Interview

Selim Benachour

Petit, Selim Benachour venait au Parc avec son père, abonné.
Il y admirait Safet Sušić et puis un jour, à 11 ans, il a signé au Paris Saint-Germain.
Un autre jour, ce fut à son tour de fouler la pelouse du Parc, au côté, entre autres, de son ami Ronaldinho. Entre le PSG et Selim Benachour,
c’est 12 ans de vie commune. Mais en fait, beaucoup plus.


Je suis né à Paris dans le 12ème arrondissement. J’ai grandi à Paris, Place des Fêtes dans le 19ème. C’est là que j’ai commencé tout petit à taper dans le ballon. Mon père est un ancien footballeur, il a joué en Ligue 1 tunisienne. A force de me voir jouer tout le temps dehors, un jour il m’a proposé de m’inscrire en club.

On est allé au Paris FC. J’avais 6 ans et j’y ai joué jusqu’à 11 ans. De là, j’ai participé à une détection du PSG. J’ai été pris, et 2 ans plus tard, je suis parti à l’INF Clairefontaine (1995-1998). J’appartenais toujours au PSG. Quand je suis revenu, ils m’ont fait signer un contrat Espoirs, puis pro. Mon histoire avec Paris a duré 12 ans.

Paris, c’est le club de mon cœur. Je lis, j’entends beaucoup de joueurs qui le disent. Pour moi c’est vraiment la vérité (sourires). C’est vraiment le club de mon cœur. Je suis né à Paris, je vais au Parc depuis que j’ai 6 ans. Mon père était abonné en C rouge. Il m’emmenait avec lui, j’avais les yeux qui pétillaient.

Benachour Virage

Safet Sušić c’était mon idole. J’aimais le voir jouer, c’était comme un modèle. Je l’appréciais énormément. Après les matches au Parc, mon père dans la voiture me disait : « Selim, est ce que tu es capable de jouer ici ? » Il disait ça pour rigoler. Moi, je répondais « oui » (sourires) Mais c’était comme ça, je ne me rendais pas compte. C’était un rêve on va dire.

Un peu plus tard, je me rappelle un jour, je m’étais dit : « Non mais imagine, un jour tu joues au Parc, que tes parents sont là ». Je pensais à ce moment où je pourrai les rendre fiers.

La 1ère fois, j’avais 19 ans. C’était un match amical face au Japon, avec Philippe Bergeroo (PSG 1-1 Japon, 8.10.2000). Après, la vraie 1ère fois, avec un Parc plein, l’ambiance, c’était avec Luis (Fernandez), en compétition officielle. Au niveau du temps de jeu, c’était un peu compliqué, j’essayais de faire le maximum avec des bouts de matches.

Benachour Virage

Entendre la musique de la C1 au Parc a aussi été pour moi quelque chose d’énorme. A 5 ans, 10 ans, jouer au foot, c’est être avec les copains, s’amuser. Je ne pensais pas du tout que j’en ferai mon métier. Aujourd’hui, tout le monde rêve d’être footballeur, les parents se projettent vraiment tôt. Trop tôt. Les miens, pas du tout.

C’est vraiment à Clairefontaine, à 15 ans, que le foot est devenu sérieux. Quand j’étais au PSG, mes parents faisaient la navette pour venir me chercher après les entrainements. Je rentrais tous les soirs chez moi dans le 19ème. A Clairefontaine, ce n’était plus possible. Quitter mes parents, mes deux sœurs, n’a pas été le plus facile.

Parfois, on me demande ce que j’ai fait de mon 1er maillot. La réponse : je ne sais pas. J’ai tellement donné mes maillots (sourires). Mes 2 maillots, à chaque match, je les donnais.

Mes parents, ils ont 1 maillot du PSG, 1 maillot de la Tunisie, dans un cadre à la maison. Le reste, je n’ai rien gardé, j’ai tout donné aux copains. Je donnais tout (sourires) : les places, les maillots, les shorts, les tenues d’entraînements.

Benachour Virage

Joueur, je vivais le moment, j’ai toujours vécu les choses naturellement. J’étais concentré sur les consignes mais je ne me suis jamais mis de pression, tous ces trucs. Aujourd’hui que je suis entraineur, ça change un peu. Il n’y a pas que moi. Je gère un effectif, des objectifs.

J’ai eu 37 ans le 8 septembre et depuis cet été, j’entraîne en Roumanie, à 350 kms de Bucarest. Le club, c’est Foresta Suceava. Ils ont toujours évolué en D2, là ils viennent de descendre. L’objectif, c’est de remonter tout de suite. Depuis 2 ans, je passais mes diplômes d’entraîneur (BEF), tout en m’occupant des U17 puis des U19 à Martigues.

Au mois de juin, le vice-président de Suceava me contacte par l’intermédiaire du préparateur physique du club, qui est un ami. Au début, j’ai eu un peu peur de partir en Roumanie. Je suis venu 4-5 jours pour voir les dirigeants, échanger avec eux. J’ai vu le sérieux du projet, sa crédibilité. J’ai sauté sur l’occasion surtout qu’on me donne pas mal de pouvoirs, de responsabilités. C’est à peu près comme en CFA, il y a 5 groupes de 15 équipes et c’est le 1er de chaque groupe qui monte.

La plupart de mes joueurs sont roumains. Il y a aussi 4 français. Je ne parle pas encore roumain même si je suis en train d’apprendre. C’est une langue latine. Je parle en anglais et on se comprend bien.

A Paris, j’ai connu plusieurs coaches. J’ai bien aimé Antoine Kombouaré, quelqu’un de très rigoureux. Il pouvait pousser une gueulante, et de l’autre côté, vouloir faire plaisir à son groupe. Vahid aussi, malgré tout ce qu’on a pu dire, son étiquette de « dictateur », c’est une personne avec un grand cœur. Ça, je pense que peu de personnes le savent mais après chaque match gagné, il amenait 2 bouteilles de champagne rosé Don Pérignon (1500 euros la bouteille) et des pizzas, le lendemain pour après l’entraînement. Il payait de sa poche.

Benachour Virage

Il aimait aussi chambrer. Il était sérieux mais c’était aussi le 1er à chambrer ses joueurs. Par exemple il chambrait beaucoup Kaba Diawara, Kaba le chambrait aussi. Il aimait bien aussi chambrer Modeste M’Bami.

J’aime beaucoup l’alternance entre ces deux leviers. C’est ce que j’essaie de mettre en place aujourd’hui. Prendre et donner, il y a un temps pour tout.

J’ai côtoyé de grands joueurs à Paris, comme Nicolas Anelka, Jay-Jay Okocha. Grands joueurs et supers mecs. Nico, c’est la famille, il a énormément compté pour moi. On se connaissait déjà avant le PSG. On est toujours en contact aujourd’hui et on le restera toujours. Quand il est devenu entraîneur-joueur en Inde, il cherchait un milieu de terrain, il m’a appelé et je suis venu (2015).

Benachour Anelka Virage

Nico, c’est quelqu’un qui est très correct, malgré ce qu’on a pu dire ou écrire. Quelqu’un de droit, d’honnête et quand on le connaît, le vrai Nico, c’est une très belle personne.

Il y a aussi Ronaldinho. Ce qu’il faisait avec le ballon était incroyable. Ronnie, pour moi, c’est un « gâchis » dans le sens où il pouvait gagner 5-6 Ballons d’Or de suite, comme Messi ou Cristiano Ronaldo. Il avait des qualités exceptionnelles pour cela.

J’ai joué avec et contre lui. J’ai joué contre Cristiano Ronaldo, Messi, Zinedine Zidane. En termes de talent pur, Ronaldinho, je crois, était le meilleur. Ronaldo, on connaît l’immense travail qu’il y a derrière. Ronnie et Messi, je pense que c’est un don qu’ils ont reçu.

Benachour Ronnie Virage

A l’entraînement, j’avais les yeux émerveillés, ce qu’il faisait, sa façon d’éliminer les joueurs. Il était le seul à pouvoir le faire. On s’est tout de suite bien entendu, y compris sur le terrain. Il disait à Luis « Fais jouer le petit, fais jouer le petit » en parlant de moi (sourires).

Ronaldinho, c’est quelqu’un qui aime la vie. Luis, il savait qu’il sortait et comme il voulait avoir le dernier mot sur le terrain… Mais vraiment, même s’il sortait, il pouvait être exceptionnel en match. Peut-être encore plus les lendemains de soirée. C’est ce qu’il me disait : « Selim, moi j’ai besoin de ça, la fête, les tambours, j’ai besoin d’être heureux dans la vie« .

Je l’ai accompagné une fois en boîte après un match, au Barrio Latino. C’était peu fréquent que je sorte, j’étais jeune, je débutais ma carrière. J’allais chez lui pour jouer à la Playstation. On se faisait des séances de coups francs sur console. Il était très bon, imbattable. J’aurais aimé qu’on puisse le garder un peu plus à Paris.

Benachour Virage

Moi, j’ai quitté le club à 23 ans. J’étais quand même frustré car c’est mon club, j’ai tout donné pour ce club. En 2005, ils n’ont pas renouvelé mon contrat. Je n’ai pas pu percer comme je l’aurais souhaité. A 23-24 ans, il fallait que je joue. Je suis parti à Guimaraes au Portugal et là, je crois que j’ai fait la meilleure saison de ma carrière. C’était un football léché, qui me correspondait.

Là-bas, j’ai commencé à être suivi par plusieurs clubs, Jorge Mendes m’a proposé de travailler avec lui. Il n’avait pas tous les joueurs qu’il a aujourd’hui mais déjà Cristiano Ronaldo, Mourinho. J’ai signé avec Jorge Mendes, j’avais Stuttgart, le Sporting et Séville qui étaient intéressés. J’ai signé au Rubin Kazan. Ce fut la pire expérience de ma carrière. Le climat, le football, rien ne me correspondait. On me demande ce que je suis allé faire là-bas alors que j’avais d’autres clubs ? En jeu, il y avait une grosse commission pour les agents et cela arrangeait tout le monde que j’aille là-bas, sauf moi au final. J’ai eu tout le temps de m’en rendre compte.

Après, je suis parti jouer au Koweit. C’est un peu improbable mais je voulais tellement partir de Russie. Je n’avais pas de proposition alléchante. Alors j’ai saisi cette opportunité. J’ai signé 1,5 ans, l’environnement me correspondait bien. J’ai vraiment été bien accueilli, je me suis senti bien. Le seul problème on va dire, c’était le foot, le niveau, les terrains.

A la fin de mon contrat, j’ai eu cette chance, presque inespérée, de partir à Malaga ! Du Koweit à la Liga espagnole. Incroyable. C’est un ami, agent portugais, qui m’a proposé au club. Du Koweit, je me retrouvais dans l’un des meilleurs championnats du monde (sourires). Le deal, c’était de faire un essai de 2-3 mois. Le Koweit me proposait une prolongation de contrat. Mais je suis quand même parti, cela a payé. Malaga m’a gardé et fait signer un contrat de 2 ans.

Benachour Virage

L’Espagne, c’était magnifique. Le championnat espagnol, l’art du toque, le jeu en 1 touche, 2 touches… ça s’est super bien passé la 1ère saison. Ensuite les Qataris sont arrivés, avec un nouvel entraineur. Je me suis retrouvé suis sur la liste des transferts. Je suis resté 6 mois sans club, je me suis entraîné avec la CFA du PSG. En janvier (2011), j’ai signé au Maritimo Funchal, dans un championnat portugais que je connaissais. Et puis ensuite l’Apoel Nicosie, et l’Inde avec Nico Anelka. Ce fut une super expérience.

Aujourd’hui je parle 5 langues. J’ai découvert des cultures, des styles de jeu très différents. J’ai eu cette chance de jouer dans 7 pays différents. Je veux garder tout ce que j’ai aimé et en faire mon propre cocktail. J’en suis à ma 3ème année comme entraineur, j’aime le terrain.

Benachour Riquelme Virage

Ma carrière m’a permis de vivre et découvrir des choses que jamais je n’aurais imaginées. Ne serait-ce que quitter la France (sourires). La 1ère fois que j’ai voyagé hors de France, c’était en 2002 pour jouer la Coupe du monde avec la Tunisie. J’ai joué la Coupe du monde, j’ai remporté la CAN, j’ai même joué contre Zidane. J’ai vécu dans 8 pays différents, j’ai apprécié cela, c’est une expérience de vie. Je suis content de tout ça.

Bonjour à tous les supporters et bien sûr allez Paris !

Benachour Mbappe Virage


Selim Benachour
Né le 8 septembre 1981 à Paris
Milieu de terrain, 1m70, 

International tunisien, 44 sélections (2 buts)

Joueur : Paris FC (1988-1993), Paris SG (1993-2005, dont INF Clairefontaine 1995-1998, Martigues 2001-2002 (prêt), Troyes 2003 (prêt), Vitoria Guimaraes (2005-2006, Por.), Rubin Kazan (2006-2007, Rus.), Qadsia (2008-2009, Kow.), Malaga (2009-2010, Esp.), Maritimo Funchal (2011-2012, Por.), Apoel Nicosie (2012-2014, Chy.), Mumbai City (2015, Inde)

Palmarès Joueur : Vainqueur de la Coupe d’Afrique des Nations (2004), Vainqueur de la Coupe de France (2004), Champion du Koweit (2009), Champion de Chypre (2013)

Entraîneur : FC Martigues (2016-2018, U17 & U19 Nationaux), Foresta Suceava (depuis 2018, Rou.)

Crédits photos (c) Panoramic & collection personnelle Selim Benachour


Emilie Pilet

David N’Gog

PSG-LIVERPOOL, c’est 10 ans de la vie de David N’Gog.
L’attaquant de 29 ans formé au Paris Saint-Germain a joué, d’un côté avec Pauleta,
de l’autre avec Fernando Torres. Avec les Reds, il a aussi marqué en Ligue des Champions. LIVERPOOL-PSG, il le regardera depuis Budapest,
où il évolue depuis cet été. Mais avant cela, quelques confidences.


David, que vous inspire Liverpool-PSG de mardi soir ?
Au niveau football, je suis incapable de dire qui est favori. Ce sera un match super à suivre. Quand j’ai vu le tirage, sincèrement, ça m’a fait bizarre. Pour moi, c’est spécial. J’ai passé 7 ans à Paris (2001-2008), 3 à Liverpool (2008-2011). Le PSG, c’est mon club de cœur, c’est là où j’ai grandi. Liverpool, c’est plus mon club d’adoption (93 matches, 19 buts).

Que ressent-on précisément quand on joue à Anfield ?
Ce sont des sensations que je n’oublierai jamais. Déjà, c’est un stade typique à l’anglaise avec le public que l’on sent près de nous. Que tu gagnes ou que tu perdes, ils sont toujours là, à fond derrière. Cela te prend dès l’entrée sur le terrain. « You’ll never walk alone » : Anfield entier qui le crie d’une seule voix. Là, tu ressens toute l’histoire de ce club. Les paroles, elles sont fortes.

King David

Il y a aussi quelque chose qui m’a beaucoup marqué. C’est l’hommage chaque année d’Anfield aux victimes de Hillsborough (drame qui a vu 96 supporters mourir dans une bousculade dans le stade de Hillsborough le 15 avril 1989, ndlr). C’est une cérémonie presque religieuse. On sent combien le drame a touché le club, toute la ville et aussi à quel point le club, les supporters forment une famille. Une famille unie. Le club tient à ses supporters et ensemble, ils ne veulent jamais oublier ce qui s’est passé.

J’ai vu que les supporters du PSG vont venir en nombre à Anfield. L’ambiance sera incroyable c’est sûr. A Naples, aussi, ce sera quelque chose. J’y ai joué avec Liverpool, en Ligue Europa (2010). C’est une vraie arène, impressionnante.

Et le Parc, c’était comment ?
Cela fait longtemps que je ne suis pas retourné au Parc mais à l’époque (2006-2008), c’était vraiment super, avec les virages qui se répondaient. Les résultats n’étaient pas là mais l’ambiance était là. Aujourd’hui, les supporters méritent largement le spectacle et les titres. A l’époque, ils nous soutenaient dans la difficulté.

Foot 2 Rue

Vous êtes devenu un joueur du PSG à 12 ans ?
Oui je suis de la génération 1989. Je jouais à Franconville, qui était un club partenaire du PSG. J’ai participé à une journée de détection organisée par le club et j’ai été pris au centre de préformation. Je m’entraînais déjà avec le maillot du PSG à Franconville (sourires).

Une anecdote m’est restée : en fait le 1er jour de détection, on était des centaines d’enfants, je ne connaissais personne. On s’est retrouvés à côté avec Younousse Sankharé à faire les exercices ensemble, c’est la 1ère personne à qui j’ai parlé. Il avait été pris lui aussi, au final on s’est suivi années après années, jusqu’en professionnels.
En jeunes au PSG, je ne savais même pas que le foot pouvait être un métier. C’est plus tard, quand j’ai signé mon contrat Espoirs que j’ai commencé à me projeter.

le maître et son élève

Très vite en 2006, à 17 ans, vous signez professionnel au PSG alors que d’autres clubs, dont Chelsea, cherchaient à vous enrôler ?
C’était mes parents qui s’occupaient de cela. Moi, je voulais rester à Paris. J’étais content même si je savais que le plus dur était à venir. J’avais commencé à m’entraîner avec les pros avec Laurent Fournier. Ensuite, c’est vraiment avec Guy Lacombe que j’ai intégré le groupe. Nous étions pas mal de jeunes à avoir notre chance (Mamadou Sakho, Clément Chantôme, Younousse Sankharé, Youssouf Mulumbu…). Les résultats étaient compliqués. Nous étions entourés de grands joueurs comme Pauleta, Mario Yepes. Ils ont toujours été très disponibles avec nous.

