraient en dire autant de vous ?
Moi, vous savez, j’étais juste grand par la taille (1m87). Dans ce sens là oui, on peut le dire. J’étais un bon joueur, sans plus.

Vous avez tout de même inscrit 43 buts* avec le PSG (1980-1985) ?
43 ? Je ne savais pas (sourires). Je ne les ai pas comptés. Marquer pour un attaquant, c’est ce qu’on attend de vous. C’est vrai aussi que ce sont de belles émotions.

Souvent, vous marquiez des buts décisifs, spectaculaires : lors des deux 1ères finales de Coupe de France (1982, 1983), en Coupe d’Europe…

Toko PSG Virage
(c) Collection Thierry Morin

Pour essayer de bien faire mon travail, il fallait que je sois hyper concentré. Pour les grosses affiches, les matches à enjeux, je crois que je l’étais encore plus. Par exemple face à Saint-Etienne, je n’avais besoin de rien ni personne pour me motiver, j’étais à 100%. En face, nous avions des internationaux, la motivation venait d’elle-même. Tout cela me transcendait moi-même, tout seul. 40 000 spectateurs au Parc aussi ça motive ! Même si je l’étais déjà. Cette adrénaline, c’est comme si c’était une drogue pour moi. Je me disais : « Ce soir, tu te dois d’être décisif ».

Le 28 septembre 1982, vous inscrivez un but historique : le 1er du PSG en Coupe d’Europe. Est-ce une fierté pour vous ?
Ce sera au moins mon titre de gloire avec le PSG. On m’en reparle aujourd’hui, cela fait toujours chaud au cœur. Moi sur le moment, je ne pense pas du tout à ça (sourires). Je me dis qu’il faut marquer, car il faut qu’on se qualifie. On avait perdu à l’aller en Bulgarie (Lokomotiv Sofia 1-0 PSG). A chaque occasion, il fallait que je sois concentré à 100% pour marquer. A la 20ème minute, je parviens à le faire sur le centre de Dominique Bathenay.

Ce soir-là, vous inscrivez un doublé, dont votre 2ème but, un retourné spectaculaire ?
Sur le moment c’était un but décisif aussi (sourires), il y avait 2-1, et si le match s’arrêtait là (81’), on se qualifiait. Mais ensuite on a marqué 2 autres buts (5-1). C’était une belle soirée et l’aventure européenne continuait. C’est ce qu’il y avait de plus important.

Votre interview télévisée d’après-match est un peu rentrée dans l’histoire, aussi. Le journaliste George Dominique : « C’est le plus beau but de votre carrière ? » Vous lui répondez : « Benh non ! Vous me connaissez… J’ai marqué des plus beaux buts que ça, quand même ? »
A l’époque, c’était très rare que les matches passent à la télé. C’est vrai que c’est resté. Georges Dominique est depuis devenu un pote, il me dit : « J’ai fait ta carrière, et tu as fait la mienne aussi » (sourires).

Les gens me parlent de ce but, et aussi de ce que j’avais dit… Mais moi je sais que j’ai marqué un plus beau but avant, je ne sais pas si on peut retrouver les images car ce n’était pas télévisé. C’était avec Valenciennes, à Monaco. On gagne 1-0. C’est celui-ci mon plus joli but.

Vous êtes le 1er Tchadien à avoir évolué en D1. Comment êtes-vous arrivé en France ?
Il y avait un coopérant français qui supportait mon club (Yal-Tchad), il était Procureur Général au Tchad. Il aimait bien le foot et il était supporter du club où je jouais. Il a fait les démarches pour que je vienne en France, et je suis arrivé à Grenoble, à l’époque en 4ème division. J’avais 21-22 ans. Ensuite j’ai joué en 3ème division à Albi. Un étage supérieur, c’était déjà bien et on était dans le groupe Sud, on jouait face aux réserves pros de Monaco, Nice… C’est comme ça que j’ai été repéré par l’OGC Nice (1975). A Nice, ça s’est bien passé. Je jouais avec la réserve, j’attendais qu’on me donne ma chance et ensuite je me suis mis à jouer avec les pros. J’ai signé mon 1er contrat professionnel.
Donc ce Monsieur, c’est lui qui m’a permis de venir en France. Il est reparti travailler au Tchad. Il m’a laissé à Grenoble, il fallait que je me débrouille.

