Tuchel de contrôle

par

Au lendemain d’une défaite face au dernier de Ligue 1,
Thomas Tuchel
devait avoir les oreilles qui sifflent.
Je profite de l’occasion pour donner mon point de vue sur le coach.


Un des reproches les plus souvent adressés à Tuchel : ses compositions d’équipe. Il fait régulièrement jouer des joueurs à des postes qui ne sont pas les leur. Mais pour quelles raisons ? Il y en a deux. La première, c’est par nécessité, comme c’était le cas une grande partie de la saison dernière. Le groupe n’avait pas assez de milieux, et Marquinhos, Bernat, Draxler ou Alvès ont comblé ces manques. Marquinhos a eu des débuts délicats, mais il a vite appris au point de devenir encore cette saison la première option en sentinelle. Pour les trois autres, il s’agissait plus de piges ponctuelles. Leurs prestations étaient moins convaincantes sans être catastrophiques pour autant.

La seconde raison, c’est la recherche de qualités particulières pour un poste précis. Marquinhos a été reconverti en sentinelle par nécessité mais aussi parce que l’entraîneur pensait que son excellent jeu de tête, son intelligence tactique et sa qualité de relance étaient parfaitement adaptés à ce poste. Idem avec le replacement de Neymar en 10 l’année dernière. Et les deux ont été très convaincants. Ce qui ne veut pas dire qu’ils n’ont pas eu un passage à vide sur un match ou deux (et encore, pour Neymar je ne crois pas que ce soit déjà arrivé). Mais on ne peut pas remettre en question des choix qui ont été efficaces pour une mauvaise prestation. Le haut niveau exige de se remettre souvent en question et d’adapter son équipe et son jeu aux différents adversaires. Ça ne peut pas tout le temps fonctionner.

Un élément revient très souvent dans les propos de Tuchel. Il veut « contrôler ». Les matchs, le temps de jeu, les performances… l’Allemand est un maniaque du contrôle. C’est pour cela qu’il suit de très près le temps de jeu accordé à chacun. C’est une nécessité bien réelle. Sinon, le risque de blessure augmente. L’équipe étant déjà beaucoup touchée cette saison, on imagine bien que le coach soit particulièrement attentif à cela, et certainement très anxieux à l’heure de coucher 11 noms sur la feuille de match. Il doit trouver la bonne formule, à la fois performante et judicieuse, pour ne pas risquer de plomber davantage son groupe. Ça n’a pas fonctionné face à Dijon. Et tout le monde se demande ce qu’il aurait dû faire différemment.

Ce n’est pas une question que je trouve pertinente, tout simplement parce qu’elle ne se pose qu’une fois le match joué. Le coach doit lui y répondre avant même qu’on ne se la pose. Pas le même niveau de difficulté. Est-ce que mettre Cavani à la place d’Icardi aurait été judicieux ? Peut-être. Mais ça aurait demandé de mettre sur le banc un buteur très efficace sur les derniers matchs, ce qui n’aurait pas été très logique. Pourtant ça aurait peut-être changé le match. Idem pour Marquinhos qui retrouvait la défense alors que Paredes n’a rien apporté dans les duels au milieu. Tout cela est simple à analyser après le match. La seule chose que je peux reprocher à Tuchel sur ce point, c’est d’être trop dans le contrôle, la gestion. Il lui manque encore une certaine dose de prise de risque.

J’ai le sentiment qu’il est très marqué par les nombreuses blessures de ses joueurs. Il cherche à avoir le moins de blessés possible, ce qui est normal. Mais en pensant trop à cela, il est contraint de faire des choix parfois contestables d’un point de vue tactique. Un problème qu’il n’avait pas autant lors de ses 6 premiers mois où il savait répondre très vite à un problème causé par l’adversaire, quitte à prendre des risques. Tuchel est un coach moderne, avec une approche quasi scientifique du football. Statistiques, indices de performance, tous ses choix s’appuient sur des données concrètes. Mais il gagnerait peut-être à forcer un peu le destin de temps à autres. Son approche donne parfois l’impression qu’il ne peut rien faire sans son effectif au complet et au top de sa forme. Et cela commence à agacer beaucoup de monde.

Enfin, dernier reproche qui lui est adressé, très courant pour n’importe quel coach après une défaite : son management. Trop proche des joueurs, pas assez autoritaire, pas un vrai meneur d’hommes, etc… Chacun son avis sur la question. Mais on ne peut qu’admettre qu’un coach n’est pas juste un tacticien. Il doit aussi assurer la cohésion du groupe, ce qu’il arrive plutôt bien à faire. Les joueurs l’apprécient et n’hésitent pas à le faire savoir. Un bon point pour lui. Mais il doit aussi parvenir à créer un état d’esprit qui sera le socle de la performance collective. Il l’a répété à maintes reprises, il veut que son équipe aborde tous les matchs avec la même intensité. Et pour le moment, ce n’est pas le cas. En tout cas, pas de manière assez régulière. Si la performance relève beaucoup des joueurs, les consignes et leur application sont du ressort de l’entraîneur. Je pense que c’est sa plus grande limite aujourd’hui.

Perdre contre Dijon n’est pas très grave, ça ne devrait pas freiner le PSG. Mais Tuchel se voit contraint de trouver des solutions très vite pour ne pas multiplier les accidents de parcours. Il va devoir apprendre à être plus pragmatique (un coup de fil à Deschamps, peut-être ?) mais aussi à lâcher prise. Car à force de vouloir tout contrôler, il risque de fragiliser sa position. Leonardo n’aurait pas besoin de trop se creuser la tête pour le remplacer, Allegri est libre. Alors c’est le moment de lâcher les chevaux pour Thomas, sans trop calculer. Il ne pourra de toute façon pas contrôler le destin.


Café Crème et Sombrero

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