Emilie Ros

par et

Loin de l’hystérie médiatique et des croisades de superette, ça fait du bien de parler avec une fille qui aime le foot et qui l’assume. EMILIE ROS, créatrice de #meufdefoot défend le supporterisme féminin à sa façon,
avec franchise, bonne humeur et enthousiasme.
Sans récupération
. Une meuf authentique, mais surtout une meuf d’aujourd’hui,
qui kiffe, qui twitte et qui parle dans le micro. Rencontre.


Quand et comment deviens-tu supportrice du PSG ?

Juste pour faire un petit historique, je n’ai pas la culture foot qui vient de mes parents. Je n’ai jamais été voir un match au stade avec mon père. J’ai découvert le foot professionnel en 1998 avec la Coupe du Monde car ce qui m’intéressait avant, c’était le foot amateur. C’était de voir mes potes évoluer à Creil, Chantilly ou Chambly, de division en division. Ce que je préférais c’était le foot derrière les barrières, les coudes râpés…  Le foot pro m’intéressait peu, je regardais juste l’équipe de France et basta. Bien sûr mes potes suivaient un peu le PSG, l’OM et Monaco, les clubs qui marchaient bien à l’époque. Je suivais Paris de loin, mais pas à donf. Je suis ensuite arrivée à Paris pour y travailler il y a 10 ans. Alors j’avais déjà été au Parc avec mes potes, habillée en garçon, survet’, capuche sur la tête, et on partait très vite à la fin du match. J’étais côté Auteuil. Mais bon je ne suis pas née dans la culture PSG, pas comme la plupart des personnes que vous interviewez. Je suis un peu arrivée avec le Qatar en fait. Mais j’aime ce club. Je vais me battre, crier, pleurer pour lui. Je ne suis pas là depuis longtemps mais mon amour est intact. J’ai commencé par le foot masculin car je viens de là. J’ai commencé avec mes potes, puis je me suis intéressée aux filles en 2015 avec la Coupe du Monde au Canada, donc je me suis aussi intéressée aux filles du PSG.

Facile de revendiquer ce supporterisme quand on est fille à l’époque ?

#Meufdefoot Emilie Ros VirageAdo, j’étais un peu garçon manqué, je ne trainais qu’avec des garçons. C’est plus tard que j’ai découvert que j’avais des cheveux et des ongles, et que ça pouvait servir en fait (rires). Mais pour être honnête, on ne m’a jamais fait de remarque sur le fait que j’étais une fille. Quand j’ai créé #Meufdefoot, c’était facile car c’était mon langage, quand je parle de « fille », je dis toujours « meuf », et il n’y avait aucun féminisme derrière. Je ne suis pas dans cette démarche-là. Quand j’allais aux matchs avec mes potes, avec les tambours et les banderoles, on ne m’a jamais demandé ce que je faisais là. Je me suis retrouvée dans des débats pendant la Coupe du Monde féminine à me justifiersur le fait que je n’avais aucun problème à travailler dans un milieu d’hommes. Quand je fais de la radio, il n’y a que des mecs. En fait c’est un environnement dans lequel j’aime bien être. C’est donc un faux débat me concernant. Par contre, si je peux aider sur le féminisme dans le bon sens du terme, sur l’égalité homme-femme, la liberté d’expression, alors oui. Mais je ne me battrais pas sur le salaire des joueuses par exemple.

Tu avais des copines qui te suivaient sur ta passion pour le PSG ?

Avant #Meufdefoot, non, je ne regardais jamais un match avec des meufs. Depuis, je me suis fait des potes et des « copines » avec qui parler foot. J’ai découvert des meufs avec des profils différents qui aiment le foot. Avant je trouvais même ça chelou d’aller avec des « filles » au stade. Mais là j’ai trouvé des meufs avec le même état d’esprit que moi, avec qui ça se passe super bien en tribune. On parle ballon, c’est multi clubs. C’est pas le côté Wags. On n’est pas des fifilles. Quand on me propose des opérations promotionnelles pour me faire les ongles ou préparer des cupcakes pendant les matchs, je refuse !

Donc aucune expérience sexiste vécue au Parc ? Ou en dehors du Parc ?

Non aucune. Les seuls taquets que je me suis pris c’est sur Twitter mais ça reste ponctuel !

Certains ne le savent pas, mais les filles étaient aussi présentes dans les Virages parisiens d’avant le plan Leproux. Tu n’as jamais été tentée de rejoindre un groupe ultra ?

J’y ai pensé mais on m’a souvent fait remarquer que je n’étais pas là avant. C’est un peu un truc bloquant à Paris qui m’agace parfois. Certes je ne suis pas supportrice depuis longtemps, mais je suis ultra dans mon cœur. Je connais les chants, les chorégraphies…

Il y a un chant en particulier que tu préfères ?