A seulement 19 ans, vous décidez de partir à Liverpool, comment cela s’est-il passé ?
Liverpool a pris contact avec mon agent, et ensuite le coach Benitez m’a appelé au téléphone. A l’époque, je ne parlais pas trop bien anglais alors, la communication était un peu délicate (sourires). Le coach Benitez m’a dit qu’il me suivait et qu’il voyait un potentiel en moi, qu’il voulait que je vienne à Liverpool. En parallèle, Paris commençait à investir sur d’autres attaquants avec plus dé vécu.

Moi au départ, je n’étais pas contre le fait de rester, j’avais fait le début de la préparation avec Paris. Mais je pense que Paris n’était pas contre mon départ non plus et qu’au final, tout le monde s’y retrouvait, il me restait un an de contrat et le PSG a accepté l’offre de Liverpool.

David, Stevie, El Nino et Crazy Jamie

Racontez-nous vos premiers pas sur les bords de la Mersey ?
Toute de suite, j’ai senti la place énorme qu’occupe le foot dans la ville. J’ai été super bien accueilli. Je suis arrivé dans un groupe soudé, qui avait gagné la C1 (2005, finaliste 2007). Ils étaient sur une bonne dynamique. Les cadres comme Steven Gerrard, Jamie Carragher ont été supers avec moi. Grâce à eux, je me suis senti bien tout de suite, ils m’ont mis à l’aise et m’ont dit que si j’avais besoin, qu’ils étaient là.

Vous étiez parti seul ?
Oui tout seul. Mes parents venaient de temps en temps me rendre visite. J’avais des cours d’anglais une fois par semaine, organisés par le club. Il y avait aussi 2 Français, des Espagnols, des Argentins, au final on arrivait toujours à communiquer.

Vous avez joué 93 matches avec les Reds, inscrit 19 buts*. Quel est le plus beau ?
Je ne sais pas si c’est le plus beau mais mon but à Eindhoven en Ligue des Champions (2008) a été important pour moi. On était déjà qualifiés je crois, le coach a décidé de faire un peu tourner.

*Cliquez ici pour visionner tous ses buts
I’m only happy when it rains

Marquer à Anfield face à Manchester United, fut aussi une sensation très spéciale. On gagne 2-0 face au leader. Fernando Torres avait ouvert le score, et je marque le 2ème. Pauleta et Torres, sont deux modèles pour moi. Je les observais beaucoup à l’entraînement, leur comportement sur le terrain, la manière dont ils se déplaçaient.

Depuis Liverpool, vous avez évolué dans plusieurs clubs et championnats ?
Oui je suis resté en Premier League, 3 ans à Bolton (2011-2014) et Swansea (2014). Ensuite à Reims en Ligue 1 (2014-2016), avec Jean-Luc Vasseur que j’avais connu au PSG. Je pars ensuite en Grèce (Panionios). Là-bas, je me suis blessé au genou. J’ai fait ma rééducation au CERS de Saint-Raphaël et à Clairefontaine. Owen Coyle, mon ancien coach à Bolton me propose alors de venir en Ecosse (Ross County). Il me connaît bien et c’était bien pour moi pour retrouver le rythme. J’y suis resté 6 mois (janvier-juin 2018).

Les Titis au combat

Cet été, j’ai signé 2 ans à Budapest. Je n’ai pas non plus eu beaucoup de propositions, mais Budapest, j’ai aimé le discours. Quand ils m’ont contacté, je me suis renseigné sur le club, ils jouent les premiers rôles en championnat, parfois l’Europa League. J’ai parlé avec les dirigeants et cela s’est fait assez naturellement.

C’est déjà votre 13ème saison comme footballeur professionnel, et vous n’avez que 29 ans. Comment voyez-vous la suite ?
J’ai toujours de l’ambition. Je joue, je suis bien physiquement, dans la tête aussi. Avec ma femme, mon fils de 18 mois, on se sent bien ici. Je prends beaucoup de plaisir à jouer. C’est très important et c’est une bonne base pour la suite.

Photos (c) Panoramic


Emilie Pilet

Alain Giresse

Il est l’une des légendes du football français. Il a entrainé le Paris Saint-Germain durant 11 matches (1998). Son histoire avec Paris fut intense, mais aussi très brutale. Toujours avec une grande simplicité, Alain Giresse se souvient et raconte.

Tout a commencé par un appel de Charles Biétry au printemps 1998, Charles Biétry qui allait succéder à Michel Denisot comme président délégué me dit : « Alain, je souhaiterais que tu viennes travailler à Paris avec moi sur la partie sportive ».

Alain à Paris

J’entraînais Toulouse depuis 2 ans. Aimé Jacquet avait annoncé, quelques mois avant la Coupe du monde 1998 qu’il arrêterait après le Mondial. Il y avait cette possibilité pour moi d’entraîner les Bleus. J’ai estimé que c’était encore un peu tôt, qu’il fallait que je gagne en expérience, dans un grand club. C’était l’ordre des choses.

J’ai accepté le challenge que me proposait Paris. L’officialisation de mon contrat (3 ans) a eu lieu le 1er juillet. Le recrutement était bien avancé, des joueurs avaient déjà donné leur accord. Pour Jay-Jay Okocha, Charles Biétry me consulte, il me dit qu’il pense à lui « il peut venir ? », je lui dis « oui, évidemment ! » C’était très intéressant qu’il vienne.

Il y a eu énormément de départs (Raí, Fournier, Roche, Guérin, Denisot….), beaucoup d’arrivées (Wörns, Goma, Ouédec, L.Leroy, Laspalles, Lachuer…), des situations contractuelles qui n’étaient pas réglées. Notre préparation n’a pas été un long fleuve tranquille ! (sourires)

Marco Simone vs Charles Biétry

Par exemple le cas de Marco Simone. Au camp des Loges, nous avons fait des entraînements avec les supporters autour de nous, manifestant leur mécontentement, au sujet du « bras de fer » entre Marco Simone et les dirigeants*. Sur le terrain, je n’ai jamais eu de problème avec Marco, c’était mon capitaine. C’est là que j’ai pris la mesure du contexte au PSG.

Deux futurs entraineurs

Avant de venir, Charles Biétry me dit : « On va faire un club familial, convivial… ». J’ai vite compris que le PSG ne peut pas fonctionner ainsi. C’est impossible du fait de sa surexposition permanente.

Ce n’est qu’après qu’on sait

La sagesse en crampons adidas

Je suis arrivé avec beaucoup d’espoirs, d’envie. La réussite n’a pas été là. Avec le recul, je me dis que certaines choses auraient pu m’alerter. Par exemple, quand je suis arrivé, j’ai rencontré Pierre Lescure (Président Directeur Général du PSG 1994-2002, ndlr), et c’est tout. Personne d’autre.

J’aurais aimé échanger avec les « historiques » Bernard Brochand, Alain Cayzac, Charles Talar… J’aurais été heureux d’en apprendre plus sur le fonctionnement, qu’on se salue par courtoisie. C’est vrai de mon côté, j’aurais aussi pu demander à les rencontrer, venir me présenter. On ne peut pas revenir en arrière. Mais cela m’a servi pour la suite.

La passation de pouvoir entre Michel Denisot et Charles Biétry ne s’est pas passée, je dirais, de façon apaisée. Ce n’était pas un climat tranquille. La saison approche, on gagne le trophée des Champions (PSG 1-0 Lens), et pus débute le championnat.

1er match à Bordeaux**. Cette fois, j’étais assis sur le banc d’en face. C’était une situation particulière mais ce n’était pas le sujet. Je devais garder ça pour moi. On s’incline 3-1. On n’était pas au point au contraire de Bordeaux, qui allait faire une saison remarquable, et devenir champion.

Okocha m’a sauté sur les épaules

Le but d’Okocha, je m’en souviens. C’est un très beau but. Il venait de rentrer, avec un super état d’esprit. C’est un joueur que j’apprécie beaucoup. Je l’ai revu il y a peu à Rabat. C’était lors d’un séminaire de la CAF. Je marchais, il m’a vu et il m’a sauté sur les épaules (sourires). Cela fait très plaisir. Je recroise aussi d’autres joueurs dont Marco Simone, toujours avec beaucoup de plaisir.

(Silence) Vous savez au fond, de me dire que, quelque part, si j’ai été un entraîneur apprécié par mes joueurs, c’est peut-être le plus important pour moi.

Evidemment, mon passage n’est pas le meilleur qu’ait connu le PSG… J’en prends ma part de responsabilité. Mais en ce qui concerne l’entraîneur que je suis, avoir bien travaillé avec les joueurs, avec ma part de conscience professionnelle, sentir ce respect, c’est une bonne chose.

« Coach, je n’ai pas fait exprès »

Je suis arrivé à Paris en juillet. J’ai été viré en octobre. Après une semaine catastrophique. L’élimination en Coupe d’Europe au Maccabi Haïfa (1-1, 3-2), puis la défaite au Parc face à Lens. En Coupe des Coupes, on devait assurer notre qualification à l’aller. On a cruellement manqué de réalisme. Au retour, il y a ce but à la 90è minute qui nous élimine.

Face à Lens, il y a Marco Simone qui glisse au moment de tirer le penalty. Vous savez, ce n’est pas être mystique que de dire ça, mais parfois dans un groupe quand les choses s’embrayent mal, vous n’avez rien pour vous. A l’inverse, il y a des équipes, à des moments, où tout se transforme en positif. Un peu comme les Bleus en Russie. Mais pour que les choses basculent du bon côté, il y a des conditions à remplir. A Paris, nous n’avions assez d’harmonie. Nous n’avions pas le courant porteur pour cela. Rien ne nous souriait.

Capitaine Marco

Après Lens, je savais que mes jours étaient comptés. Marco est venu me voir dans le vestiaire, pour s’excuser : « Coach, je suis désolé… Je n’ai pas fait exprès ». Je lui ai dit : « Il n’y a pas de problème Marco, je sais trop ce qu’est le foot… » Mais je savais que j’avais signé mon arrêt de mort. Le football est impitoyable pour ces choses-là.

Une fin crue, brutale

La semaine suivante, c’était une fin d’après midi d’octobre. L’entraînement venait de se terminer, il était 5-6 H, il faisait déjà nuit. Là, le président, Charles Biétry, vient me voir et me dit : « C’est fini, c’est terminé, tu arrêtes ». Quelque chose comme ça. Il pleuvait, il faisait nuit, tout cela fait que je garde une certaine amertume de cette annonce. La décision est ce qu’elle est, je me dois de la respecter, mais, y mettre un minimum de formes, cela ne coûte rien.

Dans le vestiaire, les joueurs sont venus un par un me voir, me dire qu’ils étaient désolés. Pas tous, mais la plupart sont venus. Le lendemain matin, je vidais mes affaires et j’étais parti. C’est cru, brutal.

Le repos du guerrier

J’ai dû l’annoncer à mon staff : « On arrête ». Certains ont pleuré. Se faire virer, c’est le jeu. J’aurais aimé qu’on me présente la chose avec un peu plus d’élégance.

Si l’on prend les points pris par match : j’en ai plus que mon successeur (Artur Jorge) et le même nombre que Bergeroo. Cette année-là, le club a eu 3 entraîneurs, 2 présidents. Une année compliquée sportivement et tout un tas de choses qui n’allaient pas. Tout n’était pas net dans le fonctionnement du club. Philippe Bergeroo a eu du mérite de bien la finir la saison.

Après le PSG

J’avais signé 3 ans, je pars au bout de 3 mois. Je suis rentré à Toulouse, où j’avais mes enfants d’installés. Je n’ai jamais vraiment coupé du foot. En mars 1999, j’ai replongé au Toulouse FC. J’ai ensuite eu cette opportunité de partir à Rabat (Maroc), puis en Georgie comme sélectionneur, puis au Gabon, au Mali, au Sénégal… J’ai plongé là-dedans. C’est une expérience très riche et qui me plaît. J’étais heureux du parcours du Sénégal au dernier Mondial, avec une équipe que je connais bien.

Mali Gigi

Vis-à-vis de Charles Biétry, le temps a fait son œuvre. Nous nous sommes revus pour la Coupe du monde 2006. Son départ du PSG, deux mois après moi a, j’imagine, été violent pour lui aussi.

Le Parc, si spécial

J’ai joué plus de matches au Parc comme joueur que comme entraineur (sourires). Pour moi, ce sera toujours un lieu à part, celui de la finale de l’Euro 1984 (France 2-0 Espagne). C’était notre stade avec l’équipe de France. Chaque fois, on avait ce sentiment qu’au Parc, on était quasiment sûrs de gagner. C’était notre jardin. On se disait qu’on n’aurait pas de problème.

Ce 3ème but, avec du Didier Six en folie

Les gens me parlent plus de l’équipe de France que de mon passage au PSG (sourires). Ce dont on me parle le plus, c’est la ½ finale à Séville (1982). On sent que c’est un match qui a marqué les gens. Même en Afrique, chaque pays où j’ai exercé, on me parle toujours de Séville (sourires). Il y a eu tellement d’émotions fortes, de sentiments différents. Ce jour-là, je l’ai au fond de mes tripes jusqu’à la fin de mes jours.

*Ce fut l’un des feuilletons de l’été 1998 au PSG, autour de la prolongation de contrat de l’attaquant italien
**Alain Giresse a joué 16 saisons aux Girondins de Bordeaux (1970-1986). Il est le meilleur buteur dans l’histoire du club (159 buts)

Alain Giresse
Né le 2 août 1952 à Langorian (33)
Milieu de terrain, 1m62
International français (47 sélections, 6 buts)
Joueur : Bordeaux (1970-1986), Marseille (1986-1988)

Palmarès Joueur
Club : Vainqueur de la Coupe des Alpes (1980), Champion de France (1984, 1986), Champion d’Europe des Nations (1984), Vainqueur de la Coupe Intercontinentale des Nations (1985), Vainqueur de la Coupe de France (1986), 2ème au classement du Ballon d’Or (1982), Elu Meilleur Joueur Français de l’année 1982, 1983, 1987 (France Football), Meilleur buteur de l’histoire des Girondins de Bordeaux (159 buts), 587 matches en Ligue 1

Meilleur buteur de la Coupe UEFA (1983, 7 buts), 2ème au Ballon d’Or et Onze d’Argent (1982), Champion des Champions Français 1982 (L’Equipe)

Equipe de France : Champion d’Europe des Nations (1984), Vainqueur de la Coupe Intercontinentale des Nations (1985), Troisième de la Coupe du monde (1986)

Directeur Sportif : Bordeaux, Toulouse (nov. 1995-juin 1996)

Entraîneur : Toulouse FC (1996-1998), PSG (juil. – oct. 1998), Toulouse FC (1999-2000), FAR Rabat (2001-2003, Maroc), RD Congo (2003), Georgie (2004 – 2005), Gabon (2006-2010), Mali (2010-2012), Sénégal (2013-2015), Mali (2015-2017)
Vainqueur du Trophée des Champions (1998), Vainqueur de la Coupe du Maroc (2003), 3ème de la Coupe d’Afrique des Nations (Mali, 2012)

Source photos (c) Panoramic


Emilie Pilet

Jay-Jay Okocha

Eté 1998. Recruté par le PSG pour une somme record de 100 millions de francs, Augustine Jay-Jay Okocha fut accueilli comme une star dans la capitale.
Dans les bons soirs, le Nigérian pouvait à lui tout seul illuminer le Parc.
Ses dribbles incroyables, ses gestes dont il a le secret, ont marqué l’histoire du football mondial, et celle du Paris Saint-Germain. Interview avec un artiste.


Jay-Jay, quand vous débarquez à Paris, quelle est votre toute 1ère impression ?
J’étais à Paris pour la Coupe du monde 1998 en France, j’ai joué au Parc (Nigéria 1-0 Bulgarie, 1998). Je suis tombé amoureux de cette ville. Ensuite, j’apprends que le PSG s’intéresse à moi. C’était une équipe magnifique, parmi les meilleures en Europe. Pouvoir jouer pour ce club représentait pour moi quelque-chose d’incroyable.

Après votre Coupe du monde étincelante, les plus grands clubs européens vous convoitent ? Pourquoi Paris ?
J’avais un feeling spécial avec Paris. C’est l’équipe dans laquelle je voulais jouer.

Le Super Eagle en chasse

Vous étiez adulé à Fernerbahçe, le club a d’ailleurs eu beaucoup de mal à vous laisser partir ?
Ce n’est pas facile de quitter un club dans lequel les supporters te soutiennent autant. J’avais passé 2 très belles années là-bas. Après, dans une carrière, il faut faire des choix. Je voulais partir dans un grand championnat. Il y avait l’Angleterre, l’Espagne, j’ai choisi la France. Le PSG m’a offert cette opportunité, je devais la saisir.

J’ai été soulagé de marquer aussi vite

Votre transfert (100 millions de francs) est alors le plus élevé dans l’histoire du championnat de France, ressentez-vous cette attente énorme, placée en vous ?
Je dois dire que oui. Fenerbahçe avait mis la barre très haut pour me laisser partir. Et comme les dirigeants parisiens ont mis beaucoup d’argent, l’attente était importante. C’est normal. Personne avant n’avait coûté ce prix, même si l’argent ne vous revient pas dans la poche, et que ce n’est pas vous qui fixez le prix, les gens vous parlent toujours de ça.

Pour votre 1er match, vous inscrivez un but exceptionnel. Vous en souvenez-vous ?
Oh oui bien sûr. Je m’en souviens… C’était à l’extérieur, à Bordeaux, j’étais sur le banc, je n’avais pas fini ma préparation à cause de la Coupe du monde. Il reste 1 quart d’heure je crois, le coach me fait entrer et je marque ce but Au final, ce n’était pas assez car nous avons perdu 3-1 (8 août 1998).

Ce soir-là reste très spécial… On attendait beaucoup de moi. « Que vaut ce joueur qui a coûté ce prix ? » C’était tellement d’argent. J’avais envie de bien faire, de bien me présenter. Tout le monde m’attendait, j’ai été soulagé de marquer aussi vite (120 secondes après être entré en jeu, ndlr).

