Amara Diané, le « Sauveur »

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17 mai 2008 : le PSG jouait sa survie en Ligue 1 et tous les amoureux du club se souviennent exactement de ce qu’ils faisaient ce soir-là.
Amara Diané tout particulièrement… La délivrance était venue du bout du pied de l’attaquant ivoirien à la 83ème minute. Son doublé sauvait Paris de la relégation,
et permettait de basculer dans une autre dimension.


Sochaux-PSG 17 mai 2008 : comment dormez-vous la veille au soir ?
Très mal, c’était difficile. Peut-être une heure, ou deux, maximum. Avec le stress, la pression…

Au petit déjeuner, comment était l’atmosphère ?
Le petit dej’ a été difficile. On n’était pas là pour rigoler. On est arrivés à Sochaux à 24h du match. Les supporters étaient là, pour nous dire qu’ils étaient avec nous, qu’il ne fallait rien lâcher. On ne pensait qu’à ça.

La journée à dû être longue ?
On a eu les « rituels » habituels. Petit dej’, promenade, déjeuner, sieste, collation… A l’hôtel avant de monter dans le bus pour aller au stade, on s’est réunis et on s’est dit « allez, c’est maintenant ». Tout le monde était mobilisé autour de nous, on le sentait. Mais sur le terrain, c’était nous, les joueurs : on devait tout faire pour que cela se passe bien.

Il fallait gagner, absolument. On devait sortir de ce match sans regret, c’était très très important. Cela ne fait pas tout car en football, on peut être bon et perdre, on peut être moyen et gagner. Ce soir-là, je crois qu’on a fait un match complet, sur le terrain, on était dedans. Avec le président, le staff, les supporters : on était ensemble, on tirait tous dans le même sens.

Une spéciale pour Plessis

Saviez-vous qu’avant le match, le président de Sochaux Jean-Claude Plessis, avait promis la double prime à ses joueurs en cas de victoire* ?
Je n’étais pas au courant mais pendant le match on sentait qu’ils avaient le couteau entre les dents, ils voulaient absolument gagner.

A un moment quand tu joues contre une équipe, tu arrives à ressentir, évaluer sa motivation, son envie de gagner. Sochaux avait cette envie, c’est clair… J’ai en tête la réaction du gardien (Teddy Richert) après notre 2ème but.

‘Essaye de pousser le ballon…’

Justement, que se passe-t-il dans votre tête quand vous voyez le ballon, que vous poussez du bout du pied, rouler lentement vers le but de Teddy Richert (83ème) ?
Je le suis du regard. En fait quand je vois le gardien arriver, je me dis « essaye de pousser le ballon », et je mets un pointu. Quand il passe la ligne, c’est un peu l’euphorie, mais le match n’était pas fini. Il ne fallait pas non plus se relâcher.

Les secondes parmi les plus longues de l’histoire du PSG

Au coup d’envoi, vous aviez 1 point d’avance sur Toulouse et Lens**? Etiez-vous au courant de ce qu’il se passait sur les autres stades, et comment ?
Oui, disons que l’on suivait la situation. Les joueurs sur le banc nous tenaient au courant, le coach nous donnait les consignes en fonction. On savait que de toute façon, si on gagnait le match, on avait 100% de chances de nous maintenir. Malgré tout, on ne pouvait pas nous empêcher d’avoir une oreille tendue vers le banc (sourires).

J’ai fini épuisé, vraiment

Comment vous sentez-vous au coup de sifflet final ?
J’étais épuisé, mais vraiment ! Physiquement, mentalement : le stress qui retombait… Quand tu as mal aux dents, tu vas voir un dentiste, il t’anesthésie, tu ne sens rien jusqu’à ce que l’anesthésie ne fasse plus effet. Là c’est pareil, le stress, l’anxiété, nous avaient un peu anesthésiés. Quand le match a été fini, avec la pression qui retombe : je tenais à peine debout.

Je suis rentré directement au vestiaire. J’ai dû perdre, je ne sais pas, 4 kgs (sourires). Cette victoire, c’est l’aboutissement d’un match qu’on a pris du bon pied. On avait l’envie et puis aussi de la chance car il en faut toujours même s’il faut savoir la provoquer. Ce fut une saison éprouvante, pour les supporters, les joueurs, mais au final on l’a fait. Tous ensemble.