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(c) Paris Canal Historique

Etait-ce difficile au début, l’adaptation ?
Il faut savoir pourquoi on est là. Essayer d’avancer, toujours, et saisir sa chance. 
Sur le terrain, il a fallu s’adapter au foot européen. Je ne pensais pas que ce serait aussi dur. Surtout physiquement, c’était beaucoup plus exigeant. Depuis le Tchad, on ne s’imaginait pas que c’était aussi dur. Aujourd’hui, il y a la télévision, tout le monde suit les championnats européens. A l’époque, il n’y avait pas de télé, pas d’image. On suivait les matches sur France Inter. On n’avait aucune idée de la dureté physique dans les duels. Mais on travaille et on s’y fait.

En France, le foot a pu devenir mon métier. Au Tchad, je ne gagnais pas du tout d’argent. C’était juste pour le plaisir. A Grenoble, puis Albi, des clubs amateurs, j’avais un petit fixe, des primes de victoires. J’arrivais à commencer à vivre du football.

C’est vraiment à Nice que je suis devenu professionnel. Je me suis acheté une mobylette, j’allais à l’entraînement avec (sourires). Je n’étais pas le seul il y avait aussi Dominique Baratelli. Sur la Côte d’Azur, c’est agréable.

Votre nom, en entier, c’est Nambatingue Tokomon Dieudonné, on vous a toujours appelé Toko ?
Mon prénom c’est Tokomon, et mon nom Nambatingue. Quand j’ai commencé à jouer professionnel, à Nice, Jean-Noël Huck m’a dit : « On va t’appeler ‘Toko’, c’était plus facile à dire que Tokomon ». Toko, c’est devenu mon nom de guerre (sourires). Tout le monde s’est mis à m’appeler comme ça. Mais mon tout 1er prénom, c’est Dieudonné.

En 1989, vous revenez au PSG, cette fois pour 10 ans.
Oui c’est Francis Borelli qui m’a demandé. Il m’appelait souvent et un jour il me dit : « Tu ne veux pas me faire une mission, superviser des matches à gauche, à droite ? » J’ai commencé avec lui, on allait voir des matches ensemble, en Belgique par exemple. Un jour, il dit : « Tu ne veux pas le faire pour moi ? ». Au début, j’ai commencé comme ça, je travaillais pour l’équipe réserve, puis j’ai intégré le staff, l’équipe 1ère. La première fois avec Ivic, ensuite Henri Michel, Artur Jorge, Luis Fernandez. Artur Jorge m’a particulièrement marqué.

De quelle façon ?

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(c) Paris Canal Historique

Il a amené beaucoup de rigueur et de professionnalisme. Il a fait progresser les joueurs, et le PSG petit à petit. Avec Borelli, on était bien, on se marrait bien. Quand Canal est arrivé (1991), c’était plus professionnel, à tous les nivaux. Les exigences, la compétition, tout commençait à changer.

A notre époque, chacun emmenait son maillot dans son sac. Là, ce n’était plus la « pagaille » (sourires). Au niveau des entrainements, le rythme, le contenu… On sentait qu’on avait basculé dans une autre ère. Les actionnaires voulaient des résultats. Il a fallu un an, deux ans, puis on a gagné le Championnat. En face il y avait Marseille, un adversaire redoutable. Paris devenait une grande équipe d’Europe, jusqu’à gagner la Coupe d’Europe en 1996.

Artur Jorge, et les joueurs Valdo, Ricardo, dégageaient une exigence et une sérénité impressionnantes. Ils avaient l’habitude de gagner. Par exemple Valdo, il vivait mal quand Paris ne gagnait pas au début (1991), il disait : « c’est quoi ces matches nuls ! ». Lui et ses coéquipiers dégageaient une certaine force de caractère.