Quand je marque, j’essaie de m’appliquer

Pouvez-vous nous expliquer ce but ? Que se passe-t-il dans votre tête ?
Je savais que j’avais une grosse frappe, puissante. J’ai marqué des buts de loin quand j’étais en Allemagne. Je rentre sur le terrain (75’), je reçois la balle, je me sens bien, je dribble, et quand je vois cette opportunité, je décide de tenter ma chance (77’, des 25 mètres, ndlr). Je suis le ballon des yeux, je vois que le gardien est battu. C’était un bon début.

La ballerine Augustine et ses pointes

Diriez-vous qu’il s’agit de votre plus beau but avec Paris ?
J’aime bien ce but, mais il y en a un autre que j’aime bien. C’était face à Bordeaux aussi (sourires) mais au Parc des Princes. Je marque depuis un angle difficile, sur un côté (le long de la ligne de touche, ndlr), je reprends la balle en demi-volée et elle finit dans le but. C’est un bon souvenir. Et cette fois, on avait gagné (2-1, 12.09.1999).

A 20 ans, en 1993, vous aviez déjà marqué le but « le plus sensationnel » qu’Oliver Kahn a encaissé dans sa carrière, dixit le gardien allemand.
Oui, un but incroyable (sourires). C’était au début de ma carrière professionnelle, je jouais à Francfort. Marquer un tel but, face à un tel gardien, cela reste une sensation inoubliable, qui vous donne aussi confiance. Je n’ai pas marqué énormément de buts dans ma carrière, mais quand je marque, j’essaie de m’appliquer (sourires).

L’entraîneur que j’ai préféré : Alain Giresse

Votre 1er entraineur au PSG a été Alain Giresse, il n’est resté que 11 matches.
J’ai eu 4 entraîneurs à Paris (Alain Giresse, Artur Jorge, Philippe Bergeroo, Luis Fernandez), dont 3 la 1ère saison ! Celui que j’ai préféré, c’est Alain Giresse. Nous avions une bonne relation, pour moi, c’est un super entraineur. Il aime le jeu, les joueurs. On ne lui a pas laissé le temps à Paris, il aurait pu faire de belles choses. Après cela, c’était difficile, il n’y avait pas de stabilité au club, beaucoup de changements de présidents, d’entraîneurs. C’était trop.

Avec Philippe Bergeroo, ça se passait bien. C’était, je crois, sa 1ère expérience comme manager d’un club. On a fini 2ème (1999-2000), on a joué la Ligue des Champions mais ensuite c’était devenu compliqué. Il avait beaucoup de pression, les dirigeants ont voulu le changer avec Luis Fernandez.

Ronaldinho, on fonctionnait un peu pareil

Comment cela s’est-il passé ?
Luis Fernandez, il connaissait beaucoup de choses du football, c’est un bon coach, mais je crois qu’il est un peu fou (sourires). Je n’ai pas toujours compris ses réactions. Il n’y a pas que moi, il y a Ronaldinho aussi, et d’autres. Ronaldinho et moi, on fonctionnait pareil. On avait besoin de sourire, rigoler, pour être bien. Dans le vestiaire, cela ne plaisait pas à Luis Fernandez. Parfois il arrivait, il disait « Arrêtez de rire », des choses comme ça.

Le bal des étoiles

Votre association avec Ronaldinho promettait beaucoup…
En fin de compte, nous avons peu joué ensemble. Nous avions une relation fantastique, sur le terrain, à l’entraînement, dans la vie. C’est un joueur extraordinaire. Le football, c’est d’abord s’amuser, donner du plaisir. Il jouait avec beaucoup de passion. Ce qu’il aime par dessus tout, c’est partager cette joie avec les supporters, ses coéquipiers. Dans la vie, il a aussi de grandes qualités. On aimait cette joie de vivre. On est toujours amis, on se revoit de temps en temps.

Un jour dans l’Equipe, Bernard Mendy a dit qu’en technique pure, vous étiez meilleur que Ronaldinho !
Je ne sais pas quoi dire (gêné). C’est un très, très beau compliment (sourires).

Un regret : je n’ai rien gagné avec Paris

Votre départ du PSG en 2002 s’est-il fait dans la douleur ?
J’étais triste, vraiment triste de partir. La chose dont je suis le plus triste, c’est de n’avoir rien gagné avec Paris. C’est mon très grand regret. Il y a eu des hauts, des bas… mais j’ai adoré jouer pour ce club.

Au final, pourquoi êtes-vous parti ?
Simplement Luis Fernandez ne souhaitait pas que je reste. Il avait ses idées et je ne rentrais pas dedans. Il avait fait venir de nouveaux joueurs. C’était difficile de rester. Je suis parti en Angleterre.

Le vol de l’aigle

D’un coup d’éclat, vous pouviez faire se lever tout le Parc, que ressent-on à ce moment précis ?
C’est le meilleur dans le football. C’est pour cela que le foot est si important dans ma vie. J’aime trop jouer et j’aime essayer de rendre les gens heureux. Vous savez, au Parc, ce sont des souvenirs pour la vie. Je suis très attaché à ce stade, à cette ville. Mon fils est né à Paris. C’est un endroit très spécial pour moi.

Vous avez inventé des dribbles, des gestes techniques incroyables, quel est votre secret ?
Dès que j’ai su marcher, j’ai commencé à jouer au foot, dans les rues de ma ville, à Enugu (Nigéria). Je n’ai jamais pensé à autre chose que passer ma vie à jouer au foot. Mes dribbles, je les fais depuis que je suis petit, vraiment petit… Tu n’as aucune pression, tu veux juste t’amuser, tu tentes des gestes, tu essaies. J’ai essayé beaucoup, beaucoup… j’aimais faire ça. Nous jouions avec n’importe quoi qui pouvait faire office de ballon. Quand je suis devenu un joueur professionnel, je trouvais ça facile de le refaire. C’était instinctif, naturel. Et nous étions dans les meilleures conditions pour jouer.

Ils méritent de gagner la Coupe du monde

Vous avez fait rêver énormément de gens. Vous, quelle est votre source d’inspiration ?
Mon grand frère Emmanuel, qui a joué aussi pour le Nigéria. Il a toujours été mon exemple.

Votre neveu Alex Iwobi (22 ans) joue également pour le Nigéria, et Arsenal.
Oui c’est ça, dans la famille, le football est quelque chose de central, mon père aussi jouait au football, pour le Nigéria.

Vous avez suivi la Coupe du monde 2018 en tant que consultant, qu’avez-vous pensé de l’équipe de France ?
J’ai vu tous leurs matches. Ce que je peux dire, c’est qu’ils méritent de gagner la Coupe du monde. L’équipe est jeune, très talentueuse…

J’ai gardé mes maillots et crampons du PSG

Même le ballon est feinté

Et Kyllian Mbappé ?
Il a 19 ans et il a déjà gagné la Coupe du monde. Avant le Mondial, bien-sûr, on connaissait son nom, on connaissait ses qualités, mais en Russie, il a su prouver au monde ce dont il était capable. Il a répondu présent. C’est un joueur très spécial.

Que vous inspire l’équipe du PSG actuellement ?
C’est une équipe incroyable. Je suis un peu jaloux qu’ils gagnent autant de titres (sourires). J’aurais aimé jouer avec ces joueurs fantastiques. Je regarde leurs matches souvent. Vous savez ici au Nigéria, j’ai gardé les maillots et les crampons que j’avais au PSG.

Avez-vous un message pour les supporters du PSG ?
Je veux simplement leur dire merci de m’avoir si bien accueilli, de m’avoir toujours supporté. Qu’ils continuent de supporter leur équipe. Le Parc, son atmosphère si spéciale, sont toujours dans mon cœur. Je les aime énormément.

Copyright photos (c) Panoramic


Emilie Pilet

Anthony Vivien

Anthony Vivien a créé, il y a 12 ans, les Titis du PSG, une association entièrement dédiée aux jeunes du Paris Saint-Germain. Entretenir l’histoire du centre de formation est pour lui une façon de préserver l’âme du club.
Rencontre avec un homme de convictions. Et de passion.


Anthony, d’où vous vient cette passion pour la formation parisienne ?
A la base, je suis un grand amoureux du PSG. Je suis originaire de Dreux (28), une ville très « Marseille ». J’ai affronté le PSG avec le Dreux FC en 1988 lors d’un tournoi à Chartres, nos adversaires nous avaient donné à chacun la carte postale d’un joueur pro du PSG. J’ai eu celle d’Omar Sène. Le Sénégalais a donc pris une place privilégiée sur mon bureau.

J’ai réellement commencé à suivre le PSG avec l’arrivée de Canal (la fameuse affiche avec le ciseau retourné de Simba a fait son effet !), mais surtout de David Ginola, mon idole absolue. J’ai vécu toutes ces années parisiennes tout seul, à défendre bec et ongles le club contre mes potes collégiens, à défendre Ginola. J’avais le maillot Commodore-Tourtel 1993-1994, les flocages n’existaient pas, donc je l’ai fait moi-même : « Ginola, n°11 ».

Dans ma chambre d’ado, il y avait des posters de David Ginola et les résultats des jeunes du PSG (sourires).

France-Bulgarie, le déclic

Vous colliez les résultats au mur de votre chambre ?
Oui, c’est grâce à ma grand-mère. Elle habitait dans les Yvelines. Elle me gardait Le Parisien, c’est là que j’ai commencé à me lier d’affection avec les équipes du centre de formation. Dans les pages centrales, il y avait les résultats, les classements. Je les découpais, les collais au mur.

Ma grand-mère maternelle me gardait les journaux. Elle savait que ça me ferait plaisir, c’était comme garder un lien avec elle car je la voyais très peu, elle était souffrante. Malheureusement elle a quitté ce monde il y a 4 mois. Sans elle, qui dit que j’aurais eu cette passion ? A l’époque, il n’y avait pas Internet, et pas de Parisien dans les kiosques à Dreux.

Anthony et un jeune N°10 prometteur

Mon grand-père paternel m’a quant à lui transmis le virus des statistiques, des classements, de l’organisation d’évènements sportifs… Il dirigeait un club de cyclisme reconnu en Eure-et-Loir.

Mon autre déclic, très certainement le principal, c’est France-Bulgarie (1993) : la phrase de David (Ginola) pour répondre à Monsieur Houllier : « On gagne à 11, on perd à 11 ». Ça m’a marqué.

Je ne suis pas parvenu à devenir footballeur professionnel à l’issue de mon cursus de formation. Je sais ce que c’est d’être blessé, de se retrouver tout seul sans conseiller, tomber dans l’anonymat du foot amateur… De là, j’ai poursuivi ma formation d’éducateur et obtenu plusieurs brevets d’Etat qui m’ont permis d’enseigner rapidement le « football ». C’est ainsi que j’ai pu nouer des liens étroits avec le PSG.

De quelle manière cela a été rendu possible ?
A l’époque (1998) Châteauroux avait des partenariats avec le PSG. J’ai été mis en relation avec le club, pour que, dans ma formation, je puisse apprendre le métier de coach ou de recruteur. De 1998 à 2004, j’ai étudié la formation du PSG sous toutes ses facettes. Je me suis lié d’amitié avec le staff, les joueurs qui pour certains furent des adversaires puis des amis par la suite. C’est parti comme ça.

C’était les générations Ducrocq, J.Leroy, Benachour, Cana… Je réalisais des mémoires pour valider mes brevets d’Etat, par exemple quand tu es jeune, que tu intègres le PSG, comment cela se passe ? J’avais fait tout un travail là-dessus avec Gaël Hiroux puis avec le jeune Brésilien Adailton (1998-1999). Je les avais accompagnés toute une saison chacun pour en savoir davantage sur leur approche de la compétition notamment. Ça faisait partie de mes recherches. Le recrutement, la scolarité, le coaching, je m’intéressais à tout.

En 2006, le PSG a été sacré champion de France en 18 ans. Ce titre est passé quasiment inaperçu et là je me suis dit, ce n’est pas possible, il faut faire quelque chose. L’outil Internet se développait, c’était l’époque des Blogs je me suis dit : si personne ne parle des jeunes du PSG, moi je vais le faire !

Titis du PSG, c’est pour la vie

Le PSG vous a-t-il ouvert les portes tout de suite ?
Oui, même les entrainements des pros. Je me souviens, je prenais des notes des entrainements, ils me prenaient pour un fou (sourires). Même les stewards, ils se disaient : « mais qu’est-ce qu’il fout là, il neige il est là, il pleut il est là… » Ils voyaient un mec en train de dessiner des schémas, des petits bonhommes (sourires). C’était génial, c’était le PSG encore familial.

Et puis je suis devenu, plus qu’un sympathisant, un peu comme un enfant du club. Le club m’a accordé sa confiance. A partir de là, les Titis du PSG, ça été naturel. C’était comme une évidence, un besoin de mettre en avant la formation. Cela a bien fonctionné tout de suite, avec le peu de moyens que j’avais.

On dit aussi que la vie, c’est une histoire de rencontres. David Bechkoura l’entraîneur des U18 Champions de France (2006) venait d’arriver. Il est du 27 (Eure), moi du 28 (Eure-et-Loir), on avait un peu la même histoire de vie. Il s’est passé un truc, un coup de foudre humain, amical, un coup foudre Rouge et Bleu (sourires). Je lui ai dit : « David, ce titre, on va le mettre en avant ». C’est parti de là. Les Titis sont vraiment nés comme ça.

Qu’est ce qu’un « Titi du PSG », dans sa définition originelle ?
Dès lors qu’un jeune a signé une licence, même le temps de quelques mois, il est et reste un Titi du PSG à vie. Porter le maillot de ce club, même en poussin, benjamins, c’est quelque chose qui reste. On parle plus de ceux qui ont percé, forcément, c’est la vitrine. Moi, je vais avoir exactement la même considération pour le jeune qui n’a pas percé, qui n’est plus dans le foot. Il reste un Titi du PSG à part entière.

Tous ceux qui sont licenciés à l’association du PSG, filles ou garçons, ce sont des Titis. Et on sait que tout peut aller très vite. Par exemple, Timothée Taufflieb qui en 2016, se retrouve à jouer quelques minutes avec Zlatan (J34, PSG 6-0 Caen) alors que 2 ans plus tôt, il était brancardier et jouait avec les amateurs du PSG.

Comment appelait-on les jeunes du PSG avant ?
Soit les cadets, les juniors du PSG ou tout simplement les jeunes du PSG… On parlait des Gones à Lyon, des minots à Marseille, il arrivait même qu’on parle des minots pour les jeunes du PSG. C’était important aussi qu’on puisse les identifier. Quelque part, c’est une fierté de se dire, que plus de 12 ans après, ce nom de Titis, les gens se le réapproprient, les médias l’utilisent. Si cela contribue à leur visibilité, alors je suis le plus heureux. Je précise bien qu’il s’agit des Titis du PSG et non des Titis Parisiens ! Il faut dissocier le Titi qui joue au PSG de celui qui joue au Paris FC ou bien au Red Star…

C’est l’âme du club qu’on veut garder

Entre les interviewes, les résultats, les stats… c’est un travail immense que vous réalisez. Pouvez-vous quantifier le temps consacré ?
Quand on aime, on ne compte pas, je crois que cela résume assez bien la situation (sourires). Il arrive, parfois, que certains trompent leur femme avec, je ne sais pas, une collègue de bureau. Moi, ma femme, je la trompe avec le centre de formation du PSG. Elle voit avec qui je la trompe, donc cela passe mieux (sourires). Maintenant, j’ai conscience que cela prend une place énorme dans ma vie. Je commence à avoir des cheveux blancs (sourires) je me dis qu’il est peut-être temps de faire évoluer le concept. On travaille en ce sens.

Une famille qui se retrouve chaque année au camp des Loges, lors du Jubilé des Titis ?
Oui, nous l’organisons depuis maintenant 5 ans. Il y a plein de générations différentes. Les joueurs se retrouvent, ils ré-enfilent le maillot du PSG devant les yeux de leurs propres gamins. C’est un moment de partage qui permet même à certains de retrouver du travail, soit dans le football, ou ailleurs.

Il y a des Jérôme Leroy, Grégory Paisley, Bernard Allou, Pierre Ducrocq qui vont venir avec leur carrière, et les autres, plus Monsieur Tout le Monde. Pour moi ils sont à égalité, ce sont des Titis du PSG. Titi un jour, titi pour toujours. C’est vraiment un moment de fête. Les mecs m’ont dit qu’ils aimeraient faire un jubilé plusieurs fois dans l’année (sourires).

#LAFORCE en octobre 2014 (c) Panoramic

Nous, on n’est pas dans la course aux clics, on n’est pas dans la course au buzz, ça n’a rien à voir. On parle vraiment d’une association, d’une confrérie. C’est l’âme du club qu’on veut garder. D’ailleurs, petite parenthèse, je salue le travail de Michel Kollar (historien du PSG, ndlr) qui pour moi, est de loin la meilleure recrue du PSG sous l’ère qatarie. C’est trop important l’histoire d’un club pour ne pas la préserver. Et je remercie le PSG de jouer le jeu, ils aident pour les maillots, les vestiaires, les terrains, le buffet…Ils relaient des informations.

Les Titis du PSG, c’est pour vous une façon de préserver l’âme du club ?
Oui c’est presque comme une mission tellement j’aime ce club. Quelque part, on peut associer les jeunes du PSG aux supporters du PSG. Ces gamins-là, ils ont été dans les tribunes du Parc, avant, pendant leur formation. Ils aiment le PSG. Et ce qu’on a fait aux supporters, c’est un peu ce qu’on a fait avec les jeunes du PSG, voire même à la ville de Saint Germain, en enlevant le berceau de Louis XIV sur le logo (2013).

