Monaco, une chanson

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Un admirateur anonyme de Virage a envoyé à la rédaction une pièce de William Shakespeare en un seul acte, totalement inédite, héritée de son grand-père, récemment décédé. Il tenait absolument à ce qu’elle soit publiée ici et nulle part ailleurs. Intitulée “Monaco, une chanson !”, cette tragédie écrite au seizième siècle démontre le génie de l’auteur anglais, dans sa capacité à encore et toujours devancer l’Histoire et raconter les hommes sans fard, tels qu’ils sont. Évènement.


Pourquoi pleurez-vous ainsi, jeune homme ?

Parce que le football est mort, Monsieur, et que mon coeur a cessé de battre.

Mais enfin, vous perdez la raison ! Hier encore, sur une chaîne à péage, j’ai pu admirer les joueurs du Rocher défaire ceux du Prince Aulas.

Vos yeux vous mentent, j’en ai peur et vos émotions trahissent l’homme des temps nouveaux que vous avez toujours été, même sans le savoir. Vous n’êtes rien, vous êtes le pire et vous avez gagné.

Il ne sert à rien de résister, cher ami et je vous conseille d’épouser au plus vite les normes nouvelles, afin de plonger dans cette nouvelle ère avec joie et confiance…

Taisez-vous, maintenant, sans attendre ! Il y a trop de nouvelle dans votre phrase pour ne pas vous désigner comme un ignoble conspirateur. Je voulais de l’absolu, du vertige, de l’appartenance, un combat et vous ne m’offrez que statistiques, sponsoring et arbitrage vidéo. Vous puez la mort, vous incarnez l’indicible. Vous me dégoûtez.

Les grands mots ne mènent qu’à la solitude et au cimetière. Alors quoi, l’arbitrage vidéo, ce n’est pas un progrès peut-être ? Vous préfèreriez certainement l’injustice, le vol, la main de Dieu ?

Puis-je vous gifler ? Il me semble que ce serait plus efficace qu’un long discours. Vos oeillères dévoilent votre cynisme, vous êtes un optimiste, ou plus grave encore, un Américain.

Il ne veut pas gagner, il veut vivre

Poursuivez, je sens que cela va me plaire…

L’homme se construit dans la tension, les larmes et la frustration, toujours. Il ne veut pas gagner, il veut vivre. Si Battiston avait dribblé Schumacher et que le ballon était allé au fond, le football serait resté un sport, une activité de week-end, un hobby… Cette défaite terrible, elle a donné naissance à des milliers de fidèles, comprenez-vous ? Elle a transcendé, elle a emporté, elle a tatoué les esprits des plus sensibles, elle a…

Pardonnez moi de rire ainsi mais vous délirez. Un coup de sifflet, une vidéo et l’Allemagne finit à dix et la France l’emporte. L’expression pure de la justice et vous ne pouvez pas le nier !

La justice ! La justice ! Ce n’est plus un mot mais un passeport pour la réalité, cette chose débile et qui n’a jamais existé. L’arbitrage vidéo va tuer cette seconde magique, quand des milliers d’âmes explosent alors que la balle franchit la ligne. Elle va détruire le rythme du football, son ADN en somme. Elle va permettre les coupures publicitaires, elle va donner envie aux couillons de l’autre côté de l’Atlantique de s’amouracher d’un jeu qui ne leur ressemble pas. La justice n’existe plus. Vous assumez presque fièrement dix millions de citoyens français précaires, vous ne faîtes rien, vous vous en contentez mais il faut absolument que le football devienne cette chose incorruptible, sans erreur. Vous n’êtes qu’un hypocrite, un petit épicier… Et Maradona vous emmerde, en passant…

Les sondages, eux, me donnent raison. Les Français ont validé la vidéo…

Quels sondages ? Quels Français ? Les vôtres, pas les miens. Hier soir, quand Aulas décide de fausser le championnat de France en envoyant son équipe C contre Monaco, on ne vous voit pas monter au créneau…

Il y a tout de même ces deux matchs contre l’Ajax… C’est important, ça, pour le football national, l’indice UEFA…

Dieu est facétieux et surtout, il n’a jamais aimé les petits calculs mesquins. Nous serons nombreux, dans quelques jours, à souhaiter une défaite des Lyonnais en terre batave. Vous représentez cet esprit libéral détestable mais quand cela vous arrange, la Nation redevient quelque chose d’important… Bouffon !

