Zavatt, deuxième partie

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Découvrez la suite de l’interview de ZAVATT, ancien Capo des BOULOGNE BOYS.
On évoque avec lui les déplacements à Marseille, à Bastia
et la fameuse bâche des Ch’tis de 2008 face à Lens en Coupe de la Ligue.


Peux-tu nous parler du déplacement mythique au Vélodrome en 2001 ?

C’était après un match de Champions League qui avait eu lieu à San Siro contre l’AC Milan (Ndlr : 14 février 2001). Certains Boys avaient fait le déplacement en Italie. On était un peu en guerre avec le club à cette époque. On ne voulait pas suivre les déplacements organisés par le club. On les organisait nous-mêmes. On était d’accord pour faire des concessions et être escortés en cortège par la police pour aller au stade. On rentre alors dans de grosses négos avec le club où je suis en première ligne. Le but était que le club accepte de nous vendre les places et de nous laisser faire ce qu’on voulait sous condition de donner les plaques de nos bus et de respecter certaines règles. On a été jusqu’à contacter le service de sécurité de l’OM dont le directeur m’a reçu à Marseille. Pour toutes ces raisons, on pensait que ce serait bon mais à deux jours du match, le club refuse de nous vendre les places. Il y a alors une grosse période de tension. On décide de descendre en train. On part de nuit, de Gare de Lyon, sans billet de match. On est environ 150. Une partie du bureau des Boys lui, arrivait d’Italie. Dans le train on décide d’un plan. On descend à Avignon, on rejoint le cortège officiel, et on s’incruste dans les bus. Le bureau refuse ce plan, malgré le fait qu’on ne savait pas ce qu’il risquait de se passer à la gare Saint-Charles à notre arrivée. Bref on va jusqu’à Marseille.

On arrive à 9H et là, pas un bruit dans la rame. On n’était pas très à l’aise. On est accueilli par la police de Marseille, et les RG qu’on connaissait bien : Girafe, Motard et Nounours (Ndlr : surnoms donnés par les ultras aux trois RG parisiens) ! Il y avait aussi le directeur de sûreté publique de Marseille. Il voulait voir le responsable, donc j’y vais. Il me demande « Est-ce que vous avez des places ? ». Je lui dis : « Non ». Lui : « C’est quoi votre projet ? ». Je lui dis qu’en toute transparence on ne vient pas faire de vague, on est là en tant qu’ultras indépendants pour venir voir le match. On vient prouver à notre club qu’on sait se tenir et qu’on ira au stade sans faire de problème. Et là il me dit : « Mais vous n’avez pas de place ». Je lui dis que j’espère que le club nous en donnera ou nous en vendra une fois arrivés au stade. Je m’attends à ce qu’il nous propose de nous emmener au stade encadrés par la police. Et il me dit : « Vous n’avez pas de place, donc pour nous, vous n’allez pas au stade. Messieurs bonne journée ». Nos regards se croisent alors. Je comprends ce qu’il veut me dire et il comprend que j’ai compris…

ITW Zavatt, Capo des Boulogne Boys Virage PSG
Toujours le meilleur accueil – 17 février 2001 (c) Panoramic

On descend alors les marches de la gare, on lance nos chants. Les marseillais nous regardent passer avec de gros yeux. On voit des mecs qui passent en scooter et qui nous insultent mais qui n’osent pas s’arrêter vu le nombre de Boys. On rejoint la Canebière, on passe devant le Vélodrome, on fait le tour, on voit des supporters marseillais partir en courant… Le sentiment il est extraordinaire ! Tu redoutes le moment où ils vont débarquer à 300. On sait que ça va arriver mais à ce moment-là, on se sent tout puissant. On va ensuite jusqu’à la plage du Prado en chantant comme on n’a jamais chanté. Il est quoi, 10H du matin ! Il y a un vent très froid. On est sur la plage et on attend. On ne sait pas si ils vont venir alors on se prépare comme on peut avec les moyens du bord et ce que l’on trouve pour éventuellement se protéger. La journée passe. A un moment on voit des groupes de gars arriver dans notre direction et là on se dit : « les gars c’est parti ». Ils n’arrivent pas ensemble. Et à une centaine de mètres de nous ils s’arrêtent, ils posent leurs affaires. En fait les mecs venaient juste jouer au foot sur la plage ! Des mecs des Boys sont allés jouer au foot avec eux. Une scène assez hilarante. Mais c’était bien aussi comme ça.