Ce que je veux faire comprendre, c’est que ce triptyque supporters / ville de Saint-Germain / centre de formation, pour moi il faut le conserver à vie dans l’histoire du Paris Saint-Germain. Le logo, il a été retouché, le centre va déménager de Saint-Germain, les supporters, ils n’étaient plus les bienvenus. L’argent ne suffit pas, c’est tous ensemble qu’on ira la chercher, la Ligue des Champions.

Qui est le Titi le plus doué que vous ayez vu passer ?
Pour moi, c’est la question qui tue ! Et plus ça va, plus je suis incapable d’y répondre. Mais c’est vrai qu’au niveau des profils, j’ai une tendresse pour les écorchés vifs. Ceux qui ont du se battre, et qui se battent encore même s’ils sont toujours au PSG, ils se battent en dehors, dans leur vie.

J’ai beaucoup d’affection pour ces jeunes car pour moi ce sont des exemples de combativité, de persévérance. Et quand ils arrivent au bout, c’est extraordinaire, c’est une belle leçon de vie. Et si en plus, ils n’oublient pas d’où ils viennent, c’est encore plus beau car ils peuvent transmettre un vrai message aux générations futures. Bref, j’ai un profond respect pour eux.

Il n’y a aucune vérité. Aucune.

Est-ce facile d’anticiper la carrière d’un joueur depuis le centre de formation ?
Je pensais que oui. Et en fait, non. Tu t’aperçois qu’il n’y a aucune vérité. Aucune. Les 2 derniers exemples pour moi, voire les 3 : Nkunku, Rabiot, Kimpembe. Autant Aréola était en avance sur sa génération, surclassé, international très tôt. Autant les 3 autres ne sortaient pas du lot.

Mais, avec du recul, quand je ressors mes stats : Christopher Nkunku, tu t’aperçois que c’est le joueur qui a joué le plus de matches, sur les 5-6 dernières années, au centre. Et là tu te dis, ok ce n’était pas anodin, ses coaches ils avaient compris. Et toi avec ton regard extérieur, pas forcément, car ce petit bonhomme, il ne payait pas de mine. Un poste ingrat en 6, à la récup… et en fait il s’est étoffé physiquement, a toujours répondu présent.

Pareil pour Presnel qui était souvent remplaçant jusqu’à ses 17 ans. Adrien c’est pareil, il est arrivé sur le tard au centre de formation. Il revenait d’Angleterre (Manchester City), impossible de prévoir qu’il jouerait si vite en pros. Il a tapé dans l’œil d’Ancelotti, il s’est étoffé physiquement. Aujourd’hui à 23 ans, il en est à 280 matches avec Paris. C’est du jamais vu.

On était plutôt focus sur des jeunes comme Kingsley (Coman), Hervin (Ongenda) et au final il n’y a pas de vérité car il y a une part de chance, de timing. Il faut être bon au bon moment, il faut avoir une force de caractère à toute épreuve, être respectueux. C’est tout un ensemble. Ça dépend aussi beaucoup de l’entraîneur de l’équipe 1ère.

Le départ de Kingsley Coman pour la Juventus, c’était une question de timing ?
Kingsley, notre double Titi d’Or 2012-2013, le joueur le plus doué de sa génération. Il a été très bon au mauvais moment, sous la coupe d’un entraineur, Laurent Blanc, qui je pense n’a pas eu le courage de faire jouer les jeunes. Parfois le PSG gagnait 3-0, 4-0, même là il ne faisait pas jouer les jeunes. Du coup, les jeunes se sont dit : « si Kingsley ne joue pas, c’est mort, nous on ne jouera jamais ». Ça a mis le doute. Kingsley est parti, d’autres ont suivi.

Ils ont essayé de se rattraper avec Adrien mais dans la tête de certains c’était déjà trop tard.

Une autre de mes grosses surprises, c’est qu’aucun des 5 champions d’Europe U17 (génération 1998) ne porte aujourd’hui le maillot du PSG (Georgen, Callegari, O.Edouard, Ikone, M.Doucouré) : comment a-t-on pu perdre un onze-type de ce niveau ?

Adrien nous aide sans compter

Adrien Rabiot est l’un des parrains des Titis du PSG. S’implique-t-il dans l’association ?
Oui il s’intéresse et il a toujours été là pour les Titis. C’est devenu un ami, on pourrait presque dire un frère. Il aime profondément le PSG. C’est donc sans compter qu’il nous aide chaque année. Lors du dernier rassemblement, il a offert 5 maillots dédicacés, deux paires de crampons, des calendriers et des poupluches. Sans parler des deux buffets, dignes d’un mariage pour 200 personnes ! (rires) Je l’admire pour son parcours et pour ce qu’il est. Quelqu’un d’entier, qui ne sait pas tricher.

Comment avez-vous vécu sa non sélection, et ce qui s’en est suivi ?
Adrien, il a une histoire de vie. Et je crois qu’il faut la connaître pour essayer de le comprendre. On ne peut pas s’imaginer ce que cela représente au quotidien que d’avoir un papa, cloué au lit, qui ne peut te répondre que par clignements des yeux. Je pense que là ce, qui est ressorti, c’est ça, c’est toutes ces années, où il en a bavé en silence et cette Coupe du monde, il voulait plus que tout l’offrir à son papa. (Il marque une pause, ému)

Bien sûr que sa réaction peut paraître excessive, maladroite, mais c’est Adrien, il a toujours été comme ça. Il s’est senti trahi. Si Didier Deschamps l’avait prévenu avant… mais là, ça a été violent. Ca ne choque personne que la liste soit énoncée en direct aux yeux de tous, sans que les principaux intéressés n’aient été prévenus au préalable…Du buzz, du marketing, de la télé-réalité… Mr le sélectionneur, ancien Marseillais, s’est très certainement dit que le fait de réaliser une liste de 11 réservistes permettrait de mieux leur faire passer la pilule ! Belle erreur d’un soi-disant éducateur… Mais ça personne n’en parle !

La formation du PSG est-elle plus performante aujourd’hui qu’il y a 10 ans ?
Oui. Et heureusement pour un club comme le PSG que les choses évoluent dans le bon sens y compris pour sa formation ! Le gros changement, c’est l’arrivée de gros moyens technologiques avec Ancelotti  : les GPS, les matches filmés, le suivi de tous les joueurs, les jeunes : tu vois les ordinateurs sur les bords du terrain pendant les entrainements. Tu suis tous les efforts, à l’instant T, tu vois direct celui qui n’a pas couru (rires). Tous les jeunes ont leur GPS, des capteurs. Ils ne peuvent plus tricher. Là, tu es dans le summum de la performance.

Les résultats sont meilleurs, on attend aussi davantage. Les jeunes ont également besoin de stabilité. Je veux d’ailleurs tirer un grand coup de chapeau à Pierre Reynaud (recruteur au PSG et son équipe) qui est pour moi le socle, la base de la réussite de la formation du club. L’œil du centre ! Tu peux avoir tout le matériel souhaité, si tu n’as pas les bons joueurs…

Comment voyez-vous l’arrivée de Thiago Motta à la tête des U19 ?
Il a une expérience de joueur incroyable. La 1ère séance, les jeunes vont voir l’ancien grand joueur. Très vite, ils vont oublier le palmarès. Ce n’est pas ça qu’ils vont chercher en lui. Ça va être sa pédagogie, l’échange, le côté humain. Il faut qu’il s’intéresse à leur environnement familial, leurs résultats scolaires, leurs petits rituels, leurs habitudes, leurs passions…Le coach moderne ne doit pas s’arrêter à ce qu’il se passe que sur le terrain. D’ailleurs, avec le public actuel, l’éducateur prend souvent le pas sur l’entraîneur. Une fois la confiance instaurée des deux côtés, les résultats suivront forcément !

Sur les 10 dernières années, le centre a eu une succession de très bons résultats qu’il n’a jamais eue. C’est arrivé avec des entraineurs éducateurs qui n’ont pas un grand passé de joueur. Ils ont vraiment pris le temps de connaître l’histoire du club et de chaque gamin. Pour moi, c’est vraiment la clé.

La passerelle va enfin pouvoir fonctionner

Le Campus PSG verra le jour en 2021 à Poissy, une bonne chose pour les Titis ?
Avoir tout le monde au même endroit, cela va tout changer, j’en suis sûr. Là, tu as le centre de préformation qui est à Verneuil, le centre de formation au Camp des Loges, la section professionnelle qui est à 500m, les gens se croisent mais sans forcément prendre le temps d’échanger. Au Campus, la passerelle va enfin pouvoir fonctionner.

Au même titre que la Turbie à Monaco, la Jonelière à Nantes, pour ne citer qu’eux : pourquoi ces clubs, on ne les attaque jamais sur leur formation ? Car tout est fait pour que les jeunes puissent se fondre totalement dans la vie du club… Ils s’entraînent sur le terrain d’à côté de celui des pros et quand ils finissent l’entraînement, ils ne sont pas pressés d’aller au vestiaire ou de rentrer chez eux, ils sont là, accoudés au terrain de l’équipe 1ère, ils regardent et quand les pros ont fini, ils discutent avec eux. Je suis certain qu’un Neymar, il prendrait le temps de discuter avec les jeunes, il s’intéresserait davantage.

Adrien parmi les siens

Et sinon, vous êtes abonné au Parc depuis 1996 ?
J’ai pris mon 1er abonnement à 17 ans même si avant, je venais régulièrement en provenance du 28. Les kilomètres ne m’ont jamais empêché de venir rêver en live ! Quand j’étais au centre de formation de Châteauroux, avec des potes, on se débrouillait pour aller voir des matches au Parc, la semaine en Coupe d’Europe. On ne disait rien, on prenait la voiture, et on revenait direct après le match. On s’est déjà fait prendre plusieurs fois. (rires)

J’étais abonné Auteuil (indépendant), avec beaucoup de déplacements à l’étranger, en France. J’ai toujours cette fibre ultra, je suis très ami avec eux, je les défendrai toujours, ils le savent. Ces dernières années, j’ai servi de médiateur pour qu’ils puissent venir sur les matches des jeunes. J’ai organisé leur venue au Camp des Loges à maintes reprises surtout en Gambardella, à Saint-Quentin pour les Play-Offs des jeunes, à Chartres, à Amiens, à Sannois-St-Gratien, pour qu’ils puissent soutenir les jeunes, mais aussi défendre leur cause, parce que pour moi le PSG, c’est indissociable de ses supporters. Cela reste un de mes plus grands regrets : ne pas avoir eu ce Parc en fusion sur les 1ères années des Qataris, car si ça se trouve la Ligue des Champions, elle serait déjà chez nous.

Photos (c) Gwladys Duteil / Les Titis du PSG


Emilie Pilet

Rudy Haddad

10 ans au Paris Saint-Germain et une trajectoire qui ne laisse pas indifférent. Convoité, très jeune, par plusieurs grands clubs, Rudy Haddad s’était engagé à 12 ans avec Paris. Une signature marquée par une médiatisation hors norme
pour un si jeune footballeur. L’enfant de Belleville devenait l’enfant prodige du PSG. Comment l’a-t-il vécu ? Confidences.


Virage : Rudy, comment votre histoire avec le PSG a-t-elle commencé ?
J’avais 10-11 ans, je jouais aux Lilas, j’avais plusieurs propositions en France, Monaco, Lens, Lille, aussi des clubs étrangers. Suite à cela, Jean-Pierre Dogliani (ancien attaquant, puis recruteur au PSG, ndlr) a pris contact avec ma famille. Il n’est malheureusement plus de ce monde mais je le considérais comme un père. Un lien de confiance s’est rapidement instauré entre lui et moi. Et puis je crois que cela rassurait ma mère que je signe au PSG, je restais pas trop loin de la maison.

Déjà à l’aise avec les virgules – Danone Cup

Virage : Que représentait Paris ?
Je suis né à Paris, j’ai grandi à Belleville. Pour moi Paris, c’est la plus belle ville du monde. Je m’en rends encore plus compte aujourd’hui, que j’ai pas mal voyagé. J’aimais le PSG, j’étais fan de David Ginola. Aux Lilas, je m’entraînais avec le maillot du PSG. Mon grand frère aussi aimait beaucoup le PSG.

Virage : Au final, c’était comme une évidence pour vous de venir au PSG ?
Oui et non, en dehors du fait que j’aimais le PSG, mon but avant tout était d’aller dans un club qui me permette de grandir dans de bonnes conditions, et d’atteindre mon objectif, devenir footballeur professionnel. Même si à 11 ans, on n’est sûr de rien. Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir… J’ai intégré le centre de préformation en 1997, tout en restant habiter chez moi à Belleville.

Avec l’arrière garde en 1997 lors de sa signature

L’année suivante, je suis pris à l’INF Clairefontaine : 3 années formidables, avec des joueurs comme Jimmy Briand, Maurice-Belay… J’étais interne là-bas et revenais jouer le week-end avec le PSG. La 3ème année, tous les stagiaires restaient jouer avec l’INF. Nous avons été champions de France U15, en finale face à Saint-Etienne. C’est un super souvenir. A la fin de Clairefontaine, mon contrat se terminait avec Paris. J’ai re-signé 5 ans, un contrat Espoirs. Au bout de 3 ans (2004), j’ai signé professionnel.

Des années Clairefontaine avec Titi à son but avec les espoirs (tournoi de Toulon 2005).

Virage : Votre 1ère signature avait été très médiatisée, faisant notamment la Une du Parisien. Comment l’aviez-vous vécu du haut de vos 12 ans ?
Sur le coup, je n’ai pas trop compris. Jean-Pierre Dogliani avait dit à ma mère qu’ils voulaient mettre en avant la formation du PSG. A cette époque, on reprochait un peu à Paris de ne pas savoir garder ses jeunes. Nicolas Anelka était parti à Arsenal, David Trezeguet avait aussi signé à Monaco. Ils ont peut-être voulu marquer le coup par rapport à ça. Karim Nedjari (alors journaliste au Parisien, ndlr) était venu, ils ont fait une double page sur moi.

Virage : A partir de là, qu’est-ce qui a changé ?
J’étais probablement plus attendu. Les gens attendaient que je mette but sur but. Cette attente, je l’ai ressentie. Mais pas comme une pression. Je ne me suis pas senti perturbé, dans le sens où ça ne m’a pas pesé. J’ai grandi avec mon grand frère, entouré de personnes plus âgées. Je crois que cela m’a servi. Si je me prenais pour un autre, on me remettait tout de suite à ma place : un jeune footballeur qui avait encore tout à prouver.
Cette “pub“ autour de moi ne m’a pas fait changer, mais le regard des gens, oui un peu. Je ressentais un décalage.

De Belleville à Saint-Germain

Virage : C’est à dire ?
Par exemple, les gens me voyaient comme un “surdoué“, mais la réalité, c’est qu’en catégories de jeunes, je n’étais pas convoqué en équipe de France. Donc je savais que je ne faisais pas partie des meilleurs. J’avais des facilités, oui, mais je savais que j’avais un retard au niveau physique. Je savais très bien où j’en étais. Il y a tellement d’étapes à franchir, d’aléas… J’’y ai toujours cru. C’est une phrase un peu bateau mais quand tu travailles, que tu fais les efforts, à un moment, cela paie. Il faut juste savoir être patient.

Virage : L’avez-vous toujours été ?
Quand j’étais en CFA, j’avais envie d’aller plus vite que la musique, j’avais envie d’aller avec les pros. Alors que je n’étais pas prêt. On passe par des moments de doutes. Jouer en CFA, c’est se confronter à des hommes. C’est un pallier à franchir. C’est là que la famille, les éducateurs jouent un rôle important, c’est l’éloge de la patience (sourires).

Tournoi de Toulon, avec un futur milieu prometteur (N°13)

Virage : Votre tout 1er match avec le PSG ?
En Ligue 1, c’était au Parc face à Bordeaux (0-0). J’attendais ce moment depuis longtemps. Je me souviens à la fin du match, mon frère me demande ce que j’ai ressenti ? En fait, je n’ai rien su lui dire (sourires). J’étais tellement concentré sur ce que je devais faire, je n’ai pas savouré. Pareil après, j’ai tout de suite pensé au prochain match. Peu après, j’ai été appelé en équipe de France Espoirs, on avait gagné le tournoi de Toulon. Un super souvenir aussi.

Sinon, mon tout 1er match au Parc, j’avais 11 ans, lors de la Danone Cup. C’était un tournoi sur une journée. J’étais encore aux Lilas, le PSG m’avait proposé d’y participer. Je marque un but face à la Juve, un but face à Arsenal. De là, les clubs ont commencé à appeler directement chez moi.

Avec l’aigle

Virage : Quelles sont les personnes au club qui vous ont marqué ?
Je pourrais en citer énormément, tant je me suis bien senti à Paris. Jean-Pierre Dogliani bien sûr. Mourad Mouhoubi, mon 1er éducateur au PSG, en moins de 13. Il a toujours été là pour moi. François Gil aussi, un super éducateur, Antoine Kombouaré qui m’a fait débuter avec la réserve, et que j’ai ensuite retrouvé à Valenciennes. Laurent Fournier aussi qui m’a donné ma chance avec les pros, et m’avait fait venir à Auxerre.

Virage : Le moment le plus compliqué de votre décennie Rouge et Bleu ?
Quand j’ai quitté le club (2007). J’avais 22 ans, j’avais passé la moitié de ma vie au PSG. Ça fait bizarre de partir. J’ai tout aimé de ma formation au PSG, vraiment tout. Je n’ai que de bons souvenirs, c’était comme une famille. C’est souvent quand on part que l’on réalise à quel point on y était attaché.

À la gauche du Gaúcho

D’ailleurs, c’est mon seul regret avec le PSG : quand je suis revenu de prêt de Valenciennes (L1, 29 matches), Antoine Kombouaré (alors entraîneur du VAFC, ndlr) voulait me garder, moi j’ai voulu revenir à Paris. Durant les 2 stages de préparation, j’ai compris que Paul Le Guen ne compterait pas sur moi. Là, je me suis précipité pour partir, presque sur un coup de tête. J’aurais peut-être dû patienter, essayer de gagner ma place.