Après le deuxième but devant le parcage parisien avec Yannick Boli

Paul Le Guen ne vous faisait pas, ou peu confiance, depuis son arrivée au PSG. Que vous dit-il après la rencontre ?
J’étais dans le vestiaire, il vient vers moi et me dit : « Merci. Tu as fait un gros match ». Nous n’avions pas vraiment d’affinités. Mais après, cela fait partie de la vie.

« Amara, c’est ton match ce soir » (Pauleta)

Eprouvez-vous de la rancœur ?
Non. C’est comme ça le football… Le plus important pour moi, c’est d’avoir toujours essayé de bien me comporter durant ma carrière car après le foot, la vie continue. Je n’ai jamais manqué de respect. Je suis un garçon correct.

Pedro Pauleta eu des mots importants pour vous. Lesquels ?
A Sochaux après l’échauffement, on rentre au vestiaire et là Pedro me regarde, il me dit : « Amara, c’est ton match ce soir ». Sincèrement, ça m’a surpris et aussi touché. Qu’un joueur comme lui vienne me dire ça avant un match aussi important, sachant aussi que c’était notre meilleur joueur, qu’il disputait son dernier match avec Paris.

Pendant le match il n’a jamais cessé de m’encourager. C’est important d’autant que je n’avais pas forcément toujours la confiance du coach. Parfois, Paul Le Guen ne me parlait pas à l’entraînement. Pedro, il m’a toujours soutenu. Il y avait Bonaventure Kalou, Mario Yepes, Bernard Mendy aussi, les anciens, qui me disaient : « t’inquiète pas, fais ton truc et ça va le faire ». Mais Pedro et moi, nous étions des attaquants, il y a une complicité en plus.

Il était au sommet, en fin de carrière, et le rôle des grands footballeurs comme lui, c’est d’aider les jeunes, transmettre. J’avais 25 ans, il m’a beaucoup aidé. Même après Paris, j’ai emporté ses conseils avec moi, ils m’ont servi.

Pedro le grand frère

Beaucoup disent que vous êtes le « sauveur » du PSG. Avez-vous conscience de l’importance de votre doublé ?
C’est une bonne chose mais je n’aurais jamais pu faire ça tout seul. On l’a fait tous ensemble. Quand on est rentrés à Paris, au camp des Loges, c’était émouvant les réactions des gens. Voir aujourd’hui que l’on ne m’a pas oublié, ça me touche énormément.

Jamais retourné au Parc

Etes-vous retourné au Parc depuis 2008 ?
Non jamais.

Même pas une invitation ?
Non. Ce sont les choses de la vie, je ne m’en plains pas ni ne souhaite réclamer quoique ce soit. Je ne connais pas le président et je ne suis pas le genre de personne à prendre mon téléphone et dire : « allo bonjour je voudrais venir au Parc ».

Je suis heureux et fier de voir que le Paris Saint-Germain est aujourd’hui à sa place, celle qu’il mérite, parmi les meilleurs clubs du monde. Il y a 10 ans (9 ans et demi, ndlr), il a failli descendre. Ce n’est pas là sa place… Après, tous les clubs connaissent des hauts, des bas, des périodes difficiles et d’autres plus glorieuses. Voir le PSG là où il est actuellement, c’est ce qui me comble.

Vous savez le 1er match que j’ai vu comme spectateur quand je suis arrivé en France, c’était au Parc : PSG-Rennes en 1999, avec Okocha pour Paris et Nonda pour Rennes. Super ambiance. Depuis que je suis petit, j’aime Paris.

L’aigle d’Abidjan

Rennes face à qui vous marquez votre 1er but au Parc à la suite d’un somptueux slalom à travers la défense 2006 (PSG 1-0 Rennes, 28.10.2006, J11) ?
C’est vrai que parfois l’histoire nous envoie des signes (sourires).