Il y en a deux en fait. « Oh Ville Lumière » bien sûr et la chanson qui arrive à la fin des matchs « Tous ensemble on chantera… », j’adore le timing de ce titre. Et puis j’aime bien aussi la cohésion qui existe entre les ultras et les joueuses du PSG, qu’on ne retrouve pas avec les garçons. Comme ils ne sont pas parqués, ils peuvent se mélanger, et donc toute la tribune est ultra. Ils sont torse nu, ils chantent tout le match, comme pour les mecs, et je trouve ça bien, car je vois des gamins sur les épaules de leur père. Si la transmission de la passion passe par les meufs, c’est cool.

Tu vas aussi souvent au Parc pour les garçons ?

Oui mais ça m’arrive aussi de rester chez moi tranquille. Je peux du coup suivre le match dans les détails, suivre un joueur en particulier, voir ses déplacements, ses appels, ses réactions. Chose que je ne peux pas faire au Parc car je suis trop prise par l’ambiance. Je peux me re-mater un match plusieurs fois pour changer de joueur, c’est très chiant ! Mais j’adore ça ! Au stade, je ne peux pas faire plusieurs choses en même temps, en fait je suis un mec (rires) !

#MeufdeFoot, raconte-nous la story

Pour résumer, je suis sur mon canapé, j’adore twitter, j’adore live tweeter ce qui se passe à la télé, j’adore le foot et à l’époque on mettait des # pour tout ce qu’on faisait. Alors quand je parlais de foot, je mettais #Meufdefoot. Et je m’aperçois qu’il y a des meufs qui l’utilisent et qui en discutent. Ce qui me permet d’avoir des discussions avec des meufs mais aussi des gars. Le phénomène prend, des marques commencent à me contacter, ma communauté commence à monter, 1000, 2000 followers, même si ce n’est pas bezef par rapport à d’autres. Mais ça commence à marquer les esprits. On m’invite en bord de terrain, on m’offre des maillots, des déplacements. Je vois du foot comme j’en ai jamais vu. Surtout quand il s’agit du club que tu aimes. C’est le Graal d’être sur la pelouse du Parc. C’est mon château de la Belle au Bois Dormant. Et il y a un seul Prince qui doit laisser trainer sa paire de crampon dans l’escalier ! On en reparlera après (rires avant qu’elle ne chuchote : Choupo…) ! Bref le # commence à prendre, se passe la Coupe du Monde féminine, se passe l’Euro, ça prend de l’ampleur. Mais je me rends compte que les marques veulent l’utiliser, sauf que ce n’était pas le but, ce n’était pas à vocation commerciale.

#Meufdefoot Emilie Ros Virage

Alors on me conseille de déposer le # comme une marque. Pour que je sois protégée. Je le dépose donc et je continue ma vie. Sauf qu’un an après je reçois un courrier de l’INPI (Ndlr : Institut national de la protection industrielle) qui me dit que si je veux que ma marque soit protégée, il faut qu’elle soit exploitée. Me vl’a bien… Je ne savais pas quoi en faire. On me suggère de faire des t-shirts. Je me dis que personne ne va en acheter, mais ce n’était pas grave. Je voulais par contre que ce soit bien fait, donc produit en France, avec un coton bio, avec des tailles enfant. Finalement je le fais, ça marche, les gens en achètent et tu croises des meufs dans le stade avec ton t-shirt, et tu peux pas savoir comment ça fait plaisir. Surtout quand c’est dans toute la France. Ce n’est pas que la parisienne qui a créé son truc. Et je ne veux pas gagner d’argent avec ça. Tout ce que je fais, je le fais à rentabilité 0. Tout ce que j’ai gagné, je l’ai dépensé pour la marque. Mais ça m’a tellement rapporté plus humainement. Des papas qui me contactent parce que leurs gamines ont découvert la marque et aiment le foot… Par contre quand des féministes veulent utiliser le # à des fins revendicatrices, mais dans le mauvais sens selon moi, là je leur demande de le retirer. Désolé les filles, mais renseignez-vous avant, et c’est quand la dernière fois que vous avez regardé un match en fait…? Faut pas tout mélanger. Ma crainte c’était ça, la récupération. D’autant qu’il y a même des mecs qui portent mes t-shirts (rires).

Tu aimerais développer encore plus la marque ?

En fait je ne suis pas une vendeuse de t-shirts. Je pense plus à des collaborations pour aider le football amateur par exemple. Il faut que ça serve, à des mini meufs de foot…

Pourquoi pas déposer #MecdeFoot ?

