Lionel Letizi

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196. C’est avec les couleurs du Paris Saint-Germain que Lionel Letizi a disputé le plus de matches dans sa carrière. Il partait ensuite aux Glasgow Rangers avant de revenir à l’OGC Nice. Nice où il est aujourd’hui l’adjoint de Patrick Vieira, en charge des gardiens. En Rouge et Noir, en Rouge et Bleu, Lionel Letizi est toujours resté le même.
Un homme intègre, aux qualités humaines jamais démenties.


Lionel, qu’est ce qui vous marque le plus quand vous arrivez à Paris (2000) ?
C’est la qualité de l’effectif. Et l’attente des gens aussi. Je passais de Metz à Paris, j’ai tout de suite senti la différence. On était en stage dans le sud de Paris, je ne me souviens plus du nom de la ville mais il y avait beaucoup de monde. Ma chance a été de sympathiser tout de suite avec Jimmy Algerino. Il connaissait bien le club (1996-2001). Il m’a parlé pour éviter pas mal de pièges.

Que vous a-t-il dit ?
Il m’a mis en garde par rapport aux journalistes. J’avais 27 ans, je n’étais plus le jeune gentil, naïf comme lorsque j’ai quitté Nice mais ses conseils ont été précieux. Il m’a dit : « Lionel, fais attention par rapport à ce que tu dis, ce que tu montres. Il faut que tu te protèges. Tu auras aussi beaucoup de sollicitations, de toutes sortes ». Il fallait faire le tri. Je me suis beaucoup protégé.

Dans la vie de tous les jours, je suis d’un naturel assez tranquille, pas un fêtard. Si tu veux avoir une vie tranquille, c’est possible. On s’entraînait à Saint-Germain, j’avais ma maison à Saint-Germain. Parfois, on allait à Paris en famille. C’était agréable.

Votre 1er match avec Paris fut-il aussi agréable ?
On peut dire oui. C’était au Parc face à Saint-Etienne (9 septembre 2000). On gagne 5-1. J’étais arrivé comme doublure de Dominique Casagrande et pour moi, c’était hyper important de bien débuter ce match. Je n’avais qu’une chose en tête, ne pas me déchirer. J’en étais à ma 7ème saison en pros. J’étais prêt.

Vous deviez gagner votre place alors que vous faisiez partie des meilleurs gardiens français ?
Au départ de Metz, j’avais 2 possibilités : Paris et Rennes. Carlo Molinari (président de Metz) ne voulait pas trop que j’aille à Rennes. Moi non plus. Je souhaitais franchir un palier. Philippe Bergeroo m’avait expliqué la situation, que Dominique Casagrande allait débuter en numéro 1. Je voulais venir à Paris, ne pas avoir de regrets.

De par sa position sur le terrain, un gardien ressent-il l’atmosphère plus intensément ?
Quand tu es concentré, tu essaies, au maximum, de faire abstraction de ce qui se passe autour. Mais dans un match, il y a des périodes un peu plus tranquilles, et là, je pouvais profiter de l’ambiance, des chants. Mon préféré : « Ô ville lumière, Sens la chaleur, De notre cœur… »

Pendant les 90 minutes, y a-t-il des moments où vous pensez à autre chose qu’au foot ?
Ça arrive, ça dure quelques secondes. Quand l’équipe domine, qu’on n’est pas trop sollicités… Parfois, je pensais à ce qu’il ne fallait pas que j’oublie le lendemain, amener mes enfants à l’école, ou je faisais ma liste de courses. Ça m’aidait à mieux me concentrer, de nouveau, sur le match.

Votre pire sensation dans les cages parisiennes ?
A La Corogne en Ligue des Champions (2001). On mène 3-0 après 50 minutes, on perd 4-3… Je suis pas mal sollicité en 1ère période, ça se passe plutôt bien. On fait une bonne 1ère période, on se prend 4 buts la dernière demi-heure. On a complètement craqué. Il pleuvait, il faisait froid, l’atmosphère était bizarre, sombre. Ce match fut une immense déception. C’est une soirée qui m’a marqué.

Comment dormez-vous après une défaite ?
Le gros avantage que j’ai eu, c’est qu’après un match, gagné ou perdu, je n’ai jamais eu de souci de sommeil. Pareil pour les veilles de matches.

Votre meilleure sensation ?
Sur le terrain, je dirais la finale de la Coupe de France face à l’OM (2006). C’était, je crois, la 1ère finale de l’Histoire face à l’OM et aussi mon dernier match avec Paris. En plus on l’a gagnée.

Face à l’OM aussi, en 2004. Au Parc. L’ambiance était électrique, avec le retour de Fabrice Fiorèse. Je fais un arrêt à la dernière seconde au ras des poteaux sur une frappe de Steve Marlet. Un arrêt en deux temps. D’abord main droite, puis je replonge derrière. L’arbitre siffle la fin du match là-dessus (94ème minute). On gagne 2-1. J’ai ressenti une grande joie. Peut-être que ça se rapprochait de la joie du buteur.

Vous souvenez-vous de votre passe décisive à Jay-Jay Okocha, face à Metz en 2001 ?
Une passe décisive ? Non, je ne m’en rappelle pas….