Vers 17H ça commence quand même à chauffer un peu et les CRS arrivent pour nous encadrer. Le responsable de la sécurité arrive et me dit que Laurent Perpère et son acolyte veulent me recevoir au stade. Je vais en voiture de police au stade avec Nico, le Président du groupe. En arrivant, le responsable de la sécurité de l’OM me dit de façon très sincère : « Vous avez été admirables ». Il est venu avec moi et c’est lui qui nous a défendus, un marseillais ! Il leur a dit : « Ils se sont très bien comportés, vous ne pouvez pas leur faire ça, vous ne pouvez pas les laisser dehors et faire ça à vos supporters ». On a discuté et Perpère a dit non. Nous revenons avec Nicolas au point de départ et évidemment en apprenant la nouvelle, les esprits commencent à s’échauffer un peu et la tension monte nettement d’un cran. Comme quoi, avec le recul, il est bien plus stupide et irresponsable de laisser des supporters livrés à eux-mêmes lorsque ces derniers sont prêts à collaborer et suivre des instructions pour rejoindre un stade, quand bien même ils se déplacent en indépendants. Du coup ça  part en fight avec les flics. Les flics nous mettent dans des bus et nous emmènent dans le hangar du Parc Chanot à côté du Vélodrome. Là on se dit, c’est gagné ils vont nous laisser rentrer.

ITW Zavatt, Capo des Boulogne Boys Virage PSG
Entrée des joueurs – 17 février 2001 (c) Panoramic

Mais ils nous ont parqués de l’autre côté du hangar. On a vu passer les groupes ultras parisiens qui arrivaient. Les mecs nous acclament. Au moment de se faire fouiller pour entrer dans le stade, tous les groupes Auteuil comme Boulogne disent :« On ne rentre pas tant que les Boys ne rentrent pas ». Ça a duré 20 minutes et puis finalement ils sont rentrés et nous ont laissés là. Là on leur en a voulu car s’il y avait eu une vraie solidarité ultra, c’était tout le monde ou personne. Ils étaient environ 800. S’ils avaient vraiment insisté, on serait rentrés. Des Rangers et des Gavroches, qui étaient aussi du déplacement officiel, sont aussi rentrés dans le stade et là on leur en a vraiment voulu.Mais bon, en même temps, cela n’aurait rien changé qu’ils restent avec nous et de toute manière ils ont dû être obligés de rentrer dans le stadeOn a passé le match dans le hangar. On a entendu le but pour Marseille à la fin du match mais on s’en foutait en fait. La police a fait sortir les supporters parisiens et là ça a été compliqué de gérer les gars, ça a chargé entre supporters parisiens. Bref, on a été ramenés à la gare, on a été mis dans les trains et on est rentrés à Paris.

A partir de quand quittes-tu les Boulogne Boys ?

En 2004. Je commençais une vie professionnelle et ça devenait incompatible. Et puis il y avait aussi ma vie de famille. En 2001 j’ai eu ma première fille. Ce qui m’a fait prendre conscience que ça devenait compliqué. Le déclic c’est lors d’un OM vs PSG en 2003, celui du 0-3 avec un doublé de Ronnie (Ndlr : 9 mars 2003). Match chaud. Je suis en bas sur la main courante avec mon méga. On se fait canarder de projectiles pendant tout le match. Les marseillais avaient cassé leurs chiottes pour nous balancer de la faïence sur la tête. (Ndlr : 70 blessés parisiens ce soir-là). Une personne à côté de moi s’est pris une orange en plein visage. Deux minutes après, une autre orange tombe à nos pieds et elle était jonchée de lames de rasoir. Si quelqu’un avait pris cette orange dans le visage il aurait été défiguré…

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Bref, sur le premier but, la main courante se descelle. Tout le monde tombe. Plusieurs mecs partent à l’infirmerie. On apprend plus tard que cette barrière avait été déboulonnée avant le match. Je reprends le mega, et quelques minutes après on se prend une pluie de cailloux sur la tête. J’en prends un dans la nuque. Je tombe, je perds connaissance. Je me réveille dans l’infirmerie du Vélodrome. J’entends quand même qu’on met le deuxième but. L’infirmière me fait des palpations aux jambes et me demande si je sens quelque-chose au touché. Je ne sentais rien… Elle utilisait un crayon et appuyait sur la voute plantaire de ma jambe droite. Je l’avais senti à gauche mais pas à droite. Je ne sentais plus rien non plus dans le bras droit. J’ai vu la tête de l’infirmière et je me suis dit « putain c’est grave ».

