Cavani, entre mythe et réalité

par

Arrivé à l’été 2013 en provenance de Naples,
EDINSON CAVANI est devenu le meilleur buteur du PSG.
Surtout, il a su conquérir le cœur des supporters
malgré des débuts quelques peu hésitants.
Il est aujourd’hui une véritable IDOLE qui appartient déjà à la légende du club.
Il est grand temps de distinguer le MYTHE DE LA RÉALITÉ.

Pour commencer, je vais être très clair. J’adore Cavani. Peu de joueurs m’ont donné autant de frissons. Sa hargne, sa rage de vaincre, son investissement total ont tout pour séduire. Sans oublier ses buts, bien sûr. Le Matador n’a pas volé son surnom. Sa science du but le classe immédiatement parmi les très grands numéros 9 de l’Histoire du Football. L’Uruguayen combine un placement parfait, une anticipation sans faille et une capacité unique à jouer en première intention, pour une efficacité optimale. En tout cas lorsqu’il évolue à son poste de prédilection. Ce qui n’était pas le cas lors de ses trois premières années en Rouge et Bleu durant lesquelles il a dû s’exiler sur un côté pour laisser l’axe et la lumière au Roi Zlatan.

Malgré un positionnement qui ne lui convenait pas et qui ne lui permettait pas de s’exprimer pleinement, il affichait des statistiques tout à fait correctes. Mais une partie des fans l’avait pourtant pris en grippe en raison de trop nombreuses occasions manquées. L’exigence surréaliste des supporters est une chose avec laquelle j’ai énormément de mal à composer. Edi est un pur avant-centre, et le faire jouer ailier impacte nécessairement son rendement. Mais force est de constater qu’il n’avait pas une réussite devant le but à la hauteur de son talent. La situation allait s’arranger très vite suite au départ d’Ibrahimovic à la fin de la saison 2015-2016. La véritable histoire d’amour entre Cavani et les supporters allait véritablement commencer.

Edinson Cavani entre mythe et réalité Virage PSG
(c) Panoramic

Et pour convaincre, Edi s’est donné du mal. Des buts en cascade, dont certains somptueux. Des replis défensifs jamais vus pour un attaquant. Une combativité toute sud-américaine. Et un lien fort avec le public, Ultras en tête, embrassant fièrement l’écusson et clamant son Amour de Paris, du club et du Parc. La communion est totale. Elle atteint même son paroxysme un soir de janvier 2018 lorsque Neymar, auteur d’un match absolument époustouflant, a été copieusement sifflé au Parc des Princes pour ne pas avoir laissé Cavani tirer un pénalty. Toutes les cases étaient cochées pour entrer dans la Légende, même s’il fallait pour cela froisser la star du club, la figure de proue de QSI. Et d’autres éléments allaient venir encore alimenter cette Légende. Les buts, c’est bien. Mais pour qu’une histoire soit vraiment captivante, on doit pouvoir s’identifier un peu au Héros, à l’Idole, au Mythe. C’est là que des éléments extérieurs au football interviennent. On découvre Edinson Cavani, l’homme aux goûts simples, proche du petit peuple, aussi généreux sur le terrain qu’en dehors. Chasse, pêche, ornithologie, famille, maté et don de soi. Voilà à quoi ressemble le Matador dans la « vraie vie ».

Se diffuse alors l’idée d’un homme accessible, loin des considérations matérialistes de ses collègues. Même s’il gagne lui aussi des sommes dont la plupart d’entre nous ne peut que rêver, Edi donne l’image d’un homme vertueux. Plein aux as, certes, mais avec une morale et des principes. Les anecdotes le concernant sont nombreuses (la partie de pêche avec un intendant du PSG, par exemple) et entretiennent le Mythe. Je vous renvoie à ce sujet vers le très bon ouvrage de Romain Molina consacré au Matador. Difficile de ne pas aimer ce joueur, cet homme. Et à l’heure où la fin de son contrat avec le PSG approche (il ne lui reste qu’une saison), beaucoup refusent d’envisager son départ. « Cavani c’est Paris », comme le clamait une banderole déployée récemment par des supporters au dessus du périphérique. Un hommage qui a touché l’Uruguayen qui répète à qui veut l’entendre qu’il se sent bien à Paris et qu’il souhaite honorer la dernière année de son contrat. Il pourrait ensuite quitter le club avec la satisfaction du travail bien fait et l’amour éternel du peuple Parisien. Cela lui permettrait aussi de susciter l’intérêt d’autres clubs qui seraient prêts à lui offrir un dernier challenge sans avoir à débourser un seul euro pour un transfert.

C’est à cet instant que le Mythe et la Réalité se croisent. Bien sûr le Paris Saint-Germain est conscient de ce que Cavani lui a apporté. Nasser l’apprécie et il sait très bien que le joueur a un statut particulier au yeux des supporters. Edi est intouchable. Mais la réalité du PSG est celle d’une équipe scrutée par l’UEFA et son Fair Play Financier, mis en place pour freiner son développement et lui mettre des bâtons dans les roues. Or, laisser filer gratuitement un joueur comme Edi, qui pourrait encore rapporter quelques 30 ou 40 Millions s’il était vendu cet été, est une idée qui peut sembler un peu folle. Si Paris veut se reconstruire efficacement après ses échecs successifs en Ligue des Champions, il faudra engranger des recettes conséquentes. Cette considération peut sembler très terre à terre voire même insultante à l’égard du meilleur buteur de l’histoire du PSG. Pour autant, elle n’est pas dénuée de bon sens.