Virage : Retournez-vous parfois au Parc ?
Oui de temps en temps, la dernière fois c’était pour PSG-Nice. Cela me fait énormément plaisir de voir où en est le club aujourd’hui. Paris mérite d’avoir une grande équipe. L’idéal ce serait le spectacle, les résultats d’aujourd’hui avec l’ambiance de notre époque, les deux virages qui se répondaient…

Virage : Y avez-vous emmené vos enfants ?
L’aîné a 5 ans, il est un peu petit mais il joue du foot, il a déjà son maillot du PSG (sourires)

Photos : Collection personnelle Rudy Haddad
Photo illustration : (c) Panoramic


Emilie Pilet

 

 

 

 

 

 

 

L’interview inversée

Un supporter historique du Paris Saint-Germain (1 060 matches au Parc) interviewé par un ancien capitaine du club. Quoi de plus authentique ?
Nous avons laissé carte blanche à Eric Rabésandratana pour interviewer
Stéphane Bitton
sur l’histoire de sa vie : Paris.
Le rendez-vous fut donné au restaurant du 2ème étage de la la Maison de la Radio
.
Un grand merci à tous les deux.


Eric Rabésandratana : Stéphane, ta toute première fois au Parc, c’était quand ?
Stéphane Bitton : Un dimanche après-midi, en 1966, Stade Français – Boulogne en 2è division, 0-0. A l’époque, le PSG n’existait pas, j’allais voir le Stade Français. C’était dans l’ancien Parc, le vélodrome. Je sais exactement où j’étais assis.

Si je calcule bien, tu avais 6 ans ?
Oui 6 ans et je me souviens de tout. Je suis hypermnésique. J’ai un truc qui fait que je me rappelle de tout, tout le temps. Cela a ses avantages, ça peut aussi avoir ses inconvénients.
Bref, j’étais assis en dessous de l’actuelle tribune presse, aujourd’hui occupée par ce que j’appelle les comités d’entreprises, les gens qui ont une petite télé et des petits fours à la mi-temps.

Né à la clinique du Parc des Princes

Ce n’est pas ta tasse de thé, les petits fours, on dirait ?
Jamais au Parc. C’est une fierté. Je n’ai jamais assisté à un match de football de ma vie ailleurs qu’en tribune supporters, ou en tribune de presse. Pas de loge, pas de VIP, pas d’invitation. Les petits fours à la mi-temps, je ne connais pas. J’ai longtemps eu le sandwich jambon, après c’était la merguez en tribune H avec Dédé qui me faisait ma merguez.

Le Parc des Princes, il représente quoi pour toi ?
Tout. Le Parc des Princes, c’est toute ma vie. Je suis né à la clinique du Parc des Princes, un jour de match de l’équipe de France. C’était les éliminatoires de la Coupe du monde 1962, Finlande – France, le 25 septembre 1960. Ça commence là, et ça ne m’a plus jamais quitté. Ensuite, le Parc des Princes a fermé. Il a été reconstruit, et inauguré en 1972. C’était le nouveau Parc, magnifique, celui qu’on a actuellement.

1972, donc je suis né en même temps que le nouveau Parc…
Et ben voilà (sourires). Et le 4 juin 1972, c’est la 1ère finale de la Coupe de France (Marseille – Bastia) jouée dans le nouveau Parc des Princes avec Georges Pompidou qui est là. C’était l’époque de Skoblar, Magnusson… A partir de là, je tombe amoureux du Parc des Princes. Depuis, je n’ai plus jamais lâché.

The Good Fellows

C’est ce 4 juin 1972 qui a vraiment déclenché ton amour pour le Parc ?
Totalement. J’ai été impressionné par l’inauguration, l’atmosphère, le Parc. Cela fait 46 ans que j’y vais, et depuis ce jour-là, depuis 46 ans, j’ai toujours ce même sentiment, extraordinaire, que ce soit en tribune supporters, maintenant en tribune de presse : au moment où je pousse la porte du Parc, je ressens chaque fois le même moment de bonheur qui m’a habité toute la journée. C’est à dire que le matin quand je me réveille, que je sais que je vais aller au Parc des Princes le soir, c’est forcément une journée réussie.

C’est fou et beau à la fois. Je trouve ça incroyable.
Et ça me l’a toujours fait. Depuis 46 ans, j’ai des papillons dans le ventre à chaque fois. J’en suis à 1 060 matches au Parc des Princes. Voilà. Le Parc, c’est un peu comme si c’était ma vie. La 1ère autorisation de mes parents pour sortir seul, c’était pour aller au Parc des Princes.

Ah oui ? Tu avais quel âge ?
13 ans. C’était un samedi après-midi en 1973. Jusque là, je n’étais jamais sorti seul, à part pour aller à l’école. Ma 1ère sortie, mes parents m’autorisent à aller voir Paris FC – Chili au Parc. Le PFC était alors le club résident du Parc. Le PSG a fait quelques matches de Coupe de France au Parc en 1973-1974 face à Nancy, Metz, Reims, et bien sûr le match de la montée face à Valenciennes.

J’ai vu Pelé à moins de 50 cm de moi

Tu y étais ?
Oui. Ce fut énormément d’émotions. J’étais dans le quart de virage qui est entre Auteuil et aujourd’hui la tribune présidentielle. Ce qui a été longtemps la tribune F. Le petit quart de virage à gauche des journalistes.

Là où il y avait la tribune visiteurs ?
Oui c’était là. Donc j’étais là avec mes 2 meilleurs potes, qui sont toujours mes deux meilleurs potes. A l’époque, il n’y avait pas de placement, pas de places numérotées. Tu passais comme tu voulais. Tu achetais en Auteuil, tu passais sous la barrière à la mi-temps, tu te retrouvais en présidentielle.

C’est comme ça que j’ai vu Pelé à moins de 50 cm de moi. Imagine ce qu’était Pelé à l’époque (1976). Il vient avec le Cosmos New York, il fait un match, je le regarde comme si je voyais Dieu. J’ai vu tous les plus grands joueurs du monde au Parc des Princes. J’ai vu Pelé jouer, j’ai vu Maradona, Beckenbauer, Johan Cruyff. J’ai vu Messi, Cristiano Ronaldo pour les plus récents.

Chaque année, il y avait des matches amicaux organisées par l’UJSF (Union des Journalistes de Sport en France, ndlr), le tournoi de Paris, avec des belles affiches.

Qui dit mieux ?

Ça me fait penser en 1999, on avait un tournoi un peu comme ça au Parc, l’Opel Master Cup avec le Bayern et le Milan AC. Bon, revenons-en à toi : depuis 1972, combien as-tu raté de matches au Parc ?

Peu. J’ai rythmé toute ma vie en fonction du Paris Saint-Germain. Si tu fais le calcul, en gros tous les ans, depuis 1972, je n’ai jamais loupé plus de un, maximum deux matches au Parc. Si je rate physiquement un match, quoiqu’il arrive je le suis à la télé. Même si mon canapé ou au Parc, bien sûr, cela n’a rien à voir. Par exemple, j’ai vu le doigt d’honneur de Pantelic à Ricardo en direct du Parc (1997).

Depuis 15 ans, je n’ai pas le souvenir d’avoir raté un match, même de préparation. J’ai pris l’abonnement Eurosport pour voir Wasquehal-PSG en Coupe de France en 32è de finale. J’ai toujours tout décalé en fonction du PSG. J’ai une anecdote drôle à ce sujet : j’ai choisi mon week-end de mariage un week-end où le PSG était en déplacement.

Pour être sûr de ne pas partir au Parc juste après le “Oui“ ? (sourires)
Oui voilà, et c’était à Paris. Le week-end juste avant mon mariage, en août 1988, il y a PSG-Bordeaux, il fait un temps magnifique, et à 18h, il se met à pleuvoir, c’est le déluge. On s’assoit quand même dans le stade et là, le speaker annonce que le match est reporté. Et il est reporté quand ? Il est reporté quand je suis en voyage de noces. A l’époque, il n’y a pas Internet, pas de portable, rien. Il fallu que j’attende le Herald-Tribune, qui met 2 jours pour arriver à Bali, pour avoir le résultat du PSG (2-0 pour Paris).

Il faut savoir, tellement je suis fou du Parc des Princes, que j’avais pris aussi l’abonnement Matra Racing quand le Matra jouait au Parc. J’avais pris les 2 abonnements (sourires). Toutes les semaines, j’étais au Parc. Bon, j’étais plutôt pour les adversaires du Matra Racing mais je me disais, c’est l’occasion de voir encore plus de foot dans ce stade, avec les fameux derbies Matra-PSG.

Quand tu vois les joueurs qu’il y avait au Matra : Fransescoli, Littbarski, Guérin, Ginola, Olmeta, Bossis, Fernandez, Ben Mabrouk… ils avaient une équipe énorme. Le Parc, j’ai l’impression de le connaître par cœur.

J’aime les joueurs qui mouillent le maillot

Si tu fais l’Escape Game, tu devrais t’en sortir…
(rires) Oui, et j’ai des souvenirs précis dans tous les coins du Parc. Par exemple, j’étais en I rouge pour le France-Bulgarie. En F pour la montée en D1. Mes abonnements, c’est très simple : à partir de 1974-1975 je suis abonné au PSG, jusqu’à mon entrée à l’Equipe, en 1998. Pendant 22 ans, je suis abonné en Auteuil Rouge, je vous ai d’ailleurs amené mes cartes. Et puis 4 ans en H rouge. Et au bout de ces 4 ans je suis rentré à l’Equipe, j’ai eu une carte de presse.

Qui sont les joueurs t’ont fait ou te font le plus vibrer aujourd’hui ?
Alors moi c’est très simple. J’ai aimé et j’aime les joueurs qui mouillent le maillot pour Paris. Pour moi ils seront toujours au dessus de tout. Au dessus du talent, au dessus des jongles, etc. J’ai toute une liste de mecs qui avaient le PSG en eux comme je l’ai moi, je me suis reconnu en eux.

Aujourd’hui, je ne peux quasiment plus parler avec des jeunes, des gens qui ne comprennent pas ça parce que si je dis aujourd’hui que j’en veux à Neymar de ne pas avoir l’amour de ce club-là, on va me dire : « mais tu n’as rien compris, il est doué, tu as besoin de lui ». Non, non… Il est doué, oui. Il est très très fort, oui. Il aime le PSG ? Non, désolé en tout cas il ne l’a pas encore montré. Qu’il le montre, mais il va falloir qu’il ait un autre comportement.

J’ai aimé les mecs qui ont mouillé leur maillot pour le PSG et il y en a plein, et Eric tu en fais partie. Daniel Bravo, Laurent Fournier, Safet Sušić, Dominique Rocheteau, Luis Fernandez, Dominique Bathenay, José Cobos… Il y en a plein. C’est des mecs qui donnaient tout à tous les matches. Parfois ils étaient moins bons, mais ils donnaient tout. On va me dire : « Steph, tu es un vieux con, le monde a changé, etc ». Je suis peut-être un vieux con mais au moins j’ai des valeurs. Je me retrouve dans les mecs qui ont les mêmes.

Aux abonnés présents

Qui, par exemple, dans l’équipe actuelle ?
Thiago Silva aujourd’hui a ces valeurs-là. Il n’a jamais bafoué le maillot. Il n’est peut-être pas le plus grand capitaine de l’histoire, il est peut-être passé des fois à côté mais il a beaucoup sauvé la baraque et il met ses tripes sur le terrain à chaque fois, et ça, ce n’est pas négligeable. Je ne parle pas de Cavani qui est évidemment l’exemple actuel le plus marquant. Mais voilà, il y a quelques mecs comme ça. Presnel Kimpembe donne l’impression de marcher sur ces traces-là. J’espère qu’on le gardera, j’espère qu’il aura la carrière qu’il mérite à Paris.

Tu as assisté à toutes les Premières fois du PSG : montée en D1, 1er match au Parc, 1er Trophée, 1er match en Coupe d’Europe ? C’était comment le 1er trophée au Parc ? As-tu pris part à l’envahissement de terrain ?
Non, mais c’était fou. (PSG – Saint-Etienne, finale de la Coupe de France, 15 mai 1982). J’étais en Auteuil Rouge, il doit rester, allez je dirais 30 secondes au chrono, j’attrape la main de mon meilleur pote Alex. Je lui dis : « p…. on a perdu ». Paris est mené 2-1, 2 buts de Platini. Il devait rester 30 secondes en prolongations. Mon pote me regarde et il me dit : « tant qu’il reste une seconde, ce n’est pas perdu ».

C’est bon ça (rires)…
Là, il finit à peine sa phrase, il y a Šurjak qui s’arrache, qui donne un coup de rein, centre et Rocheteau qui à bout portant, allume Castaneda. Là, la folie. Un bruit comme il n’y a plus jamais eu au Parc des Princes.

C’est ça qui est marquant quand tu es joueur aussi, sur les buts il y a ce truc sonore qui se passe, c’est une clameur incroyable. Un « ouaaah » poussé par 50 000 personnes en même temps et qui dure, je ne sais pas, peut-être 30 secondes.
Oui et quand tu as fini ton 1er « ouaaah », tu en remets un 2ème. Donc le truc dure 1 minute, selon ta respiration, mais c’est une minute de folie totale. L’opposé exactement du silence du but de Kostadinov, France-Bulgarie 1993…

Il fallait qu’on se parle il fallait que ça sorte

Tu y étais ?
J’étais en Auteuil Rouge. Après le 2ème but de Kostadinov (90’), tu entendais le mec qui était à 60 m de toi, dans la tribune opposée, tellement c’était le silence. On se regardait tous. On ne savait pas quoi faire. Tu ne connais pas tes voisins, mais là il fallait qu’on se parle il fallait que ça sorte, ce n’était pas possible.

Tu parlais du 1er trophée du club. On a tous cette image de Francis Borelli qui embrasse la pelouse…
Oui d’abord il y a l’envahissement du terrain. A l’époque, il devait y avoir à peu près 4 policiers sur toute la pelouse, 1 à chaque coin. Mais cela se passe très bien, zéro violence. Donc 3000 mecs sur la pelouse et là : moment d’anthologie. Le speaker prend le micro : « Messieurs, nous ne pourrons pas tirer les penalties tant que vous serez sur le terrain ». Il va falloir une bonne ½ heure pour que les 3 000 mecs retournent dans leur tribune. Incidents : 0, arrestations : 0, blessés : 0, c’est extraordinaire. Et totalement in-envisageable aujourd’hui.

Séance de penalties : bien sûr quand on voit Christian Lopez s’élancer, on sait que c’est le plus mauvais tireur de pénos de toute l’histoire du football français (sourires). Il foire, évidemment, Jean-Marc Pilorget va marquer le 6ème et là tout le monde connaît l’image, Francis Borelli, avec sa sacoche, qui embrasse la pelouse. C’est surtout le 1er trophée du PSG. Pour un mec comme moi, qui les suivait depuis 12 ans. C’était magique.

Autre petite fierté : je n’ai raté aucune finale du PSG de toute l’histoire. Toutes les finales de Coupe de France, gagnées ou perdues, toutes les finales de Coupe de la Ligue, les 2 finales de Coupe d’Europe, j’y étais. Très honnêtement, je n’avais pas très envie d’aller voir les Herbiers au Stade de France, il fallait vraiment que je veuille perpétuer cette tradition. Le PSG ne m’épargne pas non plus, ils sont au Stade de France tous les ans. Depuis 1972, j’ai vu près de 40 finales de Coupes.

Avec son écharpe de la saison 80-81

Et la finale de la Ligue des Champions, tu y seras ?
Je l’espère. J’ai attendu 48 ans, je peux attendre encore 2-3 ans… 5 ans… Mais je crois qu’il faut leur enlever cette pression-là. J’ai donc décidé qu’à partir de la saison prochaine, je ne dirai plus que l’objectif, c’est la C1. Je pense qu’à un moment, cela se fera assez naturellement, ce sera un alignement des planètes. Paris va être mûr dans son histoire pour gagner cette Coupe, et Paris la gagnera un jour.

As-tu eu parfois eu des regrets d’avoir cette passion dévorante pour le PSG ?
Zéro regret, jamais, c’est ma vie, et je l’aime comme ça. Les déceptions il y en a, mais j’ai compris comment fonctionnait le foot. Il y a des moments pas sympathiques, mais il y a tellement de moments géniaux. En fait, on a été bien éduqués, nous supporters du PSG, car on a pris à peu près des raclées pendant 20 ans. Quand Paris finissait 12ème, on disait que c’était une année pas mal. Quand le PSG s’est sauvé à Sochaux, j’étais prêt à faire quasiment tous les déplacements en L2, en espérant que ça dure le moins longtemps possible. Ligue 2, National, CFA, je serai partout. J’aime Paris, voilà, c’est tout.

Aujourd’hui, on ne s’en rend peut-être pas assez compte, mais c’est vraiment une époque bénie.

As-tu transmis ta passion Rouge et Bleu à tes enfants ?
Oui bien sûr. J’ai 2 fils et une fille : les 3 sont supporters du Paris Saint-Germain.

Et tes parents, sont-ils supporters ?
Ma mère suit tous les matches. Mon père est décédé il y a 5 ans. C’est bien sûr lui qui m’a donné l’amour du foot. Il a été un fou furieux du Racing, il était à la 1ère finale de Coupe d’Europe en 1956 au Parc des Princes Reims-Real, donc les Bitton sont présents depuis que le Parc est en état de tenir debout (sourires). Mon père ne manquait pas un seul match, c’était un fou furieux de foot.

J’organise ma vie en fonction du Parc

Une semaine avant son décès, il était au Parc des Princes avec mon fils et moi. Moi en tribune de presse, lui dans la tribune en face, pour le 1er titre du PSG version qatari, donc en 2013. On fête le titre le samedi au Parc et le samedi suivant, il s’est éteint. J’étais content qu’il ait pu vivre ça. Lui qui avait déjà été du titre de 1986, 1994, il était aux anges. « Après ça, on peut mourir tranquille », comme disait Thierry Roland. C’était un peu ça.