Vous êtes arrivé en France à 17 ans, à Mantes-la-Jolie ?
Oui je jouais à l’ASEC Abidjan, en Côte d’Ivoire, mais j’embêtais toujours mon père en le « suppliant » de me laisser partir en France, pour tenter ma chance. En 1999, un cousin, qui habitait en France, est venu passer les vacances à la maison. Mon père lui a demandé de m’héberger quelque temps. J’ai donc atterri à Mantes-la-Jolie dans les Yvelines. J’ai joué à Mantes à peine un an, puis je suis parti tenter ma chance à Amiens. Je n’ai pas été accepté, donc je suis arrivé dans un petit village de la Somme à Roye, qui jouait en DH.

Je m’occupais des espaces verts

Le football n’a pas été d’emblée votre métier ?
Je travaillais en dehors. A Roye, j’avais un emploi jeune à la mairie, je m’occupais des espaces verts, de temps en temps j’allais dans les écoles. A Mantes, je distribuais les journaux dans les boîtes aux lettres la nuit, parfois le matin ou le soir. Parfois, des collègues qui n’arrivaient pas à tout distribuer, ils n’avaient pas le temps donc je finissais leur tournée pour me faire un peu plus d’argent. Je prenais le reliquat des autres.

Amara avec un grand joueur

Que retenez-vous de vos 2 années au PSG ?
J’ai eu la chance et l’honneur de joueur dans le club qui me faisait rêver depuis que j’étais petit. La chance de jouer dans un club de haut niveau, avec des grands joueurs, et contre des grands joueurs. Je suis sincèrement heureux de ça ! Jouer au Parc avec le maillot du PSG… ce sont des ambiances inoubliables, l’union sacrée c’était quelque chose.

Pourquoi quittez-vous le PSG pour Al-Rayyan au Qatar, l’été 2008 ?
Alain Cayzac, qui m’a fait venir, n’était plus au club, Paul Le Guen était toujours là, c’était sûr que cela n’allait pas marcher. C’était mieux pour tout le monde de se séparer ainsi. Comme je l’ai toujours dit, je préfère partir du PSG sans tâche que avec une tâche.

Cela me touche au plus profond

Que devenez-vous ?
J’ai mis un terme à ma carrière professionnelle, je prépare ma reconversion tout en profitant de ma famille… Je vis entre Abidjan et la France. J’aime conseiller, aider les jeunes, je me laisse un peu de temps pour découvrir de nouveaux métiers comme agent, consultant pourquoi pas. Je suis jeune, j’ai 35 ans ! (sourires). Je souhaite rester dans le football.

Avez-vous un message pour les supporters ?
Je voudrais dire que je ne les ai jamais oubliés. Je suis heureux comme eux de voir le PSG là où il est. Je les remercie du fond du cœur et de voir qu’ils ne m’ont pas oublié, cela nous touche au plus profond, ma famille et moi. Je ne cesserai jamais de dire merci.

L’hommage à Auteuil

*Il s’agissait notamment du dernier match de Jean-Claude Plessis à la tête du FC Sochaux-Montbéliard, après 9 ans à la présidence du club
**Strasbourg et Metz déjà relégués au coup d’envoi de la 38è journée, le maintien allait se jouer entre Paris, Toulouse et Lens. Bordeaux 2-2 Lens, Toulouse 2-1 Valenciennes, Sochaux 1-2 PSG

Amara Diané
Né le 19 août 1982 à Abidjan (Côte d’Ivoire)
Attaquant
International ivoirien (8 matches, 3 buts)
Clubs successifs : ASEC Abidjan, FC Mantois (1999 – dec.2000, DH), Roye (2001-2003, DH), Reims (2003-2004, National ; 2004-2005, L2), Strasbourg (2005-2006, L1), PSG (2006-2008, L1), Al-Rayyan (2008-2010, Qat.), Al-Gharafa (2011, Qat.), Al-Nasr (2011-2012, EAU), Al-Dhafra (2012-2013, EAU), Tubize (2014-2015, Bel.)

Palmarès : Vainqueur de la Coupe de la Ligue (2008), Finaliste de la Coupe de France (2008), Champion de National (2004), Vainqueur de la Coupe du Qatar (2010, 2011)

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