On m’a emmené direct à l’hôpital de la Timone. J’ai passé toute la fin du match là-bas. Finalement je m’en suis sorti quasi indemne. Les sensations sont revenues 2-3 heures après. Sauf qu’une fois l’ordonnance donnée et les analyses faites, ils m’ont dit merci et au revoir. J’étais avec mon T-shirt des Boys en plein Marseille, on venait de leur mettre 3-0, j’étais blessé et il fallait que je rejoigne le bus des Boys qui m’attendait car ils avaient été prévenus. J’ai traversé tout Marseille avec Nico qui m’avait accompagné à l’hôpital. On a mis nos T-Shirts à l’envers et on est parti à pied… Pas sereins. Ce soir-là, mon beau-père apprend ce qui s’est passé et pète un câble. Il me dit que je ne peux plus faire ça, j’ai pensé à ma fille, elle avait quelques mois seulement. Ça m’a calmé. J’ai arrêté d’être visible et actif.

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9 mars 2003, Ronnie Et Jérôme régalent (c) Panoramic

Avant de parler de la fin des tribunes, tu as d’autres souvenirs marquants ?

Je peux parler des différents déplacements. Faire un pèle-mêle. Entre la belle période du PSG qui jouait les demi-finales et les finales de Coupe d’Europe. Avec le PSG qui a galéré. Je tiens à dire quelque-chose : les gens oublient aussi que l’année où il y a eu la plus belle ambiance au Parc des Princes, qui a d’ailleurs corroboré avec une des plus belles affluences, c’est l’année où le club a failli descendre en Ligue 2. 2008, l’année où on se sauve, notamment à Sochaux avec le but d’Amara Diané. Cette année-là au Parc des Princes, on était vraiment en galère, c’était des matchs de merde. Mais c’est là où je pense que le club doit son salut à ses supporters et ne descend pas en Ligue 2. Je pense aussi qu’en tant que capo, c’est peut être une des années où j’ai pris le plus mon pied parce qu’il y avait une ambiance extraordinaire à chaque match. Plus la fin de saison arrivait, plus les matchs étaient chauds bouillants, et c’était compliqué, parce qu’on avait une équipe de merde !

Du coup tu as vraiment arrêté de capoter quand ?

J’ai arrêté de capoter en 2006. Puis de temps en temps je revenais, en scred. Des fois j’allais en tribune, et on entendait « tiens, il y a Zavatt », et ça arrivait que les mecs disent « Zavatt au micro, Zavatt au micro, … ». Après moi il y a eu Toinett, Pierre-Louis. Sinon ce que j’adorais aussi, c’était les déplacements. Pour moi, c’était vraiment le moment où l’on vivait un truc fort, avec des amis, et ce n’était pas juste aller voir un match de foot. 

Tu étais capo à tous les déplacements ?

Pas tous, mais presque.

Tu as fait un grand chelem ?

