Alexandros Kottis

par

Supporters est un projet photo original mené par Alexandros Kottis.
Fan de ballon rond et de tribunes, il a confié des appareils jetables
à plusieurs groupes en France. 
Libre à eux
de prendre des photos de ce qu’ils veulent, quand ils veulent.
Le résultat est plutôt étonnant et souvent artistiquement à la hauteur. Rencontre.

Virage : Comment est né le projet Supporters ?

Supporters est né à l’été 2016, d’une envie de créer un projet photo sur les tribunes avec la participation des principaux concernés. L’idée est d’offrir la possibilité aux supporters de témoigner par eux-mêmes de leur passion, en leur donnant les moyens de s’exprimer sans qu’il n’y ait de filtre entre leur perception et le rendu final. Ça veut dire qu’ils sont maîtres de l’outil, l’appareil, et qu’ils sont libres de montrer ce qu’ils veulent.

Virage : Quel est l’objectif, le message de ce projet ?

Le traitement médiatique des supporters de foot me paraît assez éloigné de la réalité et ça me semble important de montrer autre chose : l’envers des tribunes. C’est l’occasion pour eux de se ré-approprier leur image, et de donner à voir ce qu’est le supportérisme, sans qu’on parle à leur place. Évidemment ça implique une subjectivité évidente, chaque groupe étant libre de donner à voir ce que lui veut, et d’occulter le reste. Et c’est justement ce que je trouve intéressant, la diversité des perceptions et des vécus parmi les différents groupes de supporters.

Virage : Qu’il y a t-il de beau dans ces images ?

En ça l’appareil photo jetable correspond complètement à la démarche d’obtenir des images authentiques, qu’on ne peut pas supprimer et qui ne sont pas retouchées. C’est cette authenticité que je trouve belle. Le foot qu’on voit à la TV, fait d’images policées toutes propres c’est une chose, mais pour la majorité d’entre nous, le football c’est celui qu’on voit sur ces photos.

Les supporters sont partie intégrante de ce sport, et on a souvent tendance à les reléguer à un second rôle. La première fois que je suis allé au stade j’ai passé plus de temps à regarder les tribunes que le match en lui- même. Au-delà du jeu, c’est l’ambiance, l’engouement et les émotions qui nous font aimer le football. Et elles existent grâce aux supporters. Aller au stade, même pour des personnes qui ne s’intéressent pas particulièrement au foot, c’est une véritable expérience.

Faire partie d’un groupe de supporters, c’est aussi créer un lien social qui va au-delà des 90 minutes du match. La préparation des animations durant la semaine, les avant-matchs, les lendemains… Tout un tas de moments qui unissent les gens autour d’une même passion. Ce projet, c’est à la fois pour que le public découvre de l’intérieur cet univers, mais c’est aussi une sorte d’hommage à ceux qui font vivre le football.

Virage : Quelles photos t’ont le plus marqué ?

Parmi les photos qui m’ont le plus marqué, j’aime particulièrement celle des Strasbourgeois en Corse, où apparaissent uniquement leurs ombres sur un mur. Tout est dans la suggestion et je la trouve très originale et réussie. J’adore celle du supporter lensois qui dort dans le bus, avec un gamin plein de malice en arrière plan. Elle reflète complètement l’atmosphère d’un déplacement en car, avec ce que ça implique de fatigue et d’humeurs. La pellicule des Toulousains m’a aussi beaucoup plu parce qu’elle montre la préparation des animations, notamment cette photo d’une machine à coudre. Je trouve ça génial de voir la façon dont s’organise la vie de la tribune. Il faut quand même sacrément d’imagination et d’investissement pour animer un stade, et c’est important de le valoriser. Et puis les photos prises au coeur des virages, à Bordeaux ou à Paris avec ces forêts de fumigènes…

Virage : Les ultras ont été réceptifs à ton projet ?

En grande majorité, les groupes de supporters accueillent positivement le projet, à la fois surpris et contents. Après ça ne veut pas dire que tous participent. Certains par méfiance, d’autres parce qu’ils ne veulent pas prendre part à quelque chose de collectif. Souvent revient cette question des visages chez les groupes ultras, parce que certains ne veulent pas que leur identité soit révélée. Même si ce sont eux qui prennent les photos et qu’ils peuvent donc éviter de prendre les visages en photo, ça peut être un frein.

Virage : L’ambiance ultra en tribune te parait indispensable aujourd’hui malgré les contraintes grandissantes ?

Pour moi c’est fondamental que les ultras puissent continuer d’exister, et je crois qu’on vit dans une sorte de schizophrénie en France, où l’on veut à la fois de belles et chaudes ambiances dans les stades, tout en limitant les libertés. Il n’y a qu’à voir les spots promotionnels du championnat faits d’images de tribunes en folie, et dans le même temps on interdit les fumigènes, on multiplie les interdictions de déplacements… J’ai l’impression qu’il y a une volonté de certains clubs de dialoguer et de promouvoir le supportérisme, comme on peut le voir avec ce projet de tribunes debout, mais est-ce que les pouvoirs publics vont aller dans le même sens ? La question du prix des places est également fondamentale. Il faut que les stades soient accessibles à tous.

Virage : Quels sont les prochains groupes/clubs visés par Supporters ?

Le projet Supporters n’a pas de fin, et je vais continuer d’envoyer des appareils photos dans les prochaines semaines et les prochains mois. En France il y a encore beaucoup de clubs à aller chercher (Saint-Étienne, Marseille, Nice…), et je compte bien internationaliser le projet !

Plus d’infos sur Supporterswww.objectif-supporters.com
Page facebook Supporters : cliquez ici


Xavier Chevalier

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