Edinson Cavani entre mythe et réalité Virage PSG
(c) Panoramic

Cavani aura 33 ans en février prochain et ce n’est pas lui faire insulte que de dire que ses plus belles années sur le terrain sont certainement derrière lui. La saison écoulée en atteste. Une blessure à la Coupe du Monde, une autre en février qui l’a privé de la double confrontation face à Manchester. Pour un joueur jusqu’alors très solide, rarement blessé et au rendement constant, ce sont des signes qu’on ne peut pas ignorer. Tactiquement parlant, il a vu son rôle changer aux côtés de Neymar et Mbappé. Il a hérité d’un rôle ingrat, où il doit souvent fixer la défense, ouvrir des brèches par ses appels (toujours parfaits) sans toujours être servi. Et s’il ne s’en plaint pas publiquement, on peut imaginer que ce rôle ne le rend pas fou de joie. Il a également constaté que durant ses absences, Mbappé a montré des prédispositions flagrantes pour évoluer en pointe. Et même si le jeune Français envoie des signaux contraires laissant planer le doute sur son avenir proche, il est difficile d’imaginer le club laisser filer un prodige de 20 ans pour le bien d’un joueur de 32 ans à qui il ne reste qu’un an de contrat. Cela peut heurter la sensibilité des supporters qui ne jurent que par l’amour du maillot, mais le football moderne est ainsi fait et on ne peut pas l’ignorer.

Parlons d’amour du maillot, justement. Cavani n’oublie jamais de remercier les supporters lors de ses rares interventions médiatiques. Comme je le disais plus haut, la communion entre lui et les supporters est totale. Et il sait très bien qu’il a tout intérêt à l’entretenir car c’est son meilleur argument pour convaincre la direction de le laisser aller au bout de son contrat. Le Matador est très certainement sincère lorsqu’il montre son amour au club et aux supporters. Il n’en est pas moins lucide. Ne sombrons pas béatement dans l’angélisme et rappelons-nous de son départ du Napoli en 2013.

Là-bas aussi il était une Légende, le public l’adulait. A la fin de la saison 2012-2013 il avait assuré qu’il serait toujours Napolitain la saison suivante. Il a finalement signé au PSG quelques semaines plus tard. Les tifosi du San Paolo lui en ont longtemps tenu rigueur, se sentant trahis par leur idole. Pourtant on parle bien du même Cavani. Il a fait un choix fort à un moment de sa carrière où il sentait qu’il devait passer un cap. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Il sait aussi qu’un départ cet été, forcément payant, limitera le nombre de prétendants prêts à l’accueillir. On peut être un homme de principes et être pleinement conscient de son intérêt personnel.

Edinson Cavani entre mythe et réalité Virage PSG
(c) Panoramic

La Légende que le Matador a patiemment écrite comporte quelques zones d’ombre parfaitement masquées par l’amour des supporters. Lorsque l’équipe sombre à Barcelone en 2017, lorsque le titre de Champion de France est perdu la même année, lorsque le Real Madrid vient battre une équipe totalement apathique au Parc… Cavani est toujours là. Pourtant il semble à chaque fois échapper aux critiques, fort de son immunité. L’Uruguayen la doit à son état d’esprit et son « amour du maillot ». Bien sûr un joueur seul ne peut pas tout changer, mais j’ai du mal à comprendre comment il peut à chaque fois passer entre les gouttes. La piètre performance de Mbappé contre MU ou les blessures de Neymar sont jugées parfois de manière très sévère alors que les deux joueurs cumulent quatre saisons au PSG quand Cavani en est à six.

Six saisons durant lesquelles il n’a, pas plus qu’un autre, fait passer ce fameux cap en Ligue des Champions. Si l’on parle de son souhait d’aller au terme de son contrat, ce qui ne semble pas choquer la majorité des supporters, comment ne pas faire le parallèle avec la situation d’Adrien Rabiot ? Le Français, formé au club, a vu l’Enfer s’abattre sur lui lorsqu’il n’a pas voulu prolonger. Je peux comprendre cette réaction, j’ai moi-même été très déçu par le Duc. Mais je ne comprends pas pourquoi Cavani pourrait faire passer son intérêt personnel avant celui du club sans que cela ne choque personne. Deux poids, deux mesures. Bien sûr on ne peut pas comparer l’apport de Cavani à celui de Rabiot, mais le principe me dérange.

Toutes ces considérations ne vont pas changer mon opinion sur Edinson Cavani. Il est une Légende du club pour l’éternité et m’a l’air d’être une personne en or. Mais je refuse de croire aveuglément à un Mythe sans tenir compte de la Réalité. La lourde tache de trancher entre ces deux visions reviendra aux dirigeants. Et j’imagine que cette perspective doit déjà leur donner des maux de tête. Mais j’imagine que les possibilités d’équilibrer les comptes et renforcer l’effectif sans avoir à vendre le Matador sont à l’étude. Car même si la réalité est compliquée pour le club, les dirigeants savent très bien que la postérité, dans le football comme ailleurs, se construit aussi autour de Héros, d’Idoles et de Mythes.

Redécouvrez également le portrait d'EDINSON CAVANI par JÉRÔME REIJASSE en cliquant ICI.

Café Crème et Sombrero

Laisser un commentaire

Découvrez les articles de