J’ai fait deux ans de suite un très grand chelem, puisque deux saisons de suite j’ai fait championnat – Coupe d’Europe – Coupe de France – Coupe de la Ligue. J’étais à la fac de Droit, j’arrête mes études à ce moment-là. Pour moi des souvenirs indélébiles, c’est par exemple un déplacement en Corse, où l’on part avec les Boys en voiture (Ndlr : 4 mai 2000). J’en ai d’ailleurs des photos, assez rigolotes. On part à cinq voitures, on a loué des bagnoles 7 places, et on part en Corse trois jours. Ce déplacement il est extraordinaire, parce que c’est une vraie aventure humaine, parce qu’on se retrouve à piqueniquer sur la plage à Bastia. C’est compliqué. Mais il n’y avait presque que nous ce jour-là. Au stade, dans le parcage parisien, il y avait 95% de Boulogne Boys. Si les Boulogne Boys ne sont pas là à ce match à Bastia, il n’y a pas de parisien. Et ce match, il est hyper chaud puisqu’il fait suite à la défaite du PSG en Finale de Coupe de la Ligue contre Gueugnon (Ndlr : 22 avril 2000), qui fait que, je ne sais pas par quel truchement, le classement de Ligue 1 ne permet pas à Bastia de se qualifier pour une Coupe d’Europe. Du coup ils nous en veulent, et de surcroît on va gagner là-bas. Donc on est, en plus d’être parisiens, des pestiférés. On est tout seul à Bastia, en voiture, on s’est fait caillasser tout le match. On a été escortés à l’avant-match. Honnêtement, de ma mémoire d’ultra, à part le match à l’AEK Athènes, ça a été le match le plus chaud de ma vie. On est restés dans le stade pendant 4 ou 5 heures après le match.

ITW Zavatt, Capo des Boulogne Boys Virage PSG
Boys In the (Corsican) Hood (c) Collection personnelle

Il n’y a pas eu une émeute des corses contre les CRS ce soir-là ?

Mais contre tout le monde. Contre les CRS, contre nous. Les corses essayaient de rentrer dans notre tribune, et on était protégés par les CRS. A la fin du match, on reste dans le stade, et les gendarmes nous proposent de dormir dans le camp de gendarmerie en nous disant « si vous ne dormez pas dans le camp, vous êtes morts … ». Ce qu’on refuse. Après le match on prend les voitures. Et ce soir-là on a été bénis. En fait nos voitures avaient eu l’autorisation d’être garées dans le parking des salariés du club, où le responsable de la sécurité de Bastia m’avait emmené chercher les voitures, et s’il n’avait pas été là, je pense qu’on était morts. On ramène les voitures dans cet enclos au pied du stade, on ressort du stade après le match, toutes les voitures sont défoncées, toutes, sauf les nôtres. Gros coup de bol. Donc on prend les voitures, on se barre, on roule beaucoup, on dort sur la plage et on passe des supers moments. Le lendemain on retourne à Bastia, au port, pour prendre le bateau, et là changement de décor, changement de climat, changement d’atmosphère.

Résumé vidéo du match cliquez ICI

On est au café, et on voit les corses qui viennent nous voir : « ah c’était vous les parisiens hier soir ? Ah la la c’était chaud, hein … » mais plus rien. Et on a passé des supers moments comme ça. Voilà, ma vie d’ultra, pendant huit ans, elle a été rythmée de matchs au Parc, de week-ends à préparer des tifos, de soirées à peindre des banderoles et des voiles. Tes week-ends c’est soit en déplacement, soit en train de préparer des choses. Soit au local. Car à un moment donné, on a eu un local dans Paris, qui nous coûtait très cher d’ailleurs, mais on était toujours 80 – 100 personnes à cotiser pour le faire vivre, qui était aussi pour moi, sans vouloir faire mon South Winners et mon marseillais, un lieu de vie, d’éducation, et pour certains je pense que c’était un point d’ancrage.

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L’Escorte sur le parking de Furiani (c) Collection personnelle

Et je pense que ça a permis à des personnes, je ne vais pas dire de revenir dans le droit chemin, mais d’avoir un contact humain qu’elles n’avaient pas, d’avoir une vie sociale qu’elles n’avaient pas. Parce que dans le groupe il y avait de tout. Il y avait des gens qui étaient salariés. Il y avait des étudiants, des chômeurs. Il y avait des « cassos », faut être honnête. Il y avait des gens qui dépassaient les bornes des fois. Il y avait des gens qu’on a exclu du groupe, parce qu’effectivement il y en avait qui affichaient des opinions politiques, ou qui n’étaient là que pour la violence. Mais ce local nous a permis de tisser un lien et je pense qu’on avait un rôle social en tant que responsables et leaders de l’association. Voilà, moi ce que je retiens de toute cette période de 8 – 10 ans, au-delà des matchs, c’est vraiment ces préparations de tifos au Parc, ces soirées au local, ces déplacements, en semaine…

