Le Come Back

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Alors qu’en 98, la France fête son sacre et se nourrit jusqu’à l’écœurement du chant disco du survivant, le PSG commence son déclin. Dans ce chassé-croisé du foot français et du foot parisien, le supporter de la capitale s’est vu méprisé, humilié, jusqu’à, pour certains, être interdits de stade de leur propre club.


Être supporter du PSG, après 98, ressemble à un chemin de croix, où la preuve d’amour ultime est de supporter l’équipe malgré la mauvaise image, les mauvais choix dans tous les domaines, le manque de jeu, l’absence de résultat, le recrutement presque systématique de chaque assassin du club voire de joueurs totalement inconnus, l’annuelle « crise de novembre » qui se transforme en crise de l’automne, et enfin le coup de grâce : les exclusions arbitraires de stade avec le « plan Leproux » qui décide de mettre tous les joueurs des virages dans le même sac.

Alors l’arrivée des qataris en 2011, après treize ans de disette, avec plus de 100 millions pour recruter, était déjà en soi un petit miracle. Même si pour les supporters historiques l’avènement du Parc des Princes en Disneyland du foot a été une déception supplémentaire, il faut bien reconnaître que pour une fois, les noms annoncés dès le début du mercato nous paraissaient familiers et prometteurs.
Mais pour moi, le vrai bonheur a été l’annonce de l’arrivée de Léonardo.
Car Leonardo, c’est l’homme le plus excitant du monde.
Je ne parle pas de sa mèche, de son français impeccable à peine teinté d’un accent exotique, de son allure ou de son sourire. Non.

Leonardo, c’est celui qui te donne assez de plaisir pour te combler, et qui te quitte toujours avant que l’excitation retombe. Frustrant, mais efficace.
En 1996, il reste une seule année joueur à Paris.
Les supporters d’avant Footix l’ont vu briller dans les « grands rendez-vous », ceux dont que les journalistes et les supporters se souviennent des années plus tard. Sa merveilleuse relation à Raí, ses buts et passes décisives en campagne européenne. Son pied gauche, qu’on appelait sa troisième main. Il savait rendre le foot artistique et puissant.
Mais ce sont ses deux années à la tête du club qui nous restent le plus en mémoire.

Leonardo, c’est l’homme capable de faire porter à Carlo Ancelotti le blaser PSG, de l’asseoir sur notre banc. C’est l’homme qui parle de recruter Zlatan, et qui en fait réellement un joueur parisien. On a même cru qu’il allait faire comprendre le fonctionnement d’un club de foot aux qataris. Pourtant, quand le club recrute Laurent Blanc sans le consulter et qu’il est suspendu pour bousculade, il démissionne et laisse le club exsangue de son envergure.

Après son départ, avec des résultats plus que corrects, le club pense avoir trouvé son rythme de croisière dans l’hexagone et n’attendre plus que son sacre en Ligue des Champions pour faire partie des grands d’Europe. Mais l’affaire Aurier vient rappeler que pour y parvenir, il faut faire passer le respect des institutions avant les joueurs, et que le management est aussi important au sein d’un club de foot que dans n’importe quelle entreprise.

Quand les actionnaires ne sont pas alignés avec la position de leur président, et qu’au premier incident ils montrent aux salariés qu’ils ont un pouvoir supérieur à celui de leur dirigeant, alors le pire devient possible.
L’année suivante, malgré le changement d’entraineur, c’est la deuxième place en championnat derrière Monaco, et la « remontada » dont l’évocation donne des sueurs froides à tous les supporters, comme une malédiction qui pourrait nous coller à la peau pour toujours.

Persuadée, peut-être à tort, que l’épisode Periscope a écorné l’image du club jusqu’à enlever aux joueurs l’amour du maillot qui pousse à se sacrifier sur le terrain, à tout donner pour son club, j’ai depuis prié le dieu des athés du foot – mon dieu personnel – pour qu’un directeur sportif d’envergure vienne remettre l‘institution au centre du projet sportif et refaire du recrutement une arme stratégique et pas juste médiatique.

Quelle surprise et quelle joie alors de voir cet été Leonardo revenir à Paris, avec pour seul et limpide message que le club prime sur les individualités. De l’admirer exercer le recrutement comme un art sacré. Gueye, Herrera, c’est exactement ce que l’on réclame depuis les départs de Matuidi et de Motta. Je finissais par penser que les qataris avaient fumé leur gaz ou parié toute leur fortune sur le fait de gagner la Ligue des Champions sans milieu de terrain.
Mais le Come Back est un exercice dangereux.

Il semble si naturel de voir Leonardo parler pour le PSG, de le voir dire, en mieux, tout ce dont on discute dans les allées du Parc, ou calmer les ardeurs de nos propriétaires qui visent la coupe aux grandes oreilles avant même de lui avoir caressé le pelage. Il est tellement l’homme parfait à son poste, que derrière l’extrême excitation, je sens déjà poindre l’appréhension de celle qui a vécu : est-ce que le plaisir des retrouvailles va déboucher sur les mêmes souffrances passées ?

Car Leo est impulsif. Lui qui n’a jamais joué plus de quatre ans dans le même club, pourra-t-il cette fois s’inscrire dans la durée avec le PSG ? Évidemment, même un an ou deux avec Leonardo à la tête du club, c’est déjà l’assurance d’une gestion irréprochable et du renforcement de l’équipe. Il partirait aujourd’hui, nous aurions déjà gagné le ré-équilibrage de l’effectif et un discours qu’il suffit de reprendre pour garder le cap.
Mais je me plais à rêver qu’il devienne la pierre angulaire de notre projet. L’image du club. L’ambassadeur de l’institution. Mon amant pour une nuit. L’homme d’une de mes vies.
Il faut donc calme garder.


Aurelia Grossmann

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