Vous avez toujours été impliqué auprès de l’UNFP, le syndicat des joueurs. D’où cela vous vient-il ?
De mon père, de mon grand-père qui était cheminot syndicaliste. Dans ma famille, on a toujours été dans la lutte ouvrière. Je suis adhérent à vie à l’UNFP. Au PSG, j’étais le représentant des joueurs. Un rôle qui me tenait à cœur. Pour les étrangers qui venaient d’arriver, je leur expliquais le fonctionnement du football français, ses règlements. C’est très important.

En décembre 2005, vous vous positionnez publiquement contre l’éviction de Laurent Fournier.
Je ne suis pas une grande gueule, mais j’ai quelques convictions. On avait fait un bon début de saison. Quand le président Blayau le vire, je me dis ce n’est pas possible. On était à un point du 2ème. J’avais trouvé le procédé complètement injuste. J’ai pris la défense du coach. Blayau n’a pas aimé. D’ailleurs par la suite on m’a fait comprendre que ce serait bien que je parte (Glasgow Rangers)…

Chez les Letizi, la fibre syndicaliste se transmet en même temps que les gants de gardien ?
Oui on peut dire ça. Mon grand-père a joué en amateur à Grasse, Monaco, mon père un peu en pro, à Cannes en 2ème division. Mon fils Liam a 14 ans et il joue à Valbonne, près de Nice. Nous en sommes à la 4ème génération de gardiens (sourires).

On a parfois dit que vous étiez fragile mentalement ?
Effectivement, c’est sorti une ou deux fois dans la presse « Letizi, mentalement, il n’est pas costaud ». Je sais juste qu’avec ce que j’ai fait, dans la vie en général, je pense être assez costaud. Si je n’avais pas eu de caractère, je ne sais pas si j’aurais fait 19 saisons au haut niveau, 6 au PSG.

Parfois, on vous colle une étiquette. Je ne me suis jamais battu contre ça. On fait un métier où on est jugé par les supporters, les journalistes, tous les jours. A Paris, je ne lisais pas les journaux. Je me protégeais vachement. L’actuel correspondant de l’Equipe à Monaco et Nice, c’est Regis Testelin. Il suivait le PSG à l’époque. On se croise de temps en temps. Une fois il me dit, je te trouve vachement détendu ! (sourires) Ça lui a fait bizarre. A Paris, ce n’est pas que j’étais tendu, mais j’avais une carapace. Moi la lumière, ça a tendance à m’éblouir.

Quel regard portez-vous sur vos 19 ans de carrière professionnelle ?
Je suis plutôt satisfait. Je crois que je suis allé au maximum de ce que je pouvais faire. Si j’ai pu laisser l’image d’un bon gardien, d’une bonne personne, cela me va. Moi, je me suis fait plaisir, je suis resté moi-même. Dans une carrière, il y a des hauts, des bas, mais nous sommes des privilégiés. Hyper privilégiés. Nous n’avons pas de problème d’argent. Il est important d’en avoir conscience.

Si vous aviez été un joueur de champ, où auriez-vous joué ?
Arrière droit, j’aurais bien aimé. Mais un arrière droit moderne, qui se projette vers l’avant. Une sorte de Meunier des années 1990 – 2000 (sourires).

Une fois, vous vous êtes bloqué le dos en jouant au scrabble ?
(Sourires) Cette blessure, on m’en a beaucoup parlé, encore aujourd’hui. Même les coéquipiers de mon fils, ils lui demandent si ça s’est vraiment passé.

Oui, ça s’est vraiment passé. C’était en mise au vert, on jouait au scrabble. Une de mes lettres tombe. Je me baisse pour la ramasser. Et là, mon dos reste bloqué. Tout de suite, je sens que je ne pourrai pas jouer. C’était à Rennes, en 2002. On a appelé le kiné, j’ai été forfait 3 semaines. C’est une blessure bête même si j’ai toujours été sensible du dos. Je pouvais me bloquer le dos n’importe quand. Aujourd’hui que je ne plonge plus, bizarrement ça va (sourires).

Ce qui était fou aussi dans cette histoire, c’est que, immédiatement, c’était sorti dans la presse. Par qui ? J’ai mon idée mais je la garde pour moi.

Vous avez bien connu Hatem Ben Arfa à Nice. Etes-vous surpris qu’il ait si peu joué à Paris ?
Oui. Ce qui m’a le plus surpris, c’est que l’entraîneur, Unai Emery, n’essaie même pas de le faire jouer une fois à son poste. A part Ronnie à Paris, je n’ai jamais vu un joueur aussi talentueux.

Qui est le meilleur gardien de l’histoire du PSG ?
J’aimais beaucoup Bernard Lama. A un moment, entre 1993 et 1996, il a été vraiment au top de son niveau. C’était le meilleur gardien du monde. Tout ce qu’il faisait, avec Paris et l’équipe de France, c’était incroyable.


Lionel Letizi
Né le 28 mai 1973 à Nice
1m87 – 80 kg – Gardien
International français

Joueur : Nice (1992-1996), Metz (1996-2000), PSG (2000-2006), Glasgow Rangers (2006-2007, Eco.), Nice (2007-2011)
Palmarès : Champion de France de D2 (1994), Elu meilleur gardien de Ligue 1 (2001), Vainqueur de la Coupe de France (2004, 2006)
Entraîneur des gardiens de l’OGC Nice, depuis 2011

Crédits photos (c) Panoramic 


Emilie Pilet

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