Je n’oublierai pas évidemment des moments plus tristes, notamment un drame. Le décès d’un Boys, en 2001, lors d’un accident de la route au retour d’un déplacement face à Brescia en Coupe Intertoto. Sébastien est resté plusieurs semaines dans le coma à Lyon. Nous avons été très prochs de sa famille tout le long de cette terrible épreuve afin de les soutenir de la meilleure des façons. Mais que voulez-vous faire dans pareille circonstance ? On se sent tout petit, impuissant, voire même responsable… Un tifo noir et blanc a été réalisé le match suivant son décès et une bâche « Sébastien à jamais dans nos cœurs » ornait l’une des portes d’entrée du bloc Boys et y est restée jusqu’à la fin du groupe. Nous avions aussi fait mettre une plaque à l’entrée de la tribune. Plusieurs fois, lors de déplacements dans le Nord , le groupe s’est rendu sur sa tombe puisqu’il est enterré dans le Nord de la France. C’est aussi dans ces moments terribles que le groupe a un rôle qui dépasse évidemment le cadre du foot et des tribunes.

A refaire, tu referais tout pareil ?

Oui, je referais tout pareil. Complètement. Quand j’y repense… Je n’y étais pas, mais j’ai tout de même des potes qui sont montés à Trondheim en voiture, pour le match Rosenborg vs PSG en Ligue des Champions. C’est 3-4 jours aller de voiture, 3-4 jours retour. A l’époque il n’y avait pas le pont à Copenhague pour passer jusqu’à Malmö. C’était le ferry, et ils y sont allés, puis revenus. Si ce n’est pas de la passion … Comment on peut dire que ces gens-là sont des gens haineux, violents … Non, ce sont des passionnés, qui aiment le club par-dessus tout.

Quand je suis allé à Liverpool cette année, j’ai vu les groupes ultras d’Auteuil aller en car à Liverpool, et je pense que le retour n’a pas du être des plus sympas. Ça a  être pénible entre la fatigue, la longueur du trajet et la défaiteC’est ça être ultra.  Mais voilà, Trondheim en voiture, c’est extrême. Pour aussi situer ce qu’étaient les Boys, parce que les gens oublient, Finale de la Super Coupe d’Europe, on perd 1 – 6 le match aller au Parc, match retour à Palerme, les Boulogne Boys ont fait un car complet (Ndlr : 15 janvier et 5 février 1997). On est cinquante à Palerme. Imagine, aller en bus à Palerme, alors qu’on a perdu 1-6 le match aller ! Les Boys étaient là. S’il faut résumer, les Boys c’était ça, faire un bus d’ultras, qui vont aller porter leurs couleurs, représenter le groupe. A Palerme, où on sait à quel point ça peut être chaud. Alors que tu as perdu le match aller 1-6. 

N’y avait-il pas un slogan « Boys un jour, Boys toujours » qui résumait cette mentalité-là ?

Oui. Il y avait aussi « Toujours Vaincre ». Et il y avait, ce qui montre aussi la culture ultra des Boys, ce cri de guerre « Chi noi siamo ? I Boys ». « Qui sommes nous ? Les Boys », en italien. Au méga ça donnait « Chi noi siamo ? » et ils répondaient « I Boys ». Ça montre aussi cette culture ultra et cette prédominance de la culture italienne des Boys.

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« Qui sommes nous ? Les Boys » (c) Panoramic

Aviez-vous des groupes amis, en France ou en Europe ?

On avait un slogan, c’était « No one likes us, we don’t care ». Personne ne nous aime, tant mieux, on s’en fout. Non, on avait aucun groupe ami. Il n’y avait pas d’alliance. C’est très dans la culture ultra d’avoir des alliances, des jumelages, mais non, on n’en avait pas. Il y a eu des membres Boys qui ont sympathisé, tissé des liens avec certains groupes, Green Angels, Magic Fans, Commando Ultra. Cela restait des démarches individuelles. Des groupes « amis », entre guillemets, ce fut un temps avec la première génération des Tigris, et les Lutece. Voilà c’est tout. Après il y a peut-être eu des rapprochements ou des connivences avec des groupes italiens, mais c’est tout, il n’y a jamais eu d’alliance ou de parrainage, affiché avec une bâche qui est posée au stade. Non, pas les Boys, ça on n’a jamais voulu.

