Noir c'est noir virage psg

Noir c’est noir

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Negru. Noir, en roumain. Ça ne pouvait arriver qu’au Parc des Princes. Une nouvelle fois, Paris défie l’Histoire. À jamais les premiers.


Ce soir, franchement, je craignais plus une Erdoganada. Défaite contre des Turcs bien teigneux, match nul entre Redbull et Red Devils. Patatra. Europa League, énième drame familial, énième traumatisme qui nous aurait confirmer qu’une tragédie peut toujours imposer aux fidèles un nouvel acte. J’imaginais aussi une victoire facile du PSG, une première place inespérée après notre départ calamiteux. Une soirée tranquille et apaisée avec la qualification en poche. Mais ça… non. Vraiment pas.

Les manifestations ouvertement racistes, au Parc, j’ai connu. Cris de singe, allez les Blancs, la France aux Français, on connaît tous la liste des chants et slogans pas franchement humanistes. Voilà quarante piges que je me prends dans la gueule par les ennemis du PSG avec qui il m’arrive fréquemment d’échanger, que mon Club est l’antichambre du fascisme pur et dur. Mais là, ce n’est ni Batskin ni l’anonyme abonné, noyé dans la masse. Ce n’est pas un joueur, irrité par trop de fautes, qui finit par rappeler à son adversaire d’une manière peu élégante sa couleur de peau, ou, provocateur, qui multiplie les insultes racistes pour pousser l’autre à dégoupiller. Non. C’est un flic. Pardon, un arbitre, le quatrième plus précisément. C’est l’autorité qui, décomplexée, intouchable, se lâche. Même pas en fait. C’est un petit chef qui parle comme il parle chaque jour que Dieu fait.

Accusez moi d’abject collaborateur, d’ignoble relativiste mais je reste, à 1h02 du matin, alors que j’écris ces lignes, persuadé que ce Roumain condescendant n’est pas un raciste politique, un membre éminent du KKK des Carpates. Ce n’est pas un convaincu. Il a dit Noir comme il aurait dit Gros ou Rouquin ou PD. Au max, il se sent différent. Pas supérieur. J’ai connu dans mon enfance des gens comme lui. Ils disaient parfois Nègres, Mahométans, youpins. Ils faisaient des blagues racistes, comme Coluche. Ils riaient et ne savaient rien. Et puis, un jour, un Nègre épouse leur fille, un Bougnoule ou un Youpin devient leur meilleur pote ou un collègue formidable. Et cette peur et cette curiosité de la différence s’effacent. Rapidement. On se renifle le cul et on se découvre des similitudes. On se jauge et on s’accepte. On finit par comprendre que l’apparence ne résiste pas longtemps aux actes et aux regards.

Je ne suis pas Noir. J’ai eu beau, comme Mathieu Kassovitz, aimer sincèrement Spike Lee, écouter du jazz et pleurer en écoutant Billie Holliday, rire aux larmes avec Chris Rock ou Eddie Murphy, ma peau n’a pas bronzé. Jamais ! Rien, que dalle ! Je ne peux pas ressentir la douleur de celui qui est réduit à la couleur de sa peau. Désolé. Ah si, une fois, il y a vingt ans, en Jamaïque. Un rasta me traite de sale blanc et crache par terre. À sa décharge, il avait fumé comme un porc, descendu quelques litres d’un alcool local dont j’ai oublié le nom et avait un œil en moins. Je lui ai souris et ai poursuivi mon chemin en rallumant moi aussi mon joint. Je revendique aux racistes le droit d’être cons comme tout le monde. Et d’un jour, passer à autre chose. Un Noir a pu vivre ça mille fois peut-être. La répétition de l’humiliation a de quoi foutre la haine. Je comprends. Mais je refuse de faire repentance. Je ne suis coupable de rien. Je refuse également de m’auto persuader que le racisme est le Mal absolu. Pour moi, cela se situe ailleurs. Ce n’est ni le problème ni la solution.

Une fois écrit ça, il reste quoi à un Français blanc comme moi pour ne pas se faire accuser de racisme en cette époque de délation publique permanente ? Il y a deux écoles : celle des Blancs qui en font des tonnes pour s’acheter une conscience noire : souvent, ils préfèrent utiliser le terme black, plus international, plus passe-partout, plus glamour d’une certaine façon, plus faux-derche et suspect évidemment, ils écoutent uniquement des musiques noires et se dandinent comme des frères et des sœurs, ils déboulonnent des statues et finissent par faire la queue en pleine rue pour embrasser à genoux des chaussures de descendants d’esclaves. Je leur laisse leur manque d’estime et leur culpabilité pitoyable. Finir par se haïr pour aimer l’autre ? Étrange démarche qui dissimule certainement des fautes et des hontes profondes.

