Michel Kollar

par

Ça fait près de 30 ans qu’il suit de près le PSG. Il est incollable sur l’histoire du club.
Il en est même devenu la mémoire vivante. A l’occasion de la sortie de son livre
« 100 histoires extraordinaires du PSG » on a rencontré Michel Kollar
pour parler du passé mais aussi du futur.


Comment commence ta passion pour le PSG en tant que supporter ?

Vivant en région parisienne, et aimant le football, je me suis naturellement intéressé au PSG. C’était au milieu des années 80. Le club commençait à avoir un style de jeu sympa et il se passait toujours quelque-chose au Parc des Princes. J’ai eu la chance d’arriver à voir beaucoup de matchs en 1984 et à suivre le titre de champion de France de la saison 1985/86. C’était merveilleux surtout vu que c’était le premier. Je me suis vraiment attaché à cette équipe et à certains joueurs.

Qui en particulier ?

Surtout à Safet Sušić. Il avait quelque-chose que n’avaient pas les autres. Je me souviens de cette phrase de Toko (ndlr : Nambatingue Toko, attaquant du PSG de 1980 à 1985) qui m’avait dit que ce qui était incroyable chez Sušić c’est que lors des matchs au Parc, quand les spectateurs criaient lorsqu’ils voyaient un joueur démarqué à droite, tu pouvais être sûr que Safet allait l’envoyer à gauche. C’était quelqu’un qui sentait le football de manière artistique, et qui rendait ce sport beau. Et puis il a eu cette faculté à rester au PSG très longtemps (ndlr : de 1982 à 1991), d’en devenir le capitaine, d’être surnommé le Papé… mon premier amour footballistique avec le PSG c’est bien lui.

Le Papé volant

Tu l’as déjà rencontré dans le cadre de ta carrière ?

Oui. Je ne dirais pas que c’est une déception mais c’est quelqu’un de très discret. J’aimerais le faire venir au club mais ce n’est pas facile. C’est un personnage assez froid, un vrai homme de l’est. On a failli le faire venir au Parc mais il venait de se faire opérer d’une hanche, et il ne voulait pas qu’on le voit comme ça, affaibli.

Il y a comme un côté légendaire

Tu as déjà été abonné au Parc ?

Oui dans les années 80. Les places étaient vraiment accessibles. J’étais en tribune Boulogne et c’était le seul endroit où les vrais supporters du club pouvaient se réunir. Il arrivait qu’on aille derrière les buts adverses à la mi-temps, côté Auteuil, alors que normalement on n’avait pas le droit de le faire. On passait d’une tribune à l’autre. Il y avait quelques barrières de cassées au passage…

Tu as fait partie d’un groupe de supporters ?

Oui, les Firebirds. On était un groupe de copains. C’est intéressant d’ailleurs comme cette génération a laissé des traces auprès des plus jeunes aujourd’hui qui s’intéressent à l’histoire des tribunes parisiennes. Il y a comme un côté légendaire, c’est assez surprenant.

Groupe de Firebirds en déplacement en 1987

De par ton rôle d’historien au sein du club, tu as justement l’intention de mettre en valeur cette histoire des groupes de supporters ?

Oui mais ça reste surtout des discussions informelles avec les supporters. Je réponds à des questions particulières surtout via mon site www.paris-canalhistorique.com. Il y en a une qui me vient tout de suite à l’esprit c’est comment le hooliganisme est « officiellement » rentré au Parc des Princes. C’était un soir de demi-finale de coupe de France au Parc, lorsque Charles Bietry est venu interviewer des skinheads. Je n’ai pas assisté à cette interview mais je me souviens de Charles Bietry qui est sorti choqué de cette tribune avec la moitié du casque abimé. On a fabriqué un espèce de monstre en fait. Les supporters du PSG n’étaient pas des anges bien-sur, il y avait certaines rivalités, mais il n’y avait pas cet amalgame avec la politique qui est ensuite arrivé à Boulogne.

On venait surtout pour s’amuser

Il y a aussi des histoires plus positives à raconter.