Et à titre privé, quand tu dis à des amis, à ta famille, à des collègues, que tu es ou a été Boulogne Boys, qu’est ce qui se passe ?

Alors, il y en a qui savent, ils sont très à l’aise avec et ils savent très bien de quoi on parle, ce qu’était le Kop, ce qu’étaient les Boys, ce qu’étaient les différentes mouvances, et ce qu’on a subi et la représentation qu’on voulait donner du groupe. La communication du groupe était toujours très claire, c’était un groupe apolitique, et on le disait ouvertement, vous ne venez ici en aucun cas pour montrer ou faire part de vos opinions politiques, quelles qu’elles soient. Nous on ne veut pas le savoir. Bref, nous c’était un mouvement ultra et ceux qui venaient aux Boys pour autre chose n’avaient pas leur place.

ITW Zavatt, Capo des Boulogne Boys Virage PSG
Band of Brothers (c) Collection personnelle

Pas trop de mixité quand-même ?

Non, ou très peu c’est vrai. Mais ça c’était la réalité de la tribune Boulogne. Nous, on était apolitique. La politique n’a jamais été notre moteur ou notre position. Tout ce qui était politique, et dans les deux sens, nous ne voulions pas en entendre parler. On n’était pas là pour ça. Après on composait avec les éléments de la tribune Boulogne. Mais oui, quand j’en parlais avec des proches, je faisais attention, je n’en parlais pas à tout le monde. Je ne disais pas à certaines personnes que j’étais de la tribune Boulogne, car je savais qu’ils auraient vite fait l’amalgame, qu’ils n’auraient pas compris, ou qu’ils étaient désinformés. Et je sais à quel point ça peut aller vite. Puisque même les gens qui n’étaient pas aux Boys mais qui étaient peut-être plus dans une mouvance violente, n’étaient pas non plus forcément politisés. Dire qu’ils l’étaient, ce serait faux. Oui il y en avait, mais tous, ce n’est pas vrai.

29 mars 2008, finale de Coupe de la Ligue, PSG vs Lens, la fameuse banderole. Tout de suite les Boys sont accusés, puis ils seront dissouts, alors que c’était plus complexe que ça, non ?

Et bien oui ce n’était pas les Boys. C’est aussi simple que ça. Ce match-là je ne suis pas au stade. C’est marrant parce que c’est une finale PSG vs Lens, et la précédente finale entre les deux clubs, dix ans avant, en 1998, je n’étais pas là car j’étais interdit de stade. Mais cette finale de 2008 je n’y suis pas, je ne suis plus trop dans le truc, et en plus je suis en vacances. Je suis avec des amis, des anciens Boys du bureau. On est au ski, avec les potes, on regarde le match à la télé. On voit cette banderole. Honnêtement, je vois la banderole, je me décompose. Je me dis « putain de merde, c’est quoi ce truc ! ». Je vois le truc venir. Je me marre, oui, comme tout le monde, mais je vois le truc venir. Le lendemain, Pierre-Louis, qui à l’époque est Président des Boys, nous rejoint. Il est parti le soir du match direct, il a voyagé de nuit. Il prend le train, il arrive le lendemain, et là on lui dit « Putain Pierre-Louis, qu’est-ce que vous avez fait ? C’est quoi ce truc ? Cette banderole ? ». Il répond « Quelle banderole ? ». Je vous promets, il n’était pas au courant. On lui dit « La banderole que vous avez mise ». Et il répond « Ah oui, ça. tout le monde est arrivé avec des morceaux de banderole, et ils l’ont mise … » et il ne savait pas ce qui était écrit dessus.