3 générations au Parc, sincèrement, c’est beau.
J’ai aimé les matches où on était 3 générations, j’en ai fait plein comme ça. Avec mon père, moi, et puis mes fils. Ma fille aussi. J’espère l’avoir avec moi la saison prochaine car normalement elle aura sa 1ère carte de presse. Elle a validé son Bachelor, elle entre à Paris Match, donc d’ici 3 mois, elle pourrait avoir sa carte. Encore un grand moment. Si on m’avait dit un jour que je viendrais avec ma fille en tribune de presse au Parc des Princes… C’est magnifique.

En fait le Parc, c’est un peu ta maison ?
Comme je te l’ai dit, j’ai toujours organisé ma vie par rapport au Parc des Princes. C’est à dire que je n’ai jamais déménagé plus loin que, en gros, 20 minutes du Parc. Quand j’ai quitté chez mes parents, je suis allé dans le 15ème, j’ai pris exprès un appart à la Motte-Picquet parce que c’était direct jusqu’à Porte d’Auteuil, et quand je suis allé à Levallois, j’ai pris Porte d’Asnières, en voiture je mets 15 minutes maximum.

Pour apporter une touche un peu glamour, j’ai emmené beaucoup de mes petites copines au Parc (sourires). Attention, ce n’est pas au Parc des Princes que je draguais, mais une fois qu’on était ensemble, j’étais en confiance pour transmettre ma passion et dire : « Viens avec moi, tu vas voir c’est génial ». Je ne donnerai pas la liste précise de celles qui sont venues (sourires). Mais oui. Ça leur plaisait bien. C’était toujours leur première au Parc des Princes.

Salle des trophées.

Aujourd’hui en tribune de presse, vis-tu les matches différemment ?
Non. Mais j’ai dû m’adapter. Le 1er match que j’ai suivi en tribune de presse, j’étais assis à côté avec mon rédacteur en chef, au 1er but du Paris Saint-Germain je me suis levé, j’ai hurlé. Il m’a mis la main sur l’épaule, et m’a dit : « Ça, c’est terminé. Ici, tu n’es plus supporter ». On était en 1998, ça faisait 28 ans que je me levais sur les buts du PSG, il m’a fallu un peu de temps pour enlever ce réflexe.

Je me suis surpris une vingtaine de fois en envoyant un gros coup de poing sur le pupitre, particulièrement quand Paris met des buts contre Marseille. J’accompagne mon coup de poing de quelques insultes, ce sont des insultes de footeux quoi, que j’ai Patrice Carmouze à côté de moi, grand supporter du PSG, ou un confrère de l’Equipe. Par contre quand je suis chez moi, je me lève, je hurle, je peux tout renverser.

Tu as eu plusieurs vies, un peu comme un footballeur. Tu étais prothésiste dentaire et à 38 ans, tu es devenu journaliste sportif, par passion ?
Oui tout à fait. L’histoire est sympa, si tu veux je la raconte.

Oui avec plaisir.
Tout a commencé, en fait je devais avoir 7-8 ans et je disais à mes parents que je voulais être journaliste à l’Equipe. Je vais à l’école, je poursuis mes études, je suis un piètre élève, un piètre étudiant. Je me retrouve en Terminale, dans un lycée privé, rue du Faubourg Montmarte, en face de l’Equipe. Donc quand je me mets à rêvasser, je regarde par la fenêtre cette plaque de L’Equipe, en argent sur fond rouge et je me dis : « c’est là que j’aimerais aller ».

Les hasards de la vie font que je suis en Terminale, je sors avec une fille dont la sœur sort avec un journaliste de l’Equipe, et elle me dit : « Si tu veux, je te présente un journaliste de l’Equipe ». Donc on sort du lycée, on traverse la rue, on va à l’Equipe. Le journaliste, Gilbert Chaleil m’accueille très gentiment, il me dit : « Passe ton bac, fais une école et ensuite tu reviendras ». Finalement, je suis un tout autre parcours. Et le petit clin d’œil du destin fait que 20 ans plus tard, quand je me retrouverai à l’Equipe, le 1er bureau dans lequel on m’amènera, c’est celui de Gilbert Chaleil.

On était dans la cage de Joël Bats

Entre temps donc, que s’est-il passé ?
J’ai suivi un autre parcours : prothésiste dentaire, pendant 18 ans, j’avais un laboratoire, des salariés. A un moment, je me dis, c’est bien mais j’ai quand même envie de côtoyer ce monde du foot. Je ne pensais pas devenir journaliste, juste me rapprocher de ma passion.

Je suis d’abord allé frapper à la porte de Onze Mondial. Je ne connaissais personne. On me propose d’écrire des petits articles sur l’histoire du football, les grands joueurs, les grandes équipes. Je gagnais 200 Francs par mois. Mais j’étais heureux. J’ai fait des fiches de joueurs, écrit des livres sur l’histoire du foot avec Eugène Saccomano et puis pendant 15 ans, j’ai fait tous les albums Panini.

Et puis ensuite, l’Equipe ?
Oui en 2003 je suis nommé rédacteur en chef de lequipe.fr. Quand je suis arrivé, on m’a dit : « quel est ton match référence au PSG ? J’ai dit PSG-Nantes en 1981 », ils m’ont dit « Bienvenue, tu es un vrai ». Ça, c’est le match des vrais, il y a ceux qui savent et ceux qui ne savent pas (sourires). A l’aller Paris s’incline 3-0, 4 jours plus tard, le Parc est plein à craquer. 22ème minute, le PSG a remonté 3 buts, le stade était en feu. Au final, Nantes gagne 5-2, Paris est éliminé mais c’était un match de folie. J’avais scotché ma place dans mon agenda.

Au final je suis resté 15 ans à l’Equipe. Une expérience, des rencontres extraordinaires. J’ai eu la chance d’avoir Bernard Lama comme consultant pour l’Euro 2004. J’ai vu tous les matches de l’Euro, dans mon bureau avec lui, tous les soirs. Mais quel bonheur ! C’est un mec dont j’avais hurlé le nom encore quelques mois avant. Une vraie belle personnalité, un mec attachant, qui a une vraie belle histoire. Un garçon cultivé aussi.

Le traitement du PSG par l’Equipe agace les supporters ? Quel est ton regard là-dessus ?
L’Equipe est accusée par les supporters du PSG d’être anti-Paris, pro-OM. Elle est accusée par les Marseillais d’être un journal parisien, accusé par les Lyonnais d’être le journal des Marseillais et des Parisiens. C’est l’histoire de ce journal. Bien sûr qu’il commet des erreurs, comme tout le monde, qui ne commet pas d’erreur ? Mais dans l’ensemble, franchement ? Moi qui suis un lecteur quotidien de plus de 50 ans, j’ai rarement été choqué par ce que j’ai pu y lire. Quand j’ouvre l’Equipe le matin, je n’ai pas l’impression d’ouvrir un journal anti-Paris.

Est-ce que l’on peut conclure sur une anecdote ?
J’aimais aussi aller au camp des Loges. On allait voir les entraînements avec mes deux potes. On était dans la cage de Joël Bats, assis au fond des filets. Et on suivait l’entraînement comme ça. Une autre époque…


Propos recueillis par Emilie Pilet

Alexandros Kottis

Supporters est un projet photo original mené par Alexandros Kottis.
Fan de ballon rond et de tribunes, il a confié des appareils jetables
à plusieurs groupes en France. 
Libre à eux
de prendre des photos de ce qu’ils veulent, quand ils veulent.
Le résultat est plutôt étonnant et souvent artistiquement à la hauteur. Rencontre.

Virage : Comment est né le projet Supporters ?

Supporters est né à l’été 2016, d’une envie de créer un projet photo sur les tribunes avec la participation des principaux concernés. L’idée est d’offrir la possibilité aux supporters de témoigner par eux-mêmes de leur passion, en leur donnant les moyens de s’exprimer sans qu’il n’y ait de filtre entre leur perception et le rendu final. Ça veut dire qu’ils sont maîtres de l’outil, l’appareil, et qu’ils sont libres de montrer ce qu’ils veulent.

Virage : Quel est l’objectif, le message de ce projet ?

Le traitement médiatique des supporters de foot me paraît assez éloigné de la réalité et ça me semble important de montrer autre chose : l’envers des tribunes. C’est l’occasion pour eux de se ré-approprier leur image, et de donner à voir ce qu’est le supportérisme, sans qu’on parle à leur place. Évidemment ça implique une subjectivité évidente, chaque groupe étant libre de donner à voir ce que lui veut, et d’occulter le reste. Et c’est justement ce que je trouve intéressant, la diversité des perceptions et des vécus parmi les différents groupes de supporters.

Virage : Qu’il y a t-il de beau dans ces images ?

En ça l’appareil photo jetable correspond complètement à la démarche d’obtenir des images authentiques, qu’on ne peut pas supprimer et qui ne sont pas retouchées. C’est cette authenticité que je trouve belle. Le foot qu’on voit à la TV, fait d’images policées toutes propres c’est une chose, mais pour la majorité d’entre nous, le football c’est celui qu’on voit sur ces photos.

Les supporters sont partie intégrante de ce sport, et on a souvent tendance à les reléguer à un second rôle. La première fois que je suis allé au stade j’ai passé plus de temps à regarder les tribunes que le match en lui- même. Au-delà du jeu, c’est l’ambiance, l’engouement et les émotions qui nous font aimer le football. Et elles existent grâce aux supporters. Aller au stade, même pour des personnes qui ne s’intéressent pas particulièrement au foot, c’est une véritable expérience.

Faire partie d’un groupe de supporters, c’est aussi créer un lien social qui va au-delà des 90 minutes du match. La préparation des animations durant la semaine, les avant-matchs, les lendemains… Tout un tas de moments qui unissent les gens autour d’une même passion. Ce projet, c’est à la fois pour que le public découvre de l’intérieur cet univers, mais c’est aussi une sorte d’hommage à ceux qui font vivre le football.

Virage : Quelles photos t’ont le plus marqué ?

Parmi les photos qui m’ont le plus marqué, j’aime particulièrement celle des Strasbourgeois en Corse, où apparaissent uniquement leurs ombres sur un mur. Tout est dans la suggestion et je la trouve très originale et réussie. J’adore celle du supporter lensois qui dort dans le bus, avec un gamin plein de malice en arrière plan. Elle reflète complètement l’atmosphère d’un déplacement en car, avec ce que ça implique de fatigue et d’humeurs. La pellicule des Toulousains m’a aussi beaucoup plu parce qu’elle montre la préparation des animations, notamment cette photo d’une machine à coudre. Je trouve ça génial de voir la façon dont s’organise la vie de la tribune. Il faut quand même sacrément d’imagination et d’investissement pour animer un stade, et c’est important de le valoriser. Et puis les photos prises au coeur des virages, à Bordeaux ou à Paris avec ces forêts de fumigènes…

Virage : Les ultras ont été réceptifs à ton projet ?

En grande majorité, les groupes de supporters accueillent positivement le projet, à la fois surpris et contents. Après ça ne veut pas dire que tous participent. Certains par méfiance, d’autres parce qu’ils ne veulent pas prendre part à quelque chose de collectif. Souvent revient cette question des visages chez les groupes ultras, parce que certains ne veulent pas que leur identité soit révélée. Même si ce sont eux qui prennent les photos et qu’ils peuvent donc éviter de prendre les visages en photo, ça peut être un frein.

Virage : L’ambiance ultra en tribune te parait indispensable aujourd’hui malgré les contraintes grandissantes ?

Pour moi c’est fondamental que les ultras puissent continuer d’exister, et je crois qu’on vit dans une sorte de schizophrénie en France, où l’on veut à la fois de belles et chaudes ambiances dans les stades, tout en limitant les libertés. Il n’y a qu’à voir les spots promotionnels du championnat faits d’images de tribunes en folie, et dans le même temps on interdit les fumigènes, on multiplie les interdictions de déplacements… J’ai l’impression qu’il y a une volonté de certains clubs de dialoguer et de promouvoir le supportérisme, comme on peut le voir avec ce projet de tribunes debout, mais est-ce que les pouvoirs publics vont aller dans le même sens ? La question du prix des places est également fondamentale. Il faut que les stades soient accessibles à tous.

Virage : Quels sont les prochains groupes/clubs visés par Supporters ?

Le projet Supporters n’a pas de fin, et je vais continuer d’envoyer des appareils photos dans les prochaines semaines et les prochains mois. En France il y a encore beaucoup de clubs à aller chercher (Saint-Étienne, Marseille, Nice…), et je compte bien internationaliser le projet !

Plus d’infos sur Supporterswww.objectif-supporters.com
Page facebook Supporters : cliquez ici


Xavier Chevalier

Bruno Salomon

Journaliste ou supporter, on ne sait plus trop en fait.
Toujours est-il que Bruno Salomon, la voix du PSG chez France Bleu Paris,
est un personnage passionné et volubile.
On l’a rencontré, et le mec ressemble parfaitement au portrait qu’on s’en faisait.
Libre et bouillonnant
.


Virage : Le foot c’est une passion à la base ou juste un sport qui tu as appris à aimer grâce à ton métier ?

Non c’est une passion depuis gamin. Et très vite, dès l’âge de 6 ans. J’étais gardien de but à Grenoble. J’adore la solitude du gardien de but et puis de toute façon j’étais toujours le mec qu’on appelait en dernier pour jouer. La passion elle était aussi là grâce aux Panini et aux matchs que j’avais le droit de regarder à la télé. Mon père m’emmenait aussi au stade de Grenoble pour voir des matchs. Mais mon père n’aimait pas trop l’ambiance du football. Du coup je me suis mis à l’escrime.
Ça ne m’empêchait pas de continuer à regarder des matchs à la télé et, déjà à cet âge la, je commentais ce que je voyais comme si j’étais au micro. Et puis j’ai également appris ma géographie grâce aux albums Panini. Enfin presque, car un jour j’ai eu une mauvaise note. La maitresse m’a fait remarquer que la capitale de l’Ukraine ce n’était pas Dynamo mais Kiev…

Virage : On connait donc tes origines grenobloise, tu restes attaché au GF38 ?

Oui bien-sûr. Au début c’était le FCG, après l’OGI puis le FCGJI et enfin le GF38. Et j’ai eu la chance de pouvoir commenter les premiers pas du GF38. C’est d’ailleurs pour ça que je ne peux pas revendiquer le fait d’être un supporter du PSG de la première heure. Mais le PSG rentre dans ma maison à cause de Youri Djorkaeff. Il débute à Grenoble chez les pros et j’ai suivi toute sa carrière. Il y a aussi eu Jean Philipe Séchet qui a joué dans les deux clubs. La troisième entrée c’est mon joueur préféré de tous les temps, je suis fan, c’est George Weah qui alliait puissance, rapidité, adresse.
Pour en revenir à Grenoble, à l’époque il y avait 4 options. Soit tu étais supporter de Grenoble, soit de l’OM, de Saint Etienne ou de la Juventus. Les italiens c’était pas trop mon truc, j’ai été voir des matchs à Geoffroy Guichard, mais aussi à Lyon, mais là j’ai vite rebroussé chemin. Bref c’était plutôt Grenoble. Et puis le PSG, c’est venu progressivement. Je n’avais pas le côté détestation du provincial.

Virage : Est-ce qu’on peut considérer un match entre l’OL et le GF38 comme un derby ?

Il faut déjà voir la mentalité lyonnaise. Lyon c’est la capitale du Rhône-Alpes. C’est une ville bourgeoise assez agréable. Mais pour eux, on est tous des bouseux. Donc ce n’est pas la meilleure des ententes entre les supporters des deux clubs. Et puis tu as la stature d’un Jean-Michel Aulas qui te pose un club. Que tu aimes ou que tu détestes.

La Team France Bleu Paris – (c) France Bleu

Virage : Quand tu postules à France Bleu Paris en 2007 pour couvrir le PSG, quels ont été tes arguments pour convaincre la direction de l’antenne de te recruter. Pourquoi toi ? Un grenoblois ?

Parce que j’avais la carte passionné dans mes commentaires. Je te donne mon cursus pour t’expliquer. J’ai commencé comme stagiaire à Grenoble puis je suis entré chez Radio France à Amiens. Et là je suis devenu plus picard que picard ! A Paris, l’entretien s’est plus fait sur le côté « comment tu veux mettre quelque-chose autour du PSG ». Mais le directeur qui me connaissait un peu savait que j’apporterai un peu de folie. Et le PSG est un club de passion, de folie. Quand j’arrive en 2007 il y a une tension maximum en tribune. Et la première chose que je fais c’est de me prendre un billet en tribune Paris et pas en presse. J’avais déjà été plusieurs fois au Parc, d’ailleurs lors de mon premier match au Parc en 1993, c’était pour du Rugby pour la finale entre Grenoble et Castres et où on se fait bien faire le… enfin tu vois… j’en casse de rage un fauteuil. Bref pour ce premier match en tant que journaliste j’ai voulu vivre l’expérience en tribune. Et grâce à un ami je suis aussi rentré en contact avec les Lutece Falco avec qui j’ai beaucoup échangé, beaucoup appris. J’aimais leur état d’esprit, un peu Irish Supporter. La première fois avec eux, ils m’ont mis au premier rang et lors de la première poussée je me suis pris tout le monde dans le dos, je te raconte pas… Mais je me suis marré comme une baleine. Les Supras m’ont aussi invité. Je me suis imprégné. Et là j’ai compris que ce club, tu l’aimes ou tu le détestes. T’as pas le droit de faire semblant. Mon premier match derrière le micro se passe à Epinal un 5 janvier. Dès que je suis arrivé là bas j’ai compris tout de suite que Paris débarquait en province. Les journalistes étaient ultra agressifs, malpolis avec moi alors que ce n’était pas le cas auparavant. Ça tombe bien car j’aime ça, le côté revêche, parisien. Là je me suis dit OK… J’aime d’ailleurs certains aspects du supporter parisien. Sa discrétion. Par exemple quand tu es dans la rue si il te croise il te dit « Allez Paris » et puis il te salue. Pas plus. Ce n’est pas un exubérant. Ce côté à l’Anglaise, juste une écharpe, discret… Bref à force j’ai été infusé par le PSG. Je suis devenu parisien, surtout avec tous les boulons que je me suis pris en tant que journaliste, car on se chambre pas mal entre nous.

