Un reportage de notre Gonzo dans les endroits les plus chauds et les plus improbables où vit la passion pour Paris…
On est le 10 décembre 2014 et l’action prend place au Camp Nou. Dans deux semaines c’est Noël et il fait froid mais pas trop. Paris a bien commencé l’année et puis bon, on les a pétés au match aller. C’est le grand soir, le soir du match le plus important à ce moment-là de l’année.

On joue le match retour contre Barcelone chez eux, dans leur foutu Nou Camp. Où l’ambiance se meurt, où les Messi, Xavi et Iniesta dominent le monde depuis trop longtemps, où on se prépare à l’exploit.
On c’est nous, c’est les 300. Comment décrire les 300 à ceux qui ne connaissent pas… C’est un groupe 300 amoureux du PSG, un club caché de fans qui cherchaient un espace d’échange constructif et pertinent, une armée soulevée et haranguée par le coach Jonathan C. (par respect, le nom n’a pas été modifié), un salon où débattre sur tout ce qui concerne notre club mais aussi, c’est vrai, une vraie pépinière de mecs sexy.
Ce qui n’ont pas fait le déplacement se sont donnés rendez-vous au Ballon, l’un de nos QG pour les matches à l’extérieur. A l’issue du match, on peut être les premiers de notre groupe de Champions League. Premier de notre groupe devant le Barça, ça claque.
Quelque part c’est vrai, on sait tous que ce serait un demi exploit hein.
Paris aime bien sortir des grands matches au bon moment, mais pour l’instant, pas assez régulièrement pour que l’on soit vraiment sereins…
Et pourtant… Tu te rappelles ? On joue depuis 14 minutes et dans leur tenue blanche, les parisiens sont vraiment fringants. Ils ont bien commencé le match en plus. Direct dedans tu sais. Ca circule, ça se voit qu’ils n’y sont pas allés avec la peur au ventre, on le sent bien ça, on la connait notre équipe.
Ibra il m’a toujours fait penser à ce vieux redoublant que j’avais dans ma classe de CM2…
Nous sommes dans la salle du bas qui nous a été réservée, on est une belle quarantaine et tout le monde est bien assis. Il y’a des maillots de toutes les époques, on chante et on fait des blagues. On a déjà bu en moyenne deux belles pintes et on est entre amis, en famille même.
On joue depuis 14 minutes et Ibra passe la balle à cet adorable feu follet de Lucas, Lucas le long de son couloir, Lucas qui fixe ce sale roukmout de Mathieu qu’on a toujours pas capté comment il s’est retrouvé à Barcelone, Lucas qui centre ras de terre pour le premier poteau (cette voix de Grégoire Margotton…) et Blaise, notre Blaise, notre fils qui remet direct sur Ibra qui a suivi resté un peu en retrait, pif pied gauche en demie volée entre le poteau et le goal barcelonais dont on se rappelle jamais le nom vu que ça fait je ne sais combien d’années qu’ils ont des goals nuls.
Je n’aimais pas du tout Victor Valdes, aucun swag. Barcelone ils sont tellement forts, on dirait qu’ils s’en foutent d’avoir un bon goal. Bref donc Blaisinho qui remet pour Ibra et buuuuut ! But de Ibra ! But de notre génie !! But de ce grand champion notre champion !!
Ibra il m’a toujours fait penser à ce vieux redoublant que j’avais dans ma classe de CM2, plus grand et plus fort que tout le monde, il m’énervait mais je faisais tout pour qu’il m’aime quand même… But du redoublant !! Tout le monde lui fait un câlin, c’est le plus grand.
A l’écran, l’entraineur catalan Luis Enrique tire la tronche. Nous on est comme des fous et on renverse nos bières en s’embrassant ! Qu’est ce que c’est bon ! Quel bonheur, je suis plein, plein ! Ils sont tous mes frères les 300, je ne sais pas toujours quel nom correspond à quel visage et quand je les rencontre je ne dis pas Adrien je dis Adrien Gingold mais après ils me disent aussi leur nom de famille et on s’adore, on est comme ça chez les 300.

On se fait la bise entre 300. Je peux loger n’importe quel 300 dès demain si il veut ! Surtout ce soir ! Je crois que j’ai embrassé Jean P. et Clément M., on était si heureux !
Mais sur le terrain c’est déjà reparti et le retour à la réalité ne va pas trainer… 18è minute, une balle lobée au-dessus de la défense de je-ne-sais-plus-qui, je me rappelle même m’être dit que cette passe était nulle, pas dangereuse pour un sou, excentrée à gauche, ce vieux Suarez dont je respecte pourtant l’âme de guerrier la reprend d’une espère de volée foirée du gauche encore plus nulle, c’est lent ça ne tient pas la route mais là tout s’accélère, la balle passe devant Sirigu, rebondit mollement, et ce diable, ce petit autiste, ce génie de Messi, toujours au bon dieu de bon endroit, se jette et marque la balle de l’égalisation. Fané. Déconfit. Trois minutes après.
A peine le temps de profiter.
Pendant les célébrations du but, Maschérano va parler à Luis Enrique, ce dernier se cache la bouche, comme si on allait lire sur ses lèvres, décrypter ses conseils et appeler nos contacts sur le banc de paris pour passer nos consignes. Oh putain, je sais pas pourquoi mais ça nous énerve à mort, on l’insulte, on l’insulte vraiment. On voit le ralenti, en plus c’est Mascherano qui fait cette passe moisie – mais en fait pas si mal – à Suarez. On est dingues.
En même temps, en 20 minutes on a déjà eu droit à un ascenseur émotionnel et au classement on est toujours devant eux, et ça on aime bien. Et puis on est bien dans le match et on est entre nous, donc on se ressaisit. On relativise. On s’y remet. Quand il y a une action, on crie, on encourage, on donne nos directives.