Tu rigoles, mais on me l’a demandé à plusieurs reprises. Mais à la base c’est moi, donc je ne suis pas un mec de foot. Bah non, ben pourquoi… Et je ne dis pas mec de toute façon… Bonhomme de foot ? (Rires)…

C’est qui pour toi le pire joueur du PSG sur les réseaux sociaux ?

Neymar a eu sa période très compliquée. On voit trop de choses de sa vie… Kimpembe aussi. Et pourtant Presko il est géré. C’était après sa coupe du monde, tu sentais qu’il était en vacances tout seul et qu’il fallait lui retirer son téléphone. Il était en roue libre. Sinon mention bien à Kylian Mbappé, mais c’est très lisse, comme son image. Sinon j’aime beaucoup Cavani car il y a le côté perso du bonhomme. Lui c’est vraiment le mâle alpha. Et pour être dans le milieu, je pense que pour ces mecs, les réseaux sociaux c’est un calvaire. Ils sont obligés d’y être et ils sont souvent obligés de confier leur com à d’autres car s’ils le font en direct, il n’y a plus rien de secret et ça devient insupportable. Surtout s’ils répondent à leurs followers.

Un avis justement sur la com de Thomas Meunier ?

Je pense que c’est vraiment lui derrière, car ça pue la vérité. J’ai bien aimé son post juste avant la fin du mercato, « Il reste 54 min… », moi ça m’a fait marrer. C’est propre, c’est juste et c’est pas grave. J’aimais bien quand il annonce aussi les recrues l’année dernière. Mais globalement ça reste assez lisse. Les brésiliens par contre, c’est un calvaire, tu vis avec eux, il ne faut pas les suivre sur Instagram. Tout est scénarisé, ça pue la télé réalité. Il n’y a aucune innocence. J’ai plus vu Thiago Silva et sa femme que mes parents ces derniers mois. Et j’adore mes parents…

Un joueur ou une joueuse à qui tu aimerais proposer tes services sur les réseaux sociaux ?

#Meufdefoot Emilie Ros VirageLes meufs j’aimerais bien car je trouve qu’elles manquent de résonance. Mais je pense qu’elles ont peur des réseaux sociaux car elles ont eu un gros coup de projecteur sur elles alors que jusqu’ici tout le monde leur foutait la paix. Elles mériteraient de faire beaucoup plus de choses, surtout sur le côté sportif. Si je pouvais je prendrais Ève Périsset, Kadidiatou Diani, Grace Geyoro et forcément Marie-Antoinette Katoto. Mais il faut que tes réseaux te ressemblent. Les féminines du PSG, c’est comme une plante que tu dois continuer d’arroser. Chez les mecs tu es obligé de couper les branches car ça dépasse et ça fout le bordel. Chez les filles, il y a encore des choses à faire. Et puis il y a aussi le fait que c’est un peu plus frais chez les filles. En même temps j’espère qu’elles vont perdre cette innocence, car ça voudra dire qu’elles sont passées dans une autre dimension.

Tu sens que la Coupe du Monde et les bons résultats des filles du PSG commencent à tirer dans ce sens ?

Oui, surtout quand tu vois le buzz que ça a fait la non-sélection de Katoto en Equipe de France. Ça prouve qu’on la considère. C’est con mais je trouve ça rassurant que tout le monde en ait parlé. Ensuite ce sont surtout les parents qui me font penser que ça prend de l’ampleur car ils parlent de leurs filles qui s’identifient aux joueuses du PSG. C’est la future génération dont on parle. En tout cas il y a eu une répercussion sur les joueuses de l’équipe de France mais je ne suis pas sûre que ça ait eu le même effet en D1 sur les clubs. Il y a une différence entre suivre les filles de l’équipe de France et les filles dans leur club. Charge aux médias maintenant de faire venir les gens dans les stades, en parlant du championnat, en donnant les résultats, en donnant les horaires. Il faut continuer à en parler et puis il va y avoir l’Euro ensuite. Mais c’est normal que la D1 n’ait pas fait un boum comme tout le monde l’attendait. C’est comme chez les mecs. Regarde le nombre de personnes qui suivent la Coupe du Monde ou l’Euro, ce ne sont pas les mêmes que tu retrouves dans les stades de L1 après.

Tu penses que le PSG n’a pas fait plus d’efforts pour ses féminines en com ?

