Un artiste afro-américain célèbre et néanmoins aveugle a déclaré un jour au détour d’un refrain : « When you believe in things you don’t understand, then you suffer, Superstition ain’t the way. » A titre personnel je ne suis pas d’accord avec le point de vue (enfin presque) de ce bon vieux Stevie.
Alors peut être que je suis un peu masochiste, c’est sans doute un début d’explication, mais il y a d’autres raisons assez évidentes selon moi.
Vous pouvez retourner supporter le Real de Madrid ou le Barça
Et là tout de suite, vous vous demandez où je veux en venir. C’est bien normal.
Avant toute chose passons un contrat entre nous : si vous ne comprenez pas la suite de ces propos, c’est que nous ne partageons pas les mêmes valeurs et vous pouvez retourner supporter le Real de Madrid ou le Barça parce que, comme vous le dites si bien :
« Tu comprends, moi ce que j’aime dans le football c’est surtout le beau jeu, et pourquoi tu supportes une seule équipe, et pourquoi le PSG en plus ? C’est nul, ils jouent mal… »
Ma réponse : Mais parce que je souffre ducon !
Parce que chaque match est un moment difficile à passer, parce qu’à chaque passe ratée de Javier Pastore, chaque passement de jambe inutile de Lucas, chaque discussion de Marco Verratti qui découle inévitablement sur un carton jaune, chaque contrôle dans les tribunes d’Edinson, je peste, je manque d’envoyer ma télécommande dans la télé, de résilier mon abonnement beIN Sports…
Parce que je refuse tout simplement la défaite de MON club. Que chaque match perdu est un week-end foutu. Et soyons clair, ça ne s’est jamais arrangé, aujourd’hui comme hier, que ce soit avec Fred Dehu ou Thiago Silva au même poste, c’est pareil.
Nés pour souffrir
Voilà, « Then You Suffer ». Là dessus on est d’accord.
Mais « Ain’t The Way », là non. Pas d’accord.
Pas d’accord, parce que le sel du supporter c’est la souffrance, c’est cette attente interminable du but, du coup de sifflet final qui te fait serrer les points de rage et de soulagement, du trophée tant espéré.
Qu’être supporter c’est avant tout de la frustration, de l’attente, et puis tout à coup une lumière qui s’allume, une action qui finit au fond après une belle danse (un Tango avec Javier Pastore au hasard), comme une belle histoire d’amour, dont la fin n’est pas toujours jolie jolie. C’est ça l’amour, c’est ça le football, c’est ça la vie !
Il y a je crois un groupe de supporters historiques bastiais dont la devise est « Nati per soffre ». Nés pour souffrir. Voilà. Parfait, court efficace et tellement lucide. Visionnaire même…
Alors comment palier à cette affreuse souffrance hebdomadaire, voir bi-hebdomadaire, Champions League et coupes obligent ?
Il existe une solution : la croyance, la superstition à laquelle on se rattache comme un dirigeant à ses stock-options.
Une espèce de rituel qui te permet de tenir le coup. Car comme tout le monde le sait, là où il y a des peuples qui souffrent, il y a des religions, des évangiles utiles et pratiques pour guérir l’agneau perdu.
Alors bien sûr on parle souvent des ces footballeurs qui portent toujours le même slip, ou de l’anecdote, que je trouve assez croustillante, de ce gardien argentin, Sergio Goycochea, qui pissait sur la pelouse à proximité de sa surface juste avant chaque séance de pénos.
Mais il existe d’autres alternatives.
Pour ma part, il y a bien sûr l’écharpe porte bonheur, celle qui ne me quitte jamais au Parc.
Mais lorsque les matchs ne se déroulent pas dans le plus beau stade de France, que dis-je du monde, comment faire ?
Quand on est comme un con dans son salon, devant son écran plat, à flipper… seul (ta meuf ayant décidé intelligemment de quitter le champ de bataille pour 90 min.).
C’est dans ces moments de solitude que tu inventes des trucs fous pour éviter de souffrir et encore souffrir, et par finir de te persuader que c’est la solution…
La Routine
De mon côté, étant incapable de tenir tout un match commenté de surcroit par l’infatigable Grégoire Margotton associé à cet anti-Parisien notoire qu’est Christophe Dugarry, qui a eu la chance d’être champion du monde par hasard (mauvaise foi gratuite et salvatrice), j’ai mis en place une petite routine qui permet de faire baisser mon niveau cardiaque à peu près efficacement.
Un peu comme un golfeur qui reproduit toujours les mêmes gestes avant de jouer sa balle et réussir le coup parfait. Etant entendu que cette routine portera forcément bonheur…
Voilà la chose :
1/ J’éteins la télé, mais je garde la télécommande à portée de main
2/ Je branche mon téléphone sur l’appli du club (et uniquement celle du PSG, sinon ça porte malheur) et sur le live report du match
3/ J’ouvre la fenêtre…
Croire c’est aussi oublier
La phase N°3 n’étant pas du tout destinée à me jeter dans le vide en cas de défaite, mais tout simplement car j’ai des voisins également supporters qui à chaque but hurlent allègrement, aspergeant tout le quartier de leurs cris de joie ou de rancoeur…
De fait, je suis immédiatement informé de chaque action… et là, si et seulement si je devine une bonne nouvelle je regarde immédiatement mon téléphone, je vérifie qu’on a bien ouvert le score… Et j’allume ma télé pour voir le ralenti du but.
Et tout ça pendant 90 min.
GENIAL.
Je vous conseille de faire de même… On atteint un niveau de romantisme multimédia ultime. On réussit l’incroyable exploit de réunir 3 outils de communication en même temps. Une expérience à 360° comme disent les experts en communication.
Et il parait que ça marche… je ne me souviens pas avoir vécu de défaite ainsi, enfin si c’était le cas je l’ai déjà oublié, on ne se souvient que des bonnes choses.
Croire, c’est aussi oublier.
Post Scriptum : Autre avantage de cette pratique, on peut aussi choisir de regarder un autre match en même temps sur sa télé, en se tapant par exemple un bon derby milanais Inter vs. A.C., et du coup de se rappeler que Jeremy Menez, notre enfant prodige du 9.4., ne méritait pas de partir comme ça de son club de coeur… JM7, JP27 même combat. Love and Haters United.