20 secondes

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C’est l’histoire d’un gars qui a vu 20 secondes de Barça/PSG.


Je pense être un homme bon, ou du moins pas trop mauvais.
Comme disait Oxmo, « je dis bonjour, bonsoir au crépuscule, j’ai le sens du respect, je m’excuse si je te bouscule ». Plus largement, j’ai la naïveté de penser que le bien a vocation à attirer le bien, qu’il est plus fort que le mal, que même sous les traits les plus détestables, il y a toujours une once d’humanité chez tout le monde, et que globalement tant qu’il y aura un second tour à des élections, on sera tranquille. (Jordi Alba a beau être une tchouin, je ne le déteste pas au point d’espérer qu’il se fasse renverser par un bus).

Alors je me permets de demander : « putain, qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ce qui s’est déroulé hier soir, retransmis en mondovision pour que la peine n’en soit que plus grande, et le fardeau plus lourd à porter ? »

Rappel des faits : 22h quelque chose, mardi 8 mars 2017.
Après avoir esquivé le match pour assister à un spectacle à Chaillot avec femme et enfant, me reposant sans doute sur la foi inébranlable que j’ai dans mon équipe locale, en visite à Barcelone, je re-navigue à travers Paris en me forçant à ne pas regarder vers les terrasses pleines à chaque feu rouge, j’ai éteint la radio de la voiture, et je crois bien que mon téléphone est toujours en mode avion. Je n’ai fait preuve d’aucune suffisance jusqu’au jour du match, je me suis abstenu de fanfaronner type « on va les éclater même au retour », je me suis tout juste laissé aller à appeler un second match d’anthologie, avec une pluie de buts équitablement partagés.
Arrivé en bas de chez nous, le nain dort, il ne reste qu’un troquet bondé à esquiver pour rallier la maison. Je l’extrais de la voiture, le charge, et sa tête reposée sur mon épaule droite me fait dire avec un clin d’œil à ma femme qu’ainsi je ne pourrai pas voir le score à travers les baies vitrées du bar.
Ouais.

Assister à un attentat silencieux

A quelques mètres de la terrasse, la tension est palpable, je m’étonne même que le match ne soit pas encore terminé, et là, je commets l’irréparable…
Pause d’un instant, zoom et mise au point sur le bandeau du score sur l’écran le plus proche, je me dis qu’on a dû se faire expulser des joueurs, comprends à la seconde que c’est chaud les marrons mais toujours bon, petite vérification de la pendule qui annonce 94 minutes bien tassées, ballon casse-croute renvoyé en dehors de la surface parisienne, éructation d’un buveur de binouse « bien joué Marqui ! », re-ballon dans la boîte, et scène d’horreur en direct, update du score cumulé et frisson dans l’échine, l’impression d’assister à un attentat silencieux.

Mon pas suspendu un court instant reprend, je me dis que le mec devait être hors-jeu, qu’il ne faut pas que le petit se réveille ; je longe le restant de terrasse, juste assez longtemps pour entendre ça et là un fan de Barcelone, et pire, un de Marseille apparemment, se féliciter de la tournure du match, ce qui m’achève : le SIXIEME but du Barça a été validé, et Paris crée la sensation en étant la première équipe au monde à se faire sortir d’une compétition malgré un matelas de quatre buts d’avance.

La frustration est énorme, et la déception immense.

La simulation dégueulasse de Suarez

Au-delà du fait que la Champions League s’arrête pour moi dès le mois de mars, en plus une nouvelle fois contre ces fils de personne de barcelonais que je méprise au plus haut point, c’est le renversement si brutal de l’intense émotion, et génératrice de tant d’espoirs, du match aller qui me chagrine.
Cette impression d’avoir forgé des certitudes sur la bonne formule enfin trouvée par Paris, de la prise de conscience des joueurs, de leurs capacités et de leur force collective, de leur solidarité dans l’effort et de leur pic de forme physique pour voir venir les grosses échéances du printemps…. Tout cela s’est écroulé en quelques secondes.