Un peu plus tard, vous avez vu arriver, puis briller, un autre Brésilien : Raí ?
La 1ère année n’a pas été facile pour lui. Il sortait de 2 saisons à plus de 60 matches, où il n’arrêtait pas de jouer. Il est arrivé du Brésil un peu lessivé. Malgré tout pour son 1er match, au Parc, je m’en souviendrai toute ma vie : il fait une magnifique transversale, une ouverture de 40 mètres sur un coup du foulard. Souvent quand on arrive dans un club, on n’ose pas trop faire ce genre de geste.

En dehors des matches, il fallait voir ce qu’il faisait à l’entraînement. Lui et les autres ! Weah ou bien Leonardo…. Leonardo avec un pied gauche incroyable, je le trouvais tout maigre (sourires) mais ce qu’il était capable de faire, c’était extraordinaire. Des petits trucs que l’on ne voit pas en match. C’était une joie tous les jours de les voir s’entraîner.

George Weah, il dégageait beaucoup de charisme, de sérénité. Il n’avait pas peur de quoi que ce soit. Rien ne l’impressionnait avant un match. C’est aussi quelqu’un de très généreux.

Comment votre histoire avec Paris s’est-elle finie ?
A l’arrivée de Laurent Perpère (1998), Philippe Bergeroo était entraineur, avec le nouveau directeur sportif (Jean-Luc Lamarche) ils ne voulaient pas d’anciens joueurs au club. Ils ont tout fait pour que l’on parte. C’était difficile, oui.

Paris, c’était comme une famille. Tous les joueurs blacks au club, ils m’appelaient Tonton Toko. Ils pouvaient m’appeler quand ils voulaient, s’ils avaient des problèmes ou simplement pour parler. Parfois, quand un joueur était moins bien, Artur Jorge me disait : « Vas lui parler » ou « Dis lui quelque chose » (sourires). Tous les jeunes, j’étais proche, aussi les anciens Bernard Lama, George Weah, Oumar Dieng, Pascal Nouma…. C’était mon quotidien, ma vie. Quand cela s’arrête, ça fiche un coup.

Que s’est-il passé pour vous ensuite ?
Je suis parti avec une copine en Tunisie, puis en Italie, et là je suis revenu dans le sud depuis 8 ans. Je vis dans un petit studio. Ce n’est pas toujours facile mais c’est comme ça. J’ai une petite retraite. Il faut faire attention.

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(c) Histoire du PSG

Depuis les 4 dernières années, j’ai aussi été un peu malade. Ici dans le sud, j’ai mes enfants et petits enfants qui ne sont pas loin. Le moral reste bon, à 100%.

Avez-vous toujours des contacts avec le PSG ?
Avec le PSG, non. Je n’ai plus beaucoup de liens. Il n’y a pas très longtemps, j’ai revu Jean-Marc Pilorget, qui habite dans le sud. J’ai Bernard Lama aussi de temps en temps. Thierry Morin m’a appelé pour prendre des nouvelles, ça m’a fait plaisir. C’est vrai qu’à notre époque, on se marrait vraiment au PSG. Il fallait être costaud, car quand on se chambrait, ce n’était pas à moitié (sourires).

*17ème au classement historique des buteurs du PSG

Dieudonné Tokomon Nambatingue

Né le 21 août 1952 à N’Djaména (Tchad)
Attaquant, 1m87
International tchadien

Joueur : Grenoble (1973-1974), Albi (19874-1975), Nice (1875-1978), Bordeaux (1978), Strasbourg (1978-1979), Valenciennes (1979-1980), PSG (1980-1985), RC Paris (1985-1986)

Palmarès Joueur : Champion de France (1979), Vainqueur de la Coupe de France (1982, 1983), Finaliste de la Coupe de France (1978, 1985), Champion de France d D2 (1986)

Entraîneur adjoint : Paris Saint-Germain (1989-1998)

Palmarès entraineur adjoint : Champion de France (1994), Vainqueur de la Coupe de France (1993, 1995), Vainqueur de la Coupe de la Ligue (1995), Vainqueur de la Coupe des Vainqueurs de Coupe (1996)


Emilie Pilet