On aime bien pester
Pendant les minutes qui vont suivre, ils nous repassent en boucle dès qu’ils ont un instant le ralenti de ce vieux but de Messi, on n’aime pas ça, on peste. On aime bien pester.
28ème minute, Lucas loupe la balle du 2-1.. On entend fuser fameuse blague du « si c’était dedans c’était pareil ! ». C’est une de mes préférées, j’adore. Un running gag. Le must ultime, c’est quand tu regardes un math avec quelqu’un qui te la fait sérieusement. Priceless. Mon père en fait une aussi, quasi à chaque match : « les mecs sont payés uniquement à faire ça, ils font ça toute la journée, ils sont payés des miyions… même moi je la mets ». Systématiquement. Avant de se barrer à la mi-temps en grognant « de toute façon, on sait comment ça va se terminer ». Sacré Claude.
Bref.
La vie continue normalement jusqu’à la 41ème minute. Ca vient de nulle part. Neymar nous fusille. Frappe parfaite de la petite frappe ; Ibra perd la balle au milieu de terrain, confusion qui arrive finalement dans les pieds de ce génie dont on se disait qu’il ne tiendrait pas deux mois en Europe et qui finalement non seulement se met au service de Messi, mais en plus est meilleur à chaque match et en score des buts de plus en plus beaux à chaque fois.
Bref, Neymar a la balle, il s’avance, il est entouré de quatre parisiens et il décroche une frappe splendide. Rien à dire, il a fait précisément ce qu’il fallait faire. Magnifique. On est soufflés par son plat du pied. C’est millimétré, c’est vraiment bien joué. On chante quand même.
L’arbitre siffle la mi-temps et on sort tous clopper, reprendre une bière et il y en a un qui revient même avec un grec qui me donne faim. Rien à dire sur le second but mais le première nous laisse un arrière-gout amer. C’était pas à la hauteur du match. On sent le scénario honni qui se trame mais on reste focus. Il y a vraiment du bon, notamment Marco qui nous fait rêver.
Ce gamin on l’adore bordel. Depuis qu’il est arrivé. Quel style, quel toupet, quelle vision du jeu ! Il est magnifique à voir jouer, c’est un grand monsieur, il est jouissif. On le veut à tout jamais avec nous, on aimerait bien qu’il vienne dîner avec nous. On l’adore. On chantait ses louanges lorsque Cavani a eu une occasion.
La seconde mi-temps commence et nous, on chante dans la cave du Ballon. On a mis nos maillots, nos écharpes, les bières sont remplies et on chante. Javier va rentrer, c’est l’ovation, lui aussi c’est notre chouchou. Il divise un peu – notamment l’année dernière – mais s’il divise, c’est avant tout parce que chacun lui voit un immense potentiel. On est toujours plus exigeant avec les meilleurs, c’est normal.
Mais là déception, incompréhension, c’est Marco qu’il remplace. On ne comprend pas. Tudo est très énervé et il crie fort. Faut avouer qu’on ne comprend pas, vraiment… On a un peu peur de la suite des événements.
On le sent venir ce but qui nous enlèvera le « on n’était pas si loin » à la fin du match
Un peu plus tard, Blaise sortira… on est un peu déçus de sa prestation. Globalement, la seconde mi-temps est moins intéressante… On est montés trop haut en émotion pendant la première. On sent de moins en moins l’exploit possible…
On le sent venir. On le sent venir ce but qui nous enlèvera le « on n’était pas si loin » à la fin du match. Comme si c’était écrit, c’est Suarez qui le met à la 76ème, sur un tir même pas dangereux repoussé par Sirigu, et après que Messi se soit effacé pour le lui laisser. Ô générosité de Messi, Ô trio génial, Ô le fameux MSN qu’ils attendaient tous et qui se réveille contre notre PSG. MSN, quel surnom de daube. Trois buts dont deux sont à moitié casquette.
On est frustrés parce qu’on aimerait dire que c’est injuste… alors on dit que Laurent a mal coaché, et c’est surement vrai, mais ça marque malheureusement surtout la fin de la magnifique invincibilité parisienne, la plus longue de tous les clubs européens cette saison. Pis, ça marque le début de sa fébrilité que nous connaissons aujourd’hui, de sa période de doute, de manque d’envie, ces mois moribonds dont nous peinons à nous sortir…
Tout le monde est amer, la fin du match sera trop longue… On est frustrés. On cherche des coupables, on a besoin de coupables… on entend un « faut vendre Van Der Wiel et acheter Lichteiner ».
La méchanceté ça fait un bien fou quand tu perds au foot
C’est la 80è minute et il n y a plus de milieu de terrain, c’est difficile, c’est pénible, c’est poussif, on y croit plus, on n’y est plus.
A l’écran, on voit une spectatrice catalane. Quelqu’un gueule « T’as le sida ! ». Tout le monde se marre. C’était marrant faut dire.
La méchanceté ça fait un bien fou quand tu perds au foot.
Sur le terrain ça devient très dur, trop dur. Ils marchent, ils traînent les pieds, il faut en finir.88è, Messi nous fait une ultime frayeur. Manquerait plus que ça.
90ème minute, coup franc de notre Ibra. On fait semblant mais on n’y croit pas, et lui non plus d’ailleurs. Ca part dans le public. « Ah bah au moins il aura dégommé un supporter ». Pour les blagues ça on peut compter sur nous.
C’aurait été bon, mais on était peut-être pas encore prêts pour ce genre de matches.Après ça va, on est qualifiés, on a fait un chemin magnifique… mais ç’aura été si beau !
« Bon bah j’espère qu’on aura notre chatte légendaire au tirage ».
Plus ou moins hein.