Plus tôt dans la journée, j’avais mis en balance plein de souvenirs, entre le match à La Corogne, les choix tactiques de Fernandez et la faiblesse d’un latéral russe dont le nom m’échappe. Plus récemment la fin de saison de Lyon où ils ont fini à 8 points derrière Paris alors qu’ils étaient encore leader à huit journées de la fin.
J’imagine que face aux torrents de nouvelles horribles venant quotidiennement des quatre coins du monde, à la permanence d’informations anxiogènes distribuées par tous les supports possibles, je me suis pris à imaginer que l’improbable était néanmoins possible… Et puis j’ai repensé aux 4 passes décisives de Leonardo et au triplé de Rai un soir de fin d’été 97, sans même faire le parallèle avec l’impératif barcelonais d’hier, mais pour me rassurer sur le fait que Paris pouvait être le héros de la soirée, comme il le fut avec tant de panache et de maitrise au match aller.

Je n’ai vu que les buts depuis le coup de sifflet final, commentés par une paire de britanniques qui se demandaient en direct s’il y avait un quelconque contact sur Suarez, accusé plutôt de se « jeter au sol tout seul ». J’ai vu des stats en ligne qui racontent que Paris a fait plein de fautes et peu de passes, tout le contraire de Barcelone. On sait depuis le temps comment un adversaire du Barça au Camp Nou peut se retrouver avec un paquet de biscottes en un rien de temps, cela tient à un pressing haut et constant des locaux sur le corps arbitral, et ça s’est apparemment vérifié encore hier (voir la simulation dégueulasse de Suarez et la décision de péno suite à un signalement de l’arbitre de poteau).

Je ne méprise pas l’amour

Mes oreilles ont sifflé quand j’ai commencé à lire que Piqué avait esquivé un gros rouge au bout de 30 minutes, que Mascherano reconnaissait avoir fait faute sur Di Maria « mais que cela n’avait pas changé l’issue du match », et autres joyeusetés.
Sans même avoir vu le match, je sais et je sens que Cavani a représenté le combat et l’espoir, et que Thiago Silva a failli en tant que leader. Je garderai longtemps en tête ces quelques dernières secondes de direct durant lesquelles, au lieu de remonter sur le dégagement de Marquinhos, ils ont accepté collectivement le fait qu’il devait y avoir une dernière tentative de Barcelone, et les ont fébrilement attendus dans la surface. J’ai appris par la suite que Paris avait fait quatre passes seulement au-delà de la 85ème minute, dont trois sur des réengagements, ce qui dépasse de loin la fébrilité et laisse plutôt penser à une paralysie complète.

Le foot à ça de génial qu’il te permet d’atteindre par instants des états d’intense satisfaction, de plaisir sans filtre, et en plus de boire des pintes avec tes potes, à défaut de pouvoir aller au stade à chaque fois. Il y a trois semaines j’avais oublié pendant quelques instants que mon père se mourait depuis des mois, que j’allais avoir un autre gosse cet été, ou que la vie politique française est une immense farce depuis des années, mais qu’on est tenu d’y participer périodiquement.

A l’inverse d’Oxmo, je ne méprise pas l’amour, mais je dois reconnaître que c’est dur d’aimer encore quand on est déçu à ce point. Tel un amant trompé, je ne chercherai probablement pas à en savoir plus. Je ne regarderai pas le match que j’avais enregistré pour le regarder à froid, mais je le conserverai sans doute sans avoir le courage de l’effacer.
Mon pays est et restera Paris, mais mon pays est dévasté. Puisse ce match aider malgré tout le PSG à régénérer son effectif et favoriser l’émergence de nouveaux leaders, capables de s’assumer et de mener cette équipe vers le sommet. (Marco si tu nous écoutes, quand tu te seras remis…)

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