Je ne suis pas polygame

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Le football est une religion. Certains en ont une interprétation toute particulière et en profitent pour prôner l’amour pluriel. Un sacrilège intolérable sur lequel
nous revenons dans Virage.

La polygamie désigne la situation dans laquelle un individu dispose au même moment de plusieurs conjoints. Pour une personne ayant plusieurs hommes, on parle de polyandrie, pour une personne ayant plusieurs femmes, de polygynie. Pour une personne supportant plusieurs clubs, on peut donc parler de polyclubie ou de symptôme du poly-supporter.

Ce mal touche tout particulièrement les amoureux du « beau jeu ». Ceux-là mêmes qui ne paieront jamais un abonnement au stade mais qui exigent du spectacle lorsqu’ils se déplacent exceptionnellement pour un match. On retrouve ces mêmes personnes contaminées lors des soirées Champions League qui, juste à côté de toi sur le canapé, t’expliquent, un apéricube à la main, pourquoi le Barça est un club fabuleux, que la Juve est une Winning Machine ou que l’Atlético est un bloc équipe amazing (alors qu’ils ne connaissaient pas ce club il y a encore 5 ans). Et qu’ils ont du mal à choisir entre Pep Guardiola et Carlo Ancelotti comme top entraîneur. Car oui, ils utilisent souvent l’anglais, la langue des connaisseurs.

S’inventer une légitimité de supporter

D’où vient cette maladie ?
La popularité grandissante du football depuis 1998 et la victoire des Bleus en Coupe du Monde en est la cause principale. La France s’est redécouvert une passion pour le football et a du rapidement s’inventer une légitimité de supporter.
Après tout c’est un sport national, en 1945 tous les français avaient été un peu résistants.

Loin de moi l’idée de sous-entendre que la France n’est pas un pays de foot.
Les résultats internationaux le prouvent, nous sommes une nation de football, mais nous avons indéniablement du mal avec le concept de fidélité footballistique. Retourner son maillot est un mal répandu dans l’hexagone, reconnaissons que ça facilite les choses dans bien des circonstances. Mais la facilité ne m’intéresse pas.

La fidélité. Le mot est donc lâché.
En football comme en mariage, on s’unit pour le meilleur et pour le pire.
Le jour où tu dis oui, tout est parfait, la robe de la mariée est immaculée, mais rien ne garantit que ça durera. Le plus dur c’est justement de surmonter les mauvaises passes pour apprécier les jours meilleurs. La religion du ballon rond n’y coupe pas.

Seule la victoire d’un soir l’intéresse

Alors en bon croyant, j’ai choisi d’être fidèle à mon club, le PSG. Pour la vie. Car il m’a fait rêver tout petit, à l’époque des Sušić, des Rocheteau, des Bats et des Fernandez. Parce que cette tunique était la plus belle du championnat, parce que c’était le club de ma région, parce que le Parc des Princes était et restera à jamais une enceinte unique, un sanctuaire, une cathédrale, et parce que la ferveur en Virage était dingue avec les chants de ses disciples.

Depuis le milieu des années 80, j’ai connu les hauts, les bas, la rage, les victoires grandioses et les victoires étriquées. J’ai connu Ravanelli au Parc. Aujourd’hui je mange mon pain blanc chez un étoilé, mais si je dois retourner au bistrot d’en face manger un jambon beurre dans quelques années, ça m’ira tout aussi bien. Parce que je sais d’où on vient.

La jouissance de cette fidélité passe par les désillusions oubliées au lendemain d’une nouvelle victoire. Les poings serrés après les larmes.
Jamais un poly-supporter n’arrivera à atteindre un tel degré d’émotion, de croyance. Parce que seule la victoire d’un soir l’intéresse.

Pourquoi devenir subitement mormon

Comment peut-on supporter plusieurs équipes en même temps ? Quels critères peuvent justifier un tel acte d’infidélité, de schizophrènie ? Pourquoi devenir subitement mormon ?
Certains ont une histoire personnelle dans plusieurs villes. Certes. Un peu comme les marins dans chaque port. Mais je ne crois pas qu’un homme puisse délivrer autant d’amour à autant de personnes à la fois. Si, mais ce mec a fini cloué et en slip, alors non merci.

On a une seule famille. Une seule maison. Si votre religion compte plusieurs églises, sachez que la mienne n’en compte qu’une seule.

Ces pseudo-supporters qui crucifiaient Edinson et qui aujourd’hui l’applaudissent sont sans doute les mêmes qui quitteront les lieux lorsque l’argent aura disparu pour aller voir si la pelouse est plus verte ailleurs, plus rentable. Ce sont sans doute aussi les mêmes qu’on voit porter le maillot du Bayern ou du Real au Parc, un drapeau du PSG à la main… En essayant de comprendre les paroles des psaumes qui partent des Virages sans en comprendre la signification biblique. A moins d’être un touriste japonais hilare en quête d’émotion, quel intérêt ? Je ne suis pas le raisonnement de ces personnes. Aucune logique. L’amour du football ? Non l’amour du spectacle, du football-zapping. Follow The Leader.

On portera à nouveau notre croix un jour

Être supporter du PSG n’a pas toujours été un acte avouable au plus grand nombre. Aujourd’hui on peut un peu plus bomber le torse, mais ça ne durera pas. On le sait. On portera à nouveau notre croix un jour ou l’autre. Hués et sifflés de tous.

J’ai presque envie de vous dire que je suis de tout coeur avec les supporters de l’OM, jusqu’à ce qu’on les tape chez eux il s’entend. Mais les brebis égarées qui se déplacent encore au Vélodrome depuis l’année dernière ont tout mon respect. Je ne vous parle même pas des derniers illuminés qui sont encore supporters du Stade de Reims.

Et puis des personnes aussi recommandables que Francesco Totti, Ryan Giggs, Franco Baresi, Paolo Maldini, Andres Iniesta ou encore le Messi lui même ne peuvent pas avoir fait le choix de rester fidèles à leur club toute leur carrière sans raison.

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