Bien-sûr, notamment la création de la tribune K que le club a mis à disposition des supporters avec des places à prix très bas pour essayer de faire venir les plus jeunes. Mais bon les jeunes supporters qui s’intéressent à tout ça ne sont pas nombreux aujourd’hui, et puis ils ont tendance à un peu sur-estimé toute cette époque. Il y a un côté nostalgique. Mais il faut savoir qu’à l’époque qu’on pouvait complètement supporter le PSG sans être dans une logique ultra, ou violente. Le stade n’était pas souvent plein et on venait surtout pour s’amuser, c’était un truc de potes, avec pas beaucoup d’organisation comme ça l’est aujourd’hui avec les tifos. C’était différent.

Epoque Ronnie « Favela Chic » en 2002

Comment as-tu fini par travailler pour le club ?

C’est une drôle d’histoire. J’étais collectionneur de programmes du PSG. J’en ai de très anciens. Je souhaitais étoffer ma collection et j’ai fait une demande au magazine du club. C’était Christian Gavelle, le photographe du club, qui y écrivait et c’est lui qui m’a gentiment répondu. Il m’a proposé de nous rencontrer. C’était au début des années 90. On s’est tout de suite très bien entendu. Et j’ai eu le culot de lui dire que le magazine ne parlait jamais de l’histoire du club. Il m’a pris au mot et m’a proposé d’écrire une page sur l’histoire du club par magazine alors que je n’étais pas journaliste ! Il ne pouvait pas me payer et pouvait me donner des places, trouver un arrangement quoi. J’ai dit banco. J’ai fait une série « PSG Story » en 1992 avec 14-15 épisodes. Ça a commencé comme ça puis Canal Plus a apporté des modifications au magazine. Au fil des années je suis devenu pigiste pour le PSG. En 2002 j’avais une activité dans une société familiale de commerce. Je ne pouvais plus assumer les deux fonctions, donc le PSG m’a proposé un contrat. Je suis devenu salarié du PSG de 2002 à 2004. En 2004 le magazine a été vendu par Francis Graille à Panini car il souhaitait faire des économies. J’ai malgré tout continué à écrire. A entretenir des liens forts avec les anciens joueurs, comme Jean Pierre Dogliani qui était un homme exceptionnel (ndlr : Attaquant de 1973 à 1976 au PSG, décédé en avril 2003). Je les suivais partout comme le petit jeune que j’étais, c’était super de les écouter raconter leurs anecdotes. Ça permettait de connaitre l’envers du décors.

Aujourd’hui quel est ton rôle au PSG ?

En fait il y a plus de 2 ans, le club m’a recontacté pour me faire travailler en externalisé sur l’indexation et la numérisation des photos de Christian. Ils avaient aussi besoin de mes connaissances historiques. Et puis depuis le 1er octobre 2017 je suis salarié du PSG. C’est amusant car 14 ans après mon départ je suis de retour au club ! Mais j’ai de nouvelles missions d’un point de vue communication sur certains dossiers supporters, c’est très intéressant.

Avec « Tchouki » Djorkaeff

Peux-tu nous préciser quelles missions on t’a confiées ?

Déjà sur tout ce qui est historique, je dois m’occuper des événements qu’on peut avoir sur des anniversaires. Je continue l’indexation photo. Et je travaille avec le service communication du club pour faire le lien avec les sites de supporters non officiels. Ça permet la discussion et d’avoir une vraie cohésion entre le club et les fans. Car on s’est rendu compte que beaucoup du supporters étaient prêts à aider le club pour le faire avancer, donc il y a une réflexion interne là dessus. Et puis l’important c’est de montrer que le club a une histoire, que tout le monde en ait conscience. Et de valoriser le club à travers son passé. Valoriser l’actif grâce à l’histoire.

Tu essayes d’être le haut-parleur des supporters auprès du club en quelque sorte ?

Tout à fait. Et puis c’est intéressant de savoir ce que pensent les supporters sur l’actualité du club. Le PSG a compris qu’il n’y a pas que le développement international. Il faut écouter et répondre aux attentes des fans français, ceux qui vont au stade. Et grandir avec eux.

Avec Laurent Fournier

Quels sont les prochains chantiers à court ou moyen terme pour toi au sein du club ?

