« Regarde : Quelque chose a changé. L’air semble plus léger. C’est indéfinissable.
Regarde : Sous ce ciel déchiré, Tout s’est ensoleillé. C’est indéfinissable
Regarde : C’est fanfare et musique, Tintamarre et magique, Féerie féerique.
Regarde : (…) On en a tellement rêvé (…) »
Oui, comme le chantait Barbara, quelque chose a changé.
Il y aura un avant et un après 31 mai 2025. Plus rien ne sera jamais pareil.
Nous n’oublierons jamais où nous étions ce jour-là, ni avec qui nous étions.
Un moment d’éternité rare comme il en existe peu dans l’existence.
Pour ma part, tout commence le vendredi matin. Départ en voiture. Road to Munich pour le match d’une vie. Escale à Strasbourg. Visite. Bière. Ballade. Bière. Tuer le temps. 19h direction un restaurant traditionnel alsacien réservé deux jours avant. En chemin nous nous apercevons que nous avons perdu les clefs de la voiture ! Premier stress du week-end ! Automatiquement je pense à ma malédiction des finales européennes du PSG (cf l’épisode précédent Road to Munich | Virage). Garder son calme, réfléchir, trouver une solution, invoquer les cieux ! Comment se rendre en moins de 24h à Munich sans moyen de transport ? Tout d’abord refaire tout notre trajet en sens inverse en regardant par terre au cas où elles seraient tombées en marchant. Aller voir dans le dernier bar si elles n’auraient pu choir à ce moment-là. Le ciel est avec nous, un client les avait effectivement trouvées à terre et les avait données au patron. Soulagement. A quoi ça tient une finale…
Au dîner en dégustant notre choucroute bien méritée, nous ne pouvons pas ne pas penser que le lendemain à la même heure nous serons (enfin si tout va bien) au stade. Le nuit fut courte et le sommeil rare. Road to Munich D-DAY ! Enfin !
Une fois arrivés, rapide balade dans Munich, on croise des parisiens, des intéristes, l’ambiance est bon enfant. Pour conjurer le sort nous mangeons italien, symbole. Ce soir aussi il faudra les bouffer. Pas de fan zone, pas de navette, nous décidons avec impatience de prendre le métro pour le stade. Nous sommes précédés dans la station par des ultras parisiens, chants, fumi, la polizei ne sait plus où donner de la tête. Nous serons donc longtemps immobilisés, le temps que l’afflux massif de supporters finisse par se déverser dans les rames. A la sortie du train nous sommes mal dirigés, heureusement qu’il n’y a pas d’animosité entre les supporters des deux camps. La légendaire organisation allemande n’est plus ce qu’elle était. Finalement nous arrivons à trouver notre chemin, la voie vers la lumière, vers la terre promise.
Le temps de donner autour du stade une interview pour la télévision chinoise et nous voilà enfin dans notre tribune. Légèrement décalés derrière les buts rang 19. Nous sommes bien placés. Mieux serait indécent. Le hasard a décidément bien fait les choses car se trouve à mes côté Aymeric, mon célèbre camarade de Virage. Le match est dans plus d’une heure. Comme à mon habitude j’aime me promener dans les coursives humer l’esprit des coulisses. Devant moi dans la queue menant à la buvette Vikash Dhorasoo, on m’apprend alors que la bière est sans alcool, tant pis je boirai de l’eau. De la bière sans alcool à Munich… L’Allemagne n’est décidément vraiment plus ce qu’elle était… Je sors fumer avant que tout ne commence. Je croise Vincent Guérin, Alain Roche et Jimmy Algerino. Aucun doute, toute la famille PSG est là. Entre deux poubelles, un supporter parisien s’est endormi après avoir dégoupillé sévère, visiblement il a consommé sans modération des produits déconseillés pour la santé. A moins que ce ne soit la bière sans alcool ?
Je m’installe tranquillement adossé à la rambarde, je regarde ce gigantesque canot pneumatique qu’est l’Allianz Arena, et tout autour le va et vient de supporters rouge et bleu duquel se dégage une sereine tension. Nous savons tous que si tout se déroule comme prévu nous allons gagner. Nous sommes meilleurs, nous le savons. Depuis janvier tout nous souris, nous marchons sur l’eau. Les planètes sont alignées. Si ce n’est pas aujourd’hui ce ne sera jamais. Nous le savons mais nous savons aussi que nous somme le PSG. Que nous allons souffrir jusqu’au bout, que l’irrationnel n’est jamais loin. Une dernière bouffée et je regagne ma place. Plus le coup d’envoi approche et plus l’émotion se fait sentir dans les gradins.
Hymne de la Ligue des Champions. Des premières larmes coulent autour de moi, il y en aura bien d’autres encore. Pendant et bien sûr après le match. Les joueurs sont prêts, nous aussi, ils sont en mission, nous aussi. Ce soir c’est pour nous. Tout le monde chante et pousse, il ne faut faire qu’un. Premier but comme à l’entrainement et comme dans un rêve. Une entame parfaite. Puis à peine dix-huit minutes plus tard, juste devant moi le geste démentiel d’engagement et de maitrise de Pacho, suivi de la chevauchée de Kvara qui pousse le ballon sur Dembouz qui la passe vers DD, contrôle, frappe déviée, deuxième orgasme collectif. Deux buts d’avance à la vingtième minute… Attention à ne pas tomber dans l’excès de confiance comme contre Aston Villa. En fait je joue à me faire peur. Je sais très bien que ce soir ça n’a rien à voir.
Mi-temps. Inutile de parler, nous savons tous ce que nous ressentons. Si on ne fait pas les cons… Ça sent plutôt bon.
63ème minute, notre maître à jouer portugais (si ce n’est pas lui c’est l’autre) réalise une énième action de très grande classe pour lancer notre breton neymarien qui d’une frappe sèche nous entrouvre les portes du paradis.
Pas le temps de se dire, « oui mais si on en prend un », que mon chouchou géorgien, au style tellement particulier, fait devenir le rêve réalité et ouvre cette fois en grand les portes du Nirvana. Délire, pleurs, embrassades, nous avons en plus le luxe extrême de pouvoir savourer les dernières minutes en toute tranquillité, aucun stress, que du bonheur, un moment tellement rare et unique, ces minutes suspendues dans un parfum d’éternité resteront les plus belles quoi qu’il arrive dans le futur. Notre histoire est en train de devenir légende sous nos yeux.
A cet instant, je pense que je ne suis pas le seul, je ne peux m’empêcher d’avoir une pensée pour nos proches partis trop tôt, mes amis Thierry le Saint-Germanois, Jérôme supporter borellien du PSG devant l’éternel qui auraient surement été là si… Mais je le sens il est là quand même, je le sais, il ne peut pas rater ça. Et bien sûr, ma maman partie rejoindre les étoiles, que l’on tutoie aujourd’hui, le soir de PSG-Liverpool. You’ll never walk alone… Comment ne pas penser à Francis Borelli le passionné contagieux, le fou d’amour pour ses couleurs, je suis sûr qu’il embrasse la pelouse là-bas devant le banc des entraineurs pendant qu’un titi nommé Mayulu vient, comme le gamin espiègle qu’il est, faucher les clefs de Saint-Pierre pour permettre à tout le peuple parisien d’accéder définitivement au domaine des cieux. 5 à 0. Dans la langue du coach, une belle manita, ou de manière un peu moins classe, un beau fist… en anglais. Une belle « frustata traumatizzante » comme on dit de l’autre côté des Alpes. Certains supporters nerazzurri sont déjà repartis…
Le reste appartient (aussi) déjà à l’histoire. Peu importe la suite, plus rien ne sera plus jamais comme avant. Champion d’Europe, et dans un match qui marquera l’histoire du football. Aucun club n’avait réalisé un tel score en finale. Et ce record n’est pas prêt de tomber. Le football était un sport, nous en avons fait un art. L’art et la manière. Nous avons atteint notre inaccessible étoile. Tiens, en parlant d’étoile il y en a une qui vient d’être enterrée à sa place d’origine, à jamais dans un jardin à Valenciennes. Les marseillais n’ont plus rien, ils sont comme leurs vieux 45 tours, définitivement rayés (de la carte). Après tant d’années de branlées et de fessées, on vient de les achever. Ils sont plus près de La Pomme que de Saint-Marcel comme on dit là-bas…
La seule crainte après les émotions vécues ce soir-là c’est le « Et après ? » La peur du grand vide. Vais-je encore vibrer pour un PSG-Lorient ?
Notre berger Luis Enrique m’a rassuré : « le meilleur reste à venir »
Mais en avais-je vraiment besoin ? Faux suspens encore une fois, je sais déjà que le championnat démarrera à Nantes le week-end du 15 août et que je serai au Parc contre Angers une semaine plus tard. Comme toujours mais plus jamais comme avant.
Quelque chose a changé. L’air semble plus léger. C’est indéfinissable…