Vidéo de la fameuse banderole, cliquez ICI

Ce qu’il faut juste avoir en tête, c’est que des personnes, sans vous dire qui elles sont, se sont organisées et sont arrivées avec une banderole découpée en dizaine de morceaux. Nous, les Boulogne Boys, avions évidemment la place du milieu en tribune, on avait la grande bâche Boulogne Boys et beaucoup de personnes sont arrivées. Et pour être tout à fait honnête, peut-être que parmi ces personnes il y avait des Boulogne Boys qui avaient un morceau de banderole. Est-ce qu’ils savaient ce qu’était l’intégralité du message, je ne pense pas, et quand bien même c’était peut-être une poignée de personnes. A aucun moment le groupe n’a été à l’origine de ça. Les personnes sont arrivées avec les différents morceaux, ils les ont posés sur le parapet. Sauf que ce que les gens ne comprennent pas, car certains ont dit « Oui mais les Boys, c’est vous qui animez la tribune, qui êtes responsables de la tribune, vous n’auriez pas du laisser faire ça ». Mais comment tu veux empêcher plein de mecs qui arrivent, sur une largeur de tribune de 200 mètres, de mettre des banderoles, quand toi-même tu es dans la tribune et que tu ne vois pas ce qui est écrit ? Parce qu’il faut avoir du recul pour voir ce qui est écrit.

ITW Zavatt, Capo des Boulogne Boys Virage PSG
Le Virage parisien au stade de France en 2008 (c) Panoramic

Après coup, penses-tu que cette banderole a été un prétexte pour dissoudre les Boulogne Boys ?

Cette banderole arrive à un mauvais moment. C’est politique. Je pense que c’est un accélérateur. On est dans une période où il y a de la violence qui revient, il y a des conflits, Boys – Tigris, Boulogne – Auteuil.

Tu penses que c’était calculé ? Et que c’était plus facile de faire de vous des coupables ?

Non, ce n’était pas calculé. Mais c’était une opportunité. Après, est-ce qu’ils ont réellement pensé que c’était les Boys ? Peut-être. Parce que pourquoi pas. Comme on le dit depuis le début, pour les gens et pour le commun des mortels, pour les politiques, et pour tous les gens qui ne sont pas dans le milieu, le Kop de Boulogne c’est les Boulogne Boys, donc la banderole, c’est les Boulogne Boys. Point barre, ils ne réfléchissent pas plus loin.

Et sur le contenu du message, elle aurait pu être de vous cette banderole ?

Honnêtement, je ne pense pas qu’elle aurait pu être des Boys. Parce qu’on en a fait, des cinglantes, mais il y avait toujours une subtilité, un jeu de mot...

« Perpère, mes couilles sur ton nez, ça te fera des Ray-Ban », elle était littéraire cette banderole ? Ce n’était pas de la poésie ça quand même ?

Non, ce n’était pas de la poésie (rire). Mais, regarde, contre Marseille, « Si l’Amazonie est le poumon de la planète, Marseille en est le trou du cul », c’est insultant, mais… le côté pédophile de la banderole de Lens, je ne dis pas que ça m’a choqué, parce que tu connais le Mouvement. Oui, honnêtement j’en ai rigolé, et il faut que les gens soient honnêtes, parce qu’il y a plein de gens qui font genre, ils se sentent choqués, mais qui rigolent aussi, donc faut arrêter. Mais c’est sûr que ce n’était pas beau et je comprends que des gens aient pu être choqués et se sont sentis salis et insultés.

Sinon, est-ce qu’il y a des banderoles que tu as faites et dont tu es fier ?

« Bienvenue dans l’enfer du Kop » (Ndlr : PSG vs Nice 23 novembre 2003). Un tifo, avec un message que j’adore, et je crois même que les marseillais avaient trouvé ça bien, c’était « Vous entrez dans une zone de turbulences » (Ndlr : PSG vs OM 26 octobre 2002) avec cet avion Khalifa Airways, des ballons rouge et bleu qui faisaient 2 ou 3 mètres de hauteur. On les agitait, et visuellement c’était très fort, parce qu’avec ces ballons, ultra, mentalité italienne, on a fait des gestuelles de maboules. Ces ballons sont restés tout le match. C’était génial. Après on en a plein d’autres, évidemment c’est compliqué d’en sortir une du lot. On a aussi plein de chants. Beaucoup de chants que j’entends aujourd’hui me font évidemment repenser à toute cette époque, ce qui me rend souvent nostalgique.

ITW Zavatt, Capo des Boulogne Boys Virage PSG
(c) Collection personnelle

NB : L’interview a été réalisée avec le concours de Fred Ramel


Benjamin Navet
Xavier Chevalier

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