Déjà accompagner le club dans son objectif prioritaire : gagner la ligue des Champions. Je pense que du supporter jusqu’à n’importe quelle personne qui a travaillé ou travaille au club, on attend tous ce moment. Mais surtout comme je te l’ai dit, réunir la famille du PSG.

Un musée digne de ce nom

Je reviens sur ta collection personnelle liée au PSG. Sais-tu ce que tu feras de ce « trésor » dans l’avenir ?

J’y pense sans y penser. Je ne suis pas très fétichiste et je sais que des collectionneurs de maillot seraient prêts à tout pour récupérer certaines pièces. Moi ça me fait un tout petit peu peur ce côté jusque boutiste. En fait mon rêve ultime serait que le PSG monte un musée digne de ce nom. Je pense que c’est dans les projets, mais il y a un problème lié à l’emplacement. Pas facile de trouver le bon. Le Parc n’est pas pratique pour accueillir ce musée car ça manque d’espace. Mais si un jour le PSG me demande de mettre à disposition une partie de ma collection, je le ferai car je reste au service du club.

Aujourd’hui quelle serait selon toi ta plus belle pièce ?

Plus que des pièces j’ai des souvenirs. Mais j’ai un maillot « Canada Dry » de Jean-Pierre Dogliani qui était pour moi une idole. j’ai tendance à dire que tous ces objets n’ont pas de prix car je ne me vois pas les vendre. J’ai aussi le maillot rouge de 1970, le premier. Mais il faut savoir que le club stocke beaucoup de choses en ce moment en prévision de ce musée qui arrivera un jour. Mais c’est compliqué de donner une date. L’ambition c’est de faire quelque chose d’exceptionnel comme tout ce qui est fait aujourd’hui depuis l’arrivée des nouveaux investisseurs. C’est comme pour le centre de formation, ils veulent que ce soit l’excellence. On ne peut pas faire moins bien que le Real ou le Barça.

Avec les joueurs de l’équipe de 1970

On parle d’histoire depuis le début de notre interview. Mais sens-tu aussi une volonté du club d’inculquer ces valeurs d’institution auprès des joueurs ? On a tous en mémoire les erreurs de communication de Zlatan ou de Thiago Motta qui ont pu choquer les plus anciens.

Je pense que des propos comme ceux de Zlatan Ibrahimović, on ne les reverra jamais. Le choix de ne pas garder Zlatan c’est peut être aussi la conséquence de certains de ses propos. Ça a été mal perçu par les anciens joueurs mais aussi par la direction du Club. Le Président tient à mettre en avant le patrimoine du PSG. Et peu de gens le savent, mais on essaye d’inculquer ces valeurs aux jeunes joueurs dès la pré-formation. Ça passe par des commissions dont une à laquelle je participe où on organise des quizzs pour les plus jeunes en leur posant des questions sur l’histoire du club sous forme de jeux. On parle souvent du vivier de l’île de France mais beaucoup de jeunes au centre ne sont pas originaires de la région et n’ont pas cette éducation PSG. L’idée c’est que les futurs Rabiot connaissent parfaitement le club et s’épanouissent tout en s’identifiant au PSG. Mais il y a aussi un projet sportif et commun. Des ateliers ont été montés pour chaque poste sur le terrain. Les plus âgés, ceux de la CFA, viennent animer ces ateliers spécifiques avec les plus jeunes. C’est nouveau et c’est très intéressant car on veut que ces jeunes, même en terme de jeux, ait l’identité PSG.

Ce sera quelle type d’identité ?

On le voit bien à travers nos jeunes joueurs. Il y a une volonté de possession de balle, d’équipe qui fait le jeu. Le PSG n’est pas et ne sera pas une équipe de contre. Le but c’est de bien magner le ballon, des latéraux jusqu’aux attaquants. Mais ce sont des considérations techniques, je ne suis pas le mieux placé pour en parler.

Epoque Ronnie 2017

Tu sens qu’aujourd’hui dans l’équipe première, certains joueurs se sentent de plus en plus investis sur ce sujet ?

