Sauce Paris-Paris

par

Je n’oublierai jamais la tronche en sang de ce type plus si étranger à la mort ;
pourtant j’ai depuis longtemps oublié ce match contre les sang et or.
Impossible de me souvenir de l’année ou du score comme il m’est impossible d’oublier ce corps languide débarrassé du béton boulonnais par les masses oranges
– cet orange pénitencier des stewards condamnés à perpétuité à ne rien voir –
avec lassitude, comme par habitude.


Ce soir-là, il a payé au prix fort le tort d’être assis. Ainsi, comme Granomort plus tard mais sans défense ni pétard, il a vu fondre sur lui la rage d’un Parc qui n’acceptait plus la tiédeur, qui refusait la laideur d’un homme assis dans le Kop. Pas de souvenir, pourtant, d’une Tottenkopf. Ce n’était pas la haine raciale qui les animait, c’était la haine cruciale d’une tranquillité trop brutale pour une tribune à laquelle n’était proposé alors qu’un ersatz de ce football total qu’elle méritait comme toute femme mérite son animal écharpé. Quelqu’un devait payer, ce serait l’homme assis, celui qui clamait son mal, malade, trop malade pour acclamer, trop peu malin pour voir arriver la furie vitale d’ultras traumatisés par un club moins que normal.

Et c’est ainsi que je fus présenté à la fureur tranquille des ultras traitres entre eux.

Larmes et joie d’être champions
pour la première fois

Une quinzaine d’années plus tard, me voilà, rendu aussi statique par le nombre écrasant qu’extatique, par le grondement qui monte au milieu des fumis frimeurs qui font fondre les plus frigides anti-footix en un fleuve de lacrymo-joie.
Larmes et joie d’être champions pour la première fois de ma vie. Mais la loi du chant arme vite le poing vengeur des vidangés du Parc et les voilà, trop tôt ou trop tard, qui expliquent aux profanes ce que Paris est pour Paris. Enfin cuisinés par nous tous à la sauce Paris-Paris, les joueurs estomaqués constatent alors de leur putain de podium que la vraie richesse de la capitale se situe dans les épices surpuissantes de son Parc exquis.

Les nouveaux princes voulaient la silhouette idéale de la Tour pour l’effet. Triomphants footballeurs sur esplanade fumeuse, Eiffel en toile de fond.
Mais ainsi, soudain, du nuage de fumée rouge et bleue dont la nuée d’ultras en nage se nourrit toujours, émergea la figure terrible du maréchal Foch, monté comme ses hommes sur ses grands chevaux, nous menant, fumi au poing, à l’assaut de l’idée fade que s’étaient jusqu’alors faite les fumistes d’un PSG finalement toujours féroce et à jamais fratricide quand ils pensaient nous faire rêver en lettres capitales avec eux.
Fragile alchimie qu’un Paris heureux, fameux pari que cette chimère de peureux.

Et c’est ainsi que triomphèrent Foch et ses enfumeurs, des vaniteux envahisseurs du fort du Troca.

Si seulement Paris pouvait redevenir
Paris sans Germain

Puis vint le CUP. Trois lettres en forme d’espoir fou, trois lettres qui annonçaient l’oeuvre de cupidon entre un triste Parc et ses utiles ultras ; trois lettres, enfin, qui annonçaient calmement l’ambition de chacun : la CUP, la grosse, l’ultime, la CUP des clubs champions. Tout le monde veut sa part. Cupidon laisse donc déjà prestement sa place aux cupides culs bénis du club capital qui voudraient se réserver le gâteau comme on se réserve une place en loge. Cupidité, stupidité.
Et j’en vois qui se frittent et sens l’unité, déjà, qui s’effrite. Faux collectif de vrais ultras, vrais parisiens d’un faux Paris qui quitte Saint-Germain, je vous plains et crains malheureusement que vous n’arriviez après la bataille ; il n’en reste déjà que la moitié, de ce PSG.

Si seulement Paris pouvait encore nous émerveiller par la magie d’un simple podium de mai, si seulement Paris pouvait redevenir Paris sans Germain, sans Lynx, sans sa mascotte de merde et sa myriade d’amateurs en corbeille ; si seulement Paris pouvait retrouver sa sainteté, celle de Pedro d’Açore ou celle de François d’Assise qui réclame l’obole pour les places assises quand tout le monde est déjà debout. Si seulement Paris avait vraiment besoin de nous, de vous, en somme, alors Paris pourrait retrouver Saint-Germain et son âme, les gradins. Prions donc pour qu’un jour nos ultras soient vraiment de retour.

Car si son sud est toujours désert, son nord est à nouveau sincère, et c’est bien là son or à ce Parc timoré, qui ne demande qu’à être raffiné et qui en son centre n’a, à nos yeux, jamais manqué de pierres précieuses.

Noéstalgique

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