J’ai embrassé la cause

Virage : Te considères-tu aujourd’hui comme un vrai supporter parisien ?

Je suis journaliste mais je suis supporter du PSG. Ça c’est clair et ce n’est pas pour faire plaisir. j’ai embrassé la cause ! Je me reconnais dans ce PSG qui est foutraque, bordelique, adolescent. Un de mes plus beaux matchs c’est celui à Sochaux en 2008. J’ai fini accroché à la grille du parcage presse sur le but de Diané, et je commentais le match en même temps. Je me souviens aussi que derrière moi il y avait des journalistes qui s’embrassaient. J’aime me rappeler de cette scène alors que la presse parisienne est pas mal décriée aujourd’hui par les supporters.

Virage : En tant que journaliste et membre de la profession, comment juges-tu justement le procès actuel que font beaucoup de supporters sur le traitement infligé par l’Equipe (entre autres) au PSG ? Fantasme ou réalité ?

Je crois que des deux côtés on ne se comprend pas. On en revient toujours à ce débat du sport en France. Il n’y a qu’un seul quotidien sportif dans ce pays. Il a le droit d’être critique, mais les supporters ne peuvent pas s’y retrouver. Y a pas de concurrence pour contre-balancer. Il n’y aurait pas de procès d’intention envers l’équipe si il y avait plusieurs quotidiens. Et puis je vais te raconter un truc. Lors du match retour à Barcelone, j’ai vu des journalistes atterrés mais j’en ai aussi vu des contents. Et pas que de l’Equipe. Le PSG exaspère. Certains journalistes sont contents de voir que le PSG d’aujourd’hui apprend le concept de l’échec. Je comprends l’énervement des supporters mais il faut aussi parfois se mettre à la place des journalistes. Le comportement de certains joueurs en zone de presse n’aide pas. C’est un vrai problème, surtout chez les jeunes. On m’a demandé avec Rabé de donner des cours aux jeunes du PSG. Pour leur apprendre les bases. Je leur ai dit simplement qu’il fallait déjà respecter les principes de politesse. Bonjour, merci, au revoir. Ne serait-ce que, ça c’est beaucoup. Je me souviens d’une anecdote. Lorsque Youssouf Sabaly était au PSG, je l’ai croisé en zone mixte à une sortie d’entraînement pendant une tournée à l’étranger. Lorsqu’il est passé près de moi, il a senti que je voulais lui poser des questions, il s’est arrêté sans que je lui demande. Il m’a salué et on a commencé à parler. Des choses simples. Sa carrière, son futur au club… Et à chaque fois qu’on se recroise, depuis qu’il est à Bordeaux, il vient me saluer. C’est tout bête mais c’est déjà beaucoup. Ça aidera encore plus le club à progresser dans ses relations avec les media.

Pierrot et Bruno sont dans leur paquebot – (c) Agences Artistiques

Virage : Julien Cazarre, Matthieu Faure font partie de ces personnalités des media qui s’assument comme pro Paris. N’es-tu pas agacé par tes confrères qui ne veulent pas dévoiler pour qui ils sont ? Est-ce un mal franco-français ?

Comme je te le disais, la France n’est pas un pays de foot. On est un pays de sport individuel. Et on a un problème avec la presse partisane dans ce pays. La Provence par exemple en fait beaucoup trop avec l’OM mais elle a le mérite d’exister. Autre exemple hors PSG. Lors de la finale de la Coupe de France entre Amiens et Strasbourg (ndlr : Saison 2000-2001), j’étais alors le commentateur de France Bleu Picardie. J’avais pris le pari avec un joueur d’Amiens de porter le maillot pour être le 13ème homme. Et bien je me suis fait pourrir. On m’a dit que c’était scandaleux. J’ai quand même gardé le maillot. Cette culture là n’existe pas en France. Ou alors tu as le droit de prendre le partie des petits clubs.

Virage : Tu as des sources d’inspirations journalistiques ?

Sur mon commentaire, celui qui m’a le plus marqué c’est Bruno Cadène qui était le commentateur du Hockey sur Glace à Grenoble pour Radio France Isère. Il m’emmenait gratuitement dans la patinoire. Il me prenait la main et il se mettait à ma place. J’espère que j’arrive à faire ça avec les auditeurs. On est un spectacle vivant. Le foot est un sport vivant et on est là pour faire vivre ces émotions.

 Je suis un suiveur, un animateur

Virage : Inspiration toujours, tu racontais à Edouard Baer chez Radio Nova que tu aurais aimé devenir chanteur de Metal. Un artiste en particulier ? James Hetfield, Max Cavalera, Ozzy Osborne, Lenny Killmaster, Bruce Dickinson ?

Max Cavalera je l’ai vu aux Eurockéennes de Belfort avec Sepultura. il m’a impressionné !
J’aurais voulu être Frontman d’un groupe en fait, pousser les cordes mais je pense que si je devais choisir un chanteur ce serait Chino Moreno des Deftones. La puissance que ce mec dégage dans un micro, c’est génial.

Virage : Comment décrirais-tu ton métier en somme ? Journaliste, commentateur, animateur, ambianceur ? Tout ça à la fois ?

Tout. Journaliste car j’essaye de faire mon métier de la meilleure manière possible. On me reproche souvent de ne pas balancer des infos, mais je ne suis pas un journaliste d’investigation, je suis un suiveur, un animateur. Je suis un homme orchestre puisqu’on parlait musique. J’essaye de rendre la meilleure partition possible par rapport à ce qu’on me demande sur France Bleu.

Virage : Comment prépares-tu un match, il y a forcément de l’impro lors d’un match, mais il y a aussi un peu de travail non ?

C’est du 50/50. La base elle me vient encore de Bruno Cadène. Il m’expliquait que avant le match tu es une éponge sèche. Tu prends un max d’infos. Tu écris les compositions, tu les re-écris pour bien mémoriser les noms. 1 heure avant le match, tout doit être prêt. Pour que lors du match tu n’oublies rien. Je vois aujourd’hui la jeune génération de journalistes écrire des phrases en amont. Des phrases qu’ils ressortiront en match. Mais décris simplement ce que tu vois ! L’auditeur, l’internaute est souvent deux fois plus calé que moi. Je ne vais pas m’amuser à ressortir des histoires du passé dont je ne suis pas sur. Niveau statistique c’est pareil. Mais ce qu’ils n’ont pas c’est tes yeux, ta voix et ce que tu vois. J’ai la chance de commenter dans le plus beau stade de France, et je le pense. J’ai 45000 personnes autour de moi. Et au coup de sifflet d’engagement l’improvisation peut commencer. Tu commentes en fonction des faits de jeu, j’essaye aussi d’ouvrir sur ce qui se passe en tribune, sur le banc, ce qu’on ne montrera pas à l’antenne. Je parle comme un vieux con en fait… ah ah.

(c) Jack

Virage : T’as jamais eu envie de gueuler BUUUUUT au lieu de GOAL pour changer un peu des standards sud-américains ?

J’ai essayé mais ça ne passe pas. C’est sec. Puisque tu parles de la culture sud-américaine ça me rappelle qu’il y a un truc hyper important dans mes commentaires et ça vient de l’ancien entraîneur du GF38, Alain Michel. Il était prof d’histoire à la Fac. Il est venu me voir et me dit « tu aimes le foot britannique toi ? Ma femme écoute tous tes commentaires, elle adore ta voix mais elle trouve qu’il y a un problème, tu places mal le ballon sur le terrain ». Il me donne alors une anecdote. Dans les années 60, un commentateur de la BBC s’est rendu compte que les gens se demandaient tout le temps où était le ballon sur le terrain pendant les retransmissions radio. Il a donc lancé un principe façon bataille navale à l’antenne. Il disait par exemple « chers auditeurs, le coup-franc va être titré en B7 ». Il apportait un vrai plus aux gens. Donc à ce moment là j’ai compris qu’il fallait bien quadriller le terrain, se fixer des zones pour rappeler où on se situe pendant le match. Et ce même commentateur avait sa façon d’annoncer un but, il criait « And Scored… » en laissant trainer longtemps à la fin. Ça ressemble un peu au « Goal » des sud-américains.

Virage : arrives-tu à apprécier un match pendant une retransmission ? Finalement tu es comme ces capos qui dos au match chauffe la foule pendant 2 heures ?

Ah ah… Non je ne suis pas un capo car je suis obligé de voir le match. Je me mets plus dans la catégorie des mecs qui préparent les tifos, l’animation. J’ai besoin d’être vidé à la fin. Si ce n’est pas le cas c’est que je n’ai pas été bon. D’ailleurs je suis en train de me rendre compte qu’il faudrait peut être que je retourne à la salle de sport pour me refaire une condition physique. Parce que je commence à encaisser. Il faut savoir qu’avant les matchs je tourne en rond. Je bois des litres de café, je tape du pied et quand ça commence, il faut que je rentre dans le tas. Y a une période que j’ai détesté et pourtant j’adore le Monsieur, c’est la période Ancelotti. On marquait 2 buts et après on bétonnait. Y avait plus rien du tout… Du coup au commentaire c’était chiant. Au moins avec Blanc et Emery il y avait plus de jeu. `

Il a mis un réfrigérateur en route

Virage : Quel est le match que tu as adoré commenté ?

Il y a la victoire face au Barça 4-0, j’ai été en lévitation pendant 36 heures, j’en ai pas dormi de la nuit. Mais mon plus grand match c’est le 2-2 à Chelsea avec mon Pierrot (Ducrocq). C’était parfait, très anglais, ça a failli partir en sucette en tribune…

Virage : Et un but ?

Celui qui m’a le plus choqué c’est le coup-franc à 120km de Zlatan contre l’OM. Il a mis un réfrigérateur en route ! Plus un bruit dans le stade. Pan ! C’était une sensation géniale. C’était d’une violence ! Zlatan, pour en revenir à la musique, c’est une rockstar. J’adorais ça.

Virage : Tu aimerais quelle recrue cet été pour trouver de nouvelles sources d’inspirations au micro ?

Il faudrait un personnage. C’est là que je vois que je fais partie d’une ancienne génération. Les joueurs d’aujourd’hui sont tous marketés, policés. Ils sont tous sur l’image. Il faudrait une teignasse. Celui que j’aime le plus dans l’équipe aujourd’hui c’est Thiago Motta… Je sais qu’il va partir mais c’est un vrai personnage. C’est pas un truc fake. Tout comme l’était Zlatan. Il a pris des coups quand il était gamin et le mec s’est forgé un vrai caractère. J’aime aussi les mecs de club. Comme Presnel Kimpembe. Le côté titi.

Rabé et Salom’

Virage : Tu as été associé à Jérôme Rothen, Pierre Durcrocq et aujourd’hui Eric Rabésandratana. Si Rabé ne peut pas continuer tu aimerais qui d’autre à côté de toi si tu avais le choix ?

Youri Djorkaeff, et la boucle serait bouclée. Il faut de toute façon des mecs de club, qui puent le PSG. Jérôme est comme ça, Pierre il est en intra-veineuse PSG, Eric, même si il doit beaucoup à Nancy dans sa carrière, est complètement fou du PSG. Autre suggestion et c’est un appel du pied car il joue encore, c’est Clément Chantome.

Virage : Cazarre nous disait il y a peu que le PSG c’était comme le Titanic, c’est grand, c’est beau, c’est riche, c’est prétentieux, mais au premier obstacle, ça coule. Tu te vois rester à l’antenne jusqu’à la fin de ta carrière, comme l’orchestre qui jouait sur le Paquebot ? Même en ligue 2 ?

Non il ne faut pas. En 2008 j’étais prêt pour la ligue 2. Mais bon… Un jour ou l’autre il faudra laisser la place, et de toute façon ça ne m’appartient pas. Mais je serai toujours dans le bateau, car j’ai appris à l’aimer et à apprécier les gens qui l’entourent. C’est trop tard, je suis tatoué…


Xavier Chevalier

Gregory Protche

“Je suis né la même année que PSG” (chez Lattès) est un livre écrit par Grégory Protche. Un livre qui porte très bien son titre. Grégory Protche avait déjà touché les coeurs avec “À l’heure où ma mère meurt” (chez Exils), un bouquin triste et beau comme un PSG un soir de défaite à Sedan…
Là, il raconte sa vie et son PSG (presque pareil) et en profite surtout pour transmettre sa passion à son beau-fils, Oudima, à qui le livre est d’ailleurs dédié.


Voilà Grégory Protche, un écrivain qui balance sans vergogne un adolescent banlieusard qui n’avait rien demandé dans le tourbillon éternel et maléfique parisien. Et qui signe son forfait en publiant donc ce livre miroir. Il ne faudra pas comparer ce récit aux dizaines d’ouvrages footix qui vont s’empresser d’envahir les rayons juste avant le Mondial ! Non ! Ici, on ne titube pas en chantant “Et 1 et 2 et 3 zéro!”, ici, on ne siffle pas Cavani parce qu’il a foiré l’immanquable, non ! Ici, pas de scoop à la Paris United, pas de fellation à la gloire de Neymar, pas de volonté de s’enrichir sur le dos des milliers d’âmes qui souffrent, au Parc ou sur leur canapé. Même si tous les supporters, même les plus analphabètes, devront acheter la chose. Parce qu’ils se sentiront un peu moins seuls une fois la dernière page avalée. Parce qu’ils comprendront que ce livre est d’abord pour eux, peu importe leur âge, leur tronche, leur joueur préféré.

Protche arrive en retard, comme toujours. 90 minutes à la bourre plus précisément. Grégory Protche est un esthète, assurément. L’entretien se déroulera donc pendant le match Bayern-Real. Il n’est pas venu seul : À ses côtés, Oudima, héros du livre en chair et en os et accessoirement gardien du FC Romainville et Mano Mavropoulos, ami commun et écrivain qui se moque du foot, moins des femmes de joueurs… Comme le PSG, Grégory Protche est un vieillard en culotte courte. Ou un gamin millénaire. Il a souffert, il a hurlé, il a maudit, il a aimé et aime encore. Et sa prose évoque autant la grâce d’un Javier que la violence narquoise des tribunes du Parc (enfin, celles d’avant les caprices qataris). À un journaliste qui demandait à Friedrich Nietzsche ce qu’il y avait au delà du bien et du mal, le philosophe allemand aurait répondu :
PSG, natürlich, sombre crétin!” Voilà.

Virage : Grégory, cette première question est certes un peu ironique mais on se devait de te la poser : Ce livre existerait-il si tu étais né un an plus tôt ou un an plus tard ?

Grégory Protche : Je ne l’aurais jamais écrit. C’est une évidence ! De l’instant où j’ai aimé le PSG, il y avait aussi cette dimension. Pour moi, il y a un truc d’élection. C’est évident que c’est mon Club parce qu’on est né au même moment. Et puis, pour dire toute la vérité, je ne l’aurais pas non plus écrit si Patrick Besson (en toute objectivité, le plus grand écrivain français vivant, ndlr) ne m’avait pas présenté l’éditrice du livre…

Virage : Très vite dans le livre, tu dis que la France de ton enfance était Rocheteau et toi Bathenay. C’est à dire ?

Grégory Protche : N’ayant pas la télé, le foot pour moi, c’était un livre, “L’Année du Foot” et les discussions à l’école. Et pour tous les gamins qui s’intéressaient au foot à l’époque, qui étaient moins nombreux qu’aujourd’hui, il n’y avait que deux mecs, Platini et Rocheteau. Et surtout Rocheteau en 1977-78. Platini, ça vient petit à petit. Moi, Rocheteau m’a jamais vraiment touché, ce n’était pas un très grand dribbleur et chez Bathenay, il y avait un truc d’attitude et je lui ressemblais, on avait la même frange (rires), la frange ridicule d’un gamin des années 70. Sur les vignettes Panini, il avait la même coupe de merde que moi. Et il ne souriait pas et quand tu es gamin, ne pas sourire, ça donne une contenance quoi… Je me disais qu’il fallait faire comme Bathenay, c’était une bonne attitude… Et sinon, je n’ai jamais réussi à trouver pourquoi il avait quitté Saint Étienne pour le PSG. Parce qu’il était au sommet de sa carrière à Saint Étienne, Platini allait arriver, il avait toutes les raisons de rester là-bas. Je ne sais pas pourquoi il a choisi Paris… Mais c’est lui qui m’amène à Paris. Je sors des Verts comme tout le monde. Pour arriver à PSG tout seul, dans la vie comme dans la cour de récréation. En suivant Bathenay donc.

Bonjour je m’appelle Dominique et tu vas perdre cette finale

Virage : Comme la plupart des amateurs de foot de l’époque, tu as donc été Bleu puis Vert avant de devenir parisien. C’était en partie lié aux rares diffusions télé, qui privilégiaient l’équipe nationale et les grandes heures stéphanoises ?

Grégory Protche : Oui. Pour les Verts, c’est évident. Pour les Bleus, ce n’était pas du patriotisme, plus un truc d’appartenance. Mais comme j’étais pour la France au rugby, pendant le tournoi des V nations, alors que je ne m’étais jamais intéressé au rugby…

Virage : On apprenait à aimer certains joueurs presque sans les voir…

Grégory Protche : Ouais, moi, c’était donc par les bouquins de Jacques Thibert, “L’Année du Foot” et la radio principalement, en particulier Guy Kédia sur RTL. Repose en paix ! Ça avait son charme d’entendre “But au Parc !” Sans savoir qui avait marqué, nous ou les autres… Mais oui, c’est d’abord de la radio plus que de la télé.