Je vais te prendre l’exemple de grands joueurs arrivés en 2012. Thiago Silva, Thiago Motta, Marco Verratti ou Maxwell. A l’époque on pensait qu’ils ne venaient que pour l’argent et pas pour le projet. Aujourd’hui ils sont toujours là. Je mets au défit quiconque capable de me dire qu’en 2012 il pensait que ces joueurs seraient encore là en 2018. Aujourd’hui on pourrait poser la même question sur Neymar. Certains pensent qu’il ne va pas rester et partir au Real… Et puis à part Ibra qui n’est pas parti à cause du projet mais parce que le club a fait un choix fort entre lui et Edinson Cavani, ils sont quasi tous restés. Et pourquoi ? Parce qu’ils croient au projet. Et cette ossature d’anciens permet de dire qu’il y a de vraies valeurs qui sont véhiculées au sein du vestiaire.

On ne va pas faire les vieux cons

Parlons de 100 histoire extraordinaires du PSG. Tu as déjà publié plusieurs ouvrages consacrés au Club. Qu’est ce que celui-ci a de différent ?

Je me suis inspiré d’un livre que j’avais écrit il y a une dizaine d’années qui s’appelait « Tout et même plus sur le PSG ». C’était des petites anecdotes de 4 ou 5 lignes. Là on* a essayé d’aller plus loin. Comme je le disais au début, il se passe toujours quelque-chose au PSG. C’est un club à l’image de Paris, une ville qui bouge. Et puis les supporters ont changé depuis plus de 10 ans. Donc l’envie c’était de raconter toutes les histoires qui font la richesse de ce club. D’hier et d’aujourd’hui.

Comment as-tu hiérarchisé ton travail vu la quantité importante d’histoires à raconter ?

J’ai bien sur consigné beaucoup d’histoires au fil de ma carrière et c’est vrai qu’aujourd’hui c’est plus difficile d’avoir accès aux joueurs et à leurs anecdotes car tout est un peu plus aseptisé. Quand j’étais jeune, on pouvait aller au Camp des Loges et pouvait parler au joueurs après les séances d’entraînement. Il y avait une vraie proximité qui n’existe plus aujourd’hui pour des raisons de sécurité. On ne va pas faire les vieux cons, le football a juste évolué. Je ne suis pas sûr que je pourrai nouer des liens aussi forts avec Mbappe ou Cavani que ceux que j’ai eu avec Toko, Dahleb ou Pilorget. Ils sont moins accessibles et beaucoup plus entourés. Mais on a croisé les sources et on a fait le tri entre mes archives et celles des autres. On a fait un choix avec Baptiste qui était surtout affectif. Mais on peut faire encore 2-3 volumes. En tout cas on a eu aucune restriction de la part du Club.

Le mystère Živko Lukić

Si tu devais retenir une anecdote parmi toutes celles que tu as relatées, ce serait laquelle ?

Il y a une histoire que je n’ai pas encore fini de découvrir qui est celle du premier joueur étranger du PSG. Il s’appelait Živko Lukić. Il n’a joué qu’un match sous les couleurs parisiennes. Je me suis toujours posé la question de son arrivée au PSG. Il avait une réputation de bon joueur. Il était international junior, il venait du Partizan Belgrade. Il fait un match, joue 45 minutes et est tellement ridicule qu’il ne reste pas. J’ai interrogé ses anciens co-équipers parisiens, mais ils avaient très peu de souvenirs. J’ai donc interrogé l’historien du Partizan Belgrade mais il y avait très peu de trace à part un match amical. Donc la question qui s’est posée c’était de savoir si ce joueur n’était finalement pas un « fake » ce qui pouvait encore arriver dans les années 60-70 avec des histoires de faux CV. Et de fil en aiguille cet historien du Partizan a fini par retrouver son fils et ça a été une rencontre exceptionnelle. Ce garçon parle très bien français et m’a raconté que son père, qui est décédé depuis, a eu une histoire incroyable que je raconterai sans doute plus tard, mais qu’il avait des vraies raisons de venir en France. Plus tard après sa carrière il est devenu prothésiste dentaire, il a eu un destin qui sort de l’ordinaire… Mais il restera à tout jamais le premier joueur étranger à avoir porté les couleurs du Club et c’est ça que j’aime, c’est raconter ces histoires…

*Michel a co-écrit le livre avec Baptiste Blanchet


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Xavier Chevalier

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