Non. J’adore les équipes qui s’occupent des filles, car elles sont super dispos et tu peux faire plein de trucs avec elles. Mais la tête du panier du PSG, non. Jean-Michel Aulas joue certes avec son portefeuille, mais il a eu le mérite d’y aller. Il a mis une couille à gauche sur les hommes et une couille à droite sur les femmes ! Sportivement ça se ressent. Pour le coup l’OL a une meilleure visibilité. Et encore qui sait combien de Champions League elles ont gagné ? C’est quand même un exploit. 

Revenons aux hommes, as-tu des « chouchous » au PSG ?

J’aime bien avoir des chouchous loosers. J’aimais bien Lavezzi. J’étais au Parc quand il a mis son triplé (Ndlr : 25 avril 2015 face au Losc). J’ai beaucoup aimé Berchiche, et là maintenant c’est Choupo. Mais mon vrai choix de cœur c’est Cavani. J’adore ce joueur pour les valeurs qu’il véhicule dans le football. Pour moi il a toutes les valeurs du foot. L’amour du maillot, à mon sens, c’est à dire que c’est un parisien, il a la reconnaissance du club. Il est aussi un peu à part.

C’est quand même malin de sa part de soigner sa com avec les supporters ?

Oui, c’est malin mais c’est surtout intelligent. Quand tu évolues dans le foot il y a une forme d’intelligence à bien gérer sa com. Et tant mieux.

L’arrivée d’Icardi t’inquiète du coup ?

On ne va pas se mentir, on sait qu’il va pousser Edi sur le perron. Mais ils n’ont pas le même âge, le même mental, et on a aussi besoin de lui. J’adore Cavani, mais je ne veux pas qu’il reste à tout prix, au point où on le ferait passer pour une chèvre. On a laissé partir de chez nous des joueurs qui ont excellé ensuite ailleurs, comme Blaise Matuidi ou Lucas. Il y a un problème de fond à Paris là-dessus. Heureusement Leonardo est arrivé. Il a fait un mercato de folie. Mais il y a un karma sur ce club, ce n’est pas possible… Il y a une bête noire, je ne sais pas où elle est. Sur le sportif, on a un effectif qui est sur le toit du monde pourtant. En tout cas j’ai hâte de voir comment la mayonnaise va prendre cette année. Déjà récupérer la Coupe de la Ligue. On est Paris, c’est un problème qu’on ne l’ait pas gagnée l’année dernière…

Comment tu la sens cette saison, c’est la bonne pour la Champions League ?

Non, pas cette année. Je pars de mon expérience pro pour t’en parler. Quand tu construits un plan de transformation, tu as besoin de 3 ans. Tous les ans, on reconstruit au PSG sans se laisser du temps. La supportrice que je suis aimerait qu’on décroche tout mais objectivement je n’arrive pas à y croire. Si on y va cette année, c’est vraiment la chatte à Dédé ! S’il doit se passer quelque chose ce sera l’année prochaine. Mais je ne sais pas si on aura la patience, on a un passif trop lourd. Je suis bipolaire sur le sujet en fait. En tout cas, être supportrice du PSG, ça m’aide beaucoup dans ma vie sentimentale (rires).

#Meufdefoot Emilie Ros Virage

Parlons de l’émission Tribune PSG sur France Bleu. Ça a duré 2 ans ? Tu as aimé ?

J’ai surkiffé ma race. J’ai rencontré Bruno (Ndlr : Salomon, animateur de l’émission) lors d’une opération marketing Fifa. On a commencé à parler ballon. Il m’a proposé de venir dans son émission et je lui ai dit non car il y a des gens dont c’est le métier et qui en parlent mieux que moi. J’ai toujours eu un problème de légitimité… Il a insisté. Finalement je suis venue en invitée. J’ai trouvé ça magique. Je n’ai pas trop parlé, je les écoutais débattre surtout. Et je suis revenue. Bruno est tellement bienveillant, c’est un coach de vie, il m’a rassurée, en me disant qu’il ferait attention à ce que je dirai. Je l’ai averti sur le fait que j’avais un vrai travail dans la vie, que je ne devais pas me griller. Tu as toujours peur de raconter une saucisse, et tu fais quoi après… L’aventure a finalement duré une saison, j’ai surkiffé, et une autre saison car la radio est vraiment un monde incroyable. Bruno est incroyable, j’ai rencontré Rabé, Rabé putain ! Tu parles de foot avec Stéphane Bitton et les autres au Café, et là tu trouves que ta vie est géniale. Cette année Bruno est parti chez France Info. L’émission n’a pas été reconduite, mais remplacée par 100% PSG en quotidienne. Mais ce n’était plus mon aventure. Par contre France Bleu nous a proposé de revenir pour les soirées Ligue de Champions avec Rabé et Joss, et là ça me va, car c’est avec ma team, mes copains.

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Maud Bourgoin
Xavier Chevalier

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