Virage : Ta première épopée télévisuelle footbalistique, c’est 1978, la Coupe du Monde en Argentine ?

Grégory Protche : Il y avait eu quelques matchs européens avant ça mais sinon, oui, c’est le premier souvenir télévisuel important. La Coupe du Monde pour un môme, c’est mieux qu’une fête d’anniversaire, c’est mieux que tout ! Quand tu découvres dans Télépoche la grille des matchs et que certains jours, il y a jusqu’à trois matchs !!! J’ai regardé la finale tout seul devant la télé, tard dans la nuit. J’avais réussi à imposer cette finale à ma famille qui avait fini par aller se coucher vu l’heure tardive de la diffusion. Et après, les chiens ont cassé la télé et j’ai raté intégralement l’Euro 80 parce qu’on a mis un an à racheter un poste… Ça, c’était vraiment un drame parce que je commençais vraiment à être un peu plus documenté, à lire Onze…

La victoire, c’est un truc de gosses

Virage : Tu écris que la victoire dans le foot, ce n’est pas le plus important, c’est presque anecdotique…

Grégory Protche : J’écris ça à 48 ans (rires). Le 6-1 au Camp Nou… Je n’ai pas trouvé ce soir-là que la défaite nous grandissait… Mais la victoire, c’est un truc de gosses. Mais les victoires, de quoi veux-tu te souvenir ? Tu n’as rien senti pendant qu’elles avaient lieu. Tu es comme en lévitation quand ça se passe. Alors que la défaite, pendant tout le match, elle te plombe, c’est long, c’est insidieux et c’est peut-être beaucoup plus puissant d’ailleurs que la victoire. Et en fait, moi, je voudrais qu’on gagne la ligue des Champions juste pour ça. Pour voir si le lendemain, j’arrête de m’intéresser à PSG, si je peux vraiment passer à autre chose.

Virage : C’est adolescent que tu deviens vraiment supporter de Paris ?

Grégory Protche : Oui, j’y tombe avec l’adolescence, dans un truc de haine et de guerre contre le monde entier. Il n’y a qu’une seule équipe qui ressemble à la guerre contre le monde entier, c’est PSG. Moi, je ne suis pas fier d’être parisien, je suis fier d’être détesté par toute la province. C’est très différent des marseillais qui ont un truc positif dans leur sentiment d’appartenance. Il n’y a pas de truc parisien qui nous unit, les supporters de PSG. Et donc, ce qui nous unit, c’est cette détestation des autres, aussi cette nécessité de fabriquer une mythologie basée sur la défaite, les exploits qui ne servent à rien et toutes nos tares permanentes. PSG a passé son temps depuis ses débuts à acheter des mecs qui ne servent à rien. On a acheté Lucas quand même ! Van der Wiel, tous ces mecs… C’est une constante ! Je deviens donc supporter de Paris. Et je tombe très très fan de Mustapha Dahleb parce qu’il est dans le bouquin de Jacques Thibert, parce que dès qu’il prend la balle, il dribble deux-trois mecs…

Pousse Mouss’

Et puis il y a la finale en 1982. Là, c’est le tournant total, définitif. Parce que le peu de sentiments qu’il me reste pour Saint Étienne en début de match… Je suis pour Paris mais ça me fait quand même chier qu’on joue celle finale contre Saint Étienne, d’autant plus que Saint Étienne est objectivement plus fort que nous. C’est le début de l’ère Platini. Je vois le match à la télé, encore tout seul, le 15 mai. Et c’est le premier match télévisé du PSG de tous les temps. C’est la première finale qui va aux pénos parce qu’il y a la Coupe du Monde derrière et qu’on ne peut pas refaire jouer le match en cas d’égalité. Et aux commentaires, Roustan et Denisot. C’est la première fois que j’ai transpiré, gueulé devant un match. Il y a tout dans ce match. Jusqu’à l’invasion du Parc par les supporters bien avant le coup de sifflet final. Ils ont l’air menaçant mais il ne se passe rien. Il y a une partie qui se trouve juste derrière les buts pendant les pénos. Je ne suis pas sûr que pour les Stéphanois, c’était très équilibré… Et juste derrière, il y a Susic qui arrive. Décembre 82. Premier match contre Monaco. Défaite. En fait, Sušić, c’est un mythe. Tous les mecs qui ont vu jouer Sušić au Parc, même les supporters non parisiens, ont compris qu’il se passait quelque chose de magique avec lui à une période. Tu cristallisais sur lui tous les fantasmes parce que tu avais une équipe de perdants mais tu avais avec lui un super héros.

Virage : Tu dis toujours PSG, jamais le PSG. Pourquoi ?

Grégory Protche : Parce que c’est une ville, une personne avant d’être tout à fait un Club. PSG, c’est un personnage, tout s’incarne en lui. Et il est au delà de la structure sportive. Un des trucs transversaux incroyable à Paris, c’est de réussir à réunir les plus bas du front des plus cons de tous les prolos aux plus raffinés des esthètes sur ce truc de la défaite. Être d’accord tous ensemble parce qu’on a gagné, d’aller sur les Champs parce qu’on a gagné, moi, ça ne me touche pas. Mais réussir à se reconnaître dans une assemblée au nom de la défaite glorieuse ou du gâchis magnifique, pouvoir rire avec un mec en toute fraternité parce qu’il a regardé le match où on perd à la Corogne et qu’il est capable d’en rire, malgré la douleur, moi, ça me… C’est ça Paris. Et donc, je dis PSG parce que PSG est un être humain. Avec mon pote quand j’étais gosse, c’était “T’as regardé PSG ?”. Il y a certainement un gain qualitatif dans “le PSG”. Mais moi, c’est PSG.

Découvrir l’esthétique, le drame, la grandeur

Virage : 14 octobre 1977, PSG-Troyes au Parc, ton premier match là-bas, avec ta mère. Tu écris: “C’est je crois la seule fois de ma vie où je suis entré au Parc avec une femme.” Tu précises que ce jour-là, il y avait 9380 entrées payantes…

Grégory Protche : Mais je ne peux pas entrer au Parc avec une femme. C’est comme d’emmener une meuf en boîte (rires). C’est une drôle d’idée. Et puis, au Parc, tu sais que tu vas dire des grossièretés, être d’une mauvaise foi absolue…
Mano : C’est un vrai moment entre mecs comme elles, elles font du karaoké entre nanas…
Grégory Protche : Je vais faire un compromis : Je veux bien qu’il y ait des femmes en présidentielle mais pas en virages… À la rigueur au Stade de France pour les bleus, là, tu peux y aller en famille, ça n’a pas d’importance…

Virage : En tout cas, ce jour-là, tu entres au Parc. Et tu décides très rapidement que PSG, c’est peut-être avant toute autre chose le Parc ?

Grégory Protche : Oui. L’acoustique, dans un Parc vide, elle est peut-être encore plus puissante d’une certaine façon… Il n’y avait qu’un enfant que je pouvais vraiment emmener au Parc. Qu’il soit de moi ou qu’il soit mon beau-fils. En l’occurence Oudima… Un petit mec. En me disant que là, je le fais rentrer dans un truc… Je lui fais découvrir l’esthétique, le drame, la grandeur (rires).

Michel, dans l’ombre de Safet

Virage : Il y a un autre match qui compte dans ton parcours de supporter, c’est celui contre la Juve en 1983… Tu y consacres de nombreuses pages. Et on retrouve le grand Sušić !

Grégory Protche : Oui parce qu’il a réussi dans ce match tout ce qu’un grand numéro 10 peut faire en 40 minutes, avec sur le dos deux défenseurs dont Claudio Gentile, qui, à l’époque, est le bourreau de tous les artistes. Et à l’époque, Sušić joue dans un PSG qu’on ne peut même pas se figurer tellement il est déséquilibré, il n’y a que des bras cassés, il y a trois bons mecs en tout : Un Bathenay vieillissant, un Fernandez jeune et qui commence à s’affirmer, et Baratelli dans les cages. Le reste, c’est Sušić qui le fabrique tout seul, qui invente, qui met les mecs en position. Mais sinon, l’équipe n’est pas au niveau. Et c’est donc là que Sušić est parisien à jamais. Il ne peut pas réussir ailleurs, il faut qu’il soit le meilleur joueur d’une mauvaise équipe. Pour à chaque fois, contre les grandes équipes, être très très fort.

On ressent, tous, la même trouille

Virage : Page 149, tu écris: “C’est à elle, la peur, qu’on reconnaît le supporter parisien.”

Grégory Protche : J’avais des potes marseillais quand j’avais quinze ans, je ne les ai jamais vus avoir peur comme moi j’ai peur. Dès que je regarde un match de PSG, au Parc ou devant la télé, avec des supporters parisiens, on ressent, tous, la même trouille. Cette même impression que la supercherie va s’arrêter, que la blague que nous sommes va apparaître aux yeux du monde. La peur et les fantômes. Toutes nos défaites passées ridicules. Perdre contre Tel Aviv au Parc, Videoton, la Corogne, pour moi, c’est encore vivace (rires). Il y a eu aussi le 6-0 infligé par la Juventus au Parc… Supporter de PSG, c’est surtout des moments durs.

Virage : Mais cette peur typiquement parisienne ne vient-elle pas surtout du manque d’histoire du PSG, ne nous manque-t-il pas cet ADN qui fait les grands clubs et qui sert à étouffer cette fameuse trouille ?

Grégory Protche : Certainement… Pour dépasser, pour exorciser ça, il faudrait peut-être qu’on arrive un jour à l’exemple d’une Juventus, c’est à dire à avoir six ou sept Parisiens dans l’équipe, de formation et de naissance, franciliens en tout cas… C’est pour ça que je fais de Kimpembé, plus encore que Rabiot, un truc fondateur. Si on arrive à garder Kimpembé et à le mettre en bonne situation, ça annoncera peut-être quelque chose… Parce qu’on aurait un futur patron. Mais notre histoire démontre qu’on est aussi capable de perdre Kimpembé comme des cons. Mais s’il joue les prochaines années comme titulaire, il se peut qu’il ne s’en aille plus jamais ! Il deviendrait un espèce de Maldini. Et puis, Kimpembé a une vraie valeur symbolique.

Le Turfu au pouvoir

Virage : Dans ton livre, Oudima, ton beau fils, occupe une place de choix. Sans faire de psychologie de comptoir, cet ouvrage est-il également une affaire de transmission ?

Grégory Protche : Moi qui suis contre l’héritage, c’est la seule chose que je peux léguer à Oudima, une passion.

Virage : Drôle de cadeau. Aimer le PSG, c’est aimer surtout souffrir…

Grégory Protche : Je regrette pour lui de ne pas lui transmettre la passion pour le Real de Madrid ou pour une équipe qui gagne. Mais il a très vite pris le pli de cette espèce d’amertume du supporter parisien. On est détesté parce qu’on est numéro 1 mais on n’est pas vraiment numéro 1 non plus (rires).

Virage : Oudima, du haut de tes quinze ans, crois-tu que le PSG va finir par gagner la Ligue des Champions ?

Oudima : Un jour. Mais franchement… Je serai vieux.
Grégory Protche : Vas-y, parle, ici, c’est comme au Parc, tu peux insulter qui tu veux…
Oudima : Vieux, genre vingt ans.
Grégory Protche : Oudima sait que PSG peut aujourd’hui gagner des grands matchs.
Oudima : Ouais mais pas des grands trophées.
Grégory Protche : Oudima, ça fait cinq ans qu’il voit Paris écraser le championnat, en mettant bien sûr l’année dernière de côté. Nous, nous nous satisfaisions de peu. Là, pour épater un jeune qui suit PSG, il faut la Ligue des Champions…
Oudima : Le championnat, c’est bon quoi ! Ça fait presque pitié là. C’est devenu chiant. On fait les forts en France mais en Europe… Regarde le Real ! Ben nous, on est le Real mais juste en France…
Grégory Protche : À Paris, il y a une difficulté à souffrir. Et je trouve que Di Maria incarne ça : Un mec qui fait semblant d’aller au contact et qui s’arrête toujours avant…

Il y a aussi une dimension identitaire

Virage : Revenons à cette histoire de transmission, de passion…

Grégory Protche : Oui, j’essaye de lui transmettre ça, avec ce truc qui m’a beaucoup perturbé dans le film “La Couleur de l’Argent” de Scorcese. Dedans, Paul Newman se refait une virginité en transmettant sa passion, son vice et aussi les arnaques à un jeune mec (joué par Tom Cruise, ndlr). Effectivement, Newman lui donne un truc génial, le billard, il lui a donné les clés pour qu’il devienne un grand champion, le virtuose des virtuoses mais en même temps, il lui a donc transmis un vice.

Virage : Là, c’est moins un vice qu’une malédiction ?

Oudima : Mais oui ! Avec des 6-1 !
Grégory Protche : De mon point de vue, je dirais que je l’ai fait accéder à l’esthétique. La seule consolation. Ça, il l’a déjà compris, il a même déjà le côté perdant (rires)…

Virage : Oudima, en toute franchise, c’était comment le lendemain de cette putain de remontada ?

Oudima : C’était atroce, j’avais envie de faire du mal à des gens. Atroce.
Grégory Protche : Quand le match était fini, avant de monter dans sa chambre, il me regarde et me dit: “On a vraiment pris trois buts en huit minutes ?”. Il y a aussi une dimension identitaire là-dedans. La défaite fondatrice et unifiante nous exclut de tout le reste des gens. C’est à dire que les gens qui aiment dans le foot la victoire, le nombre de buts, l’offensive, ils ne peuvent pas être pour nous. De ce point de vue là, il y a encore une petite grâce à être supporter parisien. Ça se mérite. Supporter de l’om, c’est à la portée de tout le monde. Même les bonnes femmes sont pour l’om. Je l’avais écrit à l’époque dans les Cahiers du Foot : « Tout le monde peut arriver à être supporter de l’om, il n’y a même pas besoin d’aimer le foot… »

Ombre et lumière

Virage : Et dans tout ça, pour finir en beauté, Neymar, on en fait quoi, Messieurs ?

Oudima : Alors, on l’humilie, même si ça va être dur parce que c’est lui qui va nous humilier. On lui fait du mal, on lui supprime son salaire et quand il nous supplie de rester, on le vend. Il nous fait gagner la ligue des Champions et après, c’est bon, on le vend à Romainville…
Grégory Protche : Neymar, c’est la rupture avec le PSG Pastore, charmant, sublime et désespérant. Neymar, c’est un gagnant de tempérament. C’est pas un esthète. Il joue très bien, il est très beau à voir jouer mais il ne joue pas pour perdre. Chez Pastore, il y a une dimension abstraite, on ne sait pas pourquoi il joue vraiment. En tout cas, il n’y a probablement qu’à Paris qu’un joueur comme Neymar puisse être déjà contesté après même pas une saison passée au Club.

Virage : Grégory, Oudima, on vous avait demandé de préparer votre onze idéal du PSG. Ce sera votre conclusion également…

Grégory Protche : Moi, j’en ai deux…

Lama saluait toujours les supporters

Virage : Aucune chance Monsieur Protche ! Trop facile. Un seul onze type !

Grégory Protche : Quelle horreur… En gardien, Lama. Parce que c’est Yachine. Les quelques rares images que j’ai pu voir de Yachine, il y avait cette même impression de souplesse, de longueur de bras, et le pantalon de survêtement qui jouait énormément dans la silhouette de Lama. Et ses râteaux en pleine surface ! Dangereux mais magnifiques ! Et je n’oublie pas que Lama saluait toujours les supporters. Tous les supporters, même à une époque où ça ne devait pas être simple tous les jours… Ce n’est pas rien. Il y a un truc qui est vraiment beau là-dedans… Ensuite… Ce sera un 3-5-2. Jamais je ne jouerai dans ce schéma mais là, ça m’arrangeait (rires). Défense : Kimpembé, Marquinhos, Heinze. Puis Luis et Sorin. Sorin, c’est l’une des plus grandes tristesses pour moi. Qu’on n’ait pas pu garder ce mec là ! Il a joué je crois 25 matchs, il était infernal sur le terrain et quand il a joué, on n’a jamais perdu. Voilà un mec qui transmettait au reste de l’équipe quelque chose par sa simple activité. Ensuite, Javier, Dahleb et Safet. Et en attaque, Cavani et Ronaldinho. Pas Raí ? Non. Moi, j’ai connu Socratès, et donc, Raí, c’est la classe en dessous ! Il était formidable, dans cette époque-là, il était l’âme de l’équipe mais c’est une équipe que j’ai moins connue, je n’allais pas au Parc, j’ai vu peu de matchs à la télé. C’était pas le mien de PSG. À la limite, celui d’aujourd’hui l’est presque plus… Pas Pauleta non plus même si c’est un Saint Homme et homme sain si je puis dire… C’était un travailleur, il était sérieux et je le dis dans le livre : “C’est quand même un mec qui croit en l’humain, il combine avec Bernard Mendy…” (rires). Et Fabrice Pancrate. Tous ces joueurs tocards des années 2000, je les adore tous ! Mais tous ! Potillon, Pédron, Hellebuyck, tous !
Oudima : Bernard Lama. Aurier. Kimpembé. Silva. Maxwell. Verratti. Sušić. Ronaldinho. Neymar. Pauleta et Cavani. Ouais, je mets Neymar, même après tout ce que j’ai dit. Il est trop fort, quand même…

Mano conclut cette charmante soirée par un “Plus je vieillis et plus j’aime les Blondes” savoureux, alors qu’Anne-Laure Bonnet tend son micro aux joueurs madrilènes et munichois après le match. Une femme pour la nuit, PSG pour la vie.

Disponible le 30 mai 2018.


Jérôme Reijasse