Les insultes, toujours les insultes. Rejoignez Bastia, c’est un club qui me semble fait pour vous. Toute cette rancoeur, c’est diablement triste à l’heure où tout est entrepris pour clarifier la situation, pour purifier le sport préféré des Français.

Vous avez effectivement une bonne gueule de purificateur. Vous me faîtes penser à ces consultants sur Canal + qui se sont tranquillement transformés en supporters. En coach adjoint de Monaco. Quand ils commentent Paris, c’est à vomir. On devine leurs doigts croisés, leur désir ardent de nous voir chuter…

J’accepte la défaite, elle est en moi

C’est donc cela ! Vous aimez le PSG… Je comprends mieux maintenant…

Qu’avez-vous compris ? Hein, dîtes moi ?

Vous risquez de perdre votre titre cette année et ça ne passe pas. Vous allez me parler d’arbitrage orienté, de décisions louches, de médias qui s’acharnent, d’une remontada suspecte tant que vous y êtes ? Le supporter parisien a toujours été un grand paranoïaque…

Vous voyez, de parler ne sert à rien. J’ai aimé ce club trente ans, j’ai encaissé toutes les vannes possibles, je n’avais vu les miens soulever le trophée en championnat que deux fois avant l’arrivée des Qataris. J’accepte la défaite, elle est en moi. Ce n’est pas le problème.

Et alors ? Quel est le problème ?

L’époque. Vous. Tous les autres. L’Équipe, et ses camarades de trahison, quand elle souhaite publiquement la victoire de Barcelone, les institutions quand elles interdisent les déplacements de supporters, les dirigeants quand ils augmentent les abonnements pour ne s’amuser qu’entre riches, le peuple, quand il acclame l’arrivée de la vidéo, Paganelli quand il célèbre en direct les buts adverses et suce Cavani en fin de match après un nouveau match irréprochable, tous ceux qui parlent de Monaco comme d’un club au budget modeste, ceux encore qui croient en une victoire monégasque en ligue des champions…

Parce que vous, vous n’y croyez pas ?

Je crois en l’incertitude, en la peur, en la mort, en l’appartenance, êtes-vous sourd ? Et je n’oublie pas que Platoche a joué à la Juve.

Et ?

Et qu’il sera là, dans mon coeur, pour aider la Juve a mettre fin au rêve de grandeur de Jardim et de ses Russes.

Mais, les points UEFA, les…

Qu’est ce que j’en ai à foutre de tes points UEFA, de ta Goal Line Technology, de tes tribunes pacifiées, de tes sermons de démocrate faux cul ? Rien ! Rien à foutre, hahahahahahah !

Je n’ai que PASTORE et je vous emmerde

Votre comportement n’est pas digne d’un adulte responsable…

Non, c’est vrai. Et c’est tout ce qu’il me reste. Vous, vous avez la justice, le droit, le fric, les grandes idées, le progrès, les médias et moi, je n’ai que PASTORE et je vous emmerde.

Vous validez même sa nouvelle coupe blonde ?

Cette gifle, c’est pour ton blasphème, connard ! PASTORE fait ce qu’il veut, sur le terrain, chez son coiffeur ! Ce qu’il veut !

Mais vous m’avez frappé, je vais porter plainte !

Je t’en prie, fais vite, la justice n’attend pas. Tu aurais dû filmer la scène, c’est idiot. La preuve aurait été faite et j’étais condamné.

Vous ne me vouvoyez plus ?

J’ai mieux à faire. Je dois aller chez Conforama. Mon canapé est mort.

C’est terrible !

Non, c’est la Ligue 1.

FIN

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