Ou celle des mecs comme moi. Qui ne s’effondrent pas quand ils entendent des mots désagréables. Fils de pute par exemple. J’ai connu des potes qui pouvaient presque se battre à mort quand leur mère était insultée. Sur moi, les mots-shrapnels glissent. Je m’en branle. On ne peut pas souhaiter la mort d’un homme pour de simples mots. C’est absurde. Et puis, de riposter par un sourire, une vanne, une indifférence, c’est tellement plus frustrant pour le mal élevé ! « Oui mais si tu étais Noir, tu comprendrais ! C’est humiliant ! C’est difficile, violent ! » probablement. Encore une fois, je comprends. J’ai 49 ans. Ce racisme quasi systémique qu’on fait mousser dans la télé depuis longtemps, au quotidien, je le croise si peu finalement. Il existe mais est-il ce Mal qui nous ronge ? La première blessure à traiter ?

Regardez le travail de SOS Racisme. Trente ans à cultiver les différences et c’est là ! Les minorités face à face. Prêtes à l’affrontement. On se croirait dans cette scène finale formidable de Gangs of New York ! Blancs, Noirs, PD, Trans, nains, n’en jetez plus ! « Aimons nous vivants, n’attendons pas que le mort nous trouve du talent » écrivait le grand Socrate. Ou peut-être Aya Nakamura, me souviens plus… Égoïstement, j’aurai aimé que le mec du Erdogan FC foute son poing dans la gueule de l’arbitre. À l’ancienne. Justice sauvage et maîtrisée. Noir ? Pif paf et on reprend le match. Il faudrait peut-être réhabiliter la tradition du duel. Comme celle du combat des chefs. Il y aurait ainsi moins de carnages et moins de connerie. Et les gens pourraient enfin assumer, prendre leurs responsabilités.

Le racisme est un piège. Un marketing détestable. Je pourrais ici relater ce qu’il m’arrive d’entendre parfois, dans un bus, dans la rue. Des Noirs sur des Chinois. Des Arabes sur des Kabyles, etc, etc… La boucle sans fin. Le labyrinthe de merde. Vous la voulez vraiment votre société à l’américaine ? Vous êtes désespérants. La vie n’est pas un disque des Bérurier Noir (désolé mais c’est le nom du groupe, n’y voyez aucune provocation raciste hein !) ou de Skrewdriver. Bien sûr que non. Il y a celui qui a une âme et un code d’honneur et il y a tous les autres. White power ! Black Power ! Quelle branlette ! Moi, je préfère le Power of Love de Huey Lewis (ou celui de Frankie Goes To Hollywood pour les plus sensibles). J’emmerde les racialistes. J’emmerde les victimes militantes et les professionnels associatifs (une gageure !) de l’indignation. J’emmerde les races. Je veux de l’humour, un soupçon d’intelligence et de l’empathie. Est-ce trop demander ? Il semblerait…

En attendant, le match PSG-Erdogan FC est reporté à aujourd’hui. 18h55. Pendant que l’UEFA annonce lancer une enquête « approfondie ». Creusez, Messieurs les hypocrites. Creusez bien profond et pondez nous un jugement bien médiatique et pourquoi pas un énième clip antiraciste d’une connerie abyssale. Mascarade. Il y a une quinzaine d’années, ma femme m’annonce que dimanche prochain, nous allons déjeuner en grande banlieue chez son amie d’enfance Jacqueline. Née au Togo. Nous sommes à table. Sans attendre, je raconte à mon hôte cette blague : « Jacqueline, tu sais pourquoi Yannick Noah ne monte plus au filet ? » Silence de quelques secondes. Non, me répond elle. « C’est parce que ça lui rappelle sa capture ! » elle me regarde sans rien dire. Le vertige de cette hésitation, j’adore ! Avant de rire et de me dire que je suis bête. J’ai alors su qu’elle pouvait devenir mon amie à moi aussi. J’en profite d’ailleurs pour l’embrasser tendrement, elle qui lutte bravement contre une saloperie tenace. Bref, il ne devrait pas en être autrement. Arbitre, arbitre, on t’encule !

NB: Et on regarde UN FAUTEUIL POUR DEUX. Pas mieux pour devenir un tout petit peu moins con.


Jérôme Reijasse

Une réflexion au sujet de « Noir c’est noir »

  1. Excellent article.
    Cette histoire est une farce grotesque.
    On connait le racisme immonde de la Turquie d’Erdoagan, on sait même depuis que tout le banc turc insultait l’arbitre de « gitan »… Mais un homme-grenouille, copain sur les réseaux sociaux avec de islamistes bien gratinés, a désormais le pouvoir de pourrir la soirée de millions de personnes s’il lui prend une irrépressible envie de jouer à la victime (alors que c’est une ordure